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les artifices que l'esprit d'erreur inspire: en vérité, mes chers auditeurs, n'est-ce pas se démentir soi-même ; et concevez-vous une contradiction plus sensible et plus évidente? Pourquoi des discours si soumis, quand toutes les œuvres tendent à la sédition; et pourquoi se parer d'une obéissance imaginaire, quand on secoue réellement le joug et qu'on vit dans la révolte?

Cependant, ne nous y trompons pas ; c'est par notre obéissance à l'Eglise en ce qui regarde la foi, que Dieu commencera le jugement d'un chrétien. Le premier article de l'examen rigoureux qu'il nous faudra subir, c'est celui-là. On nous demandera compte de notre foi; et parce que la foi est inséparable de l'obéissance à l'Eglise, avant que d'entrer dans la discussion du reste, on nous obligera de répondre sur le devoir de cette obéissance ; si nous n'en avons pas eu la juste mesure, Dieu conclura dès-lors contre nous, et notre sort sera déjà décidé. Après cela nous aurons beau protester à Dieu que nous avons fait en son nom des œuvres édifiantes et saintes, des actions de piété, de charité, de zèle, de miséricorde envers les pauvres : Domine, nonne in nomine tuo virtutes multas fecimus? (1) Retirez-vous de moi, nous dira-t-il, je ne vous connois point tout cela, pour être solide, devoit être édifié sur le fondement de mon Eglise, et vous avez bâti sur le fondement du schisme et de l'erreur; tout cela donc est perdu pour vous. Et en effet, chrétiens, hors de l'Eglise, je dis de l'Eglise dans le sens que je viens de vous l'expliquer, et selon lequel Dieu nous jugera, comme il n'y a point de salut, il n'y a point de bonnes œuvres. C'est pourquoi David promettant à Dieu de le glorifier, de l'exalter et de le louer, ajoutoit toujours que ce seroit dans l'Eglise, parce qu'il savoit bien que hors de l'Eglise, Dieu ne se tient point honoré de nos

(1) Matth. 7.

louanges. Je vous rendrai, ô mon Dieu! des actions de grâces, mais ce sera dans votre Eglise : Confitebor tibi in Ecclesiá magná (1); j'ai annoncé votre justice, mais je l'ai annoncée dans votre Eglise: Annuntiavi justitiam tuam in Ecclesiá magná (2); tout mon mérite, si j'en ai devant vous, ne peut être que dans votre Eglise Apud te laus mea in Ecclesiá magná (3). Et il ne disoit pas simplement, in Ecclesia, mais, comme remarque saint Augustin, in Ecclesiá magná, c'està-dire, selon l'interprétation de ce Père, dans l'Eglise catholique, qui est l'Eglise universelle, et la seule où Dieu agrée nos services.

Voilà, dis-je, par où nous serons jugés, et par où nous devons commencer à nous juger nous-mêmes ; persuadés que c'est là le point de conduite sur lequel il est plus dangereux de nous aveugler et de nous licencier. Car telle est notre erreur, chrétiens, nous nous condamnons tous les jours sur je ne sais combien de chefs, résolus d'y apporter le remède et d'y mettre ordre, et nous laissons celui-ci, qui sans contredit est le plus essentiel. Nous nous piquons en d'autres choses d'être réguliers et sévères, et nous ne comptons pour rien de l'être en celle où Dieu veut que nous le soyons davantage, qui est l'humilité de la foi et la soumission à l'Eglise ; nous louons la voie étroite de l'évangile par rapport aux mœurs; mais par rapport à la créance, la voie la plus large et la plus spacieuse ne nous fait point de peur : et cela pourquoi ? par la raison qu'en donne saint Augustin, parce que nous faisons consister la voie étroite de l'évangile en ce qui nous plaît, et plus souvent dans les choses qui se trouvent conformes à notre idée et à notre inclination, qu'en celles d'où dépend notre perfection. Tel, en tout autre point où il s'agiroit de former sa conscience, ne vou(1) Ps. 34. —— (2) Ps. 39. — (3) Ps. 21.

