Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

DE

BLAISE PASCAL.

LES PER

ES PERSONNAGES célèbres que l'histoire recommande : à l'estime ou à l'admiration de la postérité, n'obtiennent pas tous une part constante aux suffrages des générations. Les uns, en effet, ne sont grands que relativement à leur siècle pour découvrir le vrai mérite de ces hommes dont le progrès des lumières semble effacer peu à peu la gloire, il est nécessaire de remonter à l'époque où ils ont vécu, de prendre place, en quelque sorte, parmi leurs contemporains, et là d'étudier avec soin les hommes qui les ont environnés, les circonstances sous l'empire desquelles ils ont agi ou pensé; enfin, d'acquérir une connaissance assez juste de leurs vertus, de leurs talens ou de leur génie, pour entrevoir ce qu'ils auraient fait dans un meilleur âge. Mais nous en voyons d'autres, dont les éminentes qualités sont absolues, qui savent apercevoir ces vérités éternelles, supérieures à l'opinion et aux systèmes, developper des talens ou s'élever à des vertus à des principes reconnus de tous les siècles: ceux-là peuvent se montrer seuls; et, grands de leur propre mérite, ils le sont alors pour tous les temps et pour tous les lieux.

[ocr errors]

Or, on a vu paraître un homme qui a pu, dans un petit nombre d'années troublées par de continuelles souffrances, être à la fois Archimède et Galilée dans la géométrie et la physique; le précur seur et l'égal de Molière et de Boileau, pour le sel et

l'enjouement, pour la finesse et la force du ridicule; Démosthène et Bossuet, pour le sublime et la véhémence du style; Socrate, Platon, Epictète, en philosophie qu'ai-je dit? qui a été plus que tout cela, un héros chrétien et l'un des plus dignes modèles de la perfection évangélique. A ces traits, dont l'alliance a de quoi nous étonner, qui peut méconnaître Pascal? La nature a-t-elle enfanté deux fois un tel prodige?

La vérité toute seule, je le vois, et je dois redouter un écueil trop fameux dans les fastes de la louange; la vérité, dis-je, toute seule va prendre ici les couleurs de l'exagération. Laissons donc la méthode ordinaire des orateurs : c'est un autre art qu'il nous faut. Pour exposer les titres de Pascal à une gloire immortelle aussi pure que solide, recourons à toutes les ressources de la simplicité, et ne craignons point de manquer les couleurs propres de notre sujet. Qu'avons-nous besoin du prestige du langage, si nous n'avons que des merveilles à raconter? Ne nous suffira-t-il pas de suivre les travaux du grand homme et l'exercice de ses vertus chrétiennes (1)? Ah! gardons-nous de profaner par un luxe étranger les richesses d'une telle matière ! Qui oserait prétendre à l'éloquence en présence de Pascal?

[ocr errors]

Pardonne, ombre illustre et révérée, si, d'un bras impuissant et mal assuré, j'entreprends d'élever à ta gloire un monument qui réclame des mains plus savantes que les miennes! Mes efforts, je le sens, seconderont mal le noble désir qui m'anime; mais du moins je saurai rendre à ta mémoire un hommage pur et vrai, et rien ne m'échappera qui puisse outrager tes vertus, que j'honore bien plus encore que ton génie.

(1) Un écrivain célèbre a dit que six pages suffisent au-delà pour la vie d'un auteur sédentaire, qu'elle est toute entière dans ses ouvrages. Si la dernière partie de cette sentence est une vérité, il faut convenir que la règle qui en est tirée, n'est pas sans exception.

Tracer rapidement des faits pleins d'intérêt, et analyser les grandes vues qui s'offriront à nos regards, voilà la seule tâche que je m'impose. Montrer ce que Pascal a été et ce qu'il a fait, ce sera, je pense, un assez bel éloge.

Mais, avant tout, qu'il me soit permis d'applaudir aux sages qui, les premiers, ont eu la belle et généreuse pensée, non-seulement de venger la mémoire de Pascal du long silence de tous les corps littéraires de sa patrie, mais de dissiper enfin les nuages et de déchirer le voile dont l'esprit de parti et je ne sais quelle philosophie peu digne du nom qu'elle porte, ont voulu couvrir sa statue.

PREMIÈRE PARTIE.

NE nous arrêtons point à rappeler que les aïeux de Pascal étoient anoblis, depuis un siècle et demi, pour leurs services dans l'administration publique; imitons ici un grand orateur louant l'un des plus illustres capitaines des temps modernes comme lui, laissons l'usage de faire un mérite de la naissance à ceux qui ont besoin de compter scrupuleusement les titres de leur héros pour relever sa gloire, et de remplacer ce qui manque à ses qualités personnelles, par celles de ses ancètres. Il est moins indifférent de remarquer que Pascal dut à son père les premiers fruits d'une éducation sage et raisonnée, et qu'il n'eut jamais d'autre maitre. Heureux les enfans qui trouvent, dans l'exemple et les préceptes d'un père instruit et vertueux, les véritables leçons dont ils ont besoin; qui reçoivent de cet instituteur naturel que nul autre ne peut remplacer, ces soins vigilans et soutenus, que l'incapacité, ou d'autres devoirs à remplir, empèchent trop souvent les pères de donner eux - mèmes (a) Etienne Pascal, versé dans les sciences exactes, vit les

[ocr errors]

Vignand

8-8-27.

[ocr errors]

EN N travaillant à cet Ecrit, je n'ai pas eu pour objet de composer un Eloge stérile vain recueil de lieux oratoires, également inutiles à la mémoire de Pascal et à l'instruction de ses admirateurs. Nous avons assez de phrases, s'écrie-t-on de toutes parts. J'ai osé me proposer un plus noble but : j'ai tàché, d'un côté, de faire entrevoir les utiles leçons que le philosophe et l'homme de lettres peuvent trouver dans l'examen des travaux de Pascal, et dans l'étude des chefs-d'œuvre de sa plume. Mais d'autre part, j'ai sur-tout désiré de faire sentir toute la grandeur et toute l'importance de ses vues sur la destination et les devoirs de l'homme, et de présenter, dans le tableau de ses vertus en action, un modèle capable de réchauffer les ames en qui toute semence de Religion et de saine morale n'est pas étouffée. Ce point de vue, sous lequel j'ai cru devoir envisager un si beau sujet, a entraîné quelques détails devenus indispensables, et a donné à mon Discours un peu plus d'étendue peutêtre que n'en comportent les formes ordinaires. Et cependant, en me restreignant à la véritable substance des choses, j'ai eu encore des sacrifices à m'imposer, et je suis loin d'avoir tout dit. Quoi qu'il en soit, la

« ZurückWeiter »