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d'une sagesse consommée: Considerate, fratres, viros ex vobis boni testimonii, plenos Spiritu sancto et sapientiâ, quos constituamus super hoc opus (1). Probité et sagesse que saint Etienne posséda dans un éminent degré, et qui lui donnèrent non-seulement toute l'autorité, mais toute la grâce dont il eut besoin pour s'acquitter avec honneur du ministère qui lui avoit été confié.

Il ne suffisoit pas qu'il eût pour cela une probité véritable; mais il lui falloit une probité reconnue, une probité éclatante, une probité éprouvée, et à laquelle toute l'Eglise rendît hautement témoignage : car c'est ce qu'expriment ces paroles: Viros boni testimonii: pourquoi? parce qu'il étoit question d'un emploi aussi difficile et aussi délicat dans l'idée même des hommes, qu'il étoit saint devant Dieu. Je m'explique: saint Etienne fut choisi diacre, et même le premier des diacres: Primicerius diaconorum (2); ainsi l'appelle saint Augustin. Charge honorable, je l'avoue, mais qui l'engageoit par une indispensable nécessité à deux choses: l'une, d'administrer les biens de l'Eglise, dont il étoit par office le dispensateur; l'autre, de gouverner les veuves, qui, renonçant au monde, se consacroient à Dieu dans l'état de la viduité; charge où la sainteté même trouvoit des risques à courir; mais où Dieu vouloit que saint Etienne servît d'exemple à tous les siècles futurs. Développons ceci, mes chers auditeurs, et tirons-en une des plus solides morales.

Comme dispensateur des biens de l'Eglise, Etienne étoit responsable de sa conduite à Dieu et aux hommes: première épreuve de sa vertu; car les fidèles alors, par un esprit de pauvreté, vendant leurs fonds, et en apportant le prix aux pieds des apôtres; les apôtres d'ailleurs, comme le témoigne saint Luc, s'en déchar

(1) Act. 6.

TOME XII.

(2) August.

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geant sur les diacres, et leur en laissant la disposi tion et saint Etienne, entre les diacres, ayant un titre de supériorité, par la prééminence de son rang, Perinde primus, dit de lui saint Chyrsostôme, ut inter aposto`los Petrus (1): il s'ensuit qu'il disposoit plus absolument que les autres des trésors de l'Eglise. Or, cet emploi, quoique saint, devoit être pour plusieurs un fatal écueil, et pour les saints même une dangereuse tentation: et en effet, déjà un apôtre s'y étoit perdu, et Dieu prévoyoit qu'après lui bien d'autres s'y perdroient. Il prévoyoit qu'une des plaies les plus mortelles dont seroit affligé le monde chrétien dans la suite des siècles, étoit l'énorme abus qu'on y feroit des revenus ecclésiastiques, qui sont proprement des biens consacrés par la piété des fidèles pour être le patrimoine des pauvres ; c'est-à-dire, il envisageoit ces temps malheureux où les ministres de l'Eglise, dominés et corrompus par une aveugle cupidité, au lieu de distribuer aux pauvres ce patrimoine, le dissiperoient en se l'attribuant à eux-mêmes; ces temps où l'avarice, l'ambition, le luxe ayant inondé jusqu'au sanctuaire, ce fonds destiné à la subsistance des membres de JésusChrist seroit profané, et, si j'ose user de ce terme, prostitué à des usages mondains: Dieu, dis-je, prévoyoit ce scandale. Il étoit donc nécessaire, ajoute saint Chrysostôme, qu'à ce scandale, dont un apôtre réprouvé avoit été l'auteur, Dieu opposât un exemple qui en fût le remède et le correctif : je veux dire un homme dont la fidélité irréprochable, dont le parfait désintéressement, dont l'exacte et inaltérable probité dans la dispensation des biens de l'Eglise, fût dès-lors pour ceux qui les posséderoient, une règle vivante et toujours présente, et servît au moins à confondre ceux qui viendroient à se relâcher de leurs obligations dans (1) Chrys.

une matière aussi essentielle que celle-là. Or je l'ai dit, c'est dans cette vue que saint Etienne a été suscité de Dieu, et c'est ce qui fait une des principales parties de sa sainteté et de son éloge. On lui confie le trésor de l'Eglise, et il le ménage d'une manière qui lui attire, non- seulement l'approbation, mais la vénération de tout le peuple de Dieu. A peine est-il chargé de cet emploi, que , que les Grecs cessent de se plaindre, qu'on ne murmure plus contre les Hébreux; que, sans distinction, les pauvres, soit étrangers, soit domestiques, sont abondamment secourus. La charité de ce saint diacre suffit à tout ; et avec une vigilance pleine d'équité, il fournit à tous les besoins d'une multitude qui, pour être par profession pauvre de cœur, n'étoit pas insensible à l'indigence, moins encore à la négligence de ceux qui y devoient pourvoir.

Ges biens de l'Eglise entre les mains de saint Etienne, ne sont donc employés, ni à rassasier la cupidité, ni à entretenir la vanité, ni à satisfaire la sensualité; mais il les partage selon la mesure de la nécessité: ils ne deviennent pas dans la personne d'Etienne l'héritage de la chair et du sang, mais l'héritage de l'orphelin et de l'indigent; Etienne n'en dispose pas comme maître, mais comme serviteur prudent et fidèle, qui se souvient qu'il en doit rendre compte lui-même au souverain Maître. Ah! mes frères, s'écrioit saint Bernard, déplorant les désordres de son siècle, que ne puis-je voir l'Eglise de Dieu dans cet ancien lustre, et dans cette pureté de mœurs et de discipline où elle étoit autrefois! Quis mihi det ut videam Ecclesiam Dei, sicut erat in diebus antiquis! (1) Et moi je dirois volontiers, touché du même zèle quece grand saint: Que ne puis-je voir des hommes du caractère de saint Etienne, pourvus des bénéfices de l'Eglise! des hommes, comme

(1) Bern.

saint Etienne, pleins de religion et de justice; des hommes aussi persuadés que saint Etienne des obligations attachées aux bénéfices et aux dignités dont ils sont revêtus; des hommes aussi convaincus, que ces dignités et ces bénéfices les engagent à être les pères des pauvres ; qu'à cette seule condition, il leur est permis d'y entrer; que l'Eglise a bien eu le pouvoir de leur en conférer les titres, mais qu'elle n'a jamais pu ni prétendu leur en donner l'entier et absolu domaine, qu'ils n'en sont les propriétaires que pour les autres et qu'ils n'ont droit d'en recueillir les fruits que pour les répandre partout où il y a des misères à soulager! que n'ai-je la consolation de voir des hommes pénétrés de ces vérités, et agissant selon ces principes! C'est vous, Seigneur, qui les formez, ces dignes sujets, c'est vous, et vous seul qui pouvez faire revivre dans votre Eglise cet esprit de saint Etienne, que la corruption de l'esprit du monde semble y avoir éteint. Si ceux qui jouissent de ces sacrés revenus en comprenoient bien la nature, ils n'en craindroient jamais assez les conséquences; bien loin de s'applaudir d'en avoir la possession, ils gémiroient sous le fardeau d'une telle administration; bien loin d'en désirer la pluralité, ils en redouteroient même, pour m'exprimer de la sorte, la singularité et l'unité. Pourquoi ces biens sont-ils si funestes à plusieurs, et pourquoi leur attirent-ils la malédiction de Dieu ? parce qu'on ne pense à rien moins qu'au saint usage qu'il en faudroit faire; parce qu'uniquement occupé des avantages temporels qu'on y recherche et qu'on y trouve, on s'en fait aux dépens des pauvres une matière continuelle de sacrilége et de larcin: je dis de larcin, en s'appropriant, par une criminelle usurpation, des aumônes que la charité des fondateurs avoit destinées à l'entretien du troupeau de Jésus-Christ; et c'est pour corriger cet abus, que je

vous propose l'exemple de saint Etienne : exemple contre lequel ni la coutume, ni l'impunité, ni l'erreur ne prescriront jamais, et qui seul suffira pour nous confondre au jugement de Dieu.

Non-seulement Etienne, en vertu de la commission qu'il avoit reçue, étoit chargé du trésor de l'Eglise, mais de la conduite des veuves qui vivoient séparées du monde, et dévouées au culte divin. C'étoit à lui de les instruire, de les diriger, de les consoler, et par conséquent de traiter souvent avec elles, de les voir et de les écouter. Or, c'est ici que Dieu mit encore à l'épreuve toute sa probité; c'est ici que parut avec éclat l'intégrité de ses mœurs, et que le témoignage public lui fut également avantageux et nécessaire : car ne vous persuadez pas que la charité, ni même que la sainteté des premiers chrétiens le dût garantir de la censure, s'il y eût donné quelque lieu. Au contraire, plus le christianisme étoit saint, plus devoit-on êtré disposé à condamner sévèrement jusqu'aux moindres apparences. Outre que la charité de ces premiers siècles n'étoit pas exempte de toute imperfection humaine (car déjà la jalousie s'étoit glissée dans les cœurs, déjà l'esprit de dissention avoit formé des partis); quelque sainte que fût l'Eglise, elle étoit composée d'hommes ainsi qu'elle l'est aujourd'hui, et l'on y jugeoit à peu près des choses comme nous en jugeons : l'histoire de saint Etienne ne nous le prouve que trop. Il n'auroit donc pas évité les fâcheux et sinistres jugemens que l'on eût fait de lui, s'il s'étoit démenti de l'inviolable régularité dont il faisoit profession; mais c'est justement par cette régularité inviolable qu'il se soutient; et voici, mes chers auditeurs, ce que je vous prie de bien observer. Quoique l'engagement où se trouve saint Etienne de converser avec un sexe si foible lui-même, et si capable d'affoiblir les plus forts,

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