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de tout secours dans une extrême vieillesse, et jusqu'au moment de sa mort.

Voilà comment saint Jean fut traité, et voilà quel fut son partage; c'est donc une erreur d'en prétendre un autre, et l'illusion la plus grossière est de nous promettre que plus nous aurons part aux bonnes grâces de notre Dieu, plus nous serons exempts de souffrir. Dire: Je suis aimé de Dieu, donc j'ai droit de lui demander une vie heureuse et tranquille; ou dire, au contraire : Ma vie est pleine de souffrances, donc je ne suis pas aimé de Dieu : raisonnement d'infidèle et de païen. Cela pourroit convenir au judaïsme, où l'on mesuroit les faveurs de Dieu par les bénédictions temporelles; mais dans le christianisme, les choses ont changé de face, et Dieu s'en est hautement déclaré. Depuis l'établissement de la loi de grâce, plus de priviléges pour les élus du Seigneur, à l'égard des biens. de ce monde, plus d'exemptions pour eux, ni de dis-, penses à l'égard des croix de cette vie : pourquoi cela? Ah! mes frères, répond saint Augustin, y a-t-il rien. de plus juste? le bien-aimé du Père ayant souffert, étoit-il de l'ordre que les bien-aimés du Fils ne souffrissent pas? Jésus-Christ, le prédestiné par excellence, ayant été un homme de douleurs, étoit-il raisonnable qu'il y eût après lui des prédestinés d'un caractère différent? Il est donc pour vous et pour moi d'une absolue nécessité que nous buvions le calice du Fils de Dieu; mais le secret est que nous le buvions comme ses favoris, et c'est ce que nous n'entendons pas, c'est ce que n'entendoit pas saint Jean lui-même, quand Jésus-Christ lui demandoit : Potestis bibere calicem? Mais qu'il le conçut bien dans la suite, en souffrant les trois genres de martyre dont je viens de vous parler! Tous les jours, chrétiens, nous buvons, malgré nous,

sans y penser, le calice du Sauveur : tant de disgrâces qui nous arrivent, tant d'injustices qu'on nous fait, tant de persécutions qu'on nous suscite, tant de chagrins que nous avons à dévorer, tant d'humiliations, de contradictions, de traverses, tant d'infirmités, de maladies, mille autres peines que nous ne pouvons éviter; c'est pour nous la portion de ce calice que Dieu nous a préparée. Nous avalons tout cela, permettez-moi d'user de cette expression, et de quelque manière que ce soit, nous le digérons; mais parce que nous ne le considérons pas comme une partie du calice de notre Dieu, de là vient que ce calice n'est point pour nous un calice de salut, et c'est en quoi notre condition est déplorable, de ce que buvant tous les jours ce calice amer, nous n'avons pas encore appris à le boire comme il faut; c'est-à-dire, à le boire, non-seulement sans impatience et sans murmure, non-seulement avec un esprit de soumission et de résignation, mais avec joie et avec action de grâces; de ce que nous ne savons pas encore faire volontairement et utilement, ce que nous faisons à toute heure par nécessité et sans fruit. S'il dépendoit de nous, ou d'accepter ou de refuser ce calice, et que la chose fût à notre choix, peut-être faudroit-il des raiet même des raisons fortes, pour nous résoudre à le prendre mais la loi est portée, elle est générale, elle est indispensable; en sorte que si nous ne buvons ce calice d'une façon, nous le boirons de l'autre ; si nous ne le buvons en favoris, nous le boirons en esclaves; si, comme parle l'Ecriture, nous n'en buvons le vin, qui est pour les justes et les prédestinés, nous en boirons la lie, qui est pour les pécheurs et les réprouvés. Ne sommes-nous donc pas bien à plaindre de perdre tout l'avantage que nous pouvons retirer d'un calice si précieux, et d'en goûter tout le fiel et toute l'amertume, sans en éprouver la douceur?

sons,

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154 POUR LA FÊTE DE SAINT JEAN L'ÉVANGéliste.

