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philosophie; ce dernier jugement est celui de Leibnitz, le Descartes de l'Allemagne.

COT

Dans quelques notes publiées avec les Pensées de Pascal, on a reproduit les allégations qui attribuent à Descartes la première idée des expériences faites sur les hauteurs avec le baromètre; mais une nouvelle assertion, sans autre titre, n'est pas une nouvelle raison. Il suffit d'ailleurs d'observer que, dans cet écrit, on ne donne point une histoire fidèle des expériences de Pascal, et qu'on y fait honneur à l'Académie del Cimento, établie en 1655, de toutes les découvertes dont il s'agit ici, et notoirement faites de 1647 à 1649. A quoi j'ajoute qu'au reste l'on ne connaît point quel est le véritable sentiment de l'auteur de cet écrit, puisqu'il se contredit quelquefois luimême dans ses propres notes; ce qui excite les louanges des autres éditeurs et commentateurs, qui disent que se riger ainsi soi-même, est le procédé d'un homme supérieur à la matière qu'il traite et qui est passionné pour le vrai. Mais lorsqu'un écrivain, parfaitement libre dans ce qu'il écrit, affirme dans une note expressément le contraire de ce qu'il dit dans son texte, il est bien évident qu'il ment d'un côté ou de l'autre : or, c'est bien la première fois, je pense, qu'on a donné un mensonge présenté comme tel, pour une preuve de la passion pour la vérité. Enfin, j'observe que, dans cette édition, quelques-unes des Pensées de Pascal sont ́tronquées, et d'autres altérées par des intercalations. Parmi les exemples nombreux que tout le monde peut trouver, et qu'il serait trop long de désigner ici, je me bornerai à indiquer les Pensées relatives à la méthode des Géomètres, à l'art de persuader, à l'existence de Dieu et à la vie future. Quand je parle de passages supprimés, je n'entends point prétendre que les éditeurs n'eussent pas le droit de faire, un choix parmi les Pensées de Pascal; mais, le choix des fragmens une fois fait, je crois que chacun d'eux doit être envisagé comme un tout auquel il n'est plus permis de toucher, et qu'on doit religieusement le copier dans son entier et tel qu'il est sorti de la plume de son auteur, sur-tout lorsqu'on se propose d'y appliquer une amère critique.

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D'autres auteurs ont avancé, je ne sais sur quel indice que, dans sa Lettre à M. Périer, où il invite celui-ci à faire l'expérience du Puy-de-Dôme, Pascal évite de nommer Torricelli. Qu'on lise très-attentivement cette Lettre, et l'on ne verra point à quelle occasion Pascal aurait été réellement dans le cas de nommer le Physicien italien. D'ailleurs, cette Lettre est de 1647, époque de la publication des premières expériences de

Pascal sur le vide : or, il a expressément déclaré que, lorsqu'il a publié ces expériences, il ignorait quel était l'auteur de celle qui avait été faite en Italie; il pouvait donc l'ignorer encore lorsqu'il écrivait à M. Périer. Et pourquoi Pascal aurait-il évité de nommer l'illustre disciple de Galilée, lui qui ne l'appelle jamais autrement que le grand Torricelli ? Les véritables grands hommes, je l'ai déjà dit, sont faits pour s'estimer mutuellement. Voici comme s'exprime Pascal lui-même, au sujet de l'expérience de Torricelli, dans sa première Lettre à M. de Ribeyre Comme nous étions tous dans l'impatience de » savoir qui en était l'inventeur, nous en écrivîmes à Rome, au Cavalier del Posso lequel nous manda long-temps après mon imprimé ( le Traité Nouvelles expériences tou» chant le Vide), qu'elle est véritablement du grand Torri> celli, professeur du Duc de Florence aux Mathématiques. → Nous fumes ravis d'apprendre qu'elle venait d'un génie si » illustre, etc...... Depuis que nous avons eu cette connais»sance nous avons tous publié, et moi comme les autres, » que Torricelli en est l'auteur etc. » Cela me semble péremptoire et propre à dissiper tous les nuages.

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(v) De cette expérience devenue célèbre dans l'histoire des sciences, Pascal conclut positivement que la nature, loin de redouter le vide, peut l'admettre sans résistance et ne fait aucun effort pour l'éviter. Il est intéressant de voir Pascal professant d'abord par respect pour l'opinion universellement reçue, la croyance à l'horreur du vide ; passer, ensuite de ses premières expériences, à ce second sentiment, que la nature paraît avoir en effet une sorte d'aversion pour le vide, mais que cette répugnance n'est pas invincible; enfin, rejeter absolument cette horreur du vide, lorsque l'expérience du Puy-de-Dôme lui fait toucher au doigt la cause de la suspension des liqueurs. Nous reviendrons bientôt sur cette marche de Pascal dans la manière de rectifier ses idées et d'arriver par degrés à la dernière opinion à laquelle il se fixe ensuite irrévocablement.

(x) Les découvertes de Pascal firent naître à son beau-frère, M. Périer, la pensée des observations simultanées faites à Paris, à Clermont et à Stockholm ( dans les années 1649, 1650, 1651), première esquisse de ces remarques combinées qui ont beaucoup influé sur la connaissance de l'atmosphère et sur les progrès de la Météorologie; on y peut remarquer aussi, en quelque façon, le germe et les premiers linéamens de l'idée heureuse de ce Physicien de Genève, qui a imaginé de peindre à l'œil les variations que l'air éprouve en même temps de grandes distances, au moyen de ces intéressantes courbes

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barométriques, déterminées par des abscisses croissant en raison arithmétique selon la succession des jours, et par des ordonnées représentant les hauteurs journalières du mercure dans le baromètre. Les inflexions de ces courbes manifestent, dans leur parallélisme plus ou moins suivi, le degré de corres pondance que la nature semble maintenir dans l'état des grandes masses de l'atmosphère.

De toutes les Tables portatives qui ont été publiées pour faciliter l'application du baromètre à la mesure des hauteurs celle de M. d'Aubuisson paraît mériter une attention particulière , par son extrême commodité, qui égale sa briéveté, ainsi que par la concordance de ses résultats avec ceux des formules les plus complètes. On peut l'appliquer sur le baromètre même; et y adapter avec facilité une courte indication qui en facilite l'usage, Nous ajouterons que la pratique n'a plus rien à désirer après les fruits des recherches de M. Pictet.

(y) On sait que Pascal est l'inventeur de la Brouette dite Vinaigrette, ou Chaise roulante, traînée à bras d'homme ; et da Hacquet, ou Charrette à longs brancards, simple et adroite combinaison des puissances fondamentales de la Mécanique, qui est d'un si grand usage' et qui offre une si grande facilité pour la charge et le transport des plus pesans fardeaux. Enfin on attribue à Pascal l'invention d'ane Presse hydraulique, qui a été reproduite en Angleterre, où elle a reçu un prix comme découverte nouvelle.

On montrait encore, en 1805, sur les ruines de Port-Royaldes-Champs, le Puits de Pascal, où l'on prétend qu'un enfant de douze ans pouvait élever plus de 270 livres d'eau avec la Machine de Pascal.

(z) Il y a un grand exemple du danger de l'esprit de système dans la recherche de la vérité. Descartes ne s'est pas seulement égaré dans les régions incertaines de la Métaphysique et dans sa Cosmogonie; il a encore erré dans les sciences exactes même. Ne portant dans la Mécanique que les principes abstraits d'une Métaphysique absolue, il s'y perd dès les premiers pas. Il établit d'abord pour fondement de la théorie du choc, des lois que contredisent les faits. Le principe de l'immutabilité divine l'entraîne, sur la conservation de la quantité de mouvement, dans un paralogisme d'où dépendent ensuite toutes les erreurs qu'il commet à cet égard. La source primitive de ces carts est dans les soins que prend cet illustre philosophe de faire cadrer les lois du mouvement avec la base de tout son système cosmologique. Ce mémorable exemple des erreurs d'un grand homme est bien propre à démontrer toute la force de Tinfluence que l'esprit de système exeree sur les meilleurs

génies, et à faire voir que tout philosophe qui cherche la vérité, préoccupé d'un système quelconque, outre qu'il a sur les yeux un voile qui doit la lui dérober, ne manquera jamais de faire tous ses efforts pour plier les faits à ses vues et les faire rentrer bien ou mal dans ses hypothèses.

FIN DES NOTES DE LA Première ParTIE.

NOTES DE LA SECONDE PARTIE.

(a) Pascal étant, selon l'opinion commune, le premier auteur en prose qui ait pressenti le véritable génie de la Langue française, et le créateur du premier modèle généralement avoué, j'ai pensé que l'on me pardonnerait la courte exposition qui suit, des principales révolutions que la Langue à subies. avant le siècle de Louis XIV; tableau sommaire qui, je le sais, n'apprendra rien au lecteur, mais qui pourra contribuer à mieux marquer la place des écrits de Pascal dans l'histoire d'une langue qu'ils ont fixée, et à faire apprécier avec plus de justesse le caractère qui les distingue. Si ce rapide aperçu a jamais été convenable, il me paraît que c'est en particulier dans cette circonstance.

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Lorsque la Langue française était encore voisine de son origine, elle participait de la nature des idiomes dont elle se formait peu à peu; elle montrait à découvert ses traits de famille. N'ayant point encore de règles propres, elle mettait sans gêne à contribution les formes des langues d'où elle tirait principalement son vocabulaire; de-là sa facilité, son abondance et ses ressources elle déclinait tous ses participes, elle employait ou supprimait à son gré les articles; elle variait ses constructions, elle choisissait ses locutions à volonté, elle s'appropriait tous les mots à sa convenance. Mais bientôt devenue jalouse d'avoir un nom et une existence reconnue, elle se prescrivit une syntaxe particulière. Après avoir en richi son dictionnaire de matériaux recueillis de part et d'autre, et pourvu rigoureusement à ses besoins, elle mit sagement des bornes à ses emprunts, qui, poussés trop loin, n'eussent été propres qu'à la défigurer, à la priver de toute physionomie,

lui ôter, par une verbeuse fécondité, ce caractère de justesse et de précision qu'elle semblait, vouloir atteindre comme le

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terme convenable à son génie. Elle a regardé les grands écrivains dont les chefs-d'œuvre justement admirés ont porté sa connaissance et son usage dans toutes les parties de l'Europe comme des législateurs respectables dont l'autorité devait être sacrée elle a puisé dans leurs écrits ces formes sévères et ces règles dictées par le goût, dont elle a composé son code; et elle a frappé d'une juste réprobation les téméraires ou les insensés qui tenteraient dans l'avenir d'introduire un autre langage. Et en effet, la langue de Pascal, de Bossuet, de Buffon et de J. J. Rousseau, de Corneille, de Boileau, de Racine et de Voltaire, doit suffire à de véritables Français; puissent-ils être assez jaloux de la langue de ces grands hommes, pour ne jamais abandonner de tels modèles, à la place desquels ils n'auraient rien à mettre !

Le français, né par degrés du mélange naturel de la langue des anciens habitans des Gaules et de celles des Latins, des Germains et des peuples du nord qui s'y étaient répandues, ne prit une forme un peu déterminée que vers le onzième siècle; il conservait sur-tout la couleur de cet idiôme barbare déplorable reste de la noble langue des Romains, qui était devenue, si je puis m'exprimer ainsi, la langue officielle et la seule admise dans les actes publics. Des débris d'antique tradition dans quelques provinces méridionales, et l'étude des sciences que l'on tenait immédiatement des auteurs grecs, introduisirent dans la langue usuelle d'assez nombreux élémens tirés de celle d'Aristote et d'Hippocrate. Les invasions des Sarrazins, les guerres avec l'Espagne, et plus tard le séjour des Maures chassés de la presqu'île et accueillis en France par le grand Henri, y laissèrent quelques traces des langues arabe et espagnole. Les expéditions des Rois de France en Italie, et les relations de cette Cour avec celle de Florence, avaient fait adopter d'autres élémens étrangers, puisés dans le langage déjà poli des Italiens, à des époques où le Dante, Pétrarque, Boccace et l'Arioste avaient successivement créé et perfectionné la plus mélodieuse et la plus riche des langues modernes.

François I.er accéléra sur-tout les progrès du français, en abolissant l'usage de la langue latine dans les chartes et les actes des tribunaux. Sous le règne de ce Prince aimable et jovial, qui méritait d'avoir pour son poète le facétieux et élégant Marot, le ton de la Cour et de la nation, tourné à la plaisanterie, imprima à la langue ce caractère de badinage qu'elle conserva plus d'un siècle, et qui, dégénérant si souvent en burlesque et tombant jusque dans le trivial et le bas, en exclut si long-temps la noblesse et la dignité.

Amyot parvint à lui donner quelque sérieux, en l'appliquant

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