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elles sont imprégnées (s). On dirait que la majesté des Livres saints a passé dans les écrits de ce grand homme. Embrassant toute l'étendue des Ecritures, saisissant toute leur liaison, y suivant d'un regard rapide et sûr l'enchaînement des faits et de la doctrine, Pascal parait au moment de briser le sceau divin qui couvre une partie de ces pages mystiques, et près de nous en révéler les redoutables secrets.

Dans tous les temps on avait vu de ces hommes qui, vaincus par les passions terrestres, et troublés par les austères préceptes d'une Religion dont l'inflexible loi ne compose jamais avec nos vices, voudraient trouver quelques motifs de doute contre une doctrine importune qui les condamne; bientôt l'incrédulité s'élève du fond de ce cœur corrompu, et vient demander à l'esprit, des sophismes pour se convaincre elle-même et s'affermir, et des armes pour combattre. La Religion affligée prévoit avec douleur les blessures profondes que doivent lui faire un si grand nombre de ses propres enfans, dans les jours de scandale, de licence et de dissolution. Pourra-t-elle préparer des moyens de défense contre les attentats de l'impie? Où trouvera-t-elle un bras qui la protége, un appui qui la soutienne? Quelle est la voix qui élevera son éloquence audessus de toute l'éloquence des hommes, et qui, dans des siècles éblouis de leur vaine science, parlera aux sophistes avec toute l'autorité du génie et du talent?

C'est à Pascal que la Religion s'adresse : « Prends, » lui dit-elle, cette plume heureuse et savante, que »je dirigerai dans tes mains, et que nul ne maniera » jamais avec la même habileté. Décris, d'un trait » fidèle, l'image de l'homme, qui ne se connaît » point lui-mème; ose la lui présenter dans son » effrayante vérité! Réduis au juste la mesure de ses forces, fais-lui toucher de toutes parts les

bornes de ses facultés; dépeins ses qualités sublimes » dans toute leur excellence, et mets à nu sa déplo» rable misère. Porte le poison de l'inquiétude au » milieu de ses coupables jouissances! Jette l'effroi » dans son ame trompée! Un réveil affreux, mais » salutaire, agitera ses sens et dissipera sa funeste » léthargie. Alors peut-être il cherchera la lumière » dont il éprouvera un pressant besoin. Tu lui feras » voir la main divine empreinte sur lui-même, » prète à le foudroyer pour jamais dans les abimes » creusés par la souveraine justice, ou à le soutenir » dans ces combats de quelques jours, dont une » éternité de gloire doit être la récompense. Tu » indiqueras la source des erreurs et du mensonge; » tu dérouleras les annales d'une Religion aussi an» cienne que le monde, qui vient éclairer l'homme » dans ses ténèbres, dissiper ses doutes et lui offrir » le remède approprié à tous les maux de sa con>>dition. Tu lui exposeras l'histoire de sa chute, l'explication de sa double nature, de ses viles » passions et de son amour du souverain bien, sa » haute destinée et les moyens de l'accomplir. Tu » multiplieras les preuves puisées à la fois dans son » être et dans les Ecritures; tu résoudras toutes les » difficultés et démasqueras tous les sophismes; tu » Non; les voies de Dieu déconcertent notre esprit. La suprême sagesse n'a pas voulu qu'un homme achevât cette grande et belle démonstration des vérités saintes. Le sort de la Religion est d'être combattue jusqu'à la fin des temps; ce triomphe contre une perpétuelle contradiction fait sa gloire une nouvelle attaque serait inutile après la défaite attaquer de nouveau la Religion, c'est la défendre. Dieu veut aussi laisser quelque mérite à la docilité de sa créature, à la soumission de sa foi. Son dessein, dit Pascal, est moins de perfectionner l'esprit que la volonté : mot

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profond, qui exprime à la fois l'essence et l'objet de la Religion chrétienne, et son admirable convenance aux vrais besoins de l'homme. Qu'il suffise à celui dont le cœur est droit, de savoir qu'il trouvera ce qu'il cherche, et que l'esprit rebelle soit confondu! Si vous ne voulez être aveuglé par les Livres divins, ah! n'y portez pas une main sacrilége et l'œil profane de l'impiété! mais ne les ouvrez qu'avec le désir de vous instruire. Jésus-Christ les a montrés, ces hommes dont le cœur s'est appesanti, qui ferment l'œil pour ne point voir et l'oreille pour ne point entendre, parce qu'ils redoutent la fin de leur illusion et tremblent d'ètre guéris (1).

Quelques Sages de l'antiquité, il faut en convenir, ont fait de beaux efforts en morale et en philosophie, et se sont élevés à des résultats dignes de remarque, par par la seule puissance de leur raison. Mais nul n'a porté aussi loin que Pascal l'étude de l'homme naturel nul n'a professé avec tant de supériorité cet amer et sublime mépris de la nature humaine corrompue (2), et cette noble et franche admiration des restes de sa grandeur : nul n'a su définir l'homme tout entier, parce que nul ne s'est avisé de combiner ensemble ses deux conditions extrêmes ; de tirer les moyens d'éclairer ses contradictions, du sein de ces contradictions mêmes; de puiser dans ces épaisses ténèbres une clarté propre à les dissiper aucun n'a découvert des vues si nouvelles et si nombreuses: aucun n'a réuni tant de lumières à tant d'éloquence : enfin, privés du flambeau de la foi, ni les uns ni les autres n'ont pu tracer à l'homme

(1) S. Matthieu, c. XIII, 15,

(2) Il y a des critiques qui, trompés apparemment par la froide et profonde ironie de Pascal, lui ont attribué, avec l'air du mépris, les maximes de Hobbes sur les bases de la justice. Dirons-nous qu'ils ont seulement feint de se méprendre sur la pensée de Pascal? Mais quelle justification, que celle de défendre leurs lumières aux dépens de leur bonne foi!

sur la terre, son unique chemin pour arriver au but. Allez, divins feuillets, lignes sublimes, traits immortels! allez d'àge en âge étonner la raison de l'homme par le spectacle de la hauteur où elle a pu s'élever un jour! Au milieu de la nuit orageuse dont les passions couvrent le monde, brillez comme un rayon de la céleste lumière aux yeux de celui qui cherche le rivage, et montrez-lui les écueils et le port (t)!

Pascal n'a point entrepris en philosophe vulgaire, un imposant tableau d'une sagesse purement spéculative; travail stérile, exécuté dans la seule vue d'ajouter aux richesses littéraires un nouveau chefd'œuvre, et de procurer à son auteur un peu plus de célébrité le trésor des grandes beautés qu'il a répandues dans son ouvrage, était dans son cœur ; l'onction et l'énergie de ses paroles étaient l'effet de son entière persuasion voilà les sources de la véritable éloquence. Non, les seules forces du plus beau talent, les ressources les plus fécondes de l'art ne peuvent aller jusques-là. Aussi Pascal nous donnet-il, dans sa conduite personnelle, l'exemple vivant de toute sa philosophie.

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Voyez, dans la vie privée de cet homme, l'accomplissement journalier et rigoureux des grandes et belles maximes qu'il a développées avee tant de chaleur dans quelques-unes de ses pensées. L'attention continuelle dont il accompagne toutes les circonstances de sa situation, les soins vigilans dont il environne chacun des actes de sa volonté, le font marcher à grands pas dans les sentiers de la perfection morale, et bientôt il porte toutes les vertus chrétiennes jusqu'à l'héroïsme (u).

Sans cesse frappé du néant de l'homme, il oppose l'humilité la plus profonde à ces mouvemens de l'orgueil qui agitent même les ames les plus simples; il épie ces mouvemens avec constance, pour les étouf

fer à l'instant même : toujours en garde contre les surprises d'un ennemi d'autant plus à craindre, qu'il réussit mieux à se déguiser (v).

La pratique de cette grande vertu, la plus difficile peut-être à garder, le prépare à l'exercice de toutes les autres. Elle le conduit d'abord à cette simplicité de cœur, d'où naissent, à leur tour, tant d'autres vertus angéliqnes, que le Christianisme seul pouvait faire connaître; à cette simplicité que le Sauveur du monde rendait sensible en nous proposant pour modèle la naïveté des enfans; aimable comparaison qui, nous mettant sous les yeux l'innocence du premier âge, semble nous rappeler, par cette image touchante, l'innocence primitive d'où l'homme est déchu, pour nous engager à y remonter, en quelque manière, par nos efforts (x).

La simplicité de Pascal l'entraine à cette abnégation généreuse qui, subjuguant une nature perverse et révoltée, étouffe le vil et dur égoïsme, porte l'homme à rompre tous les liens terrestres qui captivent son ame, à se sacrifier tout entier à la loi de Dieu et à l'exécution de sa volonté. Elle lui inspire ce renoncement aux superfluités, qui commence par un combat pénible contre une foule de besoins imaginaires menaçant l'homme de privations insupportables, et qui finit par un noble mépris de tous ces objets incapables de remplir son

cœur.

C'est ainsi que l'homme, détaché successivement de tout ce qui est indigne de ses affections, dépouillant l'une après l'autre les imperfections de sa nature, se purifiant au creuset de l'austérité, s'élève du fond même de sa bassesse, dans le sein de Dieu et y va puiser les rayons de cette charité divine qui éclaire l'ame, l'embrase d'un feu céleste, et lui donne une autre vie : nouveau foyer de vertus actives, qui ne peuvent plus se concentrer dans le

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