Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

à un certain point de civilisation. L'étude et la comparaison des langues offrent donc les moyens de résoudre les nombreux problèmes que présente encore l'histoire de la race humaine 1.

Si l'on considère avec attention les luttes que l'humanité a soutenues et celles qu'elle soutient encore, on acquiert la conviction qu'elles ont leur cause dans le travail que nécessite le développement de la parole, parce que sa perfection est le signe infaillible de la perfection par excellence. Cela est si vrai et si utile à savoir, que Dieu, qui créa les sphères et les inonda d'éblouissantes clartés par la puissance de sa parole, n'a pas voulu le laisser ignorer aux hommes. La voix inspirée des prophètes ne connaissait rien de plus grand, de plus sublime, de plus digne de servir d'attribut à la Divinité, que la parole. Son action est, selon eux, l'action la plus vivante, la plus énergique : la parole de Dieu, c'est le tonnerre de sa puissance; elle cerne le ciel tout entier2 : c'est tantôt un feu ou un marteau qui brise les rochers, tantôt une rosée ou une pluie bienfaisante3. Et l'apôtre n'a-t-il pas dit : In principio erat Verbum, et Verbum erat « apud Deum, et Deus erat Verbum. Omnia per ipsum facta « sunt : et sine ipso factum est nihil quod factum est : in ipso vita

erat.....

[ocr errors]

Aider à la propagation de la lumière que la connaissance parfaite de la parole répand sur les destinées humaines, tel est le noble but pour lequel travaillent les hommes doués de la patience du vrai savoir, et tel est aussi le but des étymologistes.

L'acquisition de la connaissance fondamentale des mots est possible, donc elle est nécessaire; la poursuite de l'impossible est seule inutile. Je dis, elle est possible, parce que tout homme le reconnaît instinctivement. Quel autre sens donner aux demandes réitérées des enfants lorsqu'ils entendent nommer une 'Champollion. - Job, 37.

?

--

Isai. 55.

Joan. 1.

chose « Pourquoi cela s'appelle-t-il ainsi?» Manifestation d'un vœu qui ne saurait être si général, s'il n'était le reflet d'une vérité contenue au fond du cœur humain. Il faut donc que l'esprit de l'homme ait apporté, en naissant, la faculté conditionnelle, bien entendu, de répondre aux questions qu'il se pose, si d'ailleurs elles sont avouées par la raison, la raison, parce que l'âme serait un non-sens si ses puissances n'aboutissaient qu'à la négation. Mais cette faculté est conditionnelle, c'est-à-dire que toutes les solutions étant plus ou moins cachées, le travail seul finit par les découvrir. Par lui déjà s'est répandue une grande et salutaire lumière sur les origines et sur les analogies des langues. On ne niera point que cette clarté ne soit due, en grande partie, aux travaux des grands étymologistes et philologues que l'Allemagne a produits depuis un siècle1. Bien qu'un grand nombre d'entre eux n'aient particulièrement étudié que les origines de la langue germanique, ils n'en ont pas moins bien servi les intérêts de la science des langues en général; d'abord parce que la plupart des langues de l'Europe contiennent des traces nombreuses de l'élément germanique, puis parce que l'allemand, par l'intime affinité de ses parties constitutives avec les idiomes classiques, peut servir en même temps à expliquer les langues

'Wachter, Frisch, Ihre, Fulda, Adelung, Vater, Grimm, Graff, Bopp, Guillaume de Humboldt, Klaproth, Guill. de Schlegel, Gesenius, Westergaard, Hoffmann, Kaltschmidt, Lepsius et tant d'autres. Telles sont les autorités imposantes sur lesquelles nous nous appuyons pour oser présenter ce travail au public.

Lorsque nous écrivions ces lignes, nous ne connaissions pas encore le beau travail de M. Eichhoff sur les langues de l'Europe et de l'Inde. Nous regrettons. beaucoup de n'avoir pu le consulter. Les ouvrages de ce genre, et, en général, tous ceux qui n'intéressent pas les masses, sont si rares en province, qu'il est sans doute plus aisé d'étudier les travaux des savants français à Königsberg ou à Stockholm que dans une ville provinciale française quelconque.

modernes dont le grec ou le latin forment la base principale, telles que l'italien, le français, l'espagnol, etc.

