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ce motif de christianisme, les deux choses que le monde abhorre le plus, savoir, l'ignominie et la douleur; et malgré les révoltes de la nature, faire de la croix l'objet de son ambition et ses plus chères délices : tout païens, tout Juifs qu'ils étoient, que pouvoient-ils conclure de là, sinon qu'il y avoit dans cet apôtre quelque chose de surhumain, et que la chair et le sang n'ayant pu former en lui des sentimens si élevés au-dessus de l'homme il falloit qu'ils lui vinssent de plus haut? A moins qu'ils ne voulussent s'aveugler eux-mêmes, et s'obstiner dans leur aveuglement, pouvoient-ils ne pas reconnoître qu'il n'y a que Dieu qui puisse inspirer à un homme mortel un amour de la croix si héroïque, et à moins qu'ils n'eussent des cœurs de pierre, quoique païens et infidèles, pouvoient-ils n'être pas touchés, n'être pas ébranlés, n'être pas changés par la vue d'un spectacle si surprenant et si nouveau?

De là même aussi, mes chers auditeurs, suivit le succès prodigieux de la prédication de saint André, et la bénédiction que Dieu donna à son apostolat. Si nous en croyons les actes de son martyre, de tout le peuple attentif à l'écouter prêchant sur la croix, à peine restat-il un païen qui, éclairé des lumières de la grâce, et cédant à la force d'un tel exemple, ne renonçât à l'idolâtrie, et ne confessât Jésus-Christ. Au lieu que Jésus-Christ crucifié, avoit pu dire ce que Dieu, par la bouche d'un Prophète, disoit à Israël : Totá die expandi manus meas ad populum non credentem (1); J'ai tendu mes bras à un peuple rebelle et incrédule; saint André eut au contraire la consolation de tendre les bras à un peuple docile, qui reçut sa parole avec respect, et qui s'y soumit avec joie, pour accomplir, ce semble, dès lors ce qu'avoit dit le Fils de Dieu, que celui qui croiroit en lui, feroit non-seulement les mêmes œuvres,

(1) Isaï. 65.

mais encore de plus grandes œuvres que lui: Qui credit in me, opera quæ ego facio, et ipse faciet, et majora horum faciet (1). Des milliers d'infidèles, que le supplice de cet apôtre avoit assemblés autour de sa croix, convertis par ce qu'ils ont vu, et par ce qu'ils ont entendu, s'en retournent glorifiant Dieu. De la ville de Patras, où Dieu, par le ministère d'André, opère ces effets miraculeux, le bruit, disons mieux, le fruit s'en répand dans toutes les provinces voisines; on voit avec étonnement les temples des idoles abandonnés, le culte des démons aboli, le règne de la superstition détruit, le nom de Jésus-Christ partout révéré. Le frère même du proconsul, jusque-là zélé défenseur des fausses divinités, rend hommage à la vérité. Entre les Eglises naissantes, celle d'Achaïe, où saint André a souffert, devient en peu de jours la plus nombreuse et la plus fervente qui fait tout cela? la foi d'un Dieu crucifié, prêchée par un apôtre crucifié ; je veux dire, le zèle d'un apôtre, qui, à l'exemple de son maître, prêche la croix du haut de la croix ; et qui, selon la belle expression de saint Jérôme, confirme par son amour pour la croix, tout ce qu'il enseigne de l'obligation rigoureuse, mais indispensable, de porter la croix: Omnem doctrinam suam crucis discipliná roborans (2). En effet, donnezmoi un prédicateur de l'évangile parfaitement mort à lui-même, sincère amateur de la croix, et qui dise de bonne foi avec saint Paul: Mihi mundus crucifixus est, et ego mundo (3); Le monde est crucifié pour moi, et je suis crucifié pour le monde : rien ne lui résistera; avec cela, il triomphera de l'erreur, il confondra l'impiété, il exterminera le vice, il convertira les villes entières; avec cela, les pécheurs les plus endurcis l'écouteront et le croiront, les libertins et les impies se soumettront à lui, les sensuels et les voluptueux subiront le joug de la pé(1) Joan. 12. (2) Hier. (3) Galat. 6.

nitence: pourquoi ? parce que telle est, dit saint Jérôme, la vertu de la croix prêchée par un homme souffrant lui-même et mourant sur la croix : Omnem doctrinam suam crucis discipliná roborans.

