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les sauver. J'allois périr comme eux. Le → brave Monnot s'est placé devant moi; il a ouvert sa poitrine, et a dit:

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>> Voilà, concitoyens, la poitrine qu'il faut frapper avant d'aller jusqu'à celle de ce bon »citoyen. Vous ne le connoissez pas. Mes amis! » vous allez le respecter, l'aimer, tomber aux pieds de cet homme sensible et bon, quand » vous saurez son nom. C'est le successeur de » l'Abbé de l'Epée, l'Abbé Sicard. Le peuple » ne se calmoit pas. Il croyoit qu'on vouloit, » sous mon nom, sauver la vie d'un traître. » J'ai osé m'avancer moi-même, et, monté » sur une estrade, parler au peuple, n'ayant » pour toute défense que le courage de l'in>>nocence, et ma confiance ferme dans ce peuple égaré.

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J'ai dit mon nom et mes fonctions. Je me suis prévalu de la protection spéciale de » l'Assemblée Nationale en faveur de l'ins>titution des sourds-muets et du chef de cette » institution. Des applaudissemens réitérés ont » succédé à des cris de rage. J'ai été mis par » le peuple lui-même sous la sauve-garde de » la loi, et accueilli comme un bienfaiteur de » l'humanité par tous les commissaires de la » section des Quatre-Nations, qui doit être si glorieuse d'avoir des Monnot dans son sein.

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Permettez, Monsieur le président, que je confie, à l'assemblée nationale, le témoignage de ma reconnoissance pour don»ner à une action aussi généreuse la plus grande publicité possible. Une nation chez laquelle des citoyens tels que ceux à qui je dois la vie, ne sont pas rares, doit être » invincible. Raconter de pareils actes d'hé» foïsme

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» roïsme est remplir un devoir. Les sentir » sans pouvoir exprimer l'admiration qu'ils » excitent, et ne les oublier jamais, c'est » l'état de mon ame, plus satisfaite de vivre » avec de pareils citoyens, que d'avoir échappé » à la mort ».

Je suis, etc.

Al'Abbaye St.-Germain, le 2 septembre

2792.

Cette lettre fut apportée au président de P'Assemblée Législative par un des concierges de l'Abbaye. Elle fut lue publiquement, et suivie d'un décret, qui déclaroit que Monnot, pour avoir sauvé l'instituteur des sourds-muets, avoit bien mérité de la patrie. On m'envoya trois copies de ce décret, une pour mon libérateur, une pour le comité de la section, une pour moi (1).

(1) Décret de l'Assemblée Nationale, du a septembre l'an quatrième de la liberté.

2792,

Un secrétaire lit une lettre de M. Sicard, instituteur des sourds-muets, détenu à l'Abbaye de SaintGermain-des-Prés; il dépose dans le sein de l'Assemblée le danger qui vient de menacer ses jours, le dévouement héroïque de M. Monnot, horloger, qui a exposé sa vie pour le sauver, et la reconnoissance profonde qu'il sent pour son généreux libérateur.

L'Assemblée Nationale reconnoît solemnellement qué le citoyen Monnot a bien mérité de la patrie, et décrète qu'un extrait du procès-verbal lui sera envoyé. Collationné à l'original, par nous, président et secré taires de l'Assemblée Nationale, à Paris, le 27 septembre 1792, l'an 4e. de la liberté.

HÉRAULT, président. GOSSELIN, G. ROMME, secrétaires. C

Le comité étoit alors rassemblé; on massacroit sous ses fenêtres, dans la cour de l'Abbaye, tous les prisonniers qu'on alloit chercher dans la grande prison, et les membres du comité délibéroient tranquillement et sans se troubler, sur les affaires publiques, et sans faire aucune attention aux cris des victimes. dont le sang ruisselloit dans la cour. On apportoit sur la table du comité les bijoux, les portefeuilles, les mouchoirs, dégoûtans de sang, trouvés dans les poches de ces infortunés. J'étois assis autour de cette même table; on me vit frémir à cette vue; le président (le citoyen Jourdan), témoigna le même sentiment; un des commissaires nous adressant la parole: Le sang des ennemis, nous dit-il, est pour les yeux des patriotes l'objet qui les flatte le plus. Le président Jourdan et moi ne pûmes retenir un mouvement d'hor

reur.

