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l'a insulté, elle l'a outragé, elle l'a livré à la fureur des flammes; mais tous les efforts de l'hérésie n'ont pas arraché et n'arracheront jamais du cœur des fidèles les sentimens de respect, de reconnoissance, de zéle, dont ils sont prévenus pour un de leurs plus puissans protecteurs auprès de Dieu. Ses cendres nous sont restées, et c'est assez; ces cendres purifiées par le feu, ou, pour mieux dire, consacrées par une espèce de martyre, n'en ont que plus de pouvoir; nous les honorons, et nous y trouvons toujours les mêmes secours : quoi qu'il en soit, sa mémoire est toujours vivante, et tant qu'il y aura des hommes sur la terre, elle y vivra; ses fêtes y seront célébrées, son nom y sera invoqué, ses vertus y seront publiées.

Mais qu'est-ce, après tout, pour les saints, que cette gloire de la terre, toute juste et toute éclatante qu'elle peut être, en comparaison de cette couronne immortelle qu'ils reçoivent dans le ciel? que leur importe d'être grands devant les hommes, pourvu qu'ils soient grands devant Dieu; et que leur importe que leurs noms soient ici gravés dans le souvenir des hommes, pourvu qu'ils soient écrits et connus dans le royaume de Dieu? Ah! chrétiens, tous ces honneurs dont je viens de vous parler, et que tant de nations ont déférés à saint François de Paule, ne lui étoient point nécessaires; et s'il a plu à Dieu de l'exalter parmi nous, ce n'est que pour nous apprendre à estimer l'humilité. Du reste, François pouvoit être sans cela éternellement heureux, et souverainement glorieux : car il pouvoit sans cela parvenir à toute la gloire dont il jouit dans la béatitude céleste. C'est là que les humbles sont bien dédommagés de leurs abaissemens volontaires; et c'est à cette unique et véritable grandeur que nous devons aspirer comme eux. Mais par le plus étrange aveuglement, de quelle grandeur sommes-nous jaloux ? d'une grandeur toute mon

daine: briller dans le monde comme François de Paule, être comme lui recherché des grands, et adoré des petits, voilà de quoi nous sommes touchés, et ce qui combleroit, à ce qu'il nous semble, tous nos voeux. Mais voilà, de la manière que nous l'envisageons, ce que j'appelle une fausse grandeur. Prenez garde, je vous prie: c'étoit pour notre saint une grandeur véritable et réelle; et ce n'est pour nous qu'une grandeur chimérique et fausse. Grandeur réelle et véritable pour François: comment cela? parce que c'étoit une récompense anticipée. de son humilité; parce que c'étoit une grandeur fondée sur le mépris même qu'il faisoit de toute grandeur humaine; parce que c'étoit une grandeur qu'il fuyoit, dont il se défioit, qui, par un amour et un désir sincère des humiliations, lui devenoit onéreuse, bien loin qu'il cherchât à en goûter les vaines douceurs; parce qu'au milieu de cette grandeur visible, il ne se rendoit attentif qu'aux grandeurs invisibles de l'éternité; mais ce qui étoit réel et solide pour François de Paule, n'est pour nous qu'erreur, n'est que mensonge et illusion: pourquoi? parce que nous ne cherchons cette prétendue grandeur du monde que pour nourrir notre orgueil et contenter notre ambition; parce que nous ne nous y proposons qu'un certain éclat, qui nous éblouit et qui nous aveugle; parce que nous nous en laissons entêter et infatuer, jusqu'à nous oublier nous-mêmes au moindre avantage que nous avons, et au moindre degré d'élévation où nous parvenons; parce que nous en ahusons pour entretenir nos complaisances, pour autoriser nos hauteurs, pour prendre sur les autres l'ascendant, pour les regarder avec dédain et les traiter avec empire; parce qu'uniquement occupés d'une grandeur mortelle, nous perdons absolument le souvenir de cette glorieuse immortalité,quiseule devroit emporter toutes nos réflexions et tous nos soins. Or en ce sens et sous cet aspect, tout

ce qu'il y a de plus grand dans la vie, n'est rien; et s'y attacher de la sorte, s'y laisser ainsi surprendre, c'est un des plus sensibles sujets de notre confusion, puisque c'est une des marques les plus évidentes de notre foiblesse.