Voilà donc, chrétiens, le prédicateur que Dieu a suscité pour votre instruction, et qui peut dire à la lettre, qu'il n'a point employé, en vous prêchant, les discours persuasifs de la sagesse humaine, mais les effets sensibles de l'esprit et de la vertu de Dieu : Et sermo meus et prædicatio mea, non in persuasibilibus humanæ sapientiæ verbis, sed in ostensione spiritús et virtutis (1). Voilà celui que Dieu veut que vous écoutiez, c'est saint André sur la croix. Ne me considérez point, n'ayez nul égard, ni à mes paroles ni à mon zèle; oubliez la sainteté de mon ministère; je ne suis aujourd'hui, si vous voulez, qu'un airain sonnant et qu'une cymbale retentissante, et ce n'est point à moi de vous prêcher un Dieu crucifié, c'est à cet apôtre, c'est à cet homme crucifié, dont la prédication, plus pathétique et plus efficace que la mienne, se fait encore entendre dans toutes les Eglises du monde chrétien. Le voilà, dis-je, ce ministre irrépréhensible, ce prédicateur contre lequel vous n'avez rien à répliquer ; mais que n'a-t-il pas à vous reprocher? il vous prêche encore maintenant le même Dieu qu'il a prêché aux Juifs et aux païens; un Dieu qui vous a sauvés par la croix. Le croyez-vous? la vie que vous menez le fait-elle voir? cet amour-propre qui vous domine, ces recherches de vous-mêmes, cet attachement servile à votre corps, cette attention à le ménager, à le flatter, à ne lui rien refuser, ces commodités étudiées et affectées, cette horreur des souffrances et de la vraie pénitence; en un mot, cette vie des sens, si opposée à l'esprit chrétien, cette vie molle et voluptueuse dont vous vous êtes fait une habitude :

(1) I. Cor. 2.

tout cela marque-t-il que vous êtes bien convaincus de la prédication de saint André?

Ah! mes chers auditeurs, si saint André nous avoit prêché un autre Jésus-Christ et un autre Sauveur; si dans le conseil de la sagesse éternelle, il avoit plu à notre Dieu de nous sauver par la joie, aussi bien qu'il lui a plu de nous sauver par la peine, et que saint André nous eût annoncé cet évangile, ce nouvel évangile ne s'accorderoit-il pas parfaitement avec notre conduite? Figurons-nous que cet apôtre vient aujourd'hui nous déclarer que ce n'est plus par la croix, mais par les plaisirs, que nous devons opérer notre salut ; figurons-nous que ce que je dis cesse d'être une supposition, et devient une vérité, y auroit-il en vous quelque chose à corriger et à réformer? répondez, mondain, répondez; c'est à vous que je parle. Interrogez votre cœur, et reconnoissez jusqu'où l'esprit du monde corrompu vous a porté; ce systême de christianisme ne vous seroit-il pas avantageux, et ne se rapporteroit-il pas entièrement à votre goût et à vos idées? Il faut donc de deux choses l'une, ou que votre vie soit un monstre dans l'ordre de la grâce, ou que saint André, avec toute la vertu et toute la force de son apostolat, ne vous ait pas encore persuadé; que votre vie soit un monstre dans l'ordre de la grâce, si, croyant d'une façon, vous vivez de l'autre; si, chrétien de profession, vous êtes juif d'esprit et de cœur; si, reconnoissant que votre salut est attaché à la croix, vous ne laissez pas de fuir et d'abhorrer la croix : car qu'y a-t-il de plus monstrueux que cette contradiction? cependant, mes frères, disoit saint Bernard, tel est le caractère de mille chrétiens, disciples de la croix de Jésus-Christ, et tout ensemble ennemis de la croix de Jésus-Christ. Ou bien, mon cher auditeur, si vous vous piquez d'être de ces génies prétendus sages, qui agissent conséquemment, il faut

que saint André, ni par l'autorité de son exemple, ni par l'efficace de sa parole, ne vous ait pas encore touché, puisque vous êtes toujours sensuel et idolâtre de votre corps. Ainsi je pourrois vous appliquer, au sujet de la croix de saint André, ce que saint Paul, en gémissant, disoit aux Galates, de celle du sauveur : Ergò evacuatum est scandalum crucis (1). Malheur à vous, mon frère, qui par votre infidélité vous êtes rendu inutile l'exemple de ce glorieux apôtre, et pour qui le scandale, c'est-à-dire, le mystère de la croix est anéanti; Ergò evacuatum est scandalum crucis. On vous a dit cent fois, et il est vrai, qu'au jugement de Dieu la croix de Jésus-Christ paroîtra pour vous être confrontée ; l'évangile même nous l'apprend : Et tunc parebit signum Filii hominis (2); mais outre la croix de JésusChrist, on vous en confrontera une autre, c'est celle desaint André. Oui, la croix de cet homme apostolique, après lui avoir servi de chaire pour nous instruire, lui servira de tribunal pour nous condamner. Voyez-vous ces infidèles, nous dira-t-il? la vue de ma croix les a convertis; de païens qu'ils étoient, j'en ai fait des chrétiens et de parfaits chrétiens. Voilà ce qui nous confondra; et ne vaut-il pas mieux dès aujourd'hui commencer à nous confondre nous-mêmes, et par cette confusion salutaire et volontaire, prévenir une confusion forcée, qui ne nous sera pas nous sera pas seulement inutile, mais très-funeste? Il faut, chrétiens, qu'à l'exemple de saint André, nous soyons et les sectateurs, et les prédicateurs même de la croix. Je dis les prédicateurs, et comment? en portant sur nos corps la mortification de Jésus-Christ: Semper mortificationem Jesu Christi in corpore nostro circumferentes (3). Car en la portant. sur nos corps, nous en ferons connoître aux hommes le mérite et la vertu : Ut et vita Jesu manifestetur in (1) Galat. 5. (2) Matth. 24. —(3) 2. Cor. 4.

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corporibus

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