Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

au moins vous vous les rendiez utiles. Je le veux, jouissez dans cette vie de vos biens et de votre opulence, pourvu qu'à la mort vous n'alliez pas vous oublier vous-même; pourvu que vous songiez à rapporter ces biens à la gloire et à l'honneur de celui dont la munificence vous en a doté. C'est chose humaine, ce qu'on vous demande à vous tous, riches du monde, c'est chose utile à votre bonheur. Si l'on ne peut obtenir de chacun de vous que vous soyez pauvres en ce siècle, faites du moins que vous ne soyez pas réduits à mendier dans l'éternité. Cette indigence qui vous effraie si fort pour le temps, ne la craindrez-vous pas pour l'éternelle vie? Méticuleux que vous êtes sur des bagatelles, fuyez une calamité longue et interminable. Pourquoi redouter à ce point la pauvreté en cette vie, pourquoi trembler devant elle? C'est un bien moindre mal ce que vous craignez ici-bas.. Si vous trouvez dur un dénûment temporaire, quel sera, je le demande, celui qui n'aura pas de fin? J'entre pour ainsi dire dans vos intentions et vos vœux. Si vous ne voulez pas vous dépouiller entièrement de vos biens, faites en sorte qu'un jour vous n'en soyez pas privés. Encore une fois, nous vous demandons une chose qui doit vous flatter et vous plaire. Vous qui ne pouvez vivre sans richesses, travaillez à vous rendre riches pour l'éternité, suivant ces paroles: Si donc vous vous complaisez, rois des peuples, dans les trônes et les sceptres, aimez la sagesse, afin que vous régniez à jamais. Autrement, quelle erreur, quelle folie n'est-ce point, qu'il puisse se rencontrer un homme qui, après avoir vécu jusqu'au dernier jour dans une vaste opulence, crime déjà suffisant pour la condamnation,

quæ insania est quemquam hominum esse posse qui, acta in amplis opibus, quod solum sufficit ad reatum, usque ad diem ultimum vita, nec in supremo quidem exitu large ac salubriter sui memor sit, nec in ipsa jam de suo sibimet ægra extremitate succurrat, (præsertim cum in divitiis, per se Dominum accusantibus, secundum illud dictum, Væ vobis, divites (1), etiam alia ipsi diviti peccatorum genera non desint, quæ in ipso divitiarum sinu atque matrice quasi in naturali quodam fomite pullularint) non vel in ultimis. suis id agat, id elaboret, id omni rerum suarum ambitu promereatur, ne reus exeat, ne reus vadat, ne cruciandum postea corpus, crucianda etiam ad præsens anima, derelinquat? Quis ergo est aut tam infidelis, aut tam insanus, qui hæc non cogitet, hæc non timeat, qui de substantia sua aliis magis quam sibi consulat, et cuncta penitus spe vitæ hujus, cunctis subsidiis destitutus, unam tantummodo tabulam, cui inhærere adhuc quasi in medio mari naufragus possit, amittat, nec amittat tantummodo, sed abjiciat, atque a se penitus expellat, omnibus modis id elaborans ne quid sibi omnino reliquum esse faciat quo periturus evadat?

Quæ cum ita sint, dicite mihi, quæso, omnes Christum amantes, si esse ulli omnino homines

(1) Luc. VI. 24.

arrivé à son heure suprême, ne songe pas à lui d'une manière salutaire et efficace, ne s'aide pas de ses biens en cette fâcheuse extrémité (d'autant plus que, les richesses accusant déjà leurs possesseurs, selon ces paroles : Malheur à vous, riches, il y a encore dans l'homme opulent bien d'autres désordres engendrés au sein des richesses, comme dans une sorte de foyer naturel), un homme qui, du moins à ses derniers instans, par le sacrifice de tous ses biens, ne cherche pas et ne travaille pas à mériter de partir sans crime, de s'en aller absous, de ne point laisser son ame à des supplices déjà prêts, que le corps doit partager plus tard? Qui donc est assez infidèle ou assez insensé pour ne point songer à cela, pour ne point craindre cela, pour employer son bien à rendre les autres heureux plutôt que luimême; pour perdre, dans ce dénûment absolu d'espoir et de ressources, la seule planche à laquelle il puisse se prendre encore, comme un naufragé au milieu des mers, et pour la perdre non-seulement, mais aussi pour l'éloigner et la repousser loin de lui, travaillant à se dépouiller de tout ce qui pourrait lui devenir un moyen de salut ?

Après cela, dites-moi, je vous prie, vous qui aimez le Christ, s'il est des hommes aussi durs et aussi cruels envers leurs ennemis, que ces riches le sont envers eux-mêmes? Car il n'est pas

TOM. II.

de barbares assez fé16

tam sævi ac tam crudeles adversum inimicos suos possunt quam sunt isti adversum se ? Nulli quippe sunt tam feri, tam inhumani, qui non vel desperatos jam atque morientes adversarios suos persequi desinant; isti seipsos, etiam in morte positi, persequuntur. An non est hoc persecutio, aut esse alia major potest, exhæredari hominem a seipso, extorrem bonorum omnium fieri, et quasi in exilium a seipso agi, atque hoc, non communi more aut usitato, sed novo et crudelissimo. Omnes enim exules, etsi corporibus ablegantur, animis non eliminantur, etsi carne captivi sunt, cordibus tamen, si volunt, liberi perseverant. Hoc autem unde nunc loquimur, novum exilii genus atque tormentum est, scilicet ubi in exilium anima ipsa mittitur, ubi e facultatibus suis spiritus abdicatur. O quanto leviores sunt extranei et carnales inimici! Illi enim corporum tantum hostes sunt, vos, et animarum. Leve est itaque in comparatione facinorum vestrorum, illorum odium. Facile est enim quicquid in præsenti seculo nocet. Illud grave, illud perniciosum est, quod in æternitate jugulabit. Et ideo Salvator ipse : Nolite, inquit, eos timere qui possunt corpus occidere, animam autem non possunt (1). Facile est ergo odium quod corpus lædit, non lædit animam; quia, læso corpore, anima extra damnum est, et passio

(1) Matth. 28.

non

roces, assez inhumains pour ne pas cesser de tourmenter leurs ennemis expirans et privés d'espoir; les riches, au moment du trépas, sont encore leurs persécuteurs à eux-mêmes. Et n'est-ce point en effet une persécution, la plus grande qu'on puisse voir, qu'un homme se déshérite lui-même, se prive de tous ses biens, se bannisse en quelque sorte; et cela, point de la manière accoutumée, mais par un procédé étrange et cruel? Les exilés, bien que bannis par le corps, ne le sont point par l'ame; captifs par la chair, ils continuent pourtant, s'ils le veulent, d'être libres par le cœur. Mais ce dont je parle maintenant, est un nouveau supplice, un nouveau genre d'exil; c'est l'ame elle-même qui est reléguée en servitude, c'est l'esprit qui se trouve dépossédé de ses biens. Oh! que les ennemis étrangers et charnels ont moins de cruauté! Ils en veulent au corps seulement, et vous à vos ames. C'est peu de chose, en comparaison de vos forfaits, que la haine de ces hommes. Ce qui nuit dans le siècle présent est bien léger; mais, ce qui donne la mort dans l'éternité, est grave et pernicieux. Voilà pourquoi le Sauveur disait : Ne craignez point ceux qui tuent le corps, et ne peuvent tuer l'ame. C'est donc peu de chose que la haine qui blesse le corps, sans blesser l'ame, parce que l'ame reste alors à couvert du danger, et que la beatitude de l'esprit n'est point troublée par les souffrances de la chair. Le mal, le mal sans remède, le mal incalculable, c'est celui qui perdra tout l'homme à jamais. Et voilà pourquoi vos ennemis sont moins redoutables pour vous, que vous ne l'êtes à vousmêmes. Car, il n'est pas d'inimitié qui ne s'éteigne à la

« ZurückWeiter »