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de moyens pour arriver au but de l'ordre. Sous prétexte d'apprendre à se connaître. lui-même, en étudiant l'art de connaître les autres, il faut que le novice fasse lui-même son portrait, qu'il dévoile tous ses intérêts, toutes ses relations et celles de sa famille. Le frère instituteur a soin de lui fournir encore le modèle des tablettes à remplir, pour donner à l'ordre cette preuve de confiance, et le temps viendra où il faudra bien qu'il en donne une plus grande encore.

Il faut, dans ces tablettes, que se trouvent exprimés, par le novice même, son nom, son âge, ses fonctions, sa patrie, sa demeure, le genre d'études dont il aura fait choix, les livres qui composent sa bibliothèque ou les écrits secrets qu'il peut avoir, ses revenus, ses amis et ses ennemis, la raison de ss inimitiés, ses connaissances et ses protecteurs.

Au-dessous de ce tableau, il faut qu'il en place un second, contenant tous les mêmes objets, sur son père, sa mère, et sur leurs autres enfants. Il faut qu'il exprime plus spécialement l'éducation qu'ils ont eue, leurs passions, leurs préjugés, leur côté fort et leur côté faible.

On voit, par le modèle ajouté aux Ecrits originaux, que cette dernière partie du tableau n'est pas la plus flattée. Dans celui-ci, le novice François-Antoine St....., âgé de vingt-deux ans, peint son père emporté, et aux mœurs soldatesques; sa mère un peu avare; l'un et l'autre ayant pour côté faible l'intérêt et la flatterie; l'un et l'autre vivant à la vieille mode, à l'ancienne franchise; dans leur dévotion, tétus et arrogants; revenant bien difficilement d'un projet mal conçu, plus difficilement encore pardonnant à celui qu'ils ont pour ennemi; cependant eux-mêmes peu hais, parce qu'ils sont peu craints et fort peu en état de nuire. (Ecrits orig., tabl. de J. Franç. St.....)

Tandis que le novice travaille ainsi à dévoiler lui-même tous ses secrets et tous ceux de sa famille, le frère insinuant trace de son côté de nouvelles tablettes, auxquelles il ajoute tout ce que ce temps d'épreuves a pu lui découvrir sur son élève et ses parents.

Sur la comparaison des deux tableaux, le supérieur a-t-il prononcé l'admission du novice à la dernière épreuve, le moment des grandes questions arrive. C'est sur ces questions que le novice jugera de toute l'étendue du sacrifice qu'il doit faire, de l'empire qu'il faut donner sur toutes ses volontés, sur toute sa conscience, sur sa personne même, à tout l'illuminisme, s'il veut en être membre.

Ces questions sont au nombre de vingtquatre, et conçues en ces termes :

1° Etes-vous encore dans l'intention d'être reçu dans l'ordre des Illuminés?

Avez-vous bien mûrement pesé que Vous hasardez une démarche importante, en prenant des engagements inconnus ?

3 Quel espoir, quelle cause, vous portent à entrer parmi nous?

4 Auriez-vous ce désir, quand même nous aurions uniquement pour objet la perfection. de l'homme, et point d'autre avantage?

5° Que feriez-vous si l'ordre était une nouvelle invention?

6° Si vous veniez à découvrir dans l'ordre quelque chose de mauvais ou d'injuste à faire, quel parti prendriez-vous? Wenn unanstondige, ungerechte sachen vorkomen, wie et sich verhalten wurde?

7° Voulez-vous et pouvez-vous regarder le bien de notre ordre comme le vôtre même ?

8° On ne peut vous cacher que les membres entrant dans notre société sans autre motif que l'espoir d'acquérir de la puissance, de la grandeur et de la considération, ne sont pas ceux que nous aimons le plus. Souvent il faut savoir perdre pour gagner. Savez-vous tout cela?

9° Pouvez-vous aimer tous les membres de l'ordre, ceux même de vos ennemis qui pourraient s'y trouver ?