De même que toute cette richesse d'idées, qui répand maintenant son action puissante sur le monde civilisé, s'est développée de quelques notions primitives, de même les expressions naturelles de ces notions ont été le germe de cette multitude de langues qui résonnent sur la surface de la terre. Toutes les langues ont donc les mêmes lettres radicales, parce que toutes se basent sur les mêmes notions, et que tous les hommes ont les mêmes organes. Le nombre des sons radicaux est petit. Ils sont produits, avec le secours de la langue, par le gosier, le palais, les dents, les lèvres et le nez. Par leur moyen, l'homme de la nature n'imitait d'abord que les bruits et les sons' qui frappaient son oreille; les autres, il les exprimait mieux par des gestes, le sentiment n'étant point encore assez développé en lui pour saisir l'homogénéité des rapprochements qui existent entre les diverses manifestations de la nature. Mais, insensiblement, cette langue inculte fit un pas: les expressions plus ou moins articulées, mais toujours distinctes des cris sauvages des bêtes, se plièrent à l'imitation des mouvements qui impressionnent les yeux, le nez, le goût, le toucher. Alors les cinq consonnes radicales ne suffirent plus; elles durent se prêter à de nouvelles combinaisons, et chacune d'elles enfanta successivement une série de gradations propres à peindre les nuances des impressions naturelles. L'alphabet se forma, et la langue sortit pour toujours de son état informe.

1

La langue copte, quoique travaillée par la civilisation égyptienne, offre encore aujourd'hui un grand nombre de mots qui ont gardé une physionomie toute primitive, par exemple Kрorp (krur), grenouille; vors (mui), lion; ser (jố), âne; rλrλ (teltel), tomber à petites gouttes; K (ômk), avaler; Kрupu (kremrem), bruit; Нɛphɛp (kherker), ronfler; Hp&xpɛz (kradjredj), grincer, etc.

:

Nous ne voulons pas dire par là que l'écriture fût déjà inventée; la langue parlée et la langue écrite sont deux choses distinctes. On parlait depuis longtemps, c'est-à-dire que l'organe humain produisait depuis longtemps toute l'échelle des sons dont la combinaison logique, quoique instinctive, constitue le langage, avant que l'idée de l'écriture proprement dite entrât dans l'esprit de l'homme. Les Chinois, par exemple, ont une langue parlée; donc ils prononcent nécessairement toutes les lettres qui concourent à la formation de leurs mots, mais ils n'écrivent pas ces lettres ainsi ils n'ont pas de langue écrite. Ce qu'on appelle vulgairement l'écriture chinoise n'est qu'une suite de caractères idéographiques, c'est-à-dire de dessins d'objets matériels, et qui, lorsqu'ils doivent exprimer des idées abstraites ou des actes de l'entendement, sont détournés de leur sens primitif au moyen d'opérations conventionnelles1. Les Égyptiens ne connurent, pendant des siècles, que l'écriture hieroglyphique, et, lorsque enfin ils adoptèrent un alphabet pour écrire leur langue, dont les sons avaient été dessinés jusque-là, ce fut celui des Grecs. Mais l'alphabet grec ne pouvant rendre tous les sons de la langue égyptienne, on y mêla les signes hieroglyphiques équivalents de ces sons, sauf à les modifier assez pour que leur forme générale s'adaptât aux formes des lettres grecques. C'est ainsi que le céraste fut converti en fei (f), l'hirondelle en × dchandchia (dj), le bassin en 6 chima (g), la chaîne en & hori (h), le van en Ökhei (kh), la citerne en chei (ch) 2. ‹

Mais c'est surtout la langue hébraïque ou chaldaïque qui prouve la postériorité de l'invention de l'écriture. L'écriture primitive par images y est attestée par les noms propres, qui ont tous une signification. Ainsi Adam signifie homme de terre;

[blocks in formation]

Caïn veut dire le premier propriétaire, etc. Il n'y avait donc pas de lettres écrites, puisqu'un son articulé ne sort point d'une image; qu'au contraire, une image, par là même qu'elle exprime une chose ou une idée en masse, s'éloigne nécessairement de la représentation d'un son articulé1. Puis on peut voir que toute lettre hébraïque, voyelle ou consonne, est la première articulation du nom significatif de la lettre ; d'où il faut conclure que la lettre était un caractère idéographique ou symbolique avant d'être employée comme expression écrite d'une articulation déterminée de la voix. Pour qu'un signe quelconque devînt lettre, on commença sans doute par décomposer le son du nom qu'il représente; puis, distinguant dans ce son composé diverses articulations, on attribua à la première le signe tout entier. Ainsi, par exemple, le signe symbolique de taureau & fut consacré à exprimer la voyelle a, parce que la première articulation de son nom (aleph) est la gutturale &, plus tard à; le signe de maison devint l'expression de l'articulation labiale b, parce que cette lettre s'entend la première dans (beth), nom du caractère idéographique qui, plus tard, céda la place à 2; l'image de porte exprima dorénavant la dentale d, parce qu'elle est la première articulation du nom de ce caractère symbolique (daleth) ( devint 7)2, et ainsi de suite 3.

En donnant le tableau ci-après de la formation de l'alphabet, nous faisons donc abstraction de l'écriture, et nous ne voulons le considérer que comme l'essence des sons, afin de démontrer lå que tous les peuples primitifs suivirent, en le formant,

par

'Herder, Heb. Poesie.

'Les Hébreux ont adopté l'alphabet des Chaldéens après leur première captivité, en quittant l'alphabet samaritain ou phénicien, qui paraît être l'origine de toute écriture.

[blocks in formation]
« ZurückWeiter »