Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

toutes les fois qu'ils doivent les accomplir. Or, il y a des justes qui n'observent pas tous ces commandements. Ils résistent donc à la grâce; il y a donc des grâces qui ne sont pas suivies de leur effet. De là, cette autre proposition, Dans l'état de nature tombée on ne résiste jamais à la grâce intérieure, a été déclarée hérétique et condamnée comme telle par le même jugement (1).

524. Les décisions de l'Église sont manifestement conformes à la tradition et à l'Écriture. Les Pères et les anciens docteurs répètent d'une voix unanime, d'après saint Paul, que Dieu veut le salut de tous les hommes (2); qu'il accorde à tous les moyens nécessaires au salut, et que personne ne sera damné que par sa faute, que pour n'avoir pas répondu aux inspirations, aux grâces plus ou moins fortes, mais toujours suffisantes, que Jésus-Christ nous a méritées en se donnant comme une victime de propitiation pour nos péchés et les péchés du monde entier (3). Or, il n'est que trop vrai que tous les hommes ne sont pas sauvés. Il y a donc, suivant les saints Pères, des grâces avec lesquelles on peut faire son salut, et avec lesquelles on ne le fait pas.

[ocr errors]

525. Nous trouvons la même doctrine dans les livres saints. Le Seigneur, comparant la maison d'Israël à une vigne, disait à son peuple : « Maintenant donc, & habitants de Jérusalem, et vous, hommes de Juda, soyez juges entre moi et ma vigne. Qu'est-ce ■ que j'aurais pu faire pour elle, que je n'aie pas fait ? J'ai attendu qu'elle produisit des raisins, et elle n'a produit que des grappes * sauvages (4). » Israël n'avait donc pas répondu à l'attente et à la grâce du Seigneur. « Je vous ai appelés, dit-il ailleurs, en parlant toujours à son peuple, je vous ai appelés, et vous n'avez pas voulu « m'écouter; j'ai tendu la main, et il ne s'est trouvé personne qui « m'ait regardé. Vous avez méprisé tous mes conseils et négligé mes réprimandes (5).» Écoutez le reproche que Jésus-Christ adressait aux Juifs : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes « et qui lapides ceux qui sont envoyés, combien de fois j'ai voulu « rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses petits « sous ses ailes! et tu ne l'as point voulu (6). » On lit aussi dans

[ocr errors]

et

(1) Voy., ci-dessus, le n° 516. —(2) Voy., ci-dessus, le n° 162, etc. — (3) Voy., ci-dessus, le n° 163, etc.—(4) Nunc ergo habitatores Jerusalem, et viri Juda, judicate inter me et vineam meam. Quid est quod debui ultra facere vineæ meæ, non feci ei? An quod expectavi ut faceret uvas, et fecit labruscas? Isaïe, c. v, v. 3 et 4.-(5) Vocavi, et renuistis; extendi manum meam, et non fuit qui aspiceret. Despexistis omne consilium meum, et increpationes meas neglexistis. Proverbes, c. 1, v. 24 et 25. - (6) Jerusalem, Jerusalem, quæ occidis prophetas, et

les Actes des apôtres : « Hommes à tête dure, incirconcis de cœur « et d'oreilles, vous résistez toujours au Saint-Esprit (1). » Et saint Paul exhorte les Corinthiens à ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu (2). On voit clairement, par ces textes et autres qu'il serait trop long de rapporter, que les hommes ont le pouvoir de faire le bien, de revenir à Dieu quand ils s'en sont éloignés ; qu'ils ont, en un mot, des secours suffisants pour opérer leur salut. Comment, en effet, le Dieu d'Israël, comment le Sauveur du monde aurait-il reproché aux Juifs leurs infidélités, s'il n'avait pas été en leur pouvoir d'observer en tout la loi? Mais on y voit également qu'on n'obéit pas toujours à la voix du Seigneur, qu'on résiste au SaintEsprit, et qu'on reçoit quelquefois en vain la grâce de Dieu. Il est donc prouvé, par l'Écriture et la tradition, par l'enseignement et les décisions de l'Église, qu'il y a véritablement des grâces suffisantes, par le secours desquelles on peut réellement et proprement observer la loi de Dieu dans toutes les circonstances où nous avons à remplir quelque obligation dans l'ordre du salut.

