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189. Mais il est important de faire remarquer, premièrement, qu'autre chose est de voir, même par intuition, intueri, ou de connaître clairement la nature divine; et qu'autre chose est de la comprendre, ou de la connaître infiniment. Une créature, quelque parfaite et quelque privilégiée qu'elle soit, étant essentiellement bornée, ne peut comprendre l'infini; Dieu seul peut se connaître infiniment. Tel est, d'ailleurs, l'enseignement de l'Église : « Nous « croyons fermement, disent les Pères du quatrième concile géné<< ral de Latran, et nous confessons simplement qu'il y a un seul ⚫ vrai Dieu, éternel, immense, tout-puissant, immuable, incoma préhensible (1). »

190. Secondement, qu'il y a des degrés dans la vision béatifique, comme il y en a dans la sainteté : les élus, dans le ciel, voient Dieu d'une manière plus ou moins parfaite, suivant qu'ils ont plus ou moins de mérite, pro meritorum diversitate, comme le dit le concile de Florence; ce qui est conforme à ces paroles de Jésus-Christ : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon • Père (2). » C'est aussi la doctrine de saint Paul, qui nous apprend que chacun recevra sa récompense selon son travail (3). • Autre est la clarté du soleil, dit-il ailleurs, autre la clarté de la « lune, autre la clarté des étoiles; une étoile même diffère d'une « autre étoile en clarté. Il en sera de même à la résurrection des morts (4). Que celui donc qui est juste se justifie encore, et que « celui qui est saint se sanctifie encore (5); » afin qu'il mérite avec une augmentation de la grâce une augmentation de la gloire, gloriæ augmentum (6), de cette gloire qui, sans être égale dans tous les saints, les rend tous parfaitement heureux, ne leur laissant plus rien à désirer, et leur ôtant tout sujet de crainte pendant l'éternité.

lorum animos.... intueri clare ipsum Deum trinum et unum, sicuti est, pro meritorum tamen diversitate alium alio perfectius. Labbe, tom. xш, col. 1167. – (1) Capit. 1. (2) In domo Patris mei mansiones multæ sunt. Saint Jean, C. XIV, v. 2. (3) Unusquisque autem propriam mercedem accipiet secundum suum laborem. Ire épître aux Corinthiens, c. ш, v. 8. — (4) Alia claritas solis, alia claritas lunæ, et alia claritas stellarum ; stella enim a stella differt in claritate. Sic et resurrectio mortuorum. Ibidem, c. xv, v. 41 et 42. — (5) Qui justus est, justificetur adhuc; et qui sanctus est, sanctificetur adhuc. Apocal., c. xx, v. 11. (6) Concile de Trente, sess. vi, can. xxxi.

ARTICLE V.

Les âmes des justes, à qui il ne reste rien à expier, jouissent de la vision béatifique immédiatement après la mort.

191. C'est une erreur assez commune, parmi les Grecs schismatiques, que les justes sortis de ce monde, encore qu'ils soient en repos, ne jouiront de la vision béatifique qu'après la résurrection générale et le jugement dernier. Cette erreur a été condamnée par le second concile œcuménique de Lyon en 1274, et par le concile également œcuménique de Florence en 1439. Suivant le concile de Lyon, « les âmes de ceux qui, après le baptême, n'ont commis « aucun péché, ainsi que celles qui, après avoir contracté la tache « du péché, ont été purifiées en cette vie ou dans le purgatoire, « sont aussitôt reçues dans le ciel (1). » Le concile de Florence renouvelle ce décret, ajoutant que ces âmes voient clairement Dieu tel qu'il est (2). C'est aussi la doctrine du concile de Trente: il parle des saints comme régnant présentement avec Jésus-Christ, comme jouissant, dans le ciel, de la félicité éternelle (3). Outre ces conciles, nous pourrions citer les décrets de plusieurs papes, entre autres celui par lequel Benoît XII a défini de la manière la plus expresse, en 1336, que les âmes des saints voient Dieu, même avant la résurrection générale, d'une manière intuitive et face à face, visione faciali et intuitivu (4).

