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étant plus enveloppé, se prêtait mieux à des conjectures hasardées. Parmi les critiques allemands, les uns ont prétendu y découvrir l'incarnation du Saint-Esprit'; d'autres l'hérésie des Anti-Trinitaires 2; ceux-ci, l'Ebionitisme; ceux-là, la négation de la divinité du Christ'. D'autre part, un bien plus grand nombre se sont chargés de défendre l'orthodoxie d'Hermas sur ce point, et rien n'est plus facile. Permettez-moi, Messieurs, de le faire en peu de mots. Vous vous rappelez la parabole que je viens de résumer : voici le sens dogmatique qu'y trouve le Pasteur. Le maître de la vigne, c'est Dieu le Père; le serviteur, le Fils de Dieu; la vigne, l'humanité rachetée par son sang et éclairée par sa doctrine. Le Fils a pris un corps pour travailler dans la vigne de son père, et le Saint-Esprit a été répandu dans ce corps, où Dieu devait habiter. Il est évident qu'il s'agit ici de l'infusion de la grâce divine dans l'humanité du Christ, et non d'une incarnation de l'Esprit saint; sinon, il faudrait conclure que l'Esprit saint s'incarne dans chaque chrétien, parce que l'Écriture répète en beaucoup d'endroits qu'il habite en nous. La nature humaine du Christ ayant obéi fidèlement à la grâce qui était en elle ou à l'Esprit saint, a reçu sa récompense et participe à la gloire divine. Il n'y a rien dans tout cela qui ne soit parfaitement orthodoxe; et s'il était possible de tirer un argument bien clair d'un texte obscur, il en résulterait un témoignage en faveur de la distinction réelle des trois personnes en Dieu. Un seul fait peut sembler étrange, c'est que le Saint-Esprit soit comparé au Fils de la parabole, mais sans compter que cette locution ne se rencontre ni dans le manuscrit du mont Athos, ni dans

1. Baur, Doctrin. de la Trinité, t. I, 136.

2. Hilgenfeld, les Pères apostoliques, 146 et 147.

3. Schwegler, Du Montanisme, 159.

4. Gieseler, Hist. ecclés., I, 152.

5. Moehler, Athanase, t. I, 17; Jachmann, le Pasteur d'Hermas, 70; Schliemann, les Clémentines, 423; Héfélé. les Pères apostoliques, p. 386 et seq.; Dorner, Christologie, édit. 2o, p 193-200. Ce dernier me paraît avoir le mieux saisi le sens du Pasteur,

celui du Vatican; c'est l'écueil des Similitudes, de paraître moins exactes en devenant trop subtiles.

Je ne ferai qu'indiquer rapidement les autres paraboles, parce que l'analyse des précédentes aura suffi pour vous faire connaître le caractère et la forme de cet enseignement moral. Nous avons vu que l'idée de pénitence est le point central qui ramène à l'unité toutes les parties de l'ouvrage. C'est à elle que se rapportent directement les deux Similitudes suivantes. Deux bergers s'offrent à Hermas, ayant chacun sous leur conduite un troupeau. Le plus jeune des deux, revêtu d'une robe élégante, menait paître le sien qui bondissait de joie. L'autre, couvert d'une peau de chèvre, une verge à la main, s'engageait au milieu des ronces et des épines. L'ange montre à Hermas dans l'un, le pasteur de la volupté qui entraîne une partie des serviteurs de Dieu au milieu des délices de la vie, dans l'autre, le pasteur de la pénitence qui leur inflige dès ce monde toute sorte de châtiments. Hermas lui-même a été livré pour un temps à ce bras vengeur, parce qu'étant le chef de sa famille, il n'en a pas réprimé les désordres. Les dernières Similitudes retombent dans le genre des Visions. L'ange lui désigne un saule immense dont le prince de la milice céleste, saint Michel, coupait des branches qu'il distribuait à la multitude. Tous venaient les lui rapporter, et l'archange faisait entrer dans une vaste tour ceux qui avaient conservé leurs branches vertes et qui les montraient ornées de bourgeons ou de fleurs ; les autres étaient renvoyés. Les premiers figuraient les justes; les derniers, les pécheurs. Mais, après que le pasteur de la pénitence eut planté et arrosé les branches qui s'étaient flétries ou fendues, il s'en trouva parmi elles qui reverdirent image de la pénitence qui rend la vie aux âmes flétries par le péché. Une dernière image succède à celle-ci : les catégories de justes et de pécheurs, d'élus et de réprouvés, figurées par les diverses branches de saule, sont exprimées derechef par différentes espèces de pierres, dout

les unes servent à la structure de l'Église, tandis que les autres ne conviennent pas à l'édifice. Malgré les vastes proportions qu'Hermas donne à cette neuvième Similitude, et la variété d'épisodes qu'il y sème, elle n'est que le développement de la troisième Vision dont nous avons fait l'analyse. Elle ramasse en quelque sorte tout l'ouvrage dans une vision gigantesque qui représente, sous la forme d'une construction matérielle, le progrès et le terme de cette immense société qu'on appelle l'Église. Après qu'Hermas a couronné son livre par cette Similitude qui le résume, le grand envoyé, c'est-à-dire le Fils de Dieu lui-même, apparaît au moraliste pour lui ordonner d'en propager la doctrine; puis il le quitte, après l'avoir confié à la garde du pasteur de la pénitence et des douze vierges qui figurent les vertus évangéliques.