10° S'il arrivait que vous dussiez faire du bien à ces ennemis que vous auriez dans l'ordre; qu'il fallut les recommander, les exalter, y seriez-vous disposé?

11° Donnez-vous de plus à notre ordre ou à la société LE DROIT DE VIE ET DE MORT? Sur quel fondement lui refusez-vous ou lui donnez-vous ce droit? Ob er dieser gesellschaft oder order anch das JUS VITÆ ET NECIS, aus was gründen oder nicht zugestehe?

12° Etes-vous disposé à donner, en toute occasion, aux membres de notre ordre, la préférence sur tous les autres hommes ?

13° Comment voudriez-vous vous venger d'une injustice, grande ou petite, que vous auriez reçue des étrangers ou de nos frères?

14 Comment vous comporteriez-vous si vous veniez à vous repentir d'être entré dans notre ordre?

15° Voulez-vous partager avec nous heur et malheur?

16° Renoncez-vous à faire jamais servir Votre naissance, vos emplois, votre état, votre puissance, au préjudice et au mépris des frères?

17° Etes-vous ou pensez-vous à devenir membre de quelque autre société?

18° Est-ce par légèreté, ou dans l'espoir de connaître bientôt la constitution de notre ordre, que vous faites si facilement ces pro

messes?

19° Etes-vous résolu à suivre très-exactement nos lois ?

20° Vous engagez-vous à une obéissance absolue, sans réserve? et savez-vous la force de cet engagement? Ob er unbedingten gehorsam angelobe, und wisse was das sey?

21° N'y a-t-il point de crainte qui puisse vous détourner d'entrer dans notre ordre?

22° Voulez-vous, dans le cas qu'on en ait besoin, travailler à la propagation de l'ordre, l'assister de vos conseils, de votre argent et de tous vos moyens?

23° Avez-vous soupçonné que vous auriez à répondre à quelques-unes de ces questions? Quelles sont celles que vous soupconniez?

24 Quelle assurance nous donnerez-vous de ees promesses? Et à quelle peine vous soumettez-vous si vous y manquez? (Ecrits orig.,

t. I. Protocole de la réception de deux novices, sect. 17.)

ORGANISATION DU TRAVAIL. Cette question, tout économique, et qui, sous la monarchie, s'agitait dans la sphère des administrations municipales, sous l'influence des mœurs et avec le secours des institutions catholiques, est devenue, de nos jours, une question politique de premier ordre, dont la solution, promise imprudemment par quelques tribuns, puis réclamée à main armée par la masse des travailleurs, a amené, entre autres catastrophes inutiles, la révolution de 1848. Je dis inutiles, car la solution cherchée n'a pas fait un pas depuis cette espèce de triomphe obtenu par la force. Ni le suffrage universel, ni la déclaration des droits, placée en tête de la Constitution délibérée sous la pression des classes ouvrières, ni le symbole maçonnique: Liberté, Egalité, Fraternité, exposé dans tous nos carrefours, n'ont eu ni n'auront jamais la vertu d'établir un équilibre entre les besoins et les ressources de six à sept cent mille familles qui n'ont pour vivre que le fruit incertain de leur travail. Le problème de l'industrie paraît cependant assez simple au premier abord c'est une équation entre la production et la consommation. La valeur des commandes détermine l'avance des capitaux, et celle-ci assure l'existence de l'ouvrier dans la même proportion. Il s'agit donc, quand l'équilibre est rompu, ou de forcer les consommateurs à augmenter la commande (ce qui est évidemment impossible), ou de subvenir aux bescins de l'ouvrier manquant de travail (Voy. ASSISTANCE). Ce problème est devenu presque insoluble, parce que les théories révolutionnaires ont pris justement l'opposé de la vérité. En poussant et en excitant de plus en plus le développement de l'industrie, c'est-à-dire de la production, elles ont fait pulluler la classe ouvrière au delà des bornes raisonnables, et augmenté la principale cause du paupérisme. Ici encore il n'est de remède qu'en remontant aux principes de la société ancienne, en décentralisant et en localisant la surveillance des agglomérations industrielles. Tout ce que les novateurs ont su faire jusqu'ici, c'est d'offrir aux classes souffrantes des droits politiques en place de pain. MM. Louis Blanc, Fourier, Considérant, ont traité longuement, et non sans profondeur de vues, celte grande plaie de la société. On sait que nulle conclusion, nul spécifique applicable, n'ont résulté dé leurs théories, devenues aujourd'hui un sujet de risée. Les observations suivantes, de M. de Bausset, semblent une réfutation suffisante de leurs principales erreurs.

