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Corinthe, est de tous celui qui a causé le plus de maux : la division ou le schisme. Nous allons donc entendre la parole chrétienne en face du premier schisme: elle tombera de haut, de la chaire même de saint Pierre, des lèvres du troisième successeur du chef de la hiérarchie, le pape saint Clément sa première Épître aux Corinthiens fera le sujet de notre prochaine Leçon.

PREMIÈRE ÉPÎTRE DE SAINT CLÉMENT AUX CORINTHIENS. 115

SIXIÈME LEÇON

La parole évangélique développe les principes de la constitution de l'Église au sein des premières communautés chrétiennes. - Première Épître du pape saint Clément aux Corinthiens. Le schisme et l'unité. — L'unité de doctrine, caractère essentiel du christianisme. L'unité de doctrine est sauvegardée dans l'Église par l'unité hiérarchique. Motifs de l'intervention de saint Clément dans les troubles qui agitent l'Église de Corinthe. Situation religieuse et morale de la Grèce à l'origine de la prédication évangélique.. Résistance opiniâtre que rencontre saint Paul dans l'orgueil des Grecs et dans leur corruption morale.

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Triomphes de l'Apôtre.

miers symptômes de division dans l'Église de Corinthe.

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PreLe schisme éclate vers

la fin du premier siècle. L'intervention du pape saint Clément prouve la suprématie du siége de Rome.

Messieurs,

En passant de l'Épître de saint Barnabé à la première Lettre du pape saint Clément aux Corinthiens, nous sommes amenés à envisager l'éloquence chrétienne sous une nouvelle face. A une controverse purement dogmatique va succéder une question d'ordre social et de gouvernement. Si les idées étroites et charnelles des chrétiens judaïsants mettaient en péril l'intégrité de la doctrine, l'esprit de révolte ébranlait la constitution de l'Église. Or, soit qu'on cherchât à défigurer le dogme ou qu'on vînt à s'attaquer à la hiérarchie, le christianisme courait un égal danger; et c'est assurément une chose digne d'attention que de voir se produire, dès son origine, les deux forces ennemies qui agiteront son histoire : le schisme et l'hérésie.

Pour bien comprendre à quel point toute tentative de schisme ou de révolte devait soulever contre elle le sens chrétien des premiers siècles, il suffit de se faire une idée exacte du christianisme, de son caractère et de sa mission. De ce point de vue nous saisirons dans sa plus haute signification l'Épître que nous étudions, et qui est sans contredit

un des chefs-d'œuvre de l'éloquence chrétienne dans les Pères apostoliques.

Or, si le christianisme a un sens doctrinal ou historique, il ne saurait être que la restauration complète du plan primitif de l'humanité. C'est là évidemment son but et sa raison d'être. Cela posé, il n'est pas moins évident que Dieu, en créant la famille humaine, a établi pour ses divers membres l'unité d'origine, l'unité de nature et l'unité de destinée. Cette triple identité donne au genre humain sa forme essentielle. Mais si tous les hommes ont la même origine, la même nature et la même fin, il s'ensuit clairement qu'un seul et même lien les rattache à Dieu, qu'ils doivent tendre vers lui par la même voie, en d'autres termes, que l'unité religieuse est la condition normale de l'humanité. On conçoit pour elle la division des territoires, la division des nationalités, la division des races. Ce brisement de l'unité matérielle, ce partage territorial du genre humain est un fait nécessaire, inhérent à la nature même des choses, parce que les intérêts matériels étant variables à l'infini, suivant les temps et les lieux, ont dû engendrer naturellement une foule de situations diverses, partant fractionner l'humanité en un nombre indéfini de nationalités distinctes, d'États, d'empires. Mais au-dessus de cette multiplicité d'intérêts temporels qui nous divisent, il est un intérêt unique qui est le même pour tous les hommes, c'est l'intérêt religieux. Nous ne naissons pas tous à la fois sur un seul point, ni dans les mêmes conditions civiles et politiques; mais nous sommes tous appelés à la vérité qui est une, à la perfection morale qui ne change pas; et par conséquent ce qui ne se conçoit pas, ou du moins ce qui ne se conçoit pas autrement que comme le fait de l'homme, fait coupable et insensé, c'est la division religieuse au sein de l'humanité. Voir dans la pluralité des religions un fait normal et régulier, c'est détruire le caractère de la vérité qui toujours et partout est identique à elle-même, c'est établir entre Dieu et les hommes une variété de relations contra

dictoires, c'est nier Dieu et la vérité tout ensemble. Si donc il est une chose démontrée par l'unité de la race humaine, par l'identité d'origine, de nature et de destinée qui relie entre eux ses divers membres, c'est que l'unité de religion entrait nécessairement dans le plan primitif de l'humanité.

