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singularités lui convient, en tant qu'elle regarde la seconde Personne de la Trinité, qui est le Verbe divin, le Fils du Père éternel par nature; car des trois Personnes adorables de la Trinité, il n'y a que la seconde seulement qui soit unie et conjointe personnellement et substantiellement à l'humanité. La seconde des singularités de cette union est qu'elle unit la seule humanité de Jésus au Verbe divin, et non pas une autre créature de quelque espèce et qualité qu'elle puisse être. Laissons maintenant la première singularité, et contentons-nous de méditer que cette union est singulière et toute propre à l'humanité de Jésus, au fruit béni d'une Mère-Vierge; car, dit saint Paul, il n'a jamais pris les anges, mais la semence d'Abraham (Héb. 2). Il veut dire que le Verbe divin ne s'est point allié, par l'union personnelle, à la nature des anges; mais à celle des hommes, et encore à une nature singulière descendue d'Abraham par la Vierge Marie. Certes, il n'était pas convenable qu'une nature déraisonnable et inférieure à l'homme fût élevée à cette dignité; car elle eût été incapable de reconnaître ce bienfait par des actes d'amour, de révérence et de reconnaissance, comme il était convenable. Il y avait bien plus de raison d'obliger les anges, et de les gratifier de la faveur de cette union. Cependant, soit parce que tous les anges pécheurs avaient perdu la grâce sanctifiante par leur propre volonté, et les hommes au contraire par celle d'Adam, soit pour d'autres considérations que nous ne pouvons pénétrer, et que Dieu tient sous le secret en son conseil, il n'a pas été épris d'amour pour s'allier aux anges, mais seulement pour s'allier au Fils d'une Vierge privilégiée entre toutes les vierges. Il n'a pas pris les anges, mais la semence d'Abraham. Et comme Dieu avait ce dessein de toute éternité, dès qu'il l'eut révélé aux anges pour qu'ils l'approuvassent et s'y soumissent, Lucifer et ses complices furent piqués d'une mortelle envie contre cette humanité bienheureuse, et ils s'attristèrent de son bonheur, qu'ils pensèrent témérairement leur appartenir; c'est ce qui les ébranla dans le devoir de leur fidélité, et les fit tomber malheureusement. Cette faveur est toute singulière au Fils de Marie, elle n'appartient pas aux Séraphins ni à aucune créature. Ce que Dieu a ainsi voulu pour l'exaltation et la gloire de Jésus, afin qu'il jouît tout seul de cette grandeur, et qu'étant singulier, sans égal et sans pareil,

il en fût plus admiré et plus respecté. Car les choses ne paraissent jamais mieux qu'en leur singularité, ainsi que fait un roi qui est unique, comme le soleil est unique dans le ciel. Il est vrai que l'union hypostatique est le grand remède de toutes les âmes entachées de péché; mais comme il n'est pas nécessaire que le remède soit appliqué à toutes les parties du corps malade, mais seulement à une partie, qui en transmet la vertu aux autres; ainsi il n'était pas nécessaire pour la Rédemption de la nature humaine que tous les hommes fussent unis au Verbe; il suffisait que l'humanité de Jésus, la maîtresse de toutes les natures humaines, le fut, afin que par elle les autres reçussent les effets de la Rédemption.

Formez les mêmes affections qu'au second point, et ne cessez de célébrer hautement cette humanité singulière, et si singulièrement gratifiée de Dieu même par-dessus tous les anges. Oh! que d'actions de grâces et de louanges aura données cette humanité à Dieu, pour la préférence qu'elle a reçue en ce don ineffable! O très-sainte Marie! O Vierge singulière et mère sans pareille! Oh! que vous êtes glorieuse, puisque le fruit béni de vos entrailles a reçu le privilége de cette union personnelle. Béni soyez-vous, très-grand Dieu, qui l'avez voulu! Que toutes les langues des anges bienheureux et des âmes saintes, en dépit des démons, vous louent et vous glorifient dans tous les siècles des siècles.

CINQUIÈME MÉDITATION.

DE LA NÉCESSITÉ DE L'UNION HYPOSTATIQUE, POUR FAIRE
SATISFACTION A DIEU POUR LE PÉCHÉ.

1. Considérez que Dieu a voulu la réparation de l'outrage fait à son honneur par le péché, et il a exigé qu'une satisfaction juste et rigoureuse lui en fût faite. Cette considération est nécessaire pour comprendre l'origine de l'Incarnation, et tout ensemble la nécessité de ce mystère. Considérons donc premièrement, qu'après le péché d'Adam et les offenses du monde commises au mépris de sa gloire et de sa grandeur, Dieu pouvait, usant de plein pouvoir, pardonner miséricordieusement et libéralement, sans exiger aucune satisfaction ni supplice de ses créatures rebelles; car si un roi de la terre, outragé par ses sujets, a le pouvoir, quand il lui plaît, de les renvoyer absous, et de leur donner abolition de tout crime, à combien plus forte raison le Dieu de l'univers pouvait-il user de la même indulgence et de la même miséricorde à l'égard d'Adam, et de tous les hommes héritiers de son crime. Mais comme il n'est pas toujours convenable de faire ce qui est en son pouvoir, et que c'est l'ordinaire de Dieu de procéder par voie de miséricorde et de justice tout ensemble en toutes ses œuvres, il ne jugea pas à propos de remettre les péchés sans satisfaction et réparation de son honneur, qui en était extrêmement offensé, puisque le pécheur rebelle et désobéissant le traite indignement, sans aucun respect pour sa grandeur, comme s'il était un être de néant, qui ne méritât que le mépris de ses créatures. Il voulut donc réparation d'honneur, et une condigne satisfaction. Aussi, ayant créé toutes choses pour sa gloire et pour être honoré, aimé et traité respectueusement par ses créatures, il eût été frustré par les péchés du monde, de la fin qu'il s'était proposée en le créant, et comme il n'aime rien plus entre les choses créées que cette fin, ayant