192. Tel est l'enseignement de Écriture et de la tradition. Saint Paul écrivait aux Corinthiens : « Nous savons que, pendant « que nous habitons dans ce corps, nous sommes voyageurs et éloignés du Seigneur, parce que nous allons à lui par la foi, et

« que nous ne le voyons pas encore. Dans cette confiance, nous

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« aimons mieux nous éloigner de ce corps, pour jouir de la pré‹ sence du Seigneur (5). Je désire, dit le même apôtre, d'être dé

(1) Credimus illorum animas, qui post sacrum Baptisma susceptum, nullam omnino peccati maculam incurrerunt, illas etiam quæ post contractam peccati maculam, vel in suis manentes corporibus, vel eisdem exutæ, sunt purgatæ, mox in cœlum recipi. Labbe, Concil., tom. xi, col. 963. — (2) Labbe, tom. xIII, col. 1167.-(3) Sess. xxv, De invocatione sanctorum. — (4) Apud Raynaldum, ad an. 1336. (5) Audentes igitur semper, scientes quoniam dum sumus in corpore, peregrinamur a Domino (per fidem enim ambulamus, et non per speciem); audemus autem et bonam voluntatem habemus magis peregrinari a corpore et præsentes esse ad Dominum. IIa épître aux Corinthiens, c. v, v. 6, 7

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gagé des liens du corps, et d'être avec Jésus-Christ (1). » Saint Paul suppose évidemment que, immédiatement après cette vie, le juste qui n'a plus rien à expier jouit de la vision de Dieu, non de celle qui a lieu par la foi, per fidem; mais de celle qui nous montre Dieu face à face, per speciem : autrement le désir d'être délivré de ce corps, afin d'être présent au Seigneur, d'être et de régner avec Jésus-Christ, serait un désir vain, inutile, un désir trompeur, que l'on ne peut admettre dans un apôtre, dans un auteur inspiré de Dieu.

193. Aussi nous pourrions citer, en faveur du dogme catholique, non seulement, parmi les Latins, saint Cyprien, saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augustin, le sacramentaire de saint Gélase; mais encore, parmi les Grecs, saint Ignace d'Antioche et saint Polycarpe de Smyrne, qui ont vécu l'un et l'autre avec les apôtres; la lettre de l'Église de Smyrne sur le martyre de saint Polycarpe, Athénagore, Clément d'Alexandrie, Origène, Eusèbe de Césarée, saint Basile, saint-Grégoire de Nysse, saint Grégoire de Nazianze, saint Épiphane, saint Jean Chrysostome (2). Malgré l'erreur de quelques anciens Pères qui se sont montrés plus ou moins favorables aux millénaires, faute de connaître parfaitement l'enseignement de l'Église universelle, partout et dans tous les temps, avant comme après le schisme de Photius, on voit dominer la croyance catholique qui introduit dans le ciel, et met en possession de la vision béatifique, les justes qui n'ont contracté aucune souillure, ou qui, après avoir péché, se sont entièrement purifiés, soit ici-bas, soit dans le purgatoire, sans leur faire attendre le jugement dernier.

ARTICLE VI.

Il est un purgatoire où sont retenus les justes qui n'ont pas encore entièrement satisfait à la justice divine.

194. On entend par purgatoire un état dans lequel sont retenus pour un certain temps les âmes des justes à qui il reste quelque chose à expier après cette vie, soit pour les péchés véniels qui n'ont point été remis, soit pour les péchés mortels qui, quoique

(1) Desiderium habens dissolvi et esse cum Christo. Épître aux Philippiens, C. I, v. 23. — (2) Voyez le P. Petau, Tract. de Deo, lib. vu, c. xш; Tournély, Tract. de Deo, quæst. xn, art. 1; le P. Perrone, Tract. de Deo creatore part. m, c. vi, etc.

remis quant à l'offense et à la peine éternelle, ne l'ont pas été quant à la peine temporelle, ou du moins quant à cette peine tout entière. Rien de souillé n'entrera dans le royaume des cieux (1). Il est donc nécessaire que le juste qui meurt sans avoir suffisamment satisfait à la justice de Dieu, lui offre cette satisfaction pour pouvoir être admis à la vision béatifique. Telle est et telle a toujours été la croyance de l'Église catholique. Il est de foi que toute la peine du péché n'est pas toujours remise avec l'offense; que ce qui reste de cette peine doit être expié en ce monde ou en l'autre ; qu'il y a un purgatoire pour les âmes des justes qui, au sortir de cette vie, ne sont pas entièrement purifiés; et que ces âmes peuvent être soulagées par les prières et les suffrages de l'Église.

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195. Voici quelles sont, sur ce point, les décisions du concile de Trente contre les protestants: « Si quelqu'un dit qu'à tout pécheur « pénitent, qui a reçu la grâce de la justification, la coulpe (ou l'offense) est tellement remise, et la peine éternelle tellement abolie, qu'il ne lui reste plus de peine temporelle à souffrir, en « ce monde ou en l'autre, dans le purgatoire, avant d'entrer dans "le royaume des cieux, qu'il soit anathème (2). L'Église catho« lique, instruite par le Saint-Esprit, ayant toujours enseigné, sui«< vant les saintes Écritures et l'antique tradition des Pères, dans ⚫ les saints conciles, et tout récemment dans ce concile général, « qu'il y a un purgatoire, et que les âmes qui y sont détenues re« çoivent du soulagement par les suffrages des fidèles, et princi« palement par le sacrifice de l'autel, toujours agréé de Dieu; le « saint concile ordonne aux évêques d'avoir soin que la saine doca trine touchant le purgatoire soit enseignée et prêchée partout, « afin que les fidèles y tiennent, et la professent telle qu'elle nous a été transmise par les saints Pères et les sacrés conciles (3). » En effet, avant le concile de Trente, le concile général de Florence,

