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déplorable des catholiques anglois. L'erreur et la nouveauté se faisoient entendre dans toutes les chaires; et la doctrine ancienne, qui, selon l'oracle de l'évangile, « doit être prêchée jusque sur les « toits » (1), pouvoit à peine parler à l'oreille. Les enfants de Dieu étoient étonnés de ne voir plus ni l'autel, ni le sanctuaire, ni ces tribunaux de miséricorde qui justifient ceux qui s'accusent. O douleur! il falloit cacher la pénitence avec le même soin qu'on eût fait les crimes; et Jésus-Christ même se voyoit contraint, au grand malheur des hommes ingrats, de chercher d'autres voiles et d'autres ténebres que ces voiles et ces tenebres mystiques dont il se couvre volontairement dans l'eucharistie. A l'arrivée de la reine, la rigueur se ralentit, et les catholiques respirerent. Cette chapelle royale, qu'elle fit batir avec tant de magnificence dans son palais de Sommerset, rendoit à l'église sa premiere forme. Henriette, digne fille de S. Louis, y animoit tout le monde par son exemple, et y soutenoit avec gloire par ses retraites, et par ses prieres, et par ses dévotions, l'ancienne réputation de la très chré- one ;. tienne maison de France. Les prêtres de l'Oratoire, que le grand Pierre de Bérulle avoit conduits avec elle, et après eux les PP. capucins, y donnerent par leur piété aux autels leur véritable décoration, et au service divin sa majesté naturelle. Les prêtres et les relígieux, zélés et infatigables pasteurs de ce trou

(1) Quod in aure auditis, prædicate super, tecta.

MATTH. C. 10, V. 27.

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peau affligé, qui vivoient en Angleterre pauvres, errants, travestis, « desquels aussi le monde n'étoit « pas digne (1) », venoient reprendre avec joie les marques glorieuses de leur profession dans la chapelle de la reine; et l'église désolée, qui autrefois pouvoit à peine gémir librement, et pleurer sa gloire passée, faisoit retentir hautement les cautiques de Sion dans une terre étrangere. Ainsi la pieuse reine consoloit la captivité des fideles, et relevoit leur espérance.

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Quand Dieu laisse sortir du puits de l'abyme la fumée qui obscurcit le soleil, selon l'expression de l'Apocalypse (2), c'est-à-dire l'erreur et l'hérésie ; quand, pour punir les scandales, ou pour réveiller les peuples et les pasteurs, il permet à l'esprit de séduction de tromper les ames hautaines, et de répandre par-tout un chagrin superbe, une indocile curiosité, et un esprit de révolte, il détermine dans sa sagesse profonde les limites qu'il veut donner aux malheureux progrès de l'erreur et aux souffrances de son église. Je n'entreprends pas, chrétiens, de vous dire la destinée des hérésies de ces derniers siecles, ni de marquer le terme fatal dans lequel Dieu a résolu de borner leur cours; mais, si mon jugement ne me trompe pas, si, rappelant la mémoire des siecles passés, j'en fais un juste rapport à l'état présent, j'ose croire, et je vois les sages concourir à ce sentiment, que les jours

(1) Quibus dignus non erat mundus. HEB. e. 11, v. 38. (2) Aroc. c. 9, v. 1.

d'aveuglement sont écoulés, et qu'il est temps désormais que la lumiere revienne. Lorsque le roi Henri VIII, prince en tout le rește accompli, s'égara dans les passions qui ont perdu Salomon et tant d'autres rois, et commença d'ébranler l'autorité de l'église, les sages lui dénoncerent qu'en remuant ce seul point, il mettoit tout en péril, et qu'il donnoit contre son dessein une licence effrénée aux âges suivants. Les sages le prévinrent; mais les sages sont-ils crus en ces temps d'emportement, et ne se rit-on pas de leurs prophéties? Ce qu'une judicieuse prévoyance n'a pu mettre dans l'esprit des hommes, une maîtresse plus impérieuse, je veux dire l'expérience, les a forcés de le croire. Tout ce que la religion a de plus saint a été en proie : l'Angleterre a tant changé qu'elle ne sait plus elle-même à quoi s'en tenir; et, plus agitée en sa terre et dans ses ports mêmes que l'océan qui l'environne, elle se voit inondée par l'effroyable débordement de mille sectes bizarres. Qui sait si, étant revenue de ses erreurs prodigieuses touchant la royauté, elle ne poussera pas plus loin ses réflexions, et si, ennuyée de ses changements, elle ne regardera pas avec complaisance l'état qui a précédé? Cependant admirons ici la piété de la reine qui a su si bien conserver les précieux restes de tant de persécutions: que de pauvres, que de malheureux, que de familles ruinées pour la cause de la foi ont subsisté pendant tout le cours de sa vie par l'immense profusion de ses aumônes! elles se répandoient de toutes parts jusqu'aux dernieres extrémités de ses trois royaumes, et s'étendant par leur abondance même sur