tout créé pour elle, il eût été privé éternellement de ce qu'il aimait au-dessus de tout. Il eût été privé d'un bien qui est comme infini, et qu'il prise tant, que pour ce bien il fait toutes ses œuvres dans l'ordre de la nature et de la grâce. Il n'était donc pas raisonnable qu'il souffrit ce dommage, puisqu'il est infiniment sage et tout-puissant, et que par sa sagesse il peut trouver les moyens de rentrer dans sa gloire, comme il les peut mettre à exécution par sa puissance. Certes, il proteste hautement qu'il ne se dessaisira pas de sa gloire: Je ne donnerai pas ma gloire à un autre (Isaïe, 42). Il est plein de zèle pour se la conserver ou se la faire rétablir; c'est pourquoi se trouvant offensé en sa gloire et en son honneur par le péché d'Adam et du genre humain, il a voulu une satisfaction en rigueur de justice, équivalente ou égale au mépris qu'il en avait reçu.

Il est juste, Seigneur! que vous soyez en gloire, et que si l'homme misérable, créé plus spécialement pour vous glorifier, vous a déshonoré, et traité ignominieusement par sa désobéissance, la réparation vous en soit faite, car vous êtes grand, infini, et dominateur du ciel et de la terre, des esprits et des corps; c'est pourquoi toutes les créatures concourent à votre gloire Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament annonce l'ouvrage de ses mains (Ps. 18). Serait-il dit, Seigneur, que des hommes qui ne sont que des vers de terre, poursuivent avec justice la restitution de l'honneur qui leur est dû, et qu'il ne vous fût pas permis et bienséant de revendiquer votre propre domaine et votre droit seigneurial, qui est la gloire qui vous appartient très-légitimement. O Seigneur! votre prétention est uste, votre volonté est très-sainte, et la nature humaine est trop criminelle devant vous de ne point avoir conservé votre gloire, mais d'y avoir osé toucher par un sacrilége attentat, et par le mépris de vos ordonnances. O Seigneur! Exaltez-vous au-dessus des cieux, et que votre gloire soit sur toute la terre (Ps. 56). O Seigneur! qu'il ne m'arrive jamais de détruire votre gloire, qui me doit être chère et précieuse, plus que tous les biens du

monde.

II. Considérez l'étrange difficulté qu'il y avait à faire cette satisfaction et cette réparation d'honneur après le péché et la corruption du genre humain. Pour concevoir cette difficulté, il n'y a qu'à penser qu'il y fallait deux choses ensemble, qui pour

tant naturellement sont incompatibles, et ne se peuvent joindre. Il fallait qu'une personne d'une grandeur infinie comme Dieu opérât cette satisfaction, et qu'elle l'opérât par un acte d'abaissement devant Dieu sans lequel il ne peut y avoir de satisfaction et de réparation d'honneur. Or, il est impossible qu'une personne d'une grandeur infinie s'abaisse et s'humilie. Les monarques de la terre peuvent bien s'humilier, et quelquefois s'humilient en effet, parce qu'ils sont de même nature que les autres hommes, mais l'infini ne peut être abaissé. Il était donc impossible de faire satisfaction pour le péché, si tant est qu'une grandeur infinie doive être dans l'humiliation. Or, que l'union de ces deux choses soit nécessaire à une satisfaction correspondante à la malice du péché, deux maximes ou deux principes véritables le persuadent fortement. Le premier de ces principes est que la malice du péché se mesure sur la grandeur de la personne offensée, et la valeur de la satisfaction sur la grandeur de la personne qui satisfait. Du premier principe il s'ensuit que le péché est d'une malice infinie, puisque Dieu infiniment grand est offensé; car si l'offense qui se fait à un prince, toutes choses égales, est estimée plus grande que celle qui se fait à un simple gentilhomme, celle qui se fait à un roi est encore plus énorme et digne de plus grands supplices que celle qui a été faite au prince qui relève du roi; parce que la personne du roi est plus grande que celle du prince, etc. L'injure qui est faite à Dieu, dont la grandeur est infinie, doit donc être estimée telle. Ajoutez que l'homme est infiniment bas et ravalé au-dessous de Dieu; car, dit Isaïe, toutes les nations sont à son égard comme n'étant rien (Isa. 40). Du second principe, qui est que la valeur de la satisfaction se mesure sur la grandeur de la personne qui satisfait, il s'ensuit que le péché étant d'une malice infinie, toutes les créatures étaient trop basses, tous les Séraphins et les Trônes, tous les Archanges et les Anges, et à plus forte raison tous les hommes du monde étaient impuissants à satisfaire pour le péché. Quand ils se fussent tous anéantis devant Dieu par la profondeur de leurs soumissions, ils n'eussent point satisfait, la personne offensée étant infinie, et la créature étant nécessairement finie. Or, du fini à l'infini, il n'y a point de proportion. Que faire donc, puisque la créature est impuissante ? Sans doute il faut que Dieu même, qui est infini, s'emploie en cette affaire. Mais quoi!

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