« L'organisation du travail serait une

conséquence nécessaire du droit au travail : avec le droit au travail, l'Etat devrait organiser le monopole universel des industries, des arts, du commerce, des sciences mêmes, afin de fournir le travail selon l'aptitude, le goût, la convenance de chaque individu qui le réclamerait. Mais comment régler la durée du travail, le salaire, le rang de l'apprenti, de l'ouvrier, du patron, du littérateur, du poëte, du peintre, du philosophe? etc. Le travail serait-il libre ou obligé? Le salaire. serait-il fixe et assuré, ou proportionné au travail et variable?

« Il est impossible d'admettre que l'Etat pût donner le travail partout et toujours, à la convenance de tous ceux qui le réclameraient, à moins de supposer de sa part l'exercice d'un monopole non- seulement universel, mais constamment actif, qui plaçât dans ses mains toute production, toute consommation, tous les débouchés. Ce monopole exorbitant, dont l'histoire n'offre aucun exemple, ne pourrait laisser la liberté de travailler ou de ne pas travailler, ni même d'interrompre ou de reprendre inopinément les travaux; car l'Etat devrait combiner ses ressources en matières premières et en capitaux, d'après la puissance du travail, l'étendue de la consommation et la facilité d'écouler les produits, sous peine de ne pouvoir plus satisfaire le travail, ou de manquer de matières premières, où de ne pouvoir placer les produits. Dans tous les cas, l'Etat ne pourrait être obligé que dans les limites d'un possible borné.

« Or, pour maintenir l'équilibre entre les capitaux, le travail, la consommation et l'écoulement, l'Etat devrait être investi du pouvoir, soit de refuser le travail, soit de contraindre au travail. Le refus de fournir le travail annulerait le droit au travail; la contrainte, seul moyen d'assurer la production, serait l'esclavage le plus dur. Ce monopole ne pèserait pas seulement sur les travailleurs, mais sur la nation entière, qui aurait fourni le capital, et qui serait obligée de consommer aux prix fixés, sans pouvoir s'y

soustraire.

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pole puissant au lieu des exigences accidentelles de l'industrie privée.

«L'égalité d'un salaire assuré garantirait l'existence sans travail, remplacerait le travail par la fainéantise, la prospérité par la misère, la production par la disette, l'abondance par la famine, les efforts vers la perfection par l'égalité dans la dégradation."

Ce serait le régime de l'Inde, de l'Egypte, et le retour à l'enfance de la civilisatton. J'ai déjà prouvé, dans le premier livre, que la liberté dans le travail est la base de tout droit, de toute vertu, de tout progrès social; que dans toute organisation du travail qui ôte la liberté, les facultés de l'âme n'ont aucune place, et qu'alors le prinripe d'un droit légitime n'existe pas; que T'homme agissant sans choix, en vertu d'une loi, n'acquiert aucun mérite, ne poursuit aucun progrès, accomplit une tâche comme l'esclave, comme la bête de somme.

