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saint Grégoire, pape, qui, développé dans toute son étendue, auroit de quoi toucher les ames les plus dures et les moins sensibles aux impressions de la foi, mais que j'abrège pour ne pas abuser de votre attention.

Saint Thomas a cru; donc nous devons croire après lui: c'est la conséquence infaillible que tous les Pères de l'Eglise ont tirée dela confession de ce saint apôtre. Car enfin, disoient-ils, et avec raison, la foi de cet apôtre ne peut être suspecte, et le libertinage le plus défiant n'a rien à lui opposer. Il a cru; ce n'est point par foiblesse, ce n'est point par légèreté, ce n'est point par une aveugle déférence au sentiment et au rapport des autres; nous l'avons vu bien éloigné de ces dispositions: il s'ensuit donc qu'il a cru, ou par un miracle de la grâce qui s'est fait en lui, ou par une évidence parfaite qu'il a cue de la résurrection de son maître. S'il a cru par un changement miraculeux qui s'est fait en lui, il n'en faut pas davantage pour me convaincre ; car il n'y a que Dieu qui puisse avoir été l'auteur d'un pareil miracle; et quand le démon, ce qui n'est pas, auroit le pouvoir d'agir immédiatement sur les esprits des hommes, il n'auroit pas usé de ce pouvoir pour faire croire à saint Thomas ce qui relevoit la gloire de Jésus-Christ, puisque le démon, capital ennemi de Jésus-Christ, bien loin de travailler à sa gloire, travaille de toutes ses forces à la détruire. Il falloit donc que ce fùt Dieu même qui eût changé l'esprit et le cœur de saint Thomas, et qui, dans un moment, d'opiniâtre et d'inflexible qu'il étoit, l'eût rendu souple et docile : or, cela seul seroit un miracle plus convaincant que tout ce qu'il y a jamais eu de plus miraculeux. Mais non, chrétiens, il n'y eut point proprement de miracle dans la conversion de saint Thomas. J'avoue qu'elle fut surnaturelle, puisqu'elle procéda d'une grâce surnaturelle; mais supposé la faveur que Jésus-Christ fit à saint Thomas de se ma

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nifester à lui, de lui découvrir ses plaies, de lui mettre de les toucher, de lui parler, de lui faire des reproches, de le consoler et de l'instruire: supposé, dis-je, tout cela, ce ne fut point une chose surprenante que saint Thomas crût; et si nous avions été à sa place, quelque incrédules que nous soyons, nous aurions cru comme lui. Or, cette évidence de la résurrection de Jésus-Christ, qui dissipa en un instant tout ce que l'infidélité avoit formé de nuages dans l'esprit de ce disciple, qui le remplit des lumières de la foi les plus vives et les plus brillantes; qui, faisant naître cette vertu dans son cœur, la fit aussitôt éclater par sa bouche, ou plutôt, pour parler avec saint Léon, qui, d'une bouche infidèle, tira cette excellente confession: Dominus meus et Deus meus; Mon Seigneur et mon Dieu: voilà ce que j'appelle le remède de notre incrédulité; car qui ne croiroit pas à un témoignage que la seule force de la vérité connue arrache à celui même qui la combattoit avec plus d'obstination? Quand saint Paul, après sa conversion, prêchoit le nom de Jésus-Christ dans les synagogues, l'Ecriture dit qu'il confondoit les Juifs: Confundebat Judæos: pourquoi ? parce qu'ayant été le persécuteur déclaré du nom de Jésus-Christ, les Juifs ne pouvoient, ni récuser, ni rejeter le témoignage qu'il rendoit en faveur de cet homme-Dieu. Car vous savez, leur disoit-il, mes frères, de quelle manière j'ai vécu dans le judaïsme, et avec quel excès de fureur je faisois la guerre à cette nouvelle Eglise que je reconnois aujourd'hui pour l'Eglise de Dieu. Il est vrai, j'étois alors infidèle comme vous, et plus rebelle aux lumières de la grâce que vous; mais c'est pour cela que Dieu a jeté les yeux sur moi, et que Jésus-Christ a voulu exercer envers moi ses miséricordes, afin que je devinsse un exemple qui vous obligeât à croire en lui. Oui, c'est lui-même qui m'a parlé, et qui, par le plus

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étonnant de tous les prodiges, m'a mis dans la disposition où vous me voyez, qui m'a abattu pour me relever, qui m'a aveuglé pour m'éclairer, qui, de blasphémateur que j'étois, m'a fait son apôtre, et qui, pour réparation des outrages qu'il a reçus de moi, veut maintenant que je lui serve de témoin auprès de vous. Ces paroles, dis-je, dans la bouche de saint Paul, avoient une vertu toute divine; et saint Luc ajoute que c'étoit assez qu'il assurât que Jésus-Christ étoit le Christ, pour fermer la bouche à tous les ennemis du nom chrétien: Confundebat Judæos affirmans quoniam hic est Christus (1). Or, je dis le même de saint Thomas : pour confondre l'incrédulité sur le sujet de la résurrection, et par conséquent de la divinité de Jésus-Christ, saint Thomas n'avoit qu'à se montrer, et qu'à dire hautement: C'est moi qui combattois cette résurrection, moi qui ai fait voir tant d'opposition à la croire, mais qui suisaujourd'hui forcé de la reconnoître, et qui ne veux plus vivre que pour la publier: il m'en coûtera la vie; mais trop heureux, si, par l'effusion de mon sang, je puis rendre à une si sainte vérité le témoignage que je lui dois ce témoignage m'attirera la haine de toute ma nation; mais je compterai pour rien d'être exposé à toute la haine du peuple, pourvu que j'annonce la gloire de mon Dieu. Encore une fois, qui pouvoit inspirer à cet apôtre des sentimens si généreux? étoit-ce préoccupation, étoit-ce intérêt, étoit-ce renversement d'esprit ? ou plutôt n'est-il pas évident que ce ne fut rien de tout cela; et puisque la conversion de cet apôtre ne peut être expliquée qu'en disant que ç'a été l'effet, mais l'effet incontestable et palpable de la vérité qu'il avoit vue, que nous reste-t-il à souhaiter davantage pour l'affermissement de notre foi?

