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languissante, que dans un corps robuste? Nam virtus in infirmitate perficitur (1).

A ce don de guérir les corps, ajoutez un autre don mille fois plus excellent, c'est celui de guérir les ames. Ainsi l'avoit prédit le grand évêque d'Auxerre, saint Germain, en disant de Geneviève qu'elle seroit un jour la cause du salut de plusieurs. Prédiction vérifiée par l'événement. Combien de pécheurs a-t-elle retirés de leurs voies corrompues, et remis dans les voies de Dieu ? combien de païens et d'idolâtres a-t-elle éclairés dans un temps où les ténèbres de l'infidélité étoient répandues sur la terre ; et quels fruits ne produisit point son zèle dans ce royaume maintenant très-chrétien, mais où l'erreur dominoit alors, et étoit placée jusque sur le trône? Qui sait combien d'affligés elle consoloit, combien de misérables elle soutenoit, combien d'ignorans elle instruisoit dans ces saintes et fréquentes visites, où tour à tour elle parcouroit les prisons, les hôpitaux, les cabanes des pauvres, faisant partout sentir les salutaires effets de sa charité? Et sans m'engager dans un détail infini, qui peut dire combien de cœurs, depuis tant de siècles, ont été touchés, pénétrés, gagnés à Dieu, et le sont tous les jours par la puissante vertu de ses cendres que nous avons conservées, et que nous conserverons comme un des plus riches dépôts? Vous le savez, Seigneur, vous en avez été témoin, et vous l'êtes sans cesse. Vous le savez, dis-je, de quelle onction on est rempli à la vue de ce tombeau, dont vous avez fait notre espérance et notre asile; vous savez quelles lumières on y reçoit, et quels sentimens on en remporte. Daignez, ô mon Dieu! ne tarir jamais cette source féconde de toutes les bénédictions célestes.

Voilà donc, chrétiens, le miracle que nous ne pouvons assez admirer, et que je vous ai d'abord proposé.

(1) 2. Cor. 12.

Geneviève, assez forte dans sa foiblesse pour fléchir les puissances même du ciel, pour humilier les plus fières puissances de la terre, pour confondre toutes les puissances de l'enfer. Prenez garde : je dis pour fléchir les puissances même du ciel; appaisant en faveur des hommes la colère de Dieu; détournant ses fléaux, et l'engageant à suspendre ses foudres prêts à tomber sur nos têtes; nous obtenant, après tant de désordres, un pardon que nous n'eussions pas osé demander par nousmêmes, et dont l'énormité de nos crimes nous rendoit indignes; nous ouvrant tous les trésors de la divine miséricorde, et la forçant en quelque sorte à nous combler de ses richesses. Je dis pour humilier les plus fières puissances de la terre : le fameux et barbare Attila en fut un exemple mémorable. Ce prince, accou tumé au sang et au carnage, marchoit à la tête de la plus nombreuse armée. Déjà l'Allemagne avoit éprouvé les tristés effets de sa fureur; déjà notre France étoit inondée de ce torrent impétueux, qui répandoit partout devant soi la terreur, et portoit le ravage et la désolation. Que lui opposer, et par où conjurer cette affreuse tempête dont tant de provinces étoient menacées ? Sera-ce par les supplications et les remontrances des plus grands hommes qui tour à tour font sans cesse de nouvelles tentatives auprès de ce redoutable conquérant pour le gagner? Mais enflé de ses succès, il n'en devient que plus audacieux et plus intraitable. Sera-ce par les menaces et par les promesses? Mais ses forces, jusque-là invincibles, le mettent en état de ne rien craindre; et les plus belles promesses ne répondent point encore à son attente, et ne peuvent contenter son insatiable ambition. Sera-ce par la multitude et la valeur des combattans? Mais tout plie en sa présence, et sur son passage il ne trouve nul obstacle qui l'arrête. Ah! chrétiens, l'heure néanmoins approche

où ce cruel tyran doit être abattu, et toutes ses forces détruites ce tison fumant, pour user de cette expression d'Isaïe, sera éteint; et comment? C'est assez pour cela de quelques larmes qui couleront des yeux de Geneviève, et qu'elle versera au pied de l'autel. Oui, ces larmes suffisent: l'ennemi se trouble, une subite frayeur le saisit, cette formidable armée est en déroute, et l'orage, comme une fumée, se dissipe. Enfin, je dis pour confondre toutes les puissances de l'enfer. Avec quel empire a-t-elle commandé aux démons mêmes? avec quel respect ces esprits de ténèbres ont-ils écouté sa voix, et lui ont-ils obéi? avec quelle honte ont-ils vu leur domination renversée, et sont-ils sortis des corps, au premier ordre qu'ils en ont reçu ? C'est de quoi nous avons les preuves certaines, et ce qui me fait reprendre avec le Docteur des nations: Infirma mundi elegit Deus, ut confundat fortia.

