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trouverait un fils assez tendre pour vouloir partager avec son père les trésors qu'il en a hérités, dans la vue d'apporter quelques adoucissemens au supplice paternel, ses efforts deviendraient superflus. Car, la piété filiale ne pourra jamais rendre au père une fois mort, ce que l'indévotion et l'infidélité de ce dernier lui auront refusé. Donc, suivant l'Apôtre, que chacun songe à ses propres affaires, car chacun aussi portera son fardeau. Les flammes qui dévorent de malheureux défunts ne sont point adoucies par les biens d'un héritier. Ce riche de l'Évangile qui se revêtait de pourpre et de lin, avait été riche assurément dans le siècle, et avait enrichi ses héritiers à sa mort. Toutefois il ne lui importait guère que ses frères nageassent dans l'or et l'opulence, lorsqu'il ne pouvait obtenir, lui, une goutte d'eau pour se rafraîchir. Eux, ils étaient dans l'abondance, lui, dans la disette; eux, dans la joie, lui, dans les douleurs; eux, dans le bien-être, lui, dans les tourmens; ils vivaient peut-être toujours dans les plaisirs, lui toujours gémissait dans la flamme. O triste et fatale destinée! Avec ses biens, il avait préparé aux autres la béatitude, à lui, l'affliction; aux autres, les jouissances, à lui, les larmes ; aux autres, une courte volupté, à lui, des feux éternels. Où étaient alors ses parens, ses proches, ses enfans, s'il en avait eu, ses frères dont il gardait souvenance, et qu'il avait si tendrement aimés qu'il ne pouvait les oublier, au milieu même des supplices? A quoi lui servaient-ils, quels secours en pouvait-il attendre? Il souffrait, le malheureux, et pendant que d'autres dévoraient ses richesses, lui, tout brûlant, demandait une goutte d'eau, sans pouvoir l'obtenir. Et puis, ce qui devait rendre le refus 19

TOM. II.

amore dilexerat, ut eorum, ne in supplicio quidem positus, oblivisceretur? Quid ei proderant, quid suffragabantur? Torquebatur infelix, et opes suas aliis devorantibus, ille refrigerii guttam ardens petebat, et impetrare non poterat. Et hoc, si quid addi ad pœnam potest, per illum sibi tribui postulabat quem aliquando contempserat, per illum qui in pure ac sanie computruerat, per illum cujus fœtorem ac squalorem longe refugerat, qui membrorum suorum ulceribus canes paverat, quem scatentes vermium globi etiam intra recessus peresi corporis exararant. O gravis nimium et lugenda conditio! Pauper beatitudinem emit mendicitate, dives supplicium facultate. Pauper, cum penitus nil haberet, emit æternas divitias egestate. O quanto has facilius tam multa rerum possessione dives potuerat comparare, qui inter tormenta æstuans et inter supplicia proclamans, Pater, inquit, Abraham miserere mei, et mitte Lazarum, ut intinguat extremum digiti sui in aquam ut refrigeret linguam meam, quia crucior in hac flamma (1). Non horrebat tunc scilicet dives ille Lazari quondam pauperis manum, nec dedignabatur auxilium. Inseri ejus digitos ori suo et mitigari intolerandas faucium flammas illius pridem fœtidæ ac squalentis manus munere postulabat. O quanta rerum mutatio facta fuerat! Tangi tunc ab eo desiderabat quem etiam videre ante despexerat.

(1) Luc. XVI. 24.

