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a, dans les livres saints, aucun passage par lequel on puisse le prouver démonstrativement à un esprit prévenu (Hist. du Manich., tume II, 1. v, c. 4). Nous convenons qu'il n'est

saire d'une necessite absolue est une contradiction dans les termes. On s'exprimerait même plus exactement en disant que l'effet est nécessité, qu'en le disant nécessaire. Il résulte de là que les choses nécessaires d'une nécessité senlement hypothétique, sont en soi absolument contingentes; où les conçoit très-bien non existantes: il n'y a point de contradiction à ce qu'elles n'eussent pas été.

M. Il existe un Etre nécessaire. Il implique contradiction que la totalité des ètres existants soit coningente; dans ce cas elle existerait et ne pourrait pas exister. Elle existerait, c'est l'hypothèse : elle ne pourrait pas exister; car n'ayant pas l'existence par sa nature, elle n'aurait pu là recevoir d'autrui, puisque hors de la collection des ètres, il n'y a aucun être. Elle n'aurait donc ni un principe interne, ni une cause externe de son existence. Elle n'aurait aucune raison suffisante pour exister. Il faut ou nier qu'il existe aucun être, ou avouer qu'il y a quelque être existant par sa propre nature.

L'être contingent est par sa nature indifférent à l'existence et à la non-existenee. Il n'existera jamais, s'il n'y est déterminé par une cause hors de lui. Dans l'hypothèse de tous les êtres contingents, il ne sen trouvera aucun qui les détermine à exister; si donc il n'y a pas un Etre nécessaire, rien n'existera.

Ainsi tel est notre premier concept, telle est la notion primitive que la raison nous présente de Dien, et de laquelle elle fait découler toutes les autres idées qu'elle nous en donne. C'est aussi celle que Dieu donnait à Moïse de lui-même. Je suis Celui qui suis. Tu díras aux enfants d'Israël : Celui qui EsT m'a envoyé vers vous. Dieu est celui qui est, et qui ne peut pas ne pas être; à qui l'être appartient en propre, el non pas en concession; qui jouit de Fexistence par la vertu de sa nature, et qui ne l'a reçue d'ancune cause; qui la possède essentiellement, et qu on ne peut pas concevoir nou existant.

Cette vérité, qu'il existe un Etre nécessaire, est généralement reconnue par les athées, car ils pretendent que la matière existe nécessairement.

Cependant quelques-uns ont imaginé un expédient: c'est de supposer une succession infinie d'ètres indifférents à exister, d'ètres contingents, qui se sont produits les uns les autres, sans qu'on puisse jamais arriver au premier de ces ètres produits.

Mais cette supposition est évidemment absurde. Aucun de ces ètres produits n'existe par nature; donc aucun n'a, dans sa nature, un principe d'existence chacun d'eux a donc en soi-même le néant de ce principe. Qu'on multiphe jusqu'à l'infini les néants de principe d'existence, on ne fo mera jamais un degré de ce principe; car tous les néants imagi nables des néants infinis d'un principe réel n'en peuvent pas produire un seul degre; donc cette colJection infinie d'ètres produits ne peut pas se donner l'existence.

Achevons de mettre ce raisonnement dans le plus grand jour, par quelques comparaisons,

Qu'on multiplie à l'infini les zéros, ils ne donneront jamais la plus petite valeur des zéros infinis ne valent pas plus qu'un zéro.

Qu'on multiplie à l'infini les aveugles, ils ne formeront pas le moindre degré de puissance de voir; une multitude infinie d'aveugles ne peut ps pius voir qu'un seul; parce que l'aveug'ement étant je néant de la puissance de voir, une infinité d'aveaziements ne seront que des néants infinis de puissance de voir, qui ne donneront jamais aucun degré de celle puissance.

. D'une muttude infinie de morts on ne verra

ancun passage assez clair, ni aucun argument assez démonstratif pour convaincre un esprit prévenu; mais la prétention d'un raisonneur opiniâtre change-t-elle la

point sortir la vie. Des flambeaux éteints, en quelque nombre qu'on les suppose, ne donneront point de lumière. En muliphant les pauvres, on n'ôle pas la pauvreté, mais on l'augmente.

D'ailleurs, on nous donne comme infinie cette chaine de générations, de productions; cependant elle ne l'est point. Si elle se termine ou finit au mo ment présent, elle n'est donc pas infinie; si elle aug mente, elle l'est encore moins; il est absurde que Finfini actuel puisse augmenter. On peut commencer actuellement une chaine successive, infinie en puissance, qui ne sera jamais terminée, qui n'existera jamais tout entière; mais une chaine successive, actuellement infinie et actuellement terminée, est une contradiction.

O mille ans avant nous elle était déjà infini, on elle ne l'était pas. Si elle l'était, mille aos de pus ne l'ont pas rendue plus longue; il est absurde que l'infini actuel puisse devenir plus grand. Si elle ne l'était pas, mille ans sont une durée: il est absurde que deux quantité, bornées, ajoutées l'une à l'autre, produisent une quantité infinie.

Tous les êtres étant produits, il n'en est auc duquel on ne puisse demander: Quelle est sa cause! En remontant à l'infini, lo n de résoudre la question, l'on donne lieu de la renouveler à l'infioi. En des cendant la chaîne, tous les êtres sont cause de cear qui suivent; mais en remontant, ce ne sont plus que les effets de ceux qui précèdent: s'il n'y a point de première cause, ce sera une chaîne inlinie d'effets

Saus cause.

Concluons donc qu'il est un Etre absolument né cessaire, on Etre qui existe par soi-même, en vertu de sa propre mature.

