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Livre Troisième.

DANS les deux livres précédens, j'ai parlé comme en particulier, ô Eglise de Dieu, ma souveraine, aux deux portions de vos enfans, les uns qui aiment le monde, les autres qui professent la vertu. Mais dans celui-ci, pourvu que Dieu me soit en aide, j'ai dessein de parler aux uns et aux autres, selon que l'exigera l'ordre, ou le sujet, m'adressant tantôt à une seule partie de vos enfans, tantôt à toutes deux sans distinction. Il me reste à désirer que les uns et les autres, après avoir reconnu dans le cours de la lecture ce qui peut les concerner, reçoivent avec amour de Dieu ce que je viens d'écrire par amour pour lui. Comme j'ai dit jusques à présent que la miséricorde et l'aumône sont les vertus spéciales de tous les Chrétiens; comme j'ai prouvé, ce me semble, par des témoignages nombreux et concluans que là se trouvent et les principaux mérites des saints, et les plus

multis testibus adprobavimus, non opinor a quoquam plura exspectari; maxime cum, si quis cupidus est plurium, ipsos adire debeat libros Dei, qui tam multis ac magnis testibus pleni sunt, ut universarum cœlestium litterarum pene unum sit testimonium. Superest adversum eas responsionum infidelium causas, quæ a quibusdam mortiferæ excusationis gratia opponi solent, quippiam dicere. Loquens Salvator in Evangelio, propterea commodari hominibus opes a Domino ac pecuniam dicit, ut cum usuris multiplicibus commodata reddantur, dicens avarissimo debitori: Serve male ac piger, sciebas quod ego meto ubi non semino et congrego ubi non sparsi. Oportuit ergo te pecuniam meam dare nummulariis, et ego veniens cum usuris recepissem quod meum est. Tollite itaque ab eo talentum, et date ei qui habet decem talenta. Ac paulo post : Et servum, inquit, nequam projicite in tenebras exteriores; ibi erit fletus et stridor dentium (1). Quod tamenetsi etiam ad aliud referri potest, tamen loco quoque et causæ huic non insalubriter coaptatur. Cum enim nummularii Salvatoris pauperes et egeni recte intelligantur, quia pecunia quæ talibus dispensatur, augetur, cum usuris absque dubio Deo redditur, quicquid egentibus erogatur. Unde et alibi apertius ipse Dominus distribuere

(1) Matth. XXV. 26-28 et 30.

puissans remèdes pour les pécheurs, je ne pense pas qu'on puisse rien attendre de plus; car, quelqu'un réclame-t-il d'autres preuves encore, permis à lui de consulter les livres de Dieu, si pleins de graves enseignemens que le langage des lettres sacrées est presque uniforme sur ce point. Il me reste aussi quelques mots à dire contre les prétextes irréligieux que certaines personnes ont coutume d'alléguer, et qui ne sont que de misérables et funestes excuses. Le Sauveur parlant dans l'Évangile, assure que Dieu ne prête aux hommes les richesses et les trésors, que pour les retirer ensuite avec usure; il dit à un débiteur avare: Serviteur méchant et paresseux, vous saviez que je moissonne où je n'ai point semé, et que je recueille où je n'ai rien répandu; Vous deviez donc confier mon argent aux changeurs, et à mon retour, j'aurais retiré ce qui est à moi, avec usure. Otez-lui donc le talent qu'il a, donnez-le à celui qui a les dix talens. Un peu après : Jetez le serviteur inutile dans les ténèbres extérieures; là, il y aura des pleurs et des grincemens de dents. Ces paroles, il est vrai, peuvent se rapporter à un autre sujet, cependant elles se prêtent merveilleusement à celui que nous traitons ici. Si les pauvres et les nécessiteux sont regardés à bon droit comme les banquiers du Sauveur, puisque l'argent qu'on leur donne va se multipliant, sans doute on rend à Dieu avec usure, tout ce qu'on dispense aux indigens. C'est pourquoi, dans un autre endroit, le Seigneur ordonne lui-même aux riches de distribuer les biens de ce monde, et de se faire des bourses qui ne vieillissent pas. Le vase d'élection, Paul, instruit des volontés de son maître, enseigne que les

divites opes mundi et facere sibi sacculos qui non veterascant jubet. Sed et in vase electionis suæ idcirco locupletibus divitias a Domino dari indicat, ut bono opere ditescant. Et ideo etiam ego minimus et indignissimus famulorum Dei primum ac saluberrimum religionis officium esse dico ut Christianus dives, dum in hac vita est, divitias mundi hujus pro Dei nomine atque honore consumat; secundum autem, ut, si id vel metu, vel infirmitate, vel necessitate aliqua præpeditus forte non fecerit, saltem moriens universa dispenset.

Sed dicit fortasse : Filios habeo. Jam de hoc quidem principalis libelli pagina, et convenientia, ut arbitror, et non pauca memoravit; satisque ad hanc rem Domini sermo sufficit dicens: Qui amat filium aut filiam super me, non est me dignus (1). Sed et propheticum illud quod ait neque patres pro filiis, neque filios pro parentibus judicandos, sed unumquemque hominum, aut sua justificatione salvandum, aut sua iniquitate periturum, ac per hoc, quaslibet divitias homo filiis suis congerat, nequaquam hoc ei proderit in judicio quod divitem reliquit hæredem. Sed esto, ignosci parentibus possit, si ex parte aliqua hæreditarias facultates filiis derelinquant, si tamen idipsum bonis, si tamen sanctis. Esto quoque, ignosci

(1) Matth. X. 37.

hommes ne reçoivent des biens que pour s'enrichir en bonnes œuvres. Et voilà pourquoi, moi aussi, le plus petit et le plus indigne des serviteurs de Dieu, je dis que le premier et le plus salutaire devoir de religion pour le Chrétien riche, c'est d'employer, dès cette vie, les biens de ce monde pour le nom et pour la gloire de Dieu, et le second, de tout distribuer, au moins à la mort, si la crainte, les infirmités, ou des exigences quelconques ont empêché de le faire plus tôt.

Vous allez dire peut-être : J'ai des enfans. Nous avons déjà répondu à cette objection, dans les principaux endroits de cet ouvrage, par des preuves solides, je pense, et nombreuses; il suffirait, du reste, des seules paroles du Seigneur : Celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi, n'est pas digne de moi. Je pourrais y ajouter ce que dit un prophète, que les pères ne seront pas jugés pour les enfans, ni les enfans pour les pères, mais que chacun sera justifié par ses bonnes œuvres, ou condamné par ses iniquités. Ainsi, quelques richesses qu'un père amasse pour ses fils, il ne lui servira de rien, au jour du jugement, d'avoir laissé un riche héritier. Accordons toutefois qu'il est permis aux pères de léguer des biens à leurs enfans, si ces héritiers sont gens de bien et hommes vertueux. Accordons encore que cela est excusable, ces héritiers fussent-ils vicieux et corrompus. Il semble que ce soit pour les parens une sorte d'excuse de pouvoir dire: La tendresse paternelle

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