les ennemis de la foi, elles adoucissoient leur aigreur et les ramenoient à l'église. Ainsi non seulement elle conservoit, mais encore elle augmentoit le peuple de Dieu : les conversions étoient innombrables; et ceux qui en ont été témoins oculaires nous ont appris que, pendant trois ans de séjour qu'elle a fait dans la cour du roi son fils, la seule chapelle royale a vu plus de trois cents convertis, sans parler des autres, abjurer saintement leurs erreurs entre les mains de ses aumôniers. Heureuse d'avoir conservé si soigneusement l'étincelle de ce feu divin que Jésus est venu allumer au monde ! Si jamais l'Angleterre revient à soi, si ce levain précieux vient un jour à sanctifier toute cette masse où il a été mêlé par ses royales mains, la postérité la plus éloignée n'aura pas assez de louanges pour célébrer les vertus de la religieuse Henriette, et croira devoir à sa piété l'ouvrage si mémorable du rétablissement de l'église.

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Que si l'histoire de l'église garde chèrement la mémoire de cette reine, notre histoire ne taira pas les avantages qu'elle a procurés à sa maison et à sa patrie femme et mere très chérie et très honorée, elle a réconcilié avec la France le roi son mari et le roi son fils. Qui ne sait qu'après la mémorable action de l'isle de Ré, et durant ce fameux siege de la Rochelle, cette princesse, prompte à se servir des conjonctures importantes, fit conclure la paix, qui empêcha l'Angleterre de continuer son secours aux calvinistes révoltés? et, dans ces dernieres années, après que notre grand roi, plus jaloux de sa parole et du salut de ses alliés que de ses propres

intérêts, eut déclaré la guerre aux Anglois, ne futelle pas encore une sage et heureuse médiatrice? ne rénnit-elle pas les deux royaumes? et depuis encore ne s'est-elle pas appliquée en toutes rencontres à conserver cette même intelligence? Ces soins regardent maintenant vos altesses royales; et l'exemple d'une grande reine, aussi-bien que le sang de France et d'Angleterre, que vous avez uni par votre heureux mariage, vous doit inspirer le desir de travailler sans cesse à l'union de deux rois qui vous sont si proches et de qui la puissance et la vertu peuvent faire le destin de toute l'Europe.

Monseigneur, ce n'est plus seulement par cette vaillante main et par ce grand cœur que vous acquerrez de la gloire; dans le calme d'une profonde paix vous aurez des moyens de vous signaler, et vous pouvez servir l'état sans l'alarmer, comme vous avez fait tant de fois en exposant au milieu des plus grands hasards de la guerre une vie aussi précieuse et aussi nécessaire que la vôtre. Ce service, monseigneur, n'est pas le seul qu'on attend de vous, et l'on peut tout espérer d'un prince que la sagesse conseille, que la valeur anime, et que la justice accompagne dans toutes ses actions. Mais où m'emporte mon zele si loin de mon triste sujet ! je m'arrête à considérer les vertus de Philippe, et ne songe pas que je vous dois l'histoire des malheurs de Henriette.

J'avoue, en la commençant, que je sens plus que jamais la difficulté de mon entreprise. Quand j'envisage de près les infortunes inouies d'une si grande reine, je ne trouve plus de paroles, et mon

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