III. L'Etre nécessaire est nécessairement tous ce qu'il est, et tout ce qu'il peut être.

On ne parle point des opérations libres de l'Etre nécessaire, des actes de sa volonté ; il s'agit unique. ment de ses attributs; or ils sont tous en lui d'une nécessité absolue, de même que son existence. Das les ètres contingents, il est tout simple qu'il y ait des propriétés accidentelles; ceux-mê ne de leurs attr bots qui leur sont essentiels, ne sont nécessaires qu: d'une nécessité hypothétique, c'est-à-dire d'une né cessité qui suppose l'existence contingente d'un se jet; mais l'Etre nécessaire d'une nécessité absolue a son essence d'une nécessité absolue. Elle ne dépend pas d'une hypothèse, puisque l'existence de cet Etre est nécessaire absolument, et n'est la suite d'aucune hypothèse. Il n'a pas pu exis er sans son essence, el puisqu'il ne peut pas ne pas exister, il ne peut pas ne pas avoir cette essence.

Or, toutes les propriétés de l'Etre nécessaire lui sont essentielles ; il ne peut pas en avoir qui soient accidentelles: car de qui tiendrait-il des modifica tions purement accidentelles? Serait-ce de sa naldre? Alors elles ne seraient pas accidenteles: co qu'un être possède en vertu de sa nature lui est 66Sentiel. Serait-ce d'une cause extérieure ? Mais quelle serait cette cause contingente, qui aurait le pouvoir d'ajouter des modes accidentels a l'Etre nécessaire! Non, ce n'est que de sa nature que l'Etre nécessaire peut avoir ses modifications. Les modifications d'un être ne sont pas des êtres à part, ayant une exis tence personne le, elles ne sont autre chose que l'ère Jui-même modifié de telle façon. Ce les de l'Eire ne cessaire sont donc l'Etre nécessaire lui-même; elles sont donc nécessaires. En un mot, il répugne qu'un être soit nécessaire dans sa propriété d'exister, el con ingent dans son mode d'exister; qu'il existe de

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signification naturelle des termes? Nous avouons encore que l'hébreu bara, le grec Križ, le latin creure, le français créer, n'expriment pas toujours la création proprement

cessairement, et cependant d'une manière contingente.

IV. L'Etre nécessaire est éternel. L'éternité est la conséquence immédiate de la nécessité d'exister; aséité et éternité sont presque deux termes identiques. Aussi tous ceux qui ont reconnu l'existence de la Divinité, même parmi les païens, ont en même temps professé son éternité. Et les athées qui veulent que la matière existe nécessairement, prétendent aussi qu'elle existe éternellement.

En effet, si l'être nécessaire a eu un commencement, d'où l'a t-il eu? De lui-même ? Mais aucune chose ne peut se donner à elle-même l'existence. It faudrait qu'elle existât avant d'exister. De quelque autre? Mais alors il serait contingent; il ne serait plus l'Etre nécessaire.

S'il pouvait y avoir un temps, soit dans le passé, sit dans le futur, où l'Etre nécessaire n'existat pas, il serait nécessaire et il ne le serait pas. Il le serait, c'est l'hypothèse: il ne le serait pas, puisqu'il pourrait ne pas exister

V. L'Etre nécessaire est immuable. L'immutabilité de l'Etre nécessaire, c'e-t-à-dire sa propriété de ne jamais changer, de rester toujours le mème, est la conséquence immédiate de ce que nous avons établi Jusqu'ici. Nous avons montré qu'il est nécessairement ce qu'il est : il ne peut donc pas devenir autre qu'il est. Nous avons établi que toutes ses propriétés lui sont es-cntielles : : or, aucun être ne peut changer d'essence; ce qui lui est essentiel lui est tellement inbérent, qu'il ne peut pas ne pas l'avoir. L'Etre continget qui peut être détrmt ne peut pas, tandis qu'il subsiste, perdre son essence. L'essence de l'Eire nécessaire est indestructible, comme son existence.

Tout changement provient d'une cause externe on interne. Il serait déraisonnable de prétendre que des êtres contingents enssent sur l'Etre nécessaire la puissance de changer de nature. Il répugne également que la nécessité d'exister soit un principe de variation.

VI. L'Etre nécessaire est infiniment parfait. Quand nous disons que l'Etre nécessaire est infiniment parfait, nous n'entendons pas qu'il possède absolument toutes les perfections imaginables; il y en a qui, par leur nature, sont mêlées d'imperfections: on sent bien que ce n'est pas de celles-là qu'il peut être ici question. Il y aurait contradiction dans les termes à dire qu'un être parfait jusqu'à l'infini renferme des imperfections. Il y a aussi des perfections qui sont sopposées à d'autres et qui les excluent; ce n'est pas encore de celles-là que je parle il ne peut y avoir dans un même être des qualités contradictoires. J'ai dit que l'Etre nécessaire réunit toutes les perfections possibles, c'est-à-dire toutes celles qui sont compaibles, soit entre elles, soit avec le degré infin où elles doivent être portées.

Pour prouver l'infinie perfection de l'Etre nécessaire, je pose d'abord en principe qu'elle est possible dans lui. Je dis dans lui, et dans lui seul. L'etre Contingent est essentiellement fini dans ses perfections; il ne les a que contingemment, qu'accidentellement; ainsi, d'abord il peut les perdre, ce qui est une imperfection; ensuite, des qualités accidentelles sont sujettes à variation, peuvent recevoir de l'augmentation, de la diminution: autre contradiction formelle avec l'infini qui n'est susceptible ni de l'un ni de l'autre. Mais si intinie perfection est inCompatible avec l'existence contingente, elle se concilie très-bien avec l'existence nécessaire; les mêmes raisons ne l'excluent pas de l'Etre immuable, incