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tenons d'un témoin oculaire, qu'en entrant dans la chambre de ces prêtres, on commençoit par les sabrer, on les jettoit ensuite dans la rue, de la hauteur des divers étages; et ces prêtres, les bras souvent mutilés, quand ils se voyoient suspendus, par les pieds, aux fenêtres, où la férocité des bourreaux et des spectateurs aimoit à prolonger la vue et le sentiment de leurs supplices; ces prêtres se fortifioient eux-mêmes contre l'horreur naturelle d'un pareil trépas, par le signe adorable de la croix.

Ainsi périt M. Gros, ce curé si bienfaisant; il n'avoit pourtant tenu qu'à lui de se dérober à ses assassins. Sur la proposition qu'on lui en faisoit la veille, il avoit répondu : « Le peuple » sait que j'ai été conduit ici ; s'il ne me trouve » pas, il bouleversera toute la maison, et je serai » cause que ceux qui pourront s'être cachés, » seront découverts; il vaut mieux que je sois » sacrifié, et que les autres soient épargnés ». Au moment où les assassins parurent, il vit parmi eux un de ses paroissiens : « Mon » ami, lui dit-il, je vous connois; et moi aussi,

répondit l'autre, et je sais les services que » vous m'avez rendus; mais ce n'est pas ma fau»te: LANATION VEUT QUE VOUS PÉRISSIEZ». En même-temps il fit signe à ses camarades, qui l'aiderent à précipiter son bienfaiteur. Peu de temps après, on ouvrit son testament; il léguoit tout son bien aux pauvres de sa pa

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Parmi les victimes immolées à Saint-Firmin se trouve M. Moufle, vicaire de Saint-Merry. Il avoit d'abord prêté le serment; mais il fut forcé, au moment même où la persécution

paroissoit à son comble, de le rétracter et dé rendre sa rétractation publique. Son vœu le plus ardent étoit de répandre son sang, en réparation de sa foiblesse; les assassins l'exaucerent.

M. Pottier, ancien supérieur des Eudistes, à Rouen, étoit dans le même cas. Il avoit d'abord prêté le serment. Sa réputation séduisit et le peuple, et beaucoup d'ecclésiastiques. Dieu ne permit pas que l'illusion fût longue. Dès le troisieme jour de sa chûte, M. Pottier se releva. En homme courageux, il donna toute la solemnité possible à sa rétractation. Les ouvrages coulerent de sa plume, pour fortifier les foibles qu'il avoit ébranlés, pour ramener les ignorans qu'il avoit égarés. La persécution le chassa vers Paris; il y fut un apôtre. Les prêtres accouroient à ses discours, sur-tout à ses retraites spirituelles, qu'il donnoit pour les préparer tous, et pour se disposer lui-même à la mort. Il la souffrit en prêchant la foi à ses assassins jusqu'au dernier moment, et en leur pardonnant.

A Saint-Firmin étoit, ainsi qu'aux Carmes, un de ces pieux laïques qui, au milieu du monde, et même dans la profession des armes, ont su conserver leur ame pure, des vices et de la contagion du siecle. Après avoir été, pendant quarante ans, l'admiration de ses freres d'armes, M. Jean-Antoine-Joseph Villette, capitaine au régiment de Barrois, s'étoit retiré dans ce séminaire pour y passer le reste de ses jours dans les exercices de la vie la plus religieuse. Il y étoit depuis six ans, et vivoit avec toute la ferveur d'un homme qui ne pense qu'à se sanctifier. La priere, les oeuvres de charité, les lectures pieuses, les méditations

saintes, avoient mûri son ame pour le ciel. Lors de l'invasion du séminaire, on lui dit qu'il pouvoit demander sa liberté, avec la certitude de l'obtenir; mais ce vénérable militaire répondit à cette proposition, comme M. de Valfont l'avoit fait aux Carmes : je m'en garderai bien, je suis trop heureux d'être ici. Il se prépara plus spécialement à la mort, en recevant, chaque jour, la communion, pendant les trois semaines de sa captivité. Modele de piété pendant sa vie, il en fut un de fermeté et de constance, sous le glaive des as

sassins.