Un de ces bourreaux, les bras retroussés, armé d'un sabre, fumant de sang, entre dans l'enceinte où délibéroit ce comité : « Je viens >> vous demander pour nos braves frères d'ar» mes qui égorgent tous ces aristocrates, » s'écric-t-il, les souliers que ceux-ci ont à leurs

pieds. Nos braves frères sont nuds-pieds, et » ils partent demain pour les frontières. Les » délibérans se regardent, et ils répondirent » tous à la fois : rien n'est plus juste, Ac» cordé ».

La suite au numéro prochain.).

TABLEAU religieux et moral de Paris.

Si l'on jugeoit de Paris sur les apparences, l'on diroit d'une nouvelle Babylone, sans religion et sans Dieu. La multitude vit en général dans l'oubli de tous les cultes, et l'esprit d'un funeste épicuréisme semble s'emparer de toutes les ames. On veut jouir. Voilà le terme de tous les voeux, de toutes les ambitions. Et comme on ne jouit des biens de la vie sans richesses et sans erédit, c'est à qui s'enrichira, c'est à qui intriguera, c'est à qui s'emparera du timon de la fortune, au risque d'en être écrasé. Delà cet agiotage sans bornes, comme sans pudeur, qui pervertiroit bientôt les mœurs nationales, et substitueroit à la loyauté française la déloyauté punique, si le gouvernement n'arrêtoit un tel scandale. Cependant les ambitieux de toutes les classes ont devant eux de terribles exemples de l'instabilité de ces biens, dont ils se montrent si avides. Ce qui devroit les instruire les aveugle. La facilité de parvenir ouvre devant eux une si vaste carrière, que leur amour propre n'y résiste point. On veut s'élever à tout prix, et on ne songe pas à cette leçon d'Horace, si vraie sur-tout, en temps de révolution : que le sommet des montagnes est plus près de la foudre, que le fond des humbles vallées. Je me trompe; il est des hommes assez philosophes pour y songer, et pour régler sur cette maxime leur conduite politique; mais il n'en sont ni plus religieux mi

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plus moraux pour cela. Leur prudence est celle d'Aristipe; leur ambition celle de la volupté! Toutes les secousses de la révolution n'ont produit, à l'égard de ces ames blâsées sur tous les sentimens généreux et sublimes, que le desir de vivre ignorés au sein des faux plaisirs; hommes vraiment incurables dans le mal, et dont toute la philosophie se réduit à cet axiome, qu'ils déclarent être le résultat de toute leur expérience: Mangeons et buvons, car demain nous ne serons plus. Cette morale devient épidémique. Du pain et des spectacles; quand il ne manque ni de l'un ni de l'autre, le vulgaire est satisfait, il croit avoir gagné un jour.

Ce ne sont point là cependant tous les habitans de cette vaste cité. Il se forme des ames d'élite pour le Ciel, lorsque la multitude se rend ses peines et ses plaisirs également infructueux pour une vie meilleure. Il s'est fait plusieurs conversions éclatantes dans les prisons, et celle de l'H**** n'est pas des moins mémorables. Plusieurs riches devenus pauvres ont embrassé avec ardeur la Croix de Jésus-Christ. Des savans sont devenus des Cenobites; on voit des prêtres vivre avec résignation, comme St. Paul, du travail de leurs mains. La plupart des religieuses n'ont pas d'autre ressource, et elles glorifient Dieu de leur misère. Enfin l'Eglise de Jésus-Christ éprouve de grandes consolations au milieu de grandes pertes.

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