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serais de votre attention si je prolongeais ce parallèle jus qu'au terme où l'étude comparative des deux livres me permettrait de le pousser : tel qu'il s'est offert à nous, il me paraît suffisant pour nous autoriser à conclure qu'il existe entre les Visions d'Hermas et le quatrième livre d'Esdras de nombreux traits de ressemblance, que l'analogie est trop forte pour qu'on puisse y voir seulement un effet du hasard, partant, que l'un de ces deux écrivains a dû avoir en vue le travail de l'autre. Quant à la question de savoir où est l'œuvre originale, où l'imitation, elle me paraît insoluble en l'absence de toute donnée chronologique tant soit peu certaine.

Nous venons d'étudier les Visions d'Hermas en ellesmêmes et dans leur rapport avec les écrits du même genre. Or, comme nous l'avons vu, l'enseignement symbolique que renferme la première partie du Pasteur, forme un tout à peu près complet. La réforme de l'individu et de la famille, les destinées de l'Église et ses luttes avec le monde : tel est le cadre .qu'elle embrasse. Sans nul doute le fond de la doctrine est irréprochable; et s'il était démontré par le fait que l'ouvrage eût le privilége de l'inspiration divine, on ne trouverait rien dans les Visions elles-mêmes qui pût infirmer ce sentiment. Mais les preuves de fait manquent absolument; et quoi qu'en ait dit Mosheim, Hermas pouvait fort bien, sans commettre de fraude, donner à son livre la forme d'une apocalypse. Assurément cette forme peut nous sembler étrange, bien que dans les deux premiers siècles elle soit • plus ordinaire qu'on ne le pense communément. D'une part, elle se rattache au symbolisme prophétique des livres inspirés, de l'autre elle se prolonge dans la poésie légendaire du moyen âge, pour se prêter au génie de Dante dans la grande épopée catholique du XIIIe siècle. Ce serait, à mon avis, manquer à la fois de tact et de coup d'œil que de vouloir assimiler le Pasteur d'Hermas à une composition poétique: il n'y a rien dans cet ouvrage qui trahisse une préoccupation de ce genre. Il n'est pas moins vrai de dire

que cette prédication morale qui revêt toutes les teintes d'une imagination forte et sévère, est une des œuvres les plus hardies, les plus largement conçues du symbolisme chrétien dans l'éloquence. Avant d'asseoir un jugement complet sur ce monument original de la littérature des deux premiers siècles, il faut que nous parcourions d'abord le reste de l'ouvrage, c'est-à-dire les Préceptes et les Similitudes.

TREIZIÈME LEÇON

Théorie morale des Préceptes ou de la deuxième partie du Pasteur d'Hermas. — L'idée de pénitence en fait le fond. Le christianisme cherche avant tout à opérer la réforme morale dans l'individu, source de toute amélioration dans la société. Sans la pénitence, ou le changement complet de l'âme, tout progres véritable n'est qu'une chimère. Tentatives parallèles de Socrate et du Portique.- Nécessité d'un secours surnaturel pour accomplir la loi morale dans toute son étendue. - Résumé des Préceptes d'Hermas. - Caractère de sa doctrine morale. Elle n'est selon les Pères qu'une initiation à la loi évangélique; Eusèbe et saint Athanase. entre les douze Préceptes d'Hermas et le livre apocryphe des douze Testaments des patriarches. Beautés littéraires de ce dernier ouvrage. tique.

Messieurs,

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Rapports

Son importance dogma

En suivant la route que l'éloquence chrétienne a ouverte devant nous dans les deux premiers siècles, nous sommes venus toucher au Pasteur d'Hermas. L'étendue relative de cette œuvre, son originalité, la célébrité dont elle a joui dans le premier âge du christianisme, nous ont fait un devoir de lui consacrer une attention sérieuse. Comme nous l'avons vu, le Pasteur d'Hermas est un traité de morale chrétienne sous forme de révélation ou d'apocalypse. Ce caractère particulier se manifeste surtout dans la première partie de l'ouvrage intitulée les Visions. En parcourant l'un après l'autre les quatre actes de ce drame apocalyptique, qui embrassent la pureté intérieure, la discipline domestique, les destinées de l'Église et ses luttes avec le monde, nous avons constaté leur analogie avec les prophéties de David ou d'Ézéchiel et l'Apocalypse de saint Jean. C'est, en effet, dans ces diverses parties de l'Écriture sainte que le symbolisme religieux trouve sa plus haute expression, et par suite, il semble tout naturel d'y rattacher, comme à son modèle ou à sa source, toute œuvre postérieure qui revêt un caractère semblable. Mais de plus, et sans vouloir chercher dans le Pas