Non-seulement la foi de saint Thomas est un argu(1) Act. 9.

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ment qui nous convainc, mais une leçon qui nous instruit; et qui, après nous avoir réduits à la nécessité de croire, nous apprend encore ce que nous devons croire. Car, comme remarque Guillaume de Paris, par une seule parole, ce grand saint est devenu le théologien le docteur, le maître de toute l'Eglise, a éclairci la foi de tous les siècles, a dissipé toutes les ténèbres dont la malignité de l'hérésie devoit dans la suite des temps obscurcir nos principaux mystères. Et prenez garde, en effet, mes chers auditeurs : ce qui fait l'essentiel et le capital de notre foi, c'est de croire que Jésus-Christ est Dieu; sans cela point de christianisme, sans cela point de religion, sans cela point de grâce ni de salut. Fussions-nous des anges de lumière, fussions-nous des hommes de miracles, si nous ne confessons la divinité de Jésus-Christ, et si nous ne sommes prêts à mourir pour la défendre, nous sommes des anathêmes et des réprouvés. Quiconque divise Jésus-Christ, disoit le bienaimé disciple Omnis spiritus qui solvit Jesum (1); c'est-à-dire, quiconque reconnoissant Jésus-Christ pour homme, ne l'adore pas comme Dieu, devient dès-là et par là un antechrist: Quisolvit Jesum,est antichristus (2) ̧ Voilà ce qui nous justifie devant Dieu, et pour user des termes de l'Ecriture, voilà ce qui nous rend victorieux du monde, la foi de la divinité de Jésus-Christ : Quis est qui vincit mundum, nisi qui credit quoniam Jesus est Filius Dei? (3) Or par qui nous est venue cette foi; ou plutôt, par qui cette foi nous a-t-elle été développée ? par l'apôtre saint Thomas, qui, de tous les organes dont Dieu s'est servi pour nous révéler cet auguste mystère de la divinité de son Fils, est sans doute celui qui nous l'a déclaré plus nettement, plus positivement, plus absolument. Les autres se sont contentés d'attribuer à Jésus-Christ des qualités divines : l'évangéliste saint (1) Joan. Epist. 4. — (2) Ibid. — (3) Joan. Epist. 5.

Jean nous a enseigné qu'il étoit le Verbe de Dieu; JeanBaptiste, son précurseur, nous l'a fait connoître comme agneau de Dieu; saint Pierre parlant au nom de tous, a protesté qu'il étoit Fils de Dieu; saint Paul, pour comble d'éloge, nous l'a représenté revêtu de la forme de Dieu : il n'y a que saint Thomas qui, par une expression d'autant plus vénérable et plus authentique, qu'elle est plus simple et plus naturelle, l'ait nommé son Seigneur et son Dieu : Dominus meus et Deus meus. Cependant, chrétiens, c'est sur la simplicité de ce témoignage que notre foi est particulièrement établie. A tout le reste l'impiété arienne opposoit des détours et des subterfuges; et quelque évidens que fussent les sacrés oracles en faveur de la divinité du Messie, si les partisans de l'arianisme ne pouvoient y résister, ils trouvoient moyen de les éluder. En vain saint Pierre avoit dit : Tu es Christus, Filius Dei vivi; ils prétendoient, quoiqu'injustement, que sans être Dieu, il pouvoit, dans le sens même de ce passage, être appelé Fils de Dieu; et la foiblesse de leurs réponses sur un dogme aussi solidement fondé que celui-là, ne diminuoit rien de leur opiniâtreté. Mais quand on leur produisoit l'hommage que saint Thomas avoit rendu à Jésus-Christ ressuscité, quand on les pressoit par la force de ces termes : Dominus meus et Deus meus; quand on leur faisoit entendre que dans le style des Ecritures, jamais autre que Dicu même n'avoit été traité de mon Dieu Deus meus, la vérité l'emportoit sur leurs artifices; ces paroles incapables d'interprétation, les déconcertoient; pour peu qu'ils eussent de bonne foi, ils désespéroient de s'en pouvoir sauver; et touchés de l'exemple du saint apôtre, ils se réduisoient souvent à faire au Sauveur du monde la même réparation que lui: Dominus meus et Deus meus; Mon Seigneur et mon Dieu. Ce qui, selon la remarque de saint Hilaire,

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