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tienne: O tu! Virgo Dei, nubere noluisti, quod licebat; et extollis te, quod non licet (1); O ame insensée! que faites-vous? Vous n'avez pas voulu vous allier à un époux de la terre, ce que la loi de Dieu vous permettoit; et vous vous élevez par une fausse et vaine gloire, ce que la loi ne vous permet pas.

Mais pourquoi Geneviève ajoute-t-elle à ces exercices d'humilité une si grande austérité de vie? pourquoi se condamne-t-elle à des jeûnes si continuels, et fait-elle de son corps une victime de pénitence? C'étoit une sainte en qui le péché n'avoit jamais régné; c'étoit une ame pure en qui la grâce du baptême s'étoit maintenue; pourquoi donc se traiter si rigoureusement elle-même? Ah! chrétiens, c'est un mystère que la prudence de la chair ignore, mais qu'il plut encore à Dieu de révéler à la simplicité de Geneviève. Elle étoit vierge; mais elle avoit à préserver sa virginité, du plus contagieux de tous les maux, qui est la mollesse des sens. Elle étoit sainte; mais elle avoit un corps naturellement corps de péché, dont elle devoit faire, comme dit saint Paul, une hostie vivante. Elle étoit soumise à Dieu; mais elle avoit une chair rebelle qu'il falloit dompter et assujettir à l'esprit. Voilà ce qui lui fit oublier qu'elle étoit innocente, pour embrasser la vie d'une pénitente. Le monde ne raisonne pas ainsi; mais je vous l'ai dit, la grande sagesse de Geneviève est de raisonner tout autrement que le monde. Le monde, quoique criminel, prétend avoir droit de vivre dans les délices; et Geneviève, quoique juste, se fait une loi de vivre dans la pratique de la mortification. Excellente pratique, par où elle se dispose aux communications les plus sublimes qu'une créature ait peut-être jamais eues avec Dieu. Nous avons peine à le comprendre; mais c'est la merveille de la grâce: une fille sans instruction et sans (1) August.

lettres, telle qu'étoit Geneviève, parle néanmoins de Dieu comme un ange du ciel. Elle ne sait rien; et l'onc tion qu'elle a reçue d'en-haut, lui enseigne toutes choses. Elle demeure sur la terre et dans ce lieu d'exil; mais toute sa conversation est parmi les bienheureux et dans le séjour de la gloire. Tandis que les doctes peuvent à peine s'occuper une heure dans l'oraison, elle y passe les jours et les nuits. La vue de son troupeau, l'aspect des campagnes, tout ce qui se présente à elle lui fait connoître Dieu et l'élève à Dieu : c'est une fleur champêtre, que la main des hommes a peu cultivée; mais qui, exposée aux rayons du soleil de justice, en tire tout cet éclat dont brillent les justes, et toute cette bonne odeur de Jésus-Christ dont parle saint Paul. Tant d'explications, de leçons, de discours, de livres, ne servent souvent qu'à nous confondre. Geneviève, sans tous ces secours, découvre ce qu'il y a dans Dieu de plus profond et de plus caché: pourquoi? parce que notre Dieu, dit Salomon, se plaît à parler aux simples: Et cum simplicibus sermocinatio ejus (1). De là ces extases qui la ravissent hors d'elle-même, et ces visions célestes dont elle est éclairée ; ce sont des mystères impénétrables pour nous, et des secrets qu'il ne lui étoit pas plus permis qu'à l'Apôtre de nous révéler : Arcana verba quæ non licet homini loqui (2). Grâces singulières et faveurs divines d'autant moins suspectes, que jamais elles ne produisirent dans cette ame solidement humble, ni esprit d'orgueil et de suffisance, ni esprit de censure et d'une réforme outrée, ni esprit de singularité et de distinction, mais modestie et réserve, mais soumission et obéissance, mais charité et douceur, mais discrétion la plus parfaite et prudence la plus consommée. De là ce don de discerner les esprits, de démêler l'illusion et la vérité, les voies détournées et les voies (1) Prov. 3.--- (2) 2. Cor. 12,

et

droites, les fausses inspirations de l'Ange de ténèbres et la vraie lumière de Dieu; en sorte que de toutes parts on accourt à elle, qu'elle est consultée comme l'oracle, que les maîtres même les plus éclairés ne rougissent point d'être ses disciples, de recevoir ses conseils et de les suivre. De là cette confiance avec laquelle on lui donne la conduite des vierges et le soin des veuves, pour les préserver des piéges du monde, pour leur inspirer l'amour de la retraite, pour les former aux exercices de la piété chrétienne, pour les instruire de tous leurs devoirs et pour les leur faire pratiquer. Sainte école où Dieu lui-même préside, parce que c'est, si j'ose parler de la sorte, l'école de la simplicité évangélique.