C'est pour cela même aussi, mes chers auditeurs, vous le savez, que la sage piété de nos pères n'a pas cru pouvoir mieux défendre et conserver cette ville capitale où nous vivons, qu'en la confiant aux soins, et la mettant sous la protection de la toute-puissante et glorieuse Geneviève : ceci vous regarde, et demande une réflexion particulière. Dès le temps que la monarchie française prit naissance, Dieu lui désigna cette protectrice. Paris devint dans la suite des siècles une des plus nobles et des plus superbes villes du monde ; et s'il s'est maintenu jusqu'à présent dans cette splendeur; si malgré les vicissitudes continuelles des choses humaines, il a subsisté ct subsiste encore, si mille fois il n'a pas péri, ou par le feu, ou par le fer, ou par la famine, ou par la contagion, ou par sa sécheresse, ou par l'inondation des eaux, ignorez-vous que c'est à sa bienheureuse patronne qu'il en est redevable? Après les secours qu'il en a reçus dans les plus pressantes nécessités; après qu'clle

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l'a si souvent préservé, et des fureurs de la guerre, et de l'ardeur des flammes, et des injures de l'air, et de la stérilité des campagnes, et du débordement des fleuves, les païens auroient érigé Geneviève en divinité : mais vous, mes frères, mieux instruits, vous vous contentez et devez en effet vous contenter de la reconnoître pour votre bienfaitrice; de l'honorer et de l'invoquer comme votre avocate auprès d'un seul Dieu que vous adorez. Protection visible dont nous avons eu et dont nous avons tous les jours les plus éclatans témoignages; protection invisible, et non moins efficace en mille rencontres sur la personne de nos rois, et sur tout le de l'Etat ; protection, (le dirai-je, mes chers auditeurs, mais n'est-il pas vrai?) protection d'autant plus nécessaire, que l'iniquité du siècle est plus abondante, et doit plus irriter le ciel contre nous.

corps

Car qu'est-ce que cette ville si nombreuse, et quel spectacle présenterois-je à vos yeux, si je vous en faisois voir toutes les abominations? Qu'est-ce, dis-je, que Paris? un monstrueux assemblage de tous les vices, qui croissent, quise multiplient, qui infectent et les petits et les grands, et les pauvres et les riches, qui profanent même ce qu'il y a de plus sacré, et qui s'établissent jusque dans la maison de Dieu. Ne tirons point le voile qui couvre en partie ces horreurs : nous n'en connoissons déjà que trop : 'or que seroit-ce donc, si nous n'avions pas une médiatrice pour prendre nos intérêts auprès de Dieu, et pour arrêter ses coups? Mais après tout, mes frères, Dieu ne se lassera-t-il point? la mesure de nos crimes ne se remplira-t-elle point, et ne pourra-t-il point arriver que ce secours de Geneviève cesse enfin pour nous? Quand les Israélites eurent oublié le Seigneur, jusques à faire des sacrifices à un veau d'or, pendant que Moïse étoit sur la montagne et prioit pour eux, I'Ecriture nous apprend que Dieu en fit un reproche à ce

législateur. Va, Moïse, lui dit-il, descends de la montagne, et tu verras le désordre de ton peuple : car c'est ton peuple et non plus le mien: Vade, descende, peccavit populus tuus (1). Ce n'est plus mon peuple, puisqu'il a choisi un autre Dieu que moi, et que dans l'état de corruption où il est réduit, je ne le connois plus; mais c'est encore le tien, puisque, tout corrompu qu'il est, tu viens intercéder et me solliciter pour lui. Va donc, et tu seras toi-même témoin de ses déréglemens et de ses excès? Tu te promettois quelque chose de sa piété et de sa religion; mais tu connoîtras en quelle idolâ trie il est tombé depuis qu'il t'a perdu de vue: après s'être abandonné à l'intempérance, aux jeux, aux festins, à la bonne chère; après s'être plongé dans les débauches les plus impures et les plus abominables, tu verras avec quelle insolence il s'est fait une idole qu'il adore comme le Dieu d'Israël, protestant qu'il n'y a point d'autre divinité que celle-là qui l'ait pu tirer de la servitude : voilà ou en est ce peuple qui t'est si cher : Vade, descende, peccavit populus tuus (2). Mais laisse-moi, Moïse, ajoute le Seigneur; car je vois bien que c'est un peuple indocile et endurci dans son péché : Cerno quòd populus iste duræ cervicis sit; ne me parle donc plus en sa faveur, ne t'oppose plus au dessein que j'ai de l'exterminer et de le perdre; tes prières me font violence : donne-moi trève pour quelques momens, afin que ma colère éclate; Dimitte me, ut irascatur furor meus (3). Je sais, chrétiens, ce que fit Moïse; qu'il ne désista pas pour cela de demander grâce; qu'il conjura Dieu de retenir encore son bras, lui remontrant qu'il y alloit de sa gloire, l'intéressant par la considération d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; consentant plutôt à être effacé lui-même du livre de vie, que de voir périr ce peuple ; et par des instances si fortes, faisant enfin changer l'arrêt que la justice di(1) Exod. 32. — (2) Ibid. (3) Ibid.

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