teur d'Hermas aucune trace de préoccupation artistique, nous avons dû faire remarquer l'air de parenté qu'il offre avec le grand monument poétique du symbolisme chrétien, la Divine Comédie de Dante. Le moraliste et le poëte emploient également la forme apocalyptique pour dramatiser les vérités de la foi. Ces traits de ressemblance entre deux ouvrages si dissemblables au fond n'ont rien qui doive nous surprendre, puisqu'on a pu dire du grand Alighieri qu'il était le théologien des poëtes et le poëte des théologiens.

Si nous passons à présent des quatre Visions d'Hermas à la partie plus proprement didactique de l'ouvrage, c'està-dire aux douze Préceptes, la différence nous paraîtra sensible. Ce n'est pas qu'il n'existe entre les unes et les autres aucun point de contact le livre conserve du commencement à la fin la forme d'une révélation. Les Préceptes ne sont que le prolongement des Visions et leur développement moral. L'ange de la pénitence qui se présente à Hermas sous les traits d'un pasteur, lui dicte une série de préceptes qui forment un abrégé de la morale chrétienne.

Avant d'analyser en détail cette deuxième partie du Pasteur d'Hermas, il importe de bien saisir l'idée capitale qui lui sert de base et de point d'appui. Or, l'idée qui explique et résume toute la théorie morale des Préceptes, c'est l'idée de pénitence : c'est en qualité de héraut de la pénitence que l'ange révélateur se présente à Hermas; c'est la pénitence que l'écrivain apostolique doit prêcher à l'Église. Là est le but et le sens de son livre. Là-dessus, je dois vous faire remarquer que ce mot de pénitence, emprunté à la langue latine, n'exprime peut-être pas toute l'énergie de l'idée qu'il est destiné à rendre; par sa force étymologique, il ne saisit, à proprement parler, qu'une face de la pénitence, le repentir. Sur ce point, la langue grecque est bien plus expressive. Le mot petavola, qu'elle emploie à cette fin, signifie changement de l'âme, réforme de l'intérieur, renouvellement moral. C'est en cela que consiste le véri

table caractère de la morale chrétienne. Retourner l'âme humaine, et par ce changement d'idées, de sentiments, de mœurs dans l'individu, amener un changement parallèle et plus vaste dans la société : telle est la marche qu'elle a constamment suivie dans son action réformatrice. C'est à l'âme qu'elle s'adresse directement; et c'est par l'âme régénérée, retrempée, qu'elle étend son influence à tous les éléments de la société humaine.

Cette notion de la morale évangélique est très-simple; et pourtant, je dois le dire, elle est peu comprise de nos jours. Bien des écrivains, qui se croient de profonds penseurs, ne voient dans le christianisme qu'un grand fait civilisateur, le principe d'une révolution sociale qui a dû répandre parmi les hommes un plus grand vernis de politesse, des mœurs plus adoucies, un droit civil et un droit des gens plus conformes à l'équité : en un mot, ce qu'on est convenu d'appeler aujourd'hui la civilisation. Aussi se sentent-ils singulièrement désappointés en ne trouvant dans l'Évangile ni déclaration des droits de l'homme, ni constitution sociale, ni charte politique, et en place de tout cela, qu'un appel incessant à la pénitence. Ce fait leur semble étrange. Ils ont peine à rattacher la conséquence au principe, et à s'expliquer comment la transformation de la société humaine a pris son point de départ dans une réforme morale. Je vois d'ici tel écrivain, historien éminent d'ailleurs, qui refuse à la morale évangélique l'honneur complet d'avoir aboli l'esclavage, parce qu'avant de procéder à l'émancipation des esclaves, le christianisme a commencé par proclamer des principes et faire naître des vertus qui devaient amener ce résultat par la force des choses. Nous sommes tellement préoccupés à notre époque de réformes sociales et de changements politiques, que nous comprenons difficilement la sagesse de ce procédé, qui fait de l'âme humaine, éclairée et purifiée, le foyer de toute amélioration. Et cependant, c'est là qu'est la force et la vérité. Si, en ne faisant qu'effleurer l'âmé humaine au lieu de la retour

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