Mais, chrétiens, qu'oppose le monde à cette simplicité tant recommandée dans l'Ecriture, et maintenant si peu connue dans le christianisme? une fausse sagesse que Dieu réprouve. On veut raffiner sur tout, et jusque sur la dévotion; on se dégoûte de ces anciennes pratiques, autrefois si vénérables parmi nos pères, et de nos jours regardées par des esprits présomptueux et remplis d'eux-mêmes, comme de frivoles amusemens; on veut de nouvelles routes pour aller à Dieu, de nouvelles méthodes pour s'entretenir avec Dieu, de nouvelles prières pour célébrer les grandeurs de Dieu; on veut qu'une prétendue raison soit la règle de toute notre perfection, et tout ce qui peut en quelque manière se ressentir de cette candeur et de cette pieuse innocence, par où tant d'ames avant nous se sont élevées et distinguées, on le met au rang des superstitions populaires et on le rejette avec mépris. Toutefois, mes chers auditeurs, comment le Sage nous apprend-il à chercher Dieu? dans, la simplicité de notre cœur: In simplicitate cordis quærite illum (1); de quoi Job est

(1) Sap. I

il loué par l'esprit même de Dieu ? de la simplicité : Et erat vir ille simplex et rectus (1); par quel moyen Daniel mérita-t-il la protection de Dieu ? par sa simplicité: Daniel in simplicitate sua liberatus est (2). Je sais ce que le monde en pense; que c'est une vertu toute contraire à ses maximes, qu'il en fait le sujet ordinaire de ses railleries; mais malgré tout ce qu'en a pensé le monde, malgré tout ce qu'il en a dit et ce qu'il en dira, il me suffit, mon Dieu, de savoir, comme votre Prophète, que vous aimez cette bienheureuse simplicité: Scio quòd simplicitatem diligas (3); et c'est assez pour moi que vous en connoissiez le prix : Sciat Deus simplicitatem meam (4).

Voilà, mes frères, ce qui doit nous affermir dans le droit chemin de la justice chrétienne, et ce qui nous y doit faire marcher avec assurance. Le monde parlera, le monde rira; de faux sages viendront nous dire ce que la femme de Job disoit à son époux: Adhuc permanes in simplicitate tua? (5) Hé quoi! vous vous arrêtez à ces bagatelles? vous vous laissez aller à ces scrupules, et dans un siècle comme celui-ci, vous prenez garde à si peu de chose? quelle simplicité et quelle folie ! On nous le dira, mais nous répondrons : Oui, dans un siècle si dépravé, je m'attacherai à mon devoir, j'irai tête levée, et je ferai gloire de ma simplicité ; j'y vivrai et j'y mourrai, dans cette simplicité de la foi, dans cette simplicité de l'espérance, dans cette simplicité de la charité de Dieu et de la charité du prochain, dans cette simplicité d'une conduite équitable, humble, modeste, désintéressée, sans détours, sans artifices, sans intrigues, Par là, j'engagerai Dieu à me conduire lui-même; et, avec un tel guide, je ne craindrai point de m'égarer: Qui ambulat simpliciter, ambulat confidenter (6).

(1) Job. I.- (2) 1. Mac. 2.- (3) 1. Paral. 29. (4) Job. 31. — (5) Jọb. 2.

(6) Prov. 10.

Voulez-vous en effet, chrétiens, que Dieu répande sur vous ses lumières avec la même abondance qu'il les répandit sur Geneviève? voici pour cela quatre règles que je vous propose, et que me fournit l'exemple de cette sainte Vierge. Première règle: suivre le conseil de ceux que Dieu a établis dans son Eglise pour être les pasteurs de vos ames, et pour vous diriger dans les voies du salut; ne rien entreprendre d'important, et où votre conscience se trouve en quelque péril, sans les consulter; aller à eux comme à la source des grâces, et les écouter comme Dieu même, leur ouvrir votre cœur, et leur exposer simplement et avec confiance vos sentimens, vos désirs, vos bonnes et vos mauvaises dispositions; prendre là-dessus leurs avis, et quelques vues contraires qui vous puissent survenir à l'esprit, les tenir pour suspectes et les déposer, si ce n'est que vous eussiez d'ailleurs une évidence absolue de l'erreur où l'on vous conduit et de l'égarement où l'on vous jette suivant une telle maxime et la suivant de bonne foi, vous agirez sûrement; car Dieu est fidèle, dit l'Apôtre, et puisqu'il vous envoie à ses ministres, il est alors engagé par sa providence à les éclairer eux-mêmes, à leur inspirer ce qui vous convient, et à leur mettre pour vous dans la bouche des paroles de vie. Je vais plus loin, et pour votre consolation, j'ose dire que si quelquefois ils se trompoient, ou Dieu feroit un miracle pour suppléer à leur défaut et pour vous redresser, ou que jamais il ne vous imputeroit une illusion dont vous n'avez pas été l'auteur, et dont vous n'avez pu moralement vous préserver.

Seconde règle fuir le monde et ce que vous savez être, dans le commerce du monde, ou pernicieux, ou seulement même dangereux. Je ne prétends pas que tous doivent se renfermer dans le cloître, et se cacher dans la solitude: Dieu dans le monde a ses serviteurs sur qui il fait reposer son esprit, à qui il fait entendre

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