plus douloureux, il demandait qu'elle lui fût accordée par celui qu'il avait autrefois méprisé, par celui qu'il avait vu pourir dans la sanie et la corruption, par celui dont il avait fui la puanteur et l'aspect dégoûtant, par l'homme qui avait repu les chiens des ulcères de ses membres, par celui dont le corps rongé, sillonné jusque dans ses profondeurs, était tout grouillant de vers. O triste et fatale destinée! Le pauvre achette la béatitude au prix de la mendicité; le riche achette les supplices au prix de l'opulence. Le pauvre qui n'a rien, achette les richesses éternelles au prix de son dénûment. Ah! combien plus facilement, avec ses immenses possessions, le riche eût pu acquérir les trésors d'en haut, lui qui s'agitait dans les tourmens et criait au milieu des supplices: Mon Père Abraham, ayez pitié de moi, et envoyez Lazare, afin qu'il trempe l'extrémité de son doigt dans l'eau, pour rafraichir ma langue, parce que je suis tourmenté dans les flammes. Il n'avait point alors en horreur, ce riche, la main de Lazare pauvre autrefois, il n'en dédaignait point l'assistance. Il demandait que les doigts de Lazare fussent insérés dans sa bouche, et que les flammes cruelles qui la dévoraient fussent adoucies par le ministère de cette main jadis si fétide et si dégoûtante. Oh! combien les choses étaient changées! Il ambitionnait d'être touché par celui que naguère il avait dédaigné même de regarder.

Hæc ergo divites cogitent, qui redimere facultatibus suis nolunt ne ista patiantur. Dives fuit ille de quo nunc loquimur, divites sunt et isti ad quos nunc loquimur. Unius sunt nominis. Caveant ne sint etiam conditionis unius. Non liberabunt enim filii divites parentes reos, nec restinguet flammas miseri testatoris, deliciis affluentibus opulentus hores. Durum est ab aliquo filiis ac propinquis parum relinqui. Multo est durius in æternitate torqueri. Opinor enim, divitem illum, cum torqueretur, non tantum delectabant opes hæredis sui, quantum angebant tormenta corporis sui, non tantum delectabat quod hæres suus bene epulabatur, quam angebat quod ipse male cruciabatur, non tantum delectabat quod hæres suus in exquisitis deliciis affluebat, quantum angebat quod ipse intolerandis ignibus diffluebat, non tantum delectabat quod hæres suus pascebat parasitos et helluones copiis suis, quantum angebat quod ipse pascebat flammas medullis suis. Et puto, si quis ei tunc optionis copiam præstitisset utrumne mallet divites hæredes suos esse, an se in miseriis tormentisque non esse, voluerat profecto illos omnibus bonis alienari, dummodo ille posset malis omnibus liberari; voluerat offerre omnia quæ possederat, dummodo evaderet quæ perferebat; voluerat cunctam illam substantiam quam habuerat et temporales argenti et auri thesauros pro se dare, ut juges supplicio

Qu'ils réfléchissent donc à cela, les riches, eux qui refusent d'employer leurs biens à se garantir d'un si grand malheur. Il était riche celui dont nous parlons maintenant; ils sont riches aussi, ceux à qui nous nous adressons. Ils ont le même nom; qu'ils prennent garde de ne point avoir la même destinée. Car les enfans riches ne délivreront pas des parens coupables, et l'opulent héritier qui nage dans les délices n'éteindra point les flammes où brûle un malheureux testateur. Il est dur de laisser peu à ses fils et à ses proches. Il est bien plus dur encore de souffrir dans l'éternité. Car, le riche, je crois, au milieu de ses tortures, était moins réjoui par l'opulence de son héritier, qu'il n'était affligé par les supplices de son corps; moins réjoui de voir son héritier s'abandonner à la bonne chère, que tourmenté de se voir, lui, en proie à d'épouvantables souffrances; moins délecté de voir son héritier regorger de délices et de voluptés, que tourmenté de se voir, lui, en des feux dévorans; moins délecté de voir son héritier nourrir de son trésor des parasites et des gloutons, que tourmenté de se voir, lui, la pâture des flammes. Et sans doute, s'il lui eût été proposé d'en finir avec ses malheurs et ses supplices, à condition que ses héritiers seraient sans biens, qu'il les eût volontiers dépouillés de toutes leurs richesses, pour se délivrer de tous ses maux! Qu'il eût volontiers offert ce qu'il avait possédé, pour échapper à ses tourmens! Qu'il eût donné volontiers pour lui toutes ces vastes possessions, cet argent et cet or d'un jour, afin de mettre un terme à ses supplices, à ses tortures immortelles, afin d'éteindre ce long incendie, en y jetant, s'il était possible, la masse de ses richesses,

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