Et souvent encore qu'arrive-t-il? c'est que Dieu, par une sage conduite de sa providence, nous refuse ce que nous désirons avec tant d'ardeur, et le donne aux humbles, qui travaillent à s'en préserver et à l'éviter. Que de mondains dans la cour de Louis XI s'empressoient autour du prince, pour s'insinuer auprès de lui, pour gagner sa faveur, pour avoir part à ses grâces, et ne pouvoient y réussir? réussir? au lieu que François de Paule, dégagé de toute espérance, sans vues, sans prétentions, sans intrigues, ne pensant qu'à se retirer et à disparoître, parlant au premier monarque de l'Europe avec toute la liberté de l'évangile, ne faisant rien pour ce prince de tout ce qu'il attendoit; au contraire, lui présentant un objet aussi triste pour lui que la mort, et le lui montrant de près, en devint le favori le plus intime et le directeur. Je ne veux pas, après tout, vous faire entendre que les saints aient toujours ces sortes de distinctions sur la terre ; il y en a, et un grand nombre, que Dieu laisse dans l'obscurité et dans l'oubli parmi les hommes; il y en a qui ne sont pas seulement humbles, mais en effet humiliés et très-humiliés. Se plaignent-ils de leur état? ils sont bien éloignés de s'en plaindre; puisqu'ils l'ont choisi, puisqu'ils l'aiment, et qu'ils s'en font, selon l'évangile, un bonheur : car ils savent quel est le prix de l'humiliation où ils vivent, quand elle est sanctifiée par l'humilité; ils savent ce que c'est que toute la grandeur du siècle ; que ce n'est qu'une grandeur imaginaire, et surtout que ce n'est qu'une grandeur passagère; d'où ils concluent qu'ils doivent porter toutes leurs espérances

250 POUR LA FÊTE DE SAINT FRANÇOIS DE PAULE. et tous leurs désirs vers une autre grandeur qui leur est promise dans le ciel. A quoi tient-il, mes chers auditeurs, que nous ne tirions la même conséquence, puisque nous sommes aussi instruits qu'eux du même principe? nous connoissons malgré nous la vanité des pompes du monde; et plus même nous sommes engagés dans le monde, plus en voyons-nous le néant. Nous nous en expliquons si bien dans les rencontres, et nous en faisons de si beaux discours; pourquoi donc ne méprisons-nous pas ce qui nous paroît si méprisable, ou pourquoi ne nous détachonsnous pas de ce que nous méprisons? Allons à la gloire, et cherchons-la. Mais comme il n'y a point d'autre véritable gloire à désirer pour nous, selon l'évangile, que cette gloire future où Dieu nous appelle, c'est là qu'il nous ordonne de tourner tous nos regards, et c'est là aussi la seule gloire que je vous souhaite, au nom du Père, etc.

POUR LA FÊTE

DE SAINT JEAN-BAPTISTE.

Fuit homo missus à Deo, cui nomen erat Joannes. Hic venit in testimonium, ut testimonium perhiberet de lumine.

Il y eut un homme envoyé de Dieu, qui s'appeloit Jean. Ce fut lui qui vint pour rendre témoignage à la lumière. En saint Jean, chap. 1.

MONSEIGNEUR (1),

C'EST le vrai caractère du glorieux précurseur saint Jean, dont nous célébrons aujourd'hui la fête. Un homme suscité de Dieu pour servir de témoin à celui qui, comme Fils de Dieu, et Verbe de Dieu, étoit la lumière incréée; un homme prédestiné pour annoncer et pour faire connoître au monde le Dieu incarné; un homme miraculeusement conçu par une mère stérile; un homme dont on peut dire, dès son berceau, que l'esprit de Dieu étoit en lui, et que la main du Seigneur étoit avec lui; un homme dont la mission fut autorisée par la plus éclatante preuve de la vérité, qui est son éminente sainteté: et tout cela, pour rendre témoignage à Jésus-Christ. Voilà à quoi se réduisent les hautes idées que l'évangile nous en donne. Il n'étoit pas la lumière: Non erat ille lux (2); mais il étoit le témoin de celui qui fut la lumière même; de cet homme-Dieu à qui seul il appartenoit de pouvoir dire absolument et sans condition: Egosum lux mundi; Je suis la lumière du monde. Car c'est pour attester la vérité de cette parole du Sauveur, que Jean-Bap(1) Messire Henri Feydeau de Brou, évêque d'Amiens. — (2) Joan. 1.

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