526. Qu'on ne dise pas que la grâce suffisante est inutile et même pernicieuse : inutile, puisqu'elle ne produit point son effet; pernicieuse, puisqu'elle ne sert qu'à nous rendre plus coupables. La grâce suffisante n'est point inutile, car elle est un don de Dieu; c'est un secours surnaturel avec lequel on peut faire le bien. Si on ne le fait pas, ce n'est point à la grâce, ni à celui qui en est l'auteur, qu'il faut s'en prendre, mais à la volonté de l'homme, qui abuse des dons de Dieu en refusant de coopérer à la grâce. Elle n'est point pernicieuse; car, encore une fois, c'est un bienfait du Seigneur, qui ne veut point la mort du juste, ni la mort de l'impie. Elle ne tourne à notre perte que par notre propre faute. C'est donc une impiété, un blasphème, de dire, avec Jansénius, que la grâce suffisante est telle, que le démon doit souhaiter que Dieu la donne aux hommes (3).

lapidas eos qui ad te missi sunt, quoties volui congregare filios tuos, quemadmodum gallina congregat pullos suos sub alas! et noluisti. Saint Matthieu, C. XXIII, v. 37. - (1) Dura cervice, et incircumcisis cordibus et auribus, vos semper Spiritui Sancto resistitis; sicut patres vestri, ita et vos. Actes des apótres, c. vò, v. 51. — (2) Adjuvantes autem exhortamur, ne in vacuum gratiam Dei recipiatis. II* épître aux Corinthiens, c. vi, v. 1. - (3) Alexandre VIII, par un décret du 7 décembre 1690, a condamné cette proposition: « Gratia « sufficiens statui nostro non tam utilis quam perniciosa est, sic ut proinde me - rito possimus petere : A gratia sufficienti libera nos, Domine. »

ARTICLE III.

De la nature de la grâce efficace et de la grâce suffisante.

527. Il en est de la nature de la grâce efficace et de la grâce sufПsante, comme de la nature de la grâce en général. C'est une question au sujet de laquelle il n'a pas plu à la sagesse divine de satisfaire les exigences de l'homme. Il est plus digne du chrétien de croire, avec la simplicité des enfants de Dieu, ce que l'Église nous enseigne, que de vouloir sonder la profondeur des conseils de l'Éternel. Si la philosophie ne peut nous expliquer comment notre volonté obéit à la raison; si notre liberté, pour les choses les plus communes et les plus naturelles, nous offre de grandes difficultés, comment oserions-nous chercher à comprendre cette puissance ineffable de la grâce, par laquelle Dieu opère en nous tout ce qu'il veut et de la manière dont il le veut, sans que notre libre arbitre en souffre la moindre atteinte ?

528. Nous nous contenterons donc de faire observer ici, premièrement, que la grâce est la cause totale, efficiente ou opérante de tout ce que nous faisons de bien, dans l'ordre du salut.

529. Secondement, que la grâce nous prévient sans nous, c'està-dire, sans que nous y soyons pour rien; mais que, quoiqu'elle opère tout en nous, elle n'opère cependant pas sans nous; elle opère avec nous, avec notre volonté, qui, étant prévenue, excitée et aidée par la grâce, se prête librement à son action. Toutes les fois que nous faisons une bonne œuvre, disent les Pères du second concile d'Orange, Dieu opère en nous et avec nous, afin que nous opérions nous-mêmes : Quoties bona agimus, Deus in nobis atque NOBISCUM, ut operemur, operatur (1); ce qui s'accorde parfaitement avec ce que dit saint Paul : « La grâce de Dieu n'a point été << stérile en moi; mais j'ai travaillé plus que tous les autres; << non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu avec moi (2); » c'est-à-dire, comme l'explique saint Augustin, « Ce n'est pas << moi seul qui ai travaillé, mais la grâce de Dieu a travaillé « avec moi; par conséquent, son travail n'était ni de la grâce

(1) Voyez, ci-dessus, p. 339, note 2. (2) Gratia autem Dei sum id quod sum, et gratia ejus in me vacua non fuit, sed abundantius illis omnibus laboravi : non ego autem, sed gratia Dei mecum. Ire épître aux Corinthiens, c. xv. Les jansénistes traduisent: Mais la grâce de Dieu, qui est en moi; par cette traduction, ils excluent la coopération de la volonté à l'action de la grâce.

« toute scule, ni de lui tout seul, mais de la grâce de Dieu avec

« lui (1). »

530. Troisièmement, que l'homme est libre de correspondre ou de résister à la grâce; et que cette liberté est une vraie liberté, une liberté de choix, qui ne consiste pas seulement dans l'exemption de la contrainte ou de la coaction, mais dans l'affranchissement de toute nécessité, soit absolue, soit relative.

531. Quatrièmement, qu'il y a des grâces efficaces, avec lesquelles on fait infailliblement le bien, tout en le faisant librement. 532. Cinquièmement enfin, qu'il y a des grâces qui ne sont pas suivies de leur effet, avec lesquelles on ne fait pas le bien, quoiqu'avec elles on puisse véritablement le faire lorsqu'on a quelque devoir à remplir, et au moment même où il faut le remplir.

