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est un moyen propre à conserver l'unité de la foi ; et si, pour maintenir cette unité, ou pour la rétablir, il n'en faut pas enfin revenir à l'Ecriture expliquée par l'Eglise. L'humilité de l'esprit, puisqu'il n'y auroit point de chrétien, quelque simple et quelque ignorant qu'il fût, qui n'eût droit de croire que l'Ecriture, expliquée par lui, seroit une règle plus infaillible que l'Ecriture expliquée par l'Eglise, et qu'il pourroit seul mieux entendre l'Ecriture que ne l'entend toute l'Eglise : proposition qui vous surprend et qui vous fait peut-être horreur; mais que les protestans les plus habiles ont soutenue et soutiennent encore conséquemment à leurs principes. L'ordre, puisqu'il n'y auroit plus dans le monde chrétien ni subordination, ni dépendance; que le dépôt de la science de l'Ecriture n'appartiendroit plus aux pasteurs; que ce ne seroit plus de leur bouche comme disoit le Seigneur, qu'il faudroit recevoir la connoissance de la loi; et que chacun, sans caractère, sans titre, sans distinction, s'en faisant le juge, l'Eglise de Dieu ne seroit plus qu'une Babylone.

Maxime de saint Augustin si nécessaire, que l'Eglise protestante elle-même en a enfin reconnu la nécessité; et par une Providence singulière, oubliant ou abandonnant ses propres principes, elle s'est vue obligée et comme forcée de pratiquer ce qu'elle avoit condamné. Car qu'ont fait les ministres et les pasteurs de l'Eglise protestante, quand il s'est élevé parmi eux des contestations dangereuses et des divisions sur le sujet de la parole de Dieu ? Ont-ils permis à toute personne de s'en tenir à la parole de Dieu, expliquée indépendamment de leur Eglise ; et n'ont-ils pas exigé de leurs disciples, que renonçant à tout esprit particulier, ils reçussent cette parole de Dieu expliquée dans le sens et de la manière que leur Eglise leur proposoit? Persuadés que, pour maintenir leur Eglise, il falloit un jugement définitif, ne se

sont-ils pas soumis à celui du synode national? n'ont-ils pas fait pour cela ce serment si solennel, par lequel ils s'y engageoient devant Dieu; et n'ont-ils pas ensuite prétendu pouvoir excommunier ceux qui refuseroient de sc conformer à cette règle? Quand ils en ont trouvé d'opiniâtres et de résolus à suivre la parole de Dieu expliquée par eux-mêmes, plutôt que la même parole expliquée par leur Eglise, ne les ont-ils pas traités de schismatiques? ne leur ont-ils pas dit anathême, et ne les ont-ils pas retranchés de leur société, qu'ils soutenoient être l'Eglise de Dieu ? conduite que je défie l'Eglise protestante de concilier jamais avec sa confession de foi. Car si, comme elle le prétendoit, la règle de la foi étoit la parole de Dieu toute seule, expliquée selon l'esprit intérieur et sans aucune dépendance du jugement de l'Eglise, en quoi avoient manqué ces malheureux qu'elle punissoit si rigoureusement? de quoi les accusoit-on, et quel crime leur imputoit-on? qu'avoient-ils fait que ce que leur confession de foi, nonseulement leur permettoit de faire, mais les obligeoit à faire? par où s'étoient-ils attiré l'excommunication et la censure, et que pouvoit-on leur reprocher, sinon de s'en être tenus précisément à ce qu'on leur avoit enseigné?

Maxime de saint Augustin, qui présuppose l'infaillibilité de l'Eglise. Et a-t-on pu jamais douter que I'Eglise de Jésus-Christ ne fût et ne dût être infaillible? Oui, mes frères, on en a douté : et qui? l'Eglise protestante. Non-seulement elle en a douté, mais elle a cru positivement, jusqu'à en faire un article de sa confession de foi, que la vraie Eglise de Jésus-Christ n'avoit point ce don d'infaillibilité; qu'elle étoit sujette à l'erreur, qu'elle pouvoit tomber en ruine, qu'elle y étoit en effet tombée; que n'étant qu'une assemblée d'hommes, quoique vraie Eglise d'ailleurs, elle pouvoit errer dans la foi. Ainsi l'Eglise protestante le tient encore au