Tel est, Messieurs, cet antique monument de l'éloquence chrétienne qu'on a intitulé le Pasteur d'Hermas. Nous ne pouvions passer à côté de lui, dans cette marche que nous poursuivons à travers les deux premiers siècles, sans l'examiner de près et dans les détails, car de vagues généralités ne suffisent pas pour rendre compte d'une œuvre. De première vue, il paraît isolé au milieu de ce groupe d'écrits qui forme la littérature de l'âge postérieur aux apôtres : rien ne lui ressemble, son aspect est singulier, étrange même. Mais pour peu qu'on l'envisage dans ses rapports avec ce qui l'a précédé ou suivi, son caractère se dévoile, et il offre lui-même la clef qui aide à pénétrer dans ses mystérieuses profondeurs. Le disciple de saint Paul ou tout autre écrivain qui est l'auteur du livre, cherche à provoquer dans l'individu, dans la famille, dans la société religieuse tout entière, cette réforme morale qui, dans la langue chrétienne, s'appelle la pénitence. Tel est le but et l'idée mère de son livre. Cette idée, il la puise dans les Visions, il la poursuit dans les Préceptes, il la reproduit sous le voile des Paraboles ou des Similitudes; et l'on ne signalerait aucune partie qui ne s'y rattache, comme à son principe ou à son terme. Par

là, cette trilogie didactique trouve son unité et forme un tout organique et complet. Ce n'est pas la pénitence comme sacrement de la loi nouvelle que le Pasteur envisage dans ce traité de discipline morale; il la considère comme une vertu générale devant préparer l'homme à rentrer en grâce auprès de Dieu. Il côtoie certaines faces de la vie chrétienne plutôt qu'il ne les aborde de front. De là, ce caractère d'imperfection relative qu'on a cru découvrir dans son enseignement, et dont le motif s'explique par le but qu'il se propose, de retirer l'homme d'une vie de désordres pour l'initier par degrés à une vie plus pure. A cet effet, il choisit une forme originale, qui peut nous surprendre, mais qui ne laisse pas d'avoir sa raison d'être et même sa beauté. Adoptée par l'Esprit saint dans quelques parties de l'Écriture, la forme apocalyptique s'est prolongée dans les premiers siècles chrétiens. Sans compter les nombreuses apocalypses qui ont surgi de tous côtés, et auxquelles sans contredit les hérétiques ont pris la plus grande part, le ive livre d'Esdras, composé par un chrétien du er ou du n° siècle, suffirait pour faire pendant à l'ouvrage d'Hermas. Cette forme apocalyptique devint pour plusieurs un procédé ou une méthode d'enseignement dogmatique et moral. De cette manière, on peut expliquer le caractère particulier du Pasteur, sans lui concéder le privilége de l'inspiration divine ni lui adresser le reproche d'imposture. L'Église lui apparaît sous l'image d'une tour à plusieurs étages, comme elle est figurée dans les monuments de l'art chrétien. C'est un symbolisme usité pour exprimer les vérités de l'ordre surnaturel et les rendre sensibles. En résumé, le Pasteur d'Hermas mérite pour le fond et pour la forme l'attention que nous lui avons consacrée. Il offre un modèle remarquable de cet enseignement symbolique qui depuis s'est reproduit dans l'éloquence, dans la poésie et dans l'art. C'est de plus le premier essai de l'éloquence chrétienne pour exposer, dans un traité substantiel et court, cette morale évangélique qui a réformé le monde.

QUINZIÈME LEÇON

L'éloquence chrétienne dans l'Asie Mineure et dans la Syrie. Situation religieuse et morale de cette partie du monde romain.- Marche qu'a suivie la prédication évangélique à travers l'empire. Conclusion de ce fait. Saint Ignace d'Antioche; sa Pline et Trajan. - Erreur

vie et sa mort. - Caractère des premières persécutions.

de Néander et de plusieurs écrivains modernes qui s'appuient sur les grandes qualités de cet empereur pour révoquer en doute la véracité des Actes du martyre de saint Ignace. Épîtres faussement attribuées à ce Père.

Messieurs,

De Rome, où le Pasteur d'Hermas nous a retenus quelque temps, nous passons dans l'Asie Mineure avec les Épîtres de saint Ignace et de saint Polycarpe. Sans nul doute, la transition est brusque, et ces deux genres d'écrits ne se ressemblent guère. Au lieu d'un ouvrage d'assez longue haleine, composé dans le calme d'une méditation patiente, nous sommes en face de quelques Lettres courtes, vives, rédigées à la hâte par un évêque captif et marchant au martyre. Situation extérieure, caractère de l'auteur, forme littéraire, tout paraît différent. Et pourtant, il y a entre la discipline morale développée dans le Pasteur et cette éloquence militante, qui, dans l'espace de six mois, remplit toute l'Asie de ses exhortations pathétiques, plus d'un point de contact. Comme les prédications d'Hermas, les écrits d'Ignace ont pour but de régler la vie morale des premiers chrétiens. Leur caractère essentiellement pratique se révèle partout, même dans la réfutation des hérésies et dans le développement de la constitution de l'Église. C'est aux limites de la société chrétienne que s'arrête la littérature de cet âge postérieur aux apôtres. Organiser les Églises particulières, les prémunir contre les hérésies naissantes,

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