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ne vient pas d'eux, savoir, votre impénitence et votre obstination; la dernière, par rapport à vous-mêmes, en cherchant de vaines excuses dans vos désordres, et des prétextes pour vous y autoriser. Quoi donc ? est-ce que Xavier avoit un autre évangile à prêcher que nous? est-ce qu'il faisoit connoître un autre Dieu? est-ce qu'il enseignoit d'autres vérités? est-ce qu'il proposoit d'autres peines et d'autres récompenses? rien de tout cela: mais c'est qu'il instruisoit des peuples qui, quoique nés et quoiqu'élevés dans l'infidélité, suivoient les impressions de la grâce; et que vous, dans le christianisme, vous la combattez, vous la rejetez, vous l'étouffez. De là des milliers d'athées ou d'idolâtres étoient tout-àcoup changés en de vrais chrétiens, et tous les jours des chrétiens deviennent des impies et des athées. Je dis des athées : car il n'y en a que trop et de toutes les manières; athées de créance, et athées de volonté; athées qui ne reconnoissent point de Dieu, et athées qui voudroient n'en point reconnoître, et qu'en effet il n'y en eût point; athées dans les cours des princes, athées dans la profession des armes, athées dans les académies des savans, athées dans tous les lieux et tous les états où règne la dissolution du vice. Ah! mes frèn'est-ce pas ainsi que s'accomplit la parole du Sauveur du monde, cette parole si terrible pour nous, que plusieurs viendroient de l'Orient: Multi ab Oriente venient (1); qu'ils prendroient place dans la gloire avec Abraham et tous les saints habitans de ce séjour bienheureux: Et recumbent cum Abraham, Isaac et Jacob (2); mais que, pour les enfans et les héritiers du royaume, ils seroient chassés et précipités dans les ténèbres de l'enfer : Filii autem regni ejicientur in tenebras exteriores? (3) Ne soyons pas du nombre de ces

res,

(1) Matth. 8. (2) Ibid. (3) Ibid.

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chrétiens réprouvés, et pour cela réveillons notre foi, ranimons-la, rendons-la fervente et agissante. Je viens de vous en proposer un des plus grands motifs : c'est ce miracle de l'évangile, renouvelé par François Xavier dans la conversion des peuples de l'Orient. Mais ce qui y met, ce me semble, le comble, c'est que Xavier l'ait renouvelé par les mêmes moyens dont se sont servis les apôtres dans la conversion du monde. Encore quelque attention, s'il vous plaît, pour cette seconde partie.

DEUXIÈME PARTIE.

Faire de grandes choses, ce n'est point précisément et uniquement en quoi consiste la toute-puissance de Dieu; mais faire de grandes choses de rien, c'est le propre de la vertu divine, et le caractère particulier qui la distingue. Ainsi Dieu en a-t-il usé dans la création et dans l'incarnation, qui sont, par excellence, les deux chefs-d'œuvre de sa main. Dans la création, il a tiré tous les êtres du néant; c'est sur le néant qu'il a travaillé ; et parce qu'il agissoit en Dieu, il a donné à ce néant une fécondité infinie; dans l'incarnation, il a réparé, renouvelé, réformé toute la nature, et pour cela, il a eu besoin d'un homme-Dieu; mais il a fallu que cet homme-Dieu s'anéantit, afin que Dieu pût s'en servir pour l'accomplissement du grand mystère de la rédemption du monde. Or voilà aussi l'idée que Jésus-Christ a suivie dans l'établissement de l'évangile. Il vouloit convaincre l'univers que c'étoit l'œuvre de Dieu, et que Dieu seul en étoit l'auteur. Qu'a-t-il fait ? il a choisi des sujets vils et méprisables, des hommes sans appui, sans crédit, sans talent; des disciples qui furent la foiblesse même, des apôtres qui n'eurent point d'autres armes que la patience, point d'autres trésors que la pauvreté, point d'autre conseil que la simplicité: Non

multi

multi potentes, non multi nobiles, sed quæ stulta sunt mundi, elegit Deus (1). Hé quoi, Seigneur, eùt pu lui dire un sage du siècle, sont-ce là ceux que vous destinez à une si haute entreprise? Avec des hommes aussi dépourvus de tous les secours humains, que prétendezvous et qu'attendez-vous? Mais vous vous trompez, lui eût répondu ce Dieu sauveur, vous raisonnez en homme, et j'agis en Dieu. Ces simples et ces foibles, ce sont les ministres que je demande, parce que j'ai de quoi les conduire et les soutenir. S'ils avoient d'autres qualités, ils feroient paroître leur puissance, et non la mienne. Pour faire réussir mon dessein, il me faut des hommes qui ne soient rien selon le monde, ou qui ne soient que le rebut du monde; et la première condition requise dans un apôtre et un prédicateur de mon évangile, c'est qu'il soit mort au monde et à luimême.