jourd'hui: or par là, mes frères, permettez-moi de vous le dire pour votre instruction et pour votre consolation, par là elle reconnoît deux choses; l'une, qu'elle pouvoit donc vous tromper, et se tromper ellemême, quand elle vous séparoit de nous (car je parle à vous qui en avez été séparés); l'autre, qu'il est donc évident qu'elle n'est point cette vraie Eglise dont saint Augustin disoit : Evangelio non crederem, nisi me Ecclesiæ commoveret auctoritas (1). Car toute Eglise qui avoue qu'elle s'est pu tromper et qu'elle a pu tromper les autres; toute Eglise qui dit à ses enfans: Ne vous fiez pas absolument à moi, j'ai pu vous séduire, en vous donnant pour Ecriture ce qui ne l'est ce qui ne l'est pas, et pour vrai sens de l'Ecriture, ce qui est le faux ; toute Eglise qui tient ce langage, n'est point celle dont l'Ecriture nous donne l'idée, n'est point celle que saint Augustin avoit en vue, et sans l'autorité de laquelle il n'auroit point cru à l'évangile même; toute Eglise qui confesse qu'elle peut être le soutien de l'erreur, confesse qu'elle n'est plus le soutien de la vérité. Or l'Eglise protestante avoue tout cela, et elle ne peut pas se plaindre de la peinture que je fais ici d'elle, puisque c'est d'elle-même que je la tire, et que tout cela, en termes exprès, est le fond de sa doctrine et de sa créance. Ceux qui en sont instruits, savent que je n'y ajoute rien ; et Dieu, témoin de ma sincérité, sait combien j'aurois en horreur le moindre déguisement, surtout dans un point de cette importance. Si j'ai altéré les choses en les rapportant, confondez-moi; mais si j'ai dit la vérité, bénissez Dieu de vous avoir fait comprendre ce que peut-être vous n'aviez jamais compris; et dites désormais comme nous après saint Augustin: Evangelio non crederem, nisi me Ecclesiæ commoveret auctoritas.

Aussi saint Grégoire, pape, parlant des quatre preAugust.

miers conciles qui avoient représenté l'Eglise universelle, disoit, sans crainte d'exagérer, qu'il les révéroit comme les quatre livres de l'évangile; c'est l'expression dont il se servoit: Sicut sancti evangelii quatuor libros, sic quatuor concilia suscipere ac venerari me fateor (1). Non pas qu'il crût les décisions de ces quatre preque miers conciles fussent de nouvelles révélations que Dieu eût faites à son Eglise, il étoit trop instruit pour l'entendre de la sorte; mais parce qu'il étoit persuadé que l'Eglise, dans ces premiers conciles, reconnus et tenus pour œcuméniques, avoit éclairci et développé aux fidèles des révélations de Dieu, qui jusqu'alors ne leur avoient pas été à tous si distinctement connues, bien qu'elles fussent en substance comprises dans l'évangile et dans les livres sacrés. Quoi qu'il en soit, chrétiens, je dis de cette obéissance et de cette soumission d'esprit dont nous sommes redevables à l'Eglise, quatre choses capables, ce me semble, de nous toucher, pour peu que nous ayons d'attachement à la vraie religion. Ceci mérite vos réflexions.

Car premièrement, nous devons faire état que cette obéissance à l'Eglise, quand il s'agit des vérités de la foi, est proprement ce qui nous unit à elle, ce qui nous fait membres de son corps, ce qui nous anime de son esprit, et en vertu de quoi nous pouvons nous glorifier d'être ses légitimes enfans. Et voici la preuve qu'en apporte le docteur angélique saint Thomas: Parce qu'il est certain, dit-il, que nous ne sommes incorporés à l'Eglise que par la foi: or il ne peut y avoir de foi, sans cette obéissance dont il est ici question. Et en effet, pour croire, il faut se soumettre, non-seulement à la parole et à la révélation de Dieu ( prenez garde, s'il vous plaît ); mais à toutes les règles par où cette parole et cette révélation de Dieu nous est appliquéc. Or quelle

(1) Greg.

est la règle vivante qui nous l'applique? c'est l'Eglise. Otez donc cette obéissance à l'Eglise dans les points de la foi, dès-là nous faisons avec elle comme une espèce de divorce; dès-là elle cesse d'être notre mère, et dèslà nous cessons d'être ses enfans. Quelque mérite que nous eussions d'ailleurs, quelque sainteté qui parût en nous, quelque abondance de lumière que Dieu nous eût communiquée, fussions-nous inspirés comme les prophètes, et éclairés comme les anges, dés que nous n'avons pas cette soumission de l'esprit que requiert l'Eglise dans ceux qui lui appartiennent, nous cessons de lui appartenir. Et c'est, chrétienne compagnie, le sort malheureux que les Pères ont si souvent déploré dans de grands hommes, qui s'étoient là-dessus oubliés eux-mêmes, et dont les chûtes, comme nous savons, ont été aussi terribles qu'éclatantes. C'est ce que saint Jérôme déploroit dans Tertullien, l'un des plus rares génies qu'il y ait eus jamais, mais dont la mémoire sera éternellement flétrie, pour n'avoir pas su captiver son esprit, et le réduire en servitude. Vous m'opposez, disoit saint Jérôme, le sentiment de Tertullien, contraire à ce que nous croyons; et moi je vous réponds avec douleur, que Tertullien, pour n'avoir pas soumis ses sentimens aux sentimens de l'Eglise, n'est pas un homme de l'Eglise, et que l'Eglise ne le compte point au nombre des siens De Tertulliano nihil ampliùs dico, nisi Ecclesiæ hominem non fuisse (1). Censure plus rigoureuse mille fois et plus infamante que je ne puis vous l'exprimer : n'être plus sujet, n'être plus enfant, n'être plus membre de l'Eglise. Or c'est à quoi l'esprit d'orgueil et son obstination l'avoient réduit. Mais Tertullien, me direz-vous, passoit pour être l'oracle de son siècle; c'étoit un prodige de science, et quand saint Cyprien parloit de lui, il ne dédaignoit pas de

(1) Hyeron.

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