Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

A M. L'ÉVÊQUE D'ARRAS,

SUR

LA LECTURE DE L'ÉCRITURE SAINTE

EN LANGUE VULGAIRE.

MONSEIGNEUR,

PUISQUE VOUS souhaitez que je vous dise ma pensée sur la lecture du texte sacré pour les laïques, je vais le faire avec toute la vénération et toute la déférence que vous méritez.

I. Je crois qu'on s'est donné en nos jours une peine inutile pour prouver ce qui est incontestable, savoir, que les laïques lisoient les saintes écritures dans les premiers siecles de l'église. Pour s'en convaincre, il ne faut qu'ouvrir les livres de saint Chrysostome; il dit, par exemple, dans sa préface sur l'épître aux Romains, qu'il ressent une vive douleur de ce que beaucoup de fideles n'entendent pas saint Paul comme il le faudroit, et de ce que l'ignorance de quelques-uns va jusqu'à ne savoir pas le nombre de ses épîtres : il ajoute que ce désordre vient de ce qu'ils ne veulent pas avoir assidument ses écrits dans leurs mains: il ajoute

que l'ignorance des saintes écritures est la source de la contagion des hérésies et de la négligence dans les mœurs. Ceux, dit-il, qui ne tournent pas les yeux vers les rayons des écritures, tombent nécessairement dans des erreurs et dans des fautes fréquentes. Tout ce discours regarde les laïques qui écoutoient les sermons de ce pere. Saint Jérôme parlant à Lœta sur l'éducation de sa petite fille, dit que quand cette enfant commencera à être un peu plus grande, il faut que ses parents ne la trouvent que dans le sanctuaire des écritures, consultant les prophetes et les apôtres sur ses noces spirituelles. Il ajoute : Qu'elle vous rapporte tous les jours son ouvrage réglé, qui sera un recueil des fleurs de l'écriture; qu'elle apprenne le nombre des versets grecs, et qu'ensuite elle s'instruise sur l'édition latine. Il veut que cette jeune fille aime les livres sacrés au lieu des pierreries et des étoffes de soie..... qu'elle apprenne lés psaumes..... qu'elle s'instruise dans les proverbes de Salomon sur la regle de la vie; qu'elle s'accoutume dans l'ecclésiaste à fouler aux pieds les choses mondaines; que dans le livre de Job elle suive les exemples de courage et de patience; qu'elle passe aux évangiles pour ne les laisser jamais sortir de ses mains; qu'elle se remplisse avec une ardente soif des actes des apôtres et de leurs épîtres.... qu'elle apprenne par cœur les prophetes, les sept premiers livres de l'écriture, ceux des

rois et des paralipomenes avec ceux d'Esdras et d'Es ther; qu'elle n'apprenne qu'à la fin et sans péril le can tique des cantiques, de peur que si elle le lisoit au commencement, elle ne fût blessée, ne comprenant pas sous

paroles charnelles le cantique des noces spirituelles de l'époux sacré. Il est visible que saint Jérôme ne prétend point violer par ce plan d'éducation la discipline de l'église de son temps, et qu'au contraire il ne faisoit que suivre dans ce plan l'usage universel pour l'éducation des filles chrétiennes. Que si ce pere vouloit qu'une très jeune fille apprît ainsi toutes les saintes écritures, et les sût presque toutes par cœur, que ne doit-on pas conclure pour tous les hommes d'un âge mûr, et pour toutes les femmes d'une piété et d'une discrétion déja éprouvée? D'ailleurs en ces temps-là les saintes écritures, et même toute la liturgie, étoient en langue vulgaire : tout l'Occident entendoit le latin dans lequel il avoit l'ancienne version de la bible que saint Augustin nomme la vieille Italique : l'Occident avoit aussi la liturgie dans la même langue qui étoit celle de tout le peuple. Pour l'Orient, c'étoit la même chose; tous les peuples y parloient le grec, ils entendoient la version des septante et la liturgie grecque, comme nos peuples entendroient une version françoise. Ainsi sans entrer dans aucune question de critique, il est plus clair que le jour que

tout le peuple avoit dans sa langue naturelle la bible et la liturgie qu'on faisoit lire aux enfants pour les bien élever; que les saints pasteurs leur expliquoient de suite dans leurs sermons les livres entiers de l'écriture; que ce texte étoit très familier aux peuples; qu'on les exhortoit à le lire continuellement; qu'on les blâmoit d'en négliger la lecture; enfin qu'on regardoit cette négligence comme la source des hérésies et du relâchement des mœurs. Voilà ce qu'on n'avoit aucun besoin de prouver, parcequ'il est clair dans les monuments de l'antiquité.

II. D'un autre côté, monseigneur, on ne sauroit nier que l'église qui usoit d'une si grande économie pour ne découvrir que peu-à-peu le secret des mysteres de la foi, de la forme des sacrements, &c. aux catéchumenes, n'usât aussi par le même esprit d'une économie proportionnée aux besoins pour faire lire l'écriture aux néophytes, ou aux jeunes personnes qui étoient encore tendres dans la foi. Les Juifs avoient donné l'exemple d'une si nécessaire méthode, lorsqu'ils ne permettoient la lecturé du commencement de la génese, de certains endroits d'Ézéchiel et du cantique des cantiques, que quand on étoit parvenu à un âge mûr. Nous venons de voir que saint Jérôme gardoit aussi une méthode ou économie pour donner à la jeune Lœta d'abord certains livres, et ensuite

quelques autres, et que le cantique des cantiques devoit être donné le dernier, parceque les paroles charnelles sous lesquelles le mystere des noces sacrées de l'ame avec l'époux étoit caché, auroient pu blesser son cœur, si on les lui eût confiées avant qu'elle eût fait un certain progrès dans la simplicité de la foi et dans les vertus intérieures. Ainsi d'un côté l'écriture étoit donnée à tous les fideles : de l'autre, elle n'étoit néanmoins donnée à chacun qu'à proportion de son besoin et de son progrès.

(1)

III. Ce servit même un préjugé dangereux et trop approchant de celui des protestants, que celui de penser que les chrétiens ne peuvent pas être solidement instruits de toutes les vérités, quand ils ne lisent point les saintes écritures. Saint Irénée étoit bien éloigné de ce sentiment, quand il disoit : " Quoi donc! si les apôtres ne nous eussent pas même laissé des écritures, n'auroit-il pas fallu suivre l'ordre de la tradition qu'ils ont mis en dépôt dans les mains de ceux auxquels ils confierent les églises? Beaucoup de nations barbares qui ont reçu la foi en Jésus-Christ ont suivi cet ordre, conservant, sans caractere ni encre, les vérités du salut écrites dans leurs cœurs par le Saint-Esprit, gardant avec soin l'ancienne tradition, et croyant, par JésusChrist fils de Dieu, en un seul Dieu créateur du ciel et

(1) Adversas Hær. l. 3. c. 4.

« ZurückWeiter »