« Les systèmes d'organisation du travail proposés ou essayés sont aussi contraires à la liberté, à la morale et à la société, qu'impraticables: il ne sera pas difficile de le démontrer. Voici d'abord le fameux système de M. Louis Blanc, d'après lequel le gouvernement deviendrait le régulateur suprême de la production, et serait investi d'une grande force; il lèverait un emprunt affecté à la création d'ateliers sociaux, dont l'Etat, fondateur unique, rédigerait les statuts, et dont il règlerait la hiérarchie, la première année. Après la première année, la hiérarchie sortirait du principe « électif. »

«Les deux idées fondamentales de ce système sont l'égalité des salaires et l'abolition. de la concurrence. Le mobile de l'intérêt est supprimé.

Ce n'est pas à l'inégalité des droits que Finégalité des aptitudes doit aboutir, mais à l'inégalité des devoirs.

« Les successions collatérales seraient abolies; et les valeurs dont elles se trou«veraient composées seraient déclarées propriétés communales. >>

M. Louis Blanc reconnaît qu'en poussant la société à vivre sur un capital collectif, l'abolition de l'hérédité devient

« possible. »>

«Il aurait pu dire certaine.

Les capitalistes toucheraient l'intérêt du capital par eux versé, mais ils ne participeraient aux bénéfices qu'en qualité de << travailleurs.

On ferait tous les ans trois parts du bénétice net l'une serait répartie par portions égales entre les membres de l'association; l'autre destinée: 1° à l'entretien des vieillards, des malades, des infirmes; 2° à l'allégement des crises de l'industrie; la troisième, enfin, serait consacrée à fournir des instruments de travail.

«Chaque membre de l'atelier social aurait droit de disposer de son salaire à sa « convenance, mais l'association des tra"Vaux ne tarderait pas à faire naître l'association des besoins et des plaisirs »

« M. Louis Blanc considère la concurrence comme une source intarissable de haines, de jalousies, de fraudes, de désordres; contraire à la liberté, parce qu'elle est l'inégalité mise en mouvement; à la fraternité, parce qu'elle est un combat.

Ce système consiste, comme dit M. de «Lamartine, à s'emparer, au nom de l'Etat, « de la propriété, de la souveraineté, de « l'industrie et du travail; à supprimer tout <<< libre arbitre dans les citoyens qui pos« sèdent, qui vendent, qui achètent, qui «< consomment; à créer ou à distribuer ar«bitrairement les produits, à établir des « maximum, à régler les salaires, à substi«tuer en tout l'Etat propriétaire, indus«triel, aux citoyens dépossédés. »

« Il est vrai que M. Louis Blanc ne fait régler la hiérarchie des fonctions par l'Etat que la première année; mais le gouvernement fait les règlements, fournit le capital; il devient l'arbitre du sort de tous les établissements privés, le régulateur de tous les marchés, de tous les salaires.

« La concurrence a ses abus, comme la liberté, dont elle est l'application à l'industrie. « La liberté et l'industrie, dit M. Michel « Chevalier, c'est la concurrence; l'égalité

absolue est l'esclavage des natures supé«rieures; la suppression de la concurrence « anéantit le progrès, paralyse la force qui doit un jour faire disparaître la misère <«< aussi complétement qu'il est possible; la « concurrence fait le bon marché.

« L'idée de soumettre à la même existence « matérielle les magistrats suprêmes, comme « le plus humble manouvrier, est une de « ces chimères qui sont permises à peine « au collégien naif dont l'imagination exal«tée rêve le brouet noir des Spartiates, « hors du réfectoire pourtant. »>

« L'égalité des salaires serait l'exploitation des natures d'élite par les natures communes ou déchues, le mérite réduit au rang de la médiocrité, la vertu retranchée, parce le vice ne peut l'égaler, une prime à que l'extinction des sentiments de prévoyance, l'ignorance, l'organisation de la paresse, d'ordre, d'économie, de famille, de propriété, l'avilissement de tout ce que l'intelligence produit de plus admirable, le comble de l'injustice.

serait que la création d'un monopole tyran« La suppression de la concurrence ne

nique.