533. Ces principes admis, on peut, sans danger pour la foi, choisir, au sujet de la grâce efficace et suffisante, entre les différents systèmes que l'Église abandonne aux discussions de l'école, pourvu qu'on n'aille pas plus loin que les théologiens qui leur ont donné naissance. Ainsi, vous pourrez être thomiste sans être prédestinatien; car les thomistes, ainsi appelés parce qu'ils croient que saint Thomas leur est favorable, tout en prétendant que la grâce est efficace de sa nature, admettent en même temps le libre arbitre. Quoique, dans leur système, la grâce ne soit pas efficace parce que l'homme y correspond, mais que l'homme correspond à la grâce parce qu'elle est efficace; quoiqu'ils pensent que, par cette grâce, Dieu prépare et détermine physiquement la volonté de l'homme à l'acte, ils enseignent que cela se fait sans détruire ni gêner en rien sa liberté. Vous pouvez aussi être augustinien sans être janséniste, sans tomber dans les erreurs du fameux Augustinus (2). Les augustiniens, qui prétendent suivre en tout la doctrine de saint Augustin, s'accordent avec les thomistes, en ce qu'ils sont pour la grâce efficace de sa nature; mais ils l'expliquent différemment : ils font consister l'efficacité de la grâce dans une certaine délectation, dans l'attrait, l'amour du bien, qui détermine infailliblement le consentement de notre volonté, de manière toutefois que l'homme demeure toujours libre sous l'empire de cette grâce. La délectation des augustiniens diffère essentiellement de

(1) Cum dixisset (apostolus), Gratia ejus in me vacua non fuit, sed plus omnibus illis laboravi, subjunxit atque ait, Non ego autem, sed gratia Dei mecum id est, non solus, sed gratia Dei mecum ac per hoc nec gratia Dei sola, nec ipse solus, sed gratia Dei cum illo. De la Gráce et du libre arbitre, c. v, no 12. — (2) C'est le titre du livre de Jansénius, évêque d'Ypres.

celle de Jansénius, en ce que celle-ci est relativement victorieuse et entraine invinciblement la volonté, lorsqu'elle domine la délectation qui porte au mal. Voulez-vous être moliniste? vous rejetterez la grâce efficace de sa nature, et vous direz que la même grâce devient efficace ou demeure suffisante, selon que celui qui la reçoit y répond ou n'y répond pas, opère avec elle ou n'opère pas. Et vous ne serez ni pélagien ni semi-pélagien, si vous reconnaissez, comme Molina le reconnaît lui-même, 1o que quand l'homme obéit à la grâce, c'est Dieu qui opère le vouloir et le faire, velle et perficere, mais qu'il ne l'opère pas seul, non ego autem, sed gratia Dei mecum; 2° que Dieu n'accorde pas les mêmes grâces à tous les hommes, mais qu'il en accorde aux uns plus qu'aux autres, selon les desseins qu'il a sur chacun, et selon son bon plaisir. Toutes choses égales d'ailleurs, la grâce efficace ellemême, dans le système des molinistes, est un plus grand bienfait de Dieu que la grâce suffisante: la première, sans être de sa nature plus puissante que l'autre, est donnée dans la circonstance où Dieu voit que l'homme y sera fidèle; au lieu que la seconde est donnée dans la circonstance où Dieu sait que l'homme n'y correspondra pas. Enfin, l'on peut modifier le système des molinistes comme l'a fait Suarez, et adopter l'opinion des congruistes. Ceux ci font consister l'efficacité de la grâce dans la congruité, dans le rapport de convenance qui existe entre telle ou telle grâce et les dispositions de la volonté de l'homme. Dieu, disent-ils, voit en quelles dispositions se trouvera notre volonté dans telle ou telle circonstance; il voit quelle est l'espèce de grâce qu'il nous faut pour obtenir notre consentement; et, par un effet de sa bonté, il nous accorde cette grâce à laquelle il sait que nous consentirons. C'est cette attention de la part de Dieu qui fait de la grâce efficace une grâce particulière, et la distingue de la grâce suffisante.

534. Mais, quelque parti que vous embrassiez, il ne vous est pas permis de censurer ou de noter, d'autorité privée, ceux qui sont pour une opinion contraire. Soyez, tant que vous voudrez, thomiste ou augustinien, moliniste ou congruiste, tandis que l'Église n'aura point prononcé sur les systèmes qui divisent les scolastiques. Seulement, soyons toujours en garde contre les novateurs du dix-septième et du dix-huitième siècle, qui, sous le faux titre d'augustiniens, accusent de semi-pélagianisme non-seulement les molinistes, mais encore tous ceux qui ont souscrit à la condamnation des hérésies de Baïus, de Jansénius et de Quesnel, sur la nature de la grâce. C'est ignorance ou perfidie de confondre,

« ZurückWeiter »