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agréable, ou, comme l'ont jugé certains critiques, excellent 1, et les incidents assez bien imaginés, il n'en serait pas moins difficile de lire d'un bout à l'autre un roman latin de sept cents pages, à moins de n'avoir d'autre alternative que celle de subir les ouvrages du même genre écrits en espagnol ou en français. L'Argenis fut publié à Rome en 1622: quelques uns des personnages introduits par Barclay sont ses propres contemporains; preuve qu'il n'avait pas entendu composer une allégorie rigoureusement historique des événements du siècle précédent. L'Euphormio, du même auteur, ressemble jusqu'à un certain point à l'Argenis ; mais avec moins d'intrigue et de caractères, il a plus de rapports avec l'état politique de l'Europe. Il renferme beaucoup de dissertations politiques, et un livre tout entier est consacré à la description des mœurs et des lois de différents pays, sans aucun déguisement de

noms.

Campanella donna libre carrière à son imagination fantastique dans une fiction, intitulée La Cité du Soleil, et publiée à Francfort en 1623, peut-être à l'imitation de l'Utopie. La Cité du Soleil est située sur une montagne de l'île de Ceylan, sous l'équateur. La communauté de biens et de femmes est établie dans cette république, dont le principal magistrat est appelé Soleil, et n'est élu qu'après un rigoureux examen sur toute espèce de sciences. Campanella a introduit dans ce livre tant d'idées appartenant à son propre système philosophique, qu'on peut croire que c'est là l'objet principal du roman. Les habitants de la cité du soleil, nous dit-il, s'abstenaient dans le principe de manger de la viande, parce qu'ils trouvaient qu'il était cruel de tuer des animaux. «< Mais ensuite, considérant qu'il ne serait pas moins cruel <<< de tuer les plantes, qui sont également douées de sensibilité, en << sorte qu'ils étaient exposés à mourir de faim, ils comprirent que << les choses ignobles étaient créées pour l'usage des choses plus << nobles, et maintenant ils mangent de tout sans scrupule ». Un autre roman latin eut quelque célébrité de son temps; c'est la Monarchia Solipsorum, satire dirigée contre les jésuites sous le pseudonyme de Lucius Cornelius Europeus. Ce livre a été attri

Coleridge a fait un éloge chaleureux, et un peu hyperbolique, du style de l'Argenis, qu'il préfère à celui de Tite Live et de Tacite. (Coleridge's Remains, t. I, p. 257.) Je suis loin d'aller jusque-là: il m'a paru que la Jatinité de Barclay se rapprochait da

vantage de celle de Petronius Arbiter; mais je ne connais pas assez intimement cet écrivain pour pouvoir en parler avec assurance. La même observavation semble devoir s'appliquer à l'Euphormio.

bué à plusieurs personnes : l'auteur probable est un nommé Scotti, qui avait lui-même appartenu à l'ordre'. Je n'y ai pas trouvé le moindre intérêt; ou, s'il en a, ce doit être non pas comme simple fiction, mais comme révélation de secrets.