La concurrence tend à la perfection; l'égalité des salaires et le monopole tendent à la dégradation. D'ailleurs, la concurrence est bien plus entre les fabricants qu'entre les ouvriers.

« Les inégalités sont partout dans la nature, animée ou inanimée; il ne dépend pas de l'homme de les faire disparaître. Il est aussi impossible de niveler l'activité, les capacités, les talents, les goûts, les vices, les vertus, que la taille, les physionomies, la force morale ou physique, la différence des sexes, etc.

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« Le nivellement des montagnes et des plaines, de la terre et de l'eau, du chêne altier et de l'humble plante, des animaux domestiques et des bêtes féroces, des poissons et des oiseaux, ne peut présenter que l'idée du chaos. Il en est de même dans l'ordre de l'existence humaine.

<< Peut-on considérer sérieusement comme contraire à la fraternité cette grande et noble lutte de l'intelligence, l'émulation pour le progrès des sciences, des arts, du commerce et de l'industrie ?..... Les jeux de l'enfance, les études de la jeunesse, les travaux de l'âge viril, ont également pour mobile l'émulation. L'écolier couronné aux applaudissements de ses camarades, le savant qui obtient au concours une position éminente, l'inventeur et l'ouvrier habile qui apportent une perfection nouvelle aux arts, etc., n'ont jamais été considérés comme de mauvais frères; mais au contraire comme des modèles dignes d'admiration, de respect et de récompenses.

« La supériorité du mérite est la raison sociale de l'abolition des priviléges; elle seule peut garantir l'égalité de tous. Sans la supériorité du mérite, il n'y aurait que l'abus de la force. La révélation, qui élève l'homme à l'égalité immortelle, est le plus beau titre de sa dignité; la liberté, qui lui permet de mériter l'immortalité heureuse, est son plus beau privilége.

« L'égalité devant la loi est une imitation de l'égalité devant Dieu, mais elle ne saurait détruire les inégalités consacrées par le Créateur dans toute la nature.

« Supprimer l'intérêt privé, c'est méconnaître le stimulant le plus puissant de l'activité humaine, l'instinct naturel de la faim et les divers besoins, la morale même qui inspire la prévoyance, l'ordre, l'économie. La religion seule peut inspirer la perfection de l'abnégation et le sacrifice de l'intérêt ; mais M. Louis Blanc appelle cette abnégation une dégradation, un inutile suicide. Oui, inutile pour le philosophe matérialiste qui place les droits dans les besoins du corps et dans les instincts grossiers; mais abnégation sublime pour le chrétien qui, considérant la vie terrestre comme une épreuve, place les droits dans les devoirs et dans la pratique des vertus.

« Il faut nier l'âme, ou admettre que sa vie immortelle mérite quelque souci. Vous voulez la solidarité humaine pour satisfaire les besoins du corps, et vous appelez dégra

PANTHÉISME, système philosophique qui enseigne que Dieu n'est autre chose que l'universalité des êtres, de rò nav, tout, et Oris, Dieu. C'est, en d'autres termes, l'univers divinisé, le Créateur et la création confondus en une seule substance, ou plutôt la négation de la création, le fini et l'infini

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dation la solidarité spirituelle des âmes qui unit les fidèles par la charité, qui fait participer tous et chacun en particulier aux prières, aux mérites, aux travaux, aux vertus de tous. L'austérité du solitaire, l'obéissance du religieux, l'adoration perpétuelle des saintes filles, apaisent la justice de Dieu et attirent sa miséricorde; les mérites de Jésus-Christ, de la sainte Vierge et des saints, les sacrements, les bonnes œuvres, tous les actes de la charité, sont les biens spirituels qui entrent dans cette sainte communauté, qui profitent à tous sans dépouiller personne; c'est la communauté des devoirs, des mérites, des vertus. La communauté des utopies matérialistes est celle des besoins, des vices, de la dégradation. L'homme, reniant son âme, renonçant à la vie immortelle, n'est plus qu'un animal dont le corps périssable ne vaut pas la peine qu'on en prend. Le système de M. Louis Blanc, au lieu de conduire à l'amélioration matérielle et à la perfection, précipite l'homme dans la misère et le dégrade; heureusement pour la liberté et pour la dignité humaine, pour la morale et pour la société, son application est impossible.

