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reux pour manquer de ferveur et de courage dans la confession de notre foi, c'est à nous d'apprendre à réparer comme lui, par une fervente pénitence, cette honteuse et scandaleuse lâcheté : deux points, mes chers auditeurs, où je renferme toute cette première partie. Ecoutez-moi; il n'y aura rien là qui ne soit proportionné à la capacité de vos esprits, ni rien que chacun de vous ne puisse et ne doive s'appliquer. Commen

çons.

La foi de saint Pierre étoit grande sans doute et trèsgrande, quand Jésus-Christ lui dit : Beatus es; Vous êtes bienheureux, Simon, fils de Jean. Car en vertu de cette foi saint Pierre avoit tout quitté pour suivre Jésus-Christ; en vertu de cette foi, il avoit marché sur les eaux pour aller à Jésus-Christ; en vertu de cette foi, plusieurs d'entre les disciples s'étant retirés du troupeau de Jésus-Christ, parce qu'ils se scandalisoient de sa doctrine sur le sujet de l'eucharistie, et JésusChrist ayant demandé aux apôtres s'ils vouloient aussi se séparer de lui, saint Pierre lui avoit dit: Hé! Seigneur, à qui irions-nous? car vous avez les paroles de la vie éternelle. Tout cela, marques évidentes de la grandeur de sa foi, qui ne fut pas, dit saint Augustin, une foi de spéculation et en idée, mais une foi réelle et de pratique ; qui ne fut pas une foi morte, mais une foi vive et animée ; qui ne fut pas une foi stérile et infructueuse, mais une foi, pour ainsi parler, riche et féconde, puisqu'elle produisit en lui de si surprenans et de si merveilleux effets. Tout cela, preuves incontestables que, dès son premier engagement avec Jésus-Christ, ill'avoit reconnu pour Fils du Dieu vivant. Car, comme raisonne saint Augustin, s'il l'avoit cru seulement homme, il n'auroit pas renoncé pour lui à tout ce qu'il possédoit dans le monde; s'il l'avoit cru seulement homme, il ne lui auroit il ne lui auroit pas dit : Domine,

si tu es, jube me ad te venire super aquas (1); Si c'est vous, Seigneur, commandez, et dès l'instant je marcherai sans crainte sur l'eau pour aller à vous; s'il l'avoit cru seulement homme, il se seroit scandalisé, aussi bien que les autres, du commandement que lui fit Jésus-Christ de manger sa chair et de boire son sang; s'il l'avoit cru seulement homme, il n'auroit pas pris ce Jésus-Christ leur annonçoit de ce mystère, pour des paroles de vie et d'une vie immortelle : Verba vitæ æternæ habes (2). Il est donc vrai que ce n'étoit dèslors ni la chair ni le sang, mais l'esprit même de Dieu qui lui avoit donné les hautes et sublimes connoissances dont il se trouvoit rempli.

que

Voilà, mes chers auditeurs, les qualités de la foi de saint Pierre, et voilà en quoi la foi de saint Pierre doit être le modèle de la nôtre. Prenez garde; ce fut une foi pratique, une foi efficace et agissante que celle de saint Pierre, et telle doit être notre foi; car une foi oisive, une foi qui s'en tient à des paroles, une foi qui ne consiste qu'en de belles et spécieuses maximes, une foi qui se borne à des sentimens, sans aller jusques aux œuvres, c'est une foi qui ne peut servir qu'à notre condamnation; c'est la foi des démons, qui croient, qui tremblent, et qui en demeurent là. Ce fut une foi généreuse, en vertu de laquelle saint Pierre abandonna non-seulement tout ce qu'il possédoit, mais tout ce qu'il étoit capable de posséder, mais tout ce qu'il pouvoit espérer, mais tout ce qu'il pouvoit désirer; tellement qu'il eut bien raison de dire: Ecce nos reliquimus omnia (3); Voici que nous avons tout quitté. Et c'est ainsi que notre foi doit nous détacher de tout, en sorte que nous quittions tout, non pas toujours réellement et en effet, mais au moins de cœur, c'est-à-dire, que nous soyons dis(1) Matth. 14. (2) Joan. 6. — (3) Matth. 19.

posés

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posés à quitter tout; que nous soyons dégagés de toute affection aux biens que nous possédons; que nous soutenions avec patience la perte de ces biens, quand il plaît à Dieu de nous les enlever; que nous soyons tranquilles et soumis, quand la Providence permet que ces biens diminuent; que nous nous dépouillions avec joie d'une partie de ces biens pour en assister les membres de Jésus-Christ et nos frères, qui sont les pauvres ; car une foi en conséquence de laquelle on ne renonce à rien, on ne quitte rien, on ne se refuse rien, et l'on ne veut rien se refuser, c'est une foi chimérique, qui ne peut être de nul mérite devant Dieu, et que Dieu même réprouve. Ce fut une foi pleine de confiance qui fit marcher saint Pierre sur les eaux, sans craindre le péril où il s'exposoit, ni la tempête dont la mer étoit agitée; et si notre foi est telle que Dieu la demande, il faut qu'elle se soutienne au milieu des dangers du monde, au milieu des persécutions et des disgrâces du monde, au milieu des changemens et des révolutions inévitables dans le cours du monde ; car une foi qui doute, une foi qui hésite, n'a plus ce caractère de fermeté qui est essentiel à la vraie foi. Ce fut une foi à l'épreuve du scandale où tombèrent ces disciples incrédules qui, ne pouvant comprendre l'adorable mystère de nos autels que Jésus-Christ leur annonçoit, en prirent occasion d'abandonner ce Dieu Sauveur; et notre foi, comme celle de saint Pierre, doit nous fortifier contre tant de discours que nous entendons, contre tant d'exemples que nous avons sans cesse devant les yeux, afin que nous puissions faire à Dieu la même protestation que fit ce prince des apôtres : Et si omnes scandalizati fuerint in te, sed non ego (1); Non, Seigneur, je ne m'éloignerai jamais de vous, quand tous les hommes vous auroient renoncé, et que de tous les hommes je resterois