Si l'Angleterre a été privée, jusqu'à une époque récente, du roman comique, ou de celui qui est tiré de la vie réelle, cette lacune dans notre littérature doit être pour nous un sujet de regret plutôt que d'étonnement; car on peut, comme nous l'avons vu, en dire autant de la France. On trouvait que les romans picaresques de l'Espagne méritaient bien les honneurs de la traduction; mais personne n'eut l'idée, ou ne se sentit la force de changer le lieu de la scène, et d'imiter ces tableaux de mœurs nationales. De quel prix eût été un roman tout anglais, écrit sous Élisabeth ou sous les Stuarts, et offrant le miroir de la vie réelle dans les différentes classes de la société ! A moins que l'exécution n'en eût été tout-àfait grossière, et les portraits absolument bornés à des caractères de bas étage, nous y aurions mieux vu les habitudes sociales de nos ancêtres que partout ailleurs, dans les pièces de théâtre, dans les lettres, dans les traditions et les anecdotes, dans les tableaux ou les constructions du temps. Malgré l'intérêt que tout le monde prétend prendre à l'histoire des mœurs, nos connaissances à cet égard sont en général maigres et imparfaites; aussi, les ouvrages modernes de fiction n'offrent-ils que des ébauches crues et inexactes lorsqu'ils essaient de représenter la vie anglaise telle qu'elle était il y a deux siècles. Scott lui-même, qui avait le sentiment instinctif de la nature et du vrai, et qui avait beaucoup lu, paraît avoir été induit en erreur par le style de Shakspeare, et n'avoir pas saisi tout-à-fait le ton réel de la conversation. Le style de Shakspeare est un peu travaillé et s'écarte de l'usage ordinaire par une sorte d'archaïsme dans les locutions et une tournure piquante dans le dialogue, adapté à l'effet théâtral, mais n'ayant pas l'aisance du discours ordinaire.

Je ne puis produire, dans cette première partie du XVIIe siècle, que deux livres écrits par des auteurs anglais, qui rentrent à proprement parler dans cette classe de romans; et encore l'un d'eux est-il écrit en latin. C'est le Mundus Alter et Idem de l'évêque Hall, imitation des derniers volumes de Rabelais, qui sont aussi ses plus faibles. Une contrée, située dans la Terre Australe, est divisée en quatre régions, Crapulia, Viraginia, Moronea et Lavernia. L'auteur donne des cartes de toute la contrée et de cer

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Biogr. univ., art SCOTTI et INCHIOFFER. NICERON, t. XXV et XXIX.

taines régions; et il est facile de saisir la nature de cette satire, dont une faible partie seulement se rapporte spécialement à l'Angleterre. En somme, ce n'est pas une conception fort heureuse.

Un autre prélat, ou du moins un écrivain qui fut plus tard un prélat, François Godwin, inventa une fable beaucoup plus curieuse, qui a pour titre l'Homme dans la Lune. C'est la relation du voyage d'un certain Domingo Gonzalez à cette planète. Elle fut écrite par Godwin, si l'on en croit Antoine Wood, lorsqu'il était encore étudiant à Oxford. Il résulte de quelques preuves internes que l'époque de sa composition a dû être entre l'année 1599 et la mort d'Élisabeth en 1603. Mais elle ne fut publiée qu'en 1638. Traduite en français, elle servit de modèle à Cyrano de Bergerac, comme celui-ci à Swift. Godwin lui-même n'eut pas de prototype que je sache, si ce n'est Lucien. Il ressemble à ces écrivains par le ton naturel et véridique de son récit. La fiction est assez ingénieuse, et amusante d'un bout à l'autre; mais ce qu'il y a de plus remarquable, ce sont les heureuses conjectures, pour ne pas dire plus, de sa physique. Non seulement l'auteur se prononce positivement en faveur du système de Copernic, ce qui était une chose extraordinaire à cette époque, mais il a fort bien compris le principe de la gravitation, en supposant que l'attraction diminue avec la distance. Et le passage suivant n'est pas moins curieux. «Il faut que vous sachiez que le globe <«< de la lune n'est pas entièrement privé d'attraction; mais sa <«< vertu attractive est beaucoup plus faible que celle de la <<< terre: ainsi, si un homme s'élance en l'air de toute sa force, << comme font les danseurs lorsqu'ils montrent leur agilité <«< en faisant des cabrioles, il pourra s'élever à cinquante ou << soixante pieds de hauteur, et alors il se trouve tout-à-fait hors « de l'attraction de la lune. » C'est par ce moyen que Gonzalez revient de cette planète, quoiqu'il ait fallu un procédé plus compliqué pour l'y transporter. «La lune, dit Godwin, est re<«< couverte d'une mer, excepté dans les parties qui nous parais<< sent plus obscures, et qui sont de la terre sèche». Plus tard, l'hypothèse contraire a prévalu; mais notre jeune étudiant ne pouvait tout deviner.