« J'ai raisonné sur la théorie, j'aurais pu m'en dispenser en citant l'expérience dont le système de l'organisation du travail a eu les honneurs; expérience ruineuse et fatale. Tout le monde connaît les résultats de l'établissement des ateliers nationaux, qui ont désorganisé tous les travaux particuliers, porté une atteinte funeste à toutes les industries, découragé les bons ouvriers, organisé la paresse; qui ont coûté douze millions en moins de quatre mois d'existence, sans donner aucune production; qui ont été un danger sans cesse menaçant, et le principal élément de l'insurrection de juin 1848. Les ateliers nationaux n'étaient pas une création nouvelle; la Convention, après avoir décrété (18 mars 1793) un impôt graduel et progressif sur le luxe et les richesses, créa des ateliers nationaux avec salaire sans travail. « Les hommes et les femmes ainsi en«gagés, assistaient aux clubs, aux assem«blées primaires, au tribunal qui envoyait <«<les victimes à l'échafaud, et les furies de << la guillotine recevaient un salaire comme «<les tricoteuses des séances de la Conven<«<tion nationale. » (Histoire des assignats, par un financier du consulat.) Voy. DROIT AU TRAVAIL, ASSISTANCE.

P

identifiés, Dieu privé de liberté et d'intelligence. Ce système conduit, logiquement, à l'athéisme, par une série de conséquences que nous aurons à indiquer. Il ne se distingue du matérialisme pur qu'en ce qu'il n'exclut pas l'intelligence de l'univers Dieu. Seulement il ne la distingue pas de la ma

tière, i les regarde toutes deux comme de simples modifications de l'être infini et universel qui agit nécessairement d'après les lois éternelles de la nature immuable. Donc plus d'action libre et indispensable de l'intelligence sur la matière : le monde est un effet sans cause, qui existe sans motif et qui se perpétue sans but. Dire qu'il n'existe qu'une seule substance, que tout est Dieu, équivaut, à certain point, à dire que Dieu n'existe pas.,

Le sophisme principal des panthéistes a été souvent réfuté. Leur point de départ, cette idée d'une substance unique, éternelle, intinie, immuable, de laquelle tous les phénomènes de la matière et de l'intelligence, les esprits et les corps ne seraient que des modifications, cette substance unique n'est qu'une abstraction, un langage vide de sens; l'être, en général, n'existe point; nous ne connaissons, en réalité, que des individus, des natures individuelles.

Le plus haut degré de l'évidence, pour nous, c'est le sentiment intérieur. Or, il suffit de se reporter à ce sentiment pour s'assurer que la base du panthéisme est absurde. Si Dieu est tout, si tout est Dieu, que suis-je moi-même ? Suis-je à la fois Dieu et mon voisin, et l'arbre qui me prête son ombre, et la pierre où je me heurte en passant, et l'animal que je mange après l'avoir tué? Nai-je pas la conviction intime que je suis moi et non un autre, une substance distincte de toute autre, un individu réel, et non une modification d'une substance unique et indivisibl ?

Je sens que mes pensées, ma volonté, mes sensations, mes affections, sont à moi et non pas à un autre, et que celles d'un autre ne sont pas les miennes. Qu'un autre soit un être, une substance, une nature comme moi, ou différente de moi, ma raison l'admet ‹t va jusqu'à se rendre compte de la similit.de ou de la dissemblance. Mais de la souveraine évidence, puisée dans notre sentiment intérieur, nous voilà déjà descendu à une évidence de second ordre, celle de l'analog e, qui n'est qu'une opération de l'esprit, contestable à certain point. Reprendre ensuite toutes ces analogies partielles pour en reformer une unité, c'est une pure abstraction. Ainsi, l'école panthéiste, pour arriver à la vérité universelle, commence par rejeter toutes les vérités particulières, les seules dont l'évidence ne puisse être contestée, puisqu'elles reposent sur le sentiment intérieur de chacun.