(1)-Marc. 14.

TOME XII.

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seul sous l'obéissance de votre loi, je ne m'en départirai jamais; fallût-il résister à toutes les puissances de la terre, fallût-il donner ma vie, vous me trouverez toujours fidèle: Et si oportuerit me commori tibi, non te negabo (1).

Telle étoit, dis-je, la foi de saint Pierre; mais quelque grande que fùt sa foi, j'ai ajouté qu'elle n'étoit pas encore parfaite, parce qu'il n'avoit pas encore reçu le Saint-Esprit: il ne faut que lire l'évangile pour en être persuadé; car immédiatement après que saint Pierre eut rendu témoignage à la divinité de Jésus-Christ, le Fils de Dieu ayant déclaré à ses disciples qu'il alloit à Jérusalem, et que là il devoit être livré aux Gentils, moqué, outragé, déchiré de fouets, crucifié : Ah! Seigneur, reprit le saint apôtre, à Dieu ne plaise que tout cela vous arrive; parole dont Jésus-Christ parut indigné, et qui lui fit dire à ce chef même de son Eglise : Retirez-vous de moi, satan; vous êtes un scandale pour moi, et vous n'avez point de goût pour les choses de Dieu, mais seulement pour les choses de la terre : Vade post me, satana; scandalum es mihi (2). Il s'en falloit donc bien, remarque saint Chrysostôme, que la foi de saint Pierre ne fùt dans le degré de perfection où elle devoit être, puisqu'il se trouvoit prévenu d'une erreur aussi pernicieuse et aussi grossière que celle de croire qu'il ne convenoit pas à Jésus-Christ de mourir pour le salut des hommes. Elle n'étoit pas non plus parfaite cette même foi, lorsque saint Pierre ayant d'abord marché avec confiance sur les eaux, mais voyant ensuite les flots de la mer agités, craignit et s'écria: Seigneur, sauvez-nous, autrement nous sommes perdus ; sur quoi le Fils de Dieu lui fit ce reproche Homme de peu de foi, pourquoi avez vous eu peur? Modicæ fidei, quare dubitasti? (3) Enfin, sa foi étoit bien imparfaite, quand (1) Marc. 14. (2) Matth. 16. (3) Matth. 14.

après avoir été trois ans entiers à l'école de Jésus-Christ, après avoir entendu si souvent ce divin maître expliquer les vérités évangéliques, il ne les comprenoit pas; car, comme l'a formellement observé saint Luc, ce que cet adorable Sauveur disoit à ses disciples de la nécessité des souffrances, de l'avantage des croix, du renoncement à soi-même, ils le regardoient comme des mystères cachés et comme autant de paradoxes: Et erat verbum istud absconditum ab eis (1).

Voilà, chrétiens, les ténèbres de la foi de saint Pierre; mais en même temps voilà les écueils de notre foi, et ce que nous devons éviter. Saint Pierre crut Jésus-Christ Fils du Dieu vivant, mais il se scandalisa du mystère de sa passion et de sa mort; c'est ce qui nous arrive tous les jours, car nous adorons la personne de Jésus-Christ, mais nous nous scandalisons de sa croix, nous nous scandalisons de son évangile : l'orgueil et l'amour-propre qui nous dominent, forment en nous une opposition secrète à ses maximes et à sa loi. Ce scandale paroît dans nos actions: nous nous disons chrétiens, et nous vivons en païens. Que fit Jésus-Christ, justement offensé du scandale de saint Pierre? il le reprit avec aigreur, il le traita de satan, il le rejeta. Prenez garde, mes frères, dit saint Hilaire : le Fils de Dieu brùloit d'un désir si ardent de souffrir pour nous, qu'il ne put voir sans indignation que Pierre entreprît de combattre ce dessein. Or ce même Sauveur n'auroit-il pas encore plus droit de nous dire comme à son apôtre : Vade post me, satana; Allez, hommes lâches et sensuels, amateurs de vous-mêmes et idolâtres de votre corps, vous n'avez jamais connu le prix de ma croix; car ce mystère de la croix est trop relevé pour vous; et tant que vous serez esclaves de vos plaisirs, vous ne comprendrez jamais que ce qui peut flatter la chair et satisfaire la cupidité.

(1) Luc. 18.

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