droit pas se risquer sur un sentiment probable, qui, en matière de religion et d'obéissance à l'Eglise, va hardiment au-delà de toute probabilité. Toutefois, mes frères, dit saint Léon, pape, le premier pas de la voie étroite du christianisme, est d'assujettir notre esprit, et de lui ôter cette présomptueuse liberté qu'il se donne de ne croire que ce qu'il veut et de vouloir juger de tout; c'est de le faire renoncer à ses sentimens, quand ils sont, en quelque sorte que ce soit, opposés à ceux de l'Eglise. Gagner cela sur soi, c'est ce que j'appelle la voie étroite pour deux sortes de personnes : pour les esprits éclairés, et pour ceux qui, ne l'étant pas, se flattent de l'être. Je ne dis pas que la voie étroite consiste en cela seul à Dieu ne plaise; mais je soutiens qu'elle doit commencer par là, et que sans cela elle manque dans le principe. Je ne dis pas même qu'elle consiste en cela pour tout le monde, mais pour ceux qui abondent dans leur sens, et qui ont de la répugnance à se soumettre. Si Tertullien avoit eu pour l'Eglise cette soumission, je dis qu'eu égard à lui il eût pratiqué une morale plus sévère, qu'en observant tous les jeûnes des montanistes et tout ce qu'il y avoit de plus rigoureux dans la discipline des novateurs : car étant par lui-même un esprit austère, toutes ces pénitences lui coûtoient peu ; au lieu que cette soumission étoit le grand et l'héroïque sacrifice qu'il eût fait à Dieu de sa raison. Ah! mes chers auditeurs, combien de chrétiens seront réprouvés de Dieu par le seul défaut de la foi; et combien de réprouvés en qui la foi n'aura manqué, que par le défaut de docilité et d'obéissance à l'Eglise ! Je sais ce qu'on dit quelquefois, que l'Eglise est gouvernée par des hommes, et que ces hommes qui la gouvernent peuvent avoir leurs passions et les ont en effet : prétexte le plus frivole et le plus vain; car je considère l'Eglise, ou sans l'assistance du Saint-Esprit, ou avec

cette assistance qui lui a été promise. Si c'est sans l'assistance de l'esprit de Dieu que je me la figure, quelque exempte qu'elle fût alors de tout intérêt et de toute passion, je ne serois pas obligé de me soumettre à elle, de cette espèce de soumission intérieure et absolue qu'exige la foi. Mais si je la prends telle que je la dois toujours prendre, et telle qu'elle est toujours, je veux dire, comme assistée et inspirée de l'esprit de vérité, toutes les passions et tous les intérêts des hommes n'empêchent pas que je ne lui doive une soumission entière de mon esprit : pourquoi? parce qu'indépendamment des intérêts et des passions des hommes, Dieu, qui est l'infaillibilité même, la conduit, et qu'en mille rencontres il fait servir nos passions et nos intérêts à l'accomplissement de ses desseins. Dès les premiers siècles du christianisme, les passions des hommes ont paru jusque dans l'Eglise; et cependant les jugemens de l'Eglise ont été reçus de tous les fidèles avec respect, toutes les erreurs ont été confondues, toutes les hérésies ont échoué. Les incrédules et les opiniâtres ont attribué ce succès à des causes humaines; mais les sages et les vrais chrétiens ont en cela reconnu l'effet visible de cette fameuse prédiction de JésusChrist, que toutes les portes de l'enfer, et à plus forte raison toutes les passions des hommes ne prévaudront jamais contre son Eglise : Porta inferi non prævalebunt adversùs eam (1). Tel est donc notre bonheur de yoguer pour ainsi dire dans un vaisseau où nous sommes assurés de ne faire jamais naufrage. Nous pouvons être assaillis des vents et exposés aux tempêtes; mais il y a un guide qui dirige la barque de saint Pierre, et qui la préserve de tous les écueils. Confions-nous à ce divin conducteur, il ne peut nous égarer. Attachonsnous à l'Eglise qu'il anime, elle ne peut nous tromper.

(1) Matth. 16.

Soumettons-nous à elle, et rendons-lui non-seulement l'obéissance de l'esprit en croyant ce qu'elle nous enseigne, mais l'obéissance du cœur en pratiquant ce qu'elle nous ordonne: c'est la seconde partie.

DEUXIÈME PARTIE.

Pour bien comprendre cet autre devoir à l'égard de l'Eglise, qui consiste dans l'obéissance du cœur et dans l'observation des lois qu'elle nous impose, écoutez, chrétiens, quatre propositions, dont la liaison m'a paru une espèce de preuve, à laquelle ni l'erreur, ni l'esprit de licence et d'indépendance qui règne dans le monde corrompu, n'opposeront jamais rien de solide. C'est assez que l'Eglise soit notre mère, pour conclure qu'elle a droit de nous commander: première proposition; et c'est assez que nous soyons ses enfans, pour devoir être persuadés que ce qu'elle nous commande n'est pas seulement d'une police extérieure, mais d'une obligation étroite, qui lie nos consciences, et qui nous engage sous peine de péché: seconde proposition. Du moment que nous reconnoissons l'Eglise pour notre mère, nous ne pouvons plus violer les commandemens qu'elle nous fait, sans violer un des commandemens les plus authentiques de la loi de Dieu : troisième proposition; et la liberté, ou plutôt la témérité avec laquelle nous transgressons les préceptes de l'Eglise, oubliant qu'elle est notre mère, ne procède souvent que d'un fonds de libertinage et d'un principe d'irréligion, peut-être plus dangereux pour nous que les péchés mêmes qui en naissent. Libertinage où nous nous flattons nous-mêmes, et que nous couvrons de mille prétextes; mais prétextes que l'Eglise, quoique notre mère, ne favorisera jamais; au contraire, qu'elle désavouera toujours, et autant qu'ils auront été la cause de nos relâchemens et de nos désordres, qu'elle condamnera et qu'elle détestera: qua

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