Quoique je ne puisse indiquer aucun autre livre en anglais qui

⚫ Athena Oxonienses, t. II, col. 558. Il est assez remarquable que Dunlop n'ait pas eu connaissance des titres de Godwin à la propriété de cet

ouvrage, et qu'il prenne Dominique Gonzalez pour le véritable auteur. (Hist. of Fiction, t. III, p. 394.)

réponde exactement à l'idée que nous nous faisons d'un roman, je n'en dois pas moins parler de la Forêt de Dodone, de Jacques Howell. C'est une étrange allégorie, dans laquelle l'auteur n'a pas pris la peine de maintenir l'analogie qui doit exister entre la fable extérieure et le sujet réel, analogie sans laquelle ce genre d'écrits ne peut avoir d'attrait pour le lecteur. Le sujet est l'état de l'Europe, et surtout de l'Angleterre, vers 1640, représenté au moyen d'arbres animés. Voici un échantillon du style: «< Le lendemain <«< matin, le royal olivier envoya quelques beaux ormes pour ac<«< compagner le prince Rocolino en qualité de grands officiers, et « bientôt après il fut amené au palais du monarque avec le même « cortége qui accompagne les rois d'Élaiana le jour de leur cou<< ronnement ». Cette allégorie est conduite d'un bout à l'autre d'une manière tellement lourde et inintelligible, l'invention en est si pauvre et si absurde, la fable, si tant est qu'il y ait une fable, est un écho si fastidieux d'événements connus, qu'on ne saurait considérer la Forêt de Dodone autrement que comme un échec complet. Howell n'a pas d'esprit, mais force pointes, du reste assez peu piquantes. Avec tout cela, c'était un homme de quelque sens et d'observation. Ses lettres sont amusantes; mais nous ne pouvons nous y arrêter ici.

Il ne serait pas impossible que nous eussions omis quelques petits ouvrages appartenant à cette vaste catégorie, et que mes lecteurs, ou moi-même par seconde réflexion, pourrions juger dignes d'être mentionnés. Cette même catégorie est d'ailleurs d'une nature tellement mixte qu'il est permis d'avoir des doutes sur quelques ouvrages qui ont un certain droit à y être admis. Telles sont les Aventures du Baron de Fœneste, par le fameux Agrippa d'Aubigné (dont l'autobiographie, soit dit en passant, a au moins la vivacité de la fiction); singulier livre, écrit en dialogues, dans lesquels un prétendu baron gascon raconte ses aventures des camps et de la cour. L'auteur a mis dans sa bouche un patois qui n'est pas très facile à comprendre, et qui n'en vaut peutêtre guère la peine; mais ce livre paraît renfermer beaucoup de choses qui servent à illustrer l'état de la France vers le commencement du XVIIe siècle. Il y a beaucoup de satire, et cette satire porte sur les catholiques, défendus contre les attaques d'un fin huguenot par Fœneste, qui n'est qu'un ridicule gentillâtre de Gascogne.

FIN DU TOME III.

TABLE DES MATIÈRES

CONTENUES DANS LE TROISIÈME VOLUme.

au XVIIe siècle.....

Popularité de Comenius.

Décadence du grec...

CHAPITRE PREMIER.

DE LA LITTÉRATURE ANCIENNE EN EUROPE, DE 1600 A 1650.

I. Décadence de la philologie

PAGE.

Bons écrivains en latin.....

1 Scioppius...

PAGE.

14

15

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4 Judicium de Stylo historico... ib.

Viger, De Idiotismis....

5 Gerard Vossius, De Vitis Ser-

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DE LA LITTÉRATURE THÉOLOGIQUE EN EUROPE, DE 1600 ▲ 1650.

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