Voilà, chrétiens, la grande leçon dont nous avons si souvent besoin dans le monde ; voilà, dans les souffrances de la vie, quelle doit être notre plus solide consolation, de penser que ce sont des faveurs de Dieu, qu'elles ont de quoi nous rendre agréables à Dieu, et les élus de Dieu; que la prédestination et le salut y sont attachés, et qu'on ne peut autrement parvenir à l'héritage des enfans de Dieu. Gravez profondément ces maximes dans vos esprits et dans vos cœurs; elles vous formeront, non pas précisément à souffrir, (car où est l'homme sur la terre qui ne souffre pas ?) mais à souffrir chrétiennement et saintement. Le pouvez-vous ? c'est la question que vous fait ici le Sauveur du monde, après l'avoir faite à saint Jean; le pouvez-vous et le voulezvous? Potestis? Ah! Seigneur, nous vous répondrons avec toute la confiance que votre grâce nous inspire: Oui, nous le pouvons, et nous nous y engageons: Possumus. Nous ne pouvons rien de nous mêmes, mais nous le pouvons avec vous et par vous; nous le pouvons parce que vous l'avez pu avant nous, et qu'en le faisant, vous nous en avez communiqué le pouvoir. Daignez encore nous en donner le courage, afin que nous en recevions un jour la récompense éternelle, où nous conduise, etc.

POUR LA FÊTE

DE SAINTE GENEVIÈVE.

Infirma mundi elegit Deus, ut confundat fortia; et ignobilia mundi et contemptibilia elegit Deus, et ea quæ non sunt, ut ea quæ sunt destrueret.

Dieu a choisi ce qu'il y avoit de plus foible dans le monde, pour confondre les forts; et il a pris ce qu'il y avoit de moins noble et de plus méprisable, même les choses qui ne sont point, pour détruire celles qui sont. Dans la première épître aux Corinthiens, chap. 1.

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EL est, chrétiens, l'ordre de la divine Providence, et c'est ainsi que notre Dieu prend plaisir à faire éclater sa grandeur souveraine et sa toute-puissante vertu. Si, pour opérer de grandes choses, il ne choisissoit que de grands sujets, on pourroit attribuer ses merveilleux ouvrages, ou à la sagesse, ou à l'opulence, ou au pouvoir et à la force des ministres qu'il y auroit employés; mais, dit l'apôtre des Gentils, afin que nul homme n'ait de quoi s'enfler d'une fausse gloire devant le Seigneur, ce ne sont communément, ni les sages selon la chair, ni les riches, ni les puissans, ni les nobles qu'il fait servir à l'exécution de ses desseins, il prend au contraire ce qu'il y a de plus petit pour confondre toutes les puissances humaines; et suivant l'expression de l'Apôtre, il va chercher jusque dans le néant, ceux qu'il veut élever au-dessus de toutes les grandeurs de la terre Infirma mundi elegit Deus, ut confundat fortia et ignobilia mundi et contemptibilia elegit Deus, et ea quæ non sunt, ut ea quæ sunt destrueret; pensée bien humiliante pour les uns,

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et bien

consolante pour les autres. Bien humiliante pour vous, grands du siècle! tout cet éclat qui vous environne cette autorité, cette élévation, cette pompe, qui vous distinguent à nos yeux, ce n'est point là ce qui attire sur vous les yeux de Dieu; que dis-je? c'est même, selon les règles ordinaires de sa conduite, ce qu'il rejette, quand il veut opérer, par le ministère des hommes, ses plus étonnantes merveilles; mais au même temps, pensée bien consolante pour vous, pauvres, pour vous, que votre condition a placés aux derniers rangs, pour vous, que l'obscurité de votre origine, que la foiblesse de vos lumières rend, ce semble, incapables de tout. Prenez confiance : plus vous êtes méprisables dans l'opinion du monde, plus Dieu aime à vous glorifier, et à se glorifier lui-même en vous: Infirma mundi elegit Deus. En voici, mes chers auditeurs, un bel exemple: c'est celui de l'illustre et sainte patronne dont nous solennisons la fête, et dont j'ai fait le panégyrique. Qu'étoit

ce,

selon le monde, que Geneviève ? une fille simple et dépourvue de toutes les lumières de la science, une fille foible et sans pouvoir, une bergère réduite, ou par sa naissance, ou par la chute de sa famille, au plus bas état. Mais en trois mots, qui comprennent trois grands miracles et qui vont partager d'abord ce discours, je vous ferai voir la simplicité de Geneviève plus éclairée que toute la sagesse du monde, c'est la première partie; la foiblesse de Geneviève, plus puissante que toute la force du monde, c'est la seconde partie ; et, si je puis parler de la sorte, la bassesse de Geneviève, plus honorée que toute la grandeur du monde, c'est la troisième partie. Quel fond, chrétiens, de réflexions et de morale! Ménageons tout le temps nécessaire pour le creuser, et pour en tirer d'utiles et de salutaires leçons, après que nous aurons demandé le secours du ciel par l'intercession de Marie. Ave, Maria.

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