M. l'abbé Hauy, connu par ses travaux sur la minéralogie, avoit aussi été enfermé à St. Firmin. L'honneur de partager le sort de ses confreres lui étoit plus précieux que son titre d'académicien; aussi s'étoit-il bien gardé de le faire valoir. Mais si les sollicitations de l'académie des sciences obtinrent son élargissement, le peu d'empressement qu'il fit paroître à profiter de sa liberté, prouva qu'il savoit apprécier la gloire dont on le privoit.

Le bruit courat, peu de temps après le mas sacre, que quelques prêtres qui avoient succombé sous les coups des assassins, n'ayant pas reçu des blessures mortelles, avoient été rendus à la société; mais ce fait s'accorde mal avec l'acharnement des meurtriers, et sur-tout des femmes dont nous avons parlé plus haut. Leur rage sanguinaire n'étoit pas assouvie par les assommoirs dont elles se servoient pour arracher ce qui pouvoit rester de vie aux victimes jeitées par les fenêtres; on les voyoit monter et trépigner sur ces cadavres encore palpitans, et commettre sur eux des horreurs

que la plume se refuse d'écrire. Et lorsqu'on les eût entassés dans des tombereaux, moins, ce semble, pour leur donner la sépulture que pour continuer à les outrager, on les vit, ces femmes cannibales, ajouter à l'horreur du convoi montées sur ces tombereaux, elles mutiloient les corps de la maniere la plus barbare, et montroient aux passans, des membres tronqués, en criant vive la nation!

Elles sembloient vouloir démontrer que ce sexe supérieur aux hommes en sensibilité, quand il suit la nature, sait aussi vaincre les bourreaux même, en cruauté, quand il s'égare dans sa haine et se livre à des passions exaltées.

Les théâtres de sang s'étoient multipliés dans Paris. On égorgeoit à la Conciergerie, on égor geoit aux Bernardins, au Pont-au-Change, à Bicêtre, on égorgeoit à la Force. Il n'entre pas dans le plan de nos Annales d'entrer dans le détail de tous ces massacres. Nous savons seulement que là périrent MM. Bertrand, frere de l'ex-ministre, Lagerdette, Bottex, curé da diocese de Lyon, et un vicaire d'un autre diocese. Les circonstances de leur mort violente, sont les mêmes que celles que nous venons de décrire. Nous ne croyons pas nécessaire d'en rappeller, de nouveau, les affreux détails.

Ayant le projet de publier dans ce journal tous les traits de courage, de patience et de résignation des martyrs du 2 septembre, pour servir un jour à l'histoire de l'église de France, nous invitons toutes les personnes qui auroient, sur ces événeinens, plus de renseignemens que nous, de nous les communiquer; de ne pas

omettre les noms des héros chrétiens dont le sang a coulé, dans ces déplorables journées, et sur-tout de nous faire connoître les conversions opérées dans les prisons. Ils voudront bien se souvenir que rien ne peut nous par venir sans être affranchi, et que nous n'ajou tons foi qu'à ce qui est.revêtu de signatures authentiques.

LITTÉRATURE.

TABLEAU moral de Paris.

Nous sommes trop convaincus qu'il n'y a rien de commun entre la vie chrétienne et la vie du théâtre, pour entretenir des lecteurs chrétiens du succès ou de la chûte d'une piece nouvelle; mais ce qui n'est pas étranger à Pétude des hommes, à la connoissance de l'esprit public, ne sauroit être déplacé dans ces Anuales; et sous ce rapport l'on n'y lira pas sans intérêt les vers suivans qui caractérisent bien l'esprit de cupidité qui dévore les ames, et qui multiplie, chaque jour, dans Paris, les victimes d'un agiotage sans pudeur comme sans bornes. Ces vers sont extraits d'une piece intitulée l'Agioteur; car dans ce siecle d'indifférence religieuse et morale, le monde ya rire, le soir, au spectacle, des vices qu'il he rougit plus de pratiquer dans le jour!

Quelles mœurs ! juste ciel ! que celles de notre âge! On a la soif de l'or, cette soif est la rage.

On n'entend plus qu'un cri, qu'un mot de ralliment;
Enrichissons-nous tous, et gagnons de l'argent.
L'état est en danger, on joue à sa ruine,
On spécule sur tout, jusques sur la famine;

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