pas

Telle étoit, si je puis parler de la sorte, la politique de Jésus-Christ: politique sur laquelle il a fondé tout l'édifice de sa religion, et politique dont saint François Xavier a suivi exactement les maximes dans toute sa conduite. Comment cela, me direz-vous? Xavier n'avoit-il pas tous les avantages du monde? n'étoit-il pas de la première noblesse de Navarre? ne s'étoit-il distingué dans l'université de Paris? ne possédoit-il pas des talens extraordinaires? et quelque profession qu'il eût embrassée, lui manquoit-il aucune des dispositions nécessaires pour s'y avancer, avancer, et même pour y exceller? tout cela est vrai; mais je prétends que rien de tout cela n'a contribué au miracle que Dieu a opéré par son ministère pourquoi ? parce qu'il a fallu : que François Xavier quittât tout cela et qu'il s'en dépouillât, pour travailler avec succès à la propagation de l'évangile. Oui, il a fallu qu'il renoncât à ce qu'il étoit, qu'il ou

(1) 1. Cor. 1.

TOME XII,

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bliât ce qu'il savoit ; qu'il devînt, par son choix, tout ce qu'avoient été les apôtres par leur condition, afin de se disposer comme eux aux fonctions apostoliques, et de pouvoir s'employer efficacement et heureusement à étendre le royaume de Jésus-Christ.

Par quel moyen est-il donc venu à bout de ce grand ouvrage, dont il se trouvoit chargé? Ah! chrétiens, que n'ai-je le loisir de vous le faire bien comprendre ! que n'ai-je des couleurs assez vives, pour vous tracer ici le portrait de cet apôtre ! vous y verriez la parfaite image d'un saint Paul, c'est-à-dire, un homme détaché de tout par le renoncement le plus universel à tous les biens de la vie, à tous les honneurs du siècle, tous les plaisirs des sens; un homme crucifié, et portant sur son corps toute la mortification du Dieu pauvre et du Dieu souffrant qu'il annonçoit; un homme immolé comme une victime, et sacrifié au salut du prochain ; un homme anathême pour ses frères, ou voulant l'être, et toujours prêt à se livrer lui-même, pourvu qu'il pût les affranchir de l'esclavage de l'enfer et les sauver. Mais encore par quelle vertu a-t-il fait tant de merveilles dans la conversion de l'Orient? est-il croyable que ce soit par tout ce que nous lisons dans son histoire? je veux dire par une abnégation totale et sans réserve, par une humilité sans mesure, par un désir ardent du mépris, par une patience à l'épreuve de tous les outrages, par la plus rigoureuse pauvreté, par l'amour le plus passionné des croix et des souffrances, en un mot, par un abandon général de tout ce qui s'appelle douceurs, commodités, intérêts propres? Est-ce ainsi qu'il s'est insinué dans les esprits, et sont-ce là les ressorts par où il a remué les cœurs pour les tourner vers Dieu? Je vous l'ai dit, chrétiens, et je le répète; c'est par là même, et jamais il n'y employa d'autres moyens. En voulez-vous la preuve ? la voici en quelques points où je me renferme:

car dans un sujet aussi étendu, je dois me prescrire des bornes, et me contenter de quelques faits plus marqués, qui vous feront juger de tous les autres.

Il étoit d'une complexion délicate, et la vue seule d'une plaie lui faisoit horreur; mais rien n'en doit faire à un apôtre; il faut qu'il surmonte cette délicatesse, et qu'il apprenne à triompher de ses sens, avant que d'aller combattre les ennemis de son Dieu. Sur cela que lui inspire son zèle? vous l'avez cent fois entendu; mais pouvez-vous assez l'entendre pour la gloire de Xavier et pour votre édification? Retiré dans un hôpital, et employé auprès des malades, quel objet il aperçoit devant ses yeux ; et n'est-ce pas là que tout son courage est mis à l'épreuve, et que, pour vaincre les révoltes de la nature, il a besoin de toute sa ferveur et de toute sa force? C'étoit un malade, disons mieux, c'étoit un cadavre vivant, dont l'infection et la pourriture auroit rebuté la plus héroïque vertu. Que fera Xavier? au premier aspect son cœur malgré lui se soulève; mais bientôt à ce soulèvement imprévu succède une sainte indignation contre lui-même: Hé quoi! dit-il, faut-il que mes yeux trahissent mon cœur, et qu'ils aient peine à voir ce que Dieu m'oblige à aimer ? touché de ce reproche, il s'attache à cet homme couvert d'ulcères, il embrasse ce cadavre que la foi lui fait envisager comme un des membres mystiques de Jésus-Christ, et mille fois il baise ses plaies avec le même respect et le même amour que Magdeleine pénitente baisa les pieds de son Sauveur : il fait plus; mais je ménage votre foiblesse, et je veux bien y avoir égard pour vous épargner un récit où peut-être vous m'accusez de ne m'être déjà que trop arrêté. Or qui pourroit dire combien cette victoire qu'il remporta sur lui-même, lui valut pour la conquête des ames? De là, et par ce seul effort, il devint insensible à tout le reste, pour n'être plus

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