Cette unité s'est brisée par le fait de l'homme, de son ignorance et de ses passions. De là cette multitude de systèmes religieux, de croyances, de cultes qui divisaient l'ancien monde. C'était une déviation manifeste du plan providentiel. Le Christ est venu ramener le genre humain à l'unité religieuse et morale, à l'union des intelligences par une seule et même foi, et à l'union des cœurs par la charité. Rétablir dans leur intégrité primitive les rapports des hommes avec Dieu, de telle sorte qu'un symbole unique, embrassant toutes les croyances nécessaires à l'homme, qu'un symbole uniforme et invariable comme la vérité reliât tous les esprits entre eux et à Dieu; que ce symbole, commun à tous, étendît à toutes les contrées, à toutes les nationalités, à toutes les races, la grande communion des esprits; et qu'après avoir cimenté l'union des intelligences, ce symbole immuable et fécond, se réfléchissant dans les cœurs, établît, à côté de la grande communion des esprits, la grande communion des cœurs : tel était le sens de la mission du Christ. De cette manière le genre humain parti de l'unité revenait à l'unité. C'était la restauration complète du plan divin.

Que telle ait été l'idée fondamentale de l'Homme-Dieu, tout l'Évangile le prouve. Il suffit de lire le discours de la Cène, ce testament doctrinal de Jésus-Christ, pour l'y retrouver sous la forme la plus touchante, celle d'une prière suprême. « Père saint, faites qu'ils soient un, comme vous êtes en moi et comme je suis en vous, qu'ils soient de même un en nous, qu'ils soient consommés dans l'unité, ut sint consummati in unum'. » Voilà le dernier vœu du Sauveur,

1. S. Jean, XVII, 21 et ss.

le but même de sa mission : l'union des esprits et des cœurs, l'unité religieuse et morale, la restauration du plan primitif de l'humanité. Si, en effet, je cherche dans saint Paul le commentaire de ces magnifiques paroles, voici l'énergique remontrance que j'y trouve : « J'entends dire, écrivait-il aux Corinthiens', qu'il y a des contestations parmi vous. Je vous conjure, mes frères, au nom de JésusChrist Notre-Seigneur, de ne pas souffrir de schismes parmi vous, mais d'avoir tous un même langage, de vous tenir parfaitement unis dans une seule et même pensée et dans les mêmes sentiments... Est-ce que Jésus-Christ est divisé ? >> En écrivant aux Éphésiens, il fait ressortir avec plus de force encore ce caractère d'unité inhérent au christianisme : « Vous ne faites tous qu'un même corps et un même esprit, comme vous avez tous été appelés dans une même espérance. Il n'y a qu'un Seigneur, qu'une foi et qu'un baptême 2... » Il est impossible d'exprimer d'une manière plus vive et plus saisissante cette conformité essentielle de langage, de pensée, de sentiment, de foi, de culte. Pour que le christianisme réponde à l'idée de son fondateur, il faut, selon l'Apôtre, qu'une même foi, una fides, un symbole identique et invariable, embrassant à la fois dans son immortelle unité toutes les contrées, tous les peuples et toutes les races, devienne le ciment indestructible de la grande cité des intelligences. Par là, le genre humain sera rendu à son unité religieuse et morale, et le christianisme aura accompli sa mission.

Mais ce symbole, principe de l'unité religieuse et morale du genre humain, à qui le confier? aux lumières et à la raison de chaque homme? Dans ce cas, l'unité devient impossible; car s'il est un obstacle à la réunion des intelligences, c'est précisément la raison individuelle. Rien n'est plus facile à concevoir. La raison individuelle n'est pas une comme Dieu, elle n'est pas une comme la vérité; elle est

1. Ire aux Corinth., 1, 10 et 11.

2. Épit. aux Éphés., IV, 4 et 5.

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