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(1) Non intrabit in eam aliquod coinquinatum. Apocal., c. xxi, v. 27. — (2) Si quis post acceptam justificationis gratiam, cuilibet peccatori pœnitenti ita culpam remitti, et reatum æternæ pœnæ deleri dixerit, ut nullus remaneat reatus pœnæ temporalis exsolvendæ vel in hoc sæculo, vel in futuro in purgatorio, antequam ad regna cœlorum aditus patere possit, anathema sit. Sess. vi, can. xxx.— (3) Cum catholica Ecclesia, Spiritu Sancto edocta, ex sacris litteris et antiqua Patrum traditione, in sacris conciliis, et novissime in hac cecumenica synodo docuerit purgatorium esse; animasque ibi detentas, fidelium suffragiis, potissimum vero acceptabili altaris sacrificio juvari; præcipit sancta synodus episcopis, ut sanam de purgatorio doctrinam a sanctis Patribus et sacris conciliis traditam, a Christi fidelibus credi, teneri, doceri, et ubique prædicari diligenter studeant. Sess. xxv, Decretum de purgatorio.

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qui eut lieu en 1439, et le second concile général de Lyon, de l'an 1274, avaient défini, comme une règle de foi pour les Grecs et les Latins, que « si les vrais pénitents meurent dans la charité de « Dieu avant d'avoir satisfait pour leurs péchés par de dignes fruits « de pénitence, leurs âmes sont purifiées, après la mort, par les « peines du purgatoire; et qu'elles peuvent être délivrées de ces peines par les suffrages des vivants, savoir, par le sacrifice de la « messe, la prière, l'aumône, et les autres œuvres de piété que les « fidèles ont coutume de faire pour les autres fidèles, suivant les « institutions de l'Église (1). » C'était aussi la croyance du quatrième concile général de Latran, de 1215, et des conciles de Carthage, de 398 et de 397: ces conciles parlent des prières qui se font pour les morts, comme d'un usage reçu dans l'Église.

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196. L'enseignement des conciles est conforme à la doctrine des saints Pères, qui s'appuient eux-mêmes sur l'Écriture. En remontant de saint Bernard aux docteurs de la primitive Église, on trouve partout le dogme du purgatoire, avec la pratique des fidèles qui ont recours à la prière et au sacrifice eucharistique pour le soulagement des justes qui sont morts avant d'avoir satisfait pleinement à la justice divine. Parlant de certains hérétiques de son temps qui niaient le purgatoire, saint Bernard ajoute : « Ils ne « croient pas qu'il y ait un feu purifiant après la mort; mais que « l'âme, au sortir du corps, passe aussitôt dans le ciel, ou en enfer. « Qu'ils demandent donc au Seigneur qui a dit que le péché (contre l'Esprit-Saint) ne serait remis ni dans ce monde, ni dans l'autre; « qu'ils lui demandent pourquoi il a dit cela, s'il n'y a réellement « aucune rémission ou aucune expiation du péché dans le siècle « futur (2).» Gérard, évêque de Cambrai, tenant un synode à Arras en 1025, dit que la pénitence peut être utile, non-seulement pour les vivants, mais pour les morts, soit qu'on offre pour eux le sacrifice du Médiateur, soit qu'on fasse des prières et des aumônes

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(1) Si vere pœnitentes in Dei charitate decesserint antequam dignis pœnitentiæ fructibus de commissis satisfecerint et omissis, eorum animas pœnis purgatoriis post mortem purgari, et ut a pœnis hujusmodi releventur prodesse eis fidelium vivorum suffragia, orationes et eleemosynas, ac alia pietatis officia quæ a fidelibus pro aliis fidelibus fieri consueverunt secundum Ecclesiæ insti tuta. Labbe, Concil., tom. xш, col. 1167; et tom. x1, col. 963. — (2) Non credunt ignem purgatorium restare post mortem; sed statim animam solutam a corpore, vel ad requiem transire, vel ad damnationem: quærant ergo ab eo qui dixit quoddam peccatum esse, quod neque in hoc sæculo, neque in futuro remitteretur, cur hoc dixerit, si nulla manet in futuro remissio purgatiove peccati. Serm. LXVI, in Cantica canticorum.

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