Le panthéisme, qui a joué un si grand rôle dans l'histoire des philosophies, qui forme, au moment même où j'écr s, l'hérésie fondamentale du XIXe siècle, qui influe d'une manière plus ou moins directe sur la marche des idées politiques dont nous subissons les incertitudes et les écarts, est encore une de ces aberrations de l'esprit humain qui n'a besoin, pour être reconnue, que d'être analysée et soumise au sentiment particulier de chaque individu, en dégageant cette doctrine prétendue du langage obscur et pompeux

DICTIONN, DES ERREURS SOCIALES.

dont ses sectateurs l'ont enveloppée. Quel ques mots qu'ils emploient, ou même qu'ils inventent pour déguiser leur impuissance à concilier l'idée du tout avec celle de l'absence de parties, l'existence du moi, de celle de l'univers, ils ne peuvent éviter que l'erreur capitale qui sert de base à leur système ne saute, pour ainsi dire, aux yeux de quiconque entreprendra de bonne foi cet exa

men.

Celte erreur prend sa source précisément aux limites que la raison humaine n'a jamais pu et ne pourra jamais franchir; désespérée de ne pouvoir s'expliquer l'inexplicable, Dieu, la création, les fins de l'univers, cette faible raison, dédaignant la foi qui se présente alors comme unique et dernier guide, se lance en aveugle dans l'abîme des hypothèses et du doute, où le terrain du raisonnement se dérobe so s ses pas, où la Jumière fait place aux ténèbres profondes, où le langage même vient à lui manquer; car une combinaison de mots plus ou moins sonores ne suffit pas à remplacer des idées. Qu'est-ce que cette prétention de définir l'intini, de comprendre l'incompréhensible, pour aboutir à rechercher enfin si le monde n'est qu'une simple apparence, ou bien s'il existe en réalité? O philosophie! que d'orgueil dans tes promesses, que d'humilité dans leurs résultats?

Le panthéisme, disais-je, n'est point étranger à la marche des sociétés politiques de nos jours. En effet, il s'est institué pédagogue de l'humanité entière, il a entrepris d'enseigner une nouvelle doctrine, celle du progrès. En voici l'analyse:

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« Dieu, c'est-à-dire, tout ce qui est, l'être absolu, se manifeste par le progrès; en lui réside la perfection; mais cette perfection ne se produit que par le développement, et ce développement embrasse une série de siècles indéfinie. Suivant cette loi de progrès, Dieu a commencé par la forme 1 plus brute et il a successivement grandi jusqu'à la conditi n actuelle de l'humanité en passant par le minéral, le végétal, l'animal aqua ique et le terrestre. L'homme, qui n'est que Dieu luimême partiel, a passé, dans sa religion, par tous ces modes de l'Etre Dieu. Il a adoré d'abord les minéraux, puis les végétaux, ensuite les animaux, enfin il s'est adoré luimème par l'apothéose, avant d'atteindre à l'adoration d'un Diu unique, et maintenant il tend au culte de l'absolu, de l'universali e dans l'unité. Ainsi, le point de départ de l'humanité, ou plutôt son premier état, est l'état sauvage; l'idolatrie forme la deuxième période de son progrès; le christianisme la troisième. La philosophie, ou l'adoration de l'absolu, vient aujourd'hui le remplacer. L'apparition du christian sme dans le monde s'ex lique donc par la loi ascendante du progrès, absolument comme la transition de l'état sauvage primitif à l'idolâtrie. JésusChrist n'a fait que combier entre elles deux idées qu'il a trouvées, une dans la philosophie platonicienne, l'autre dans les sanctuaires de l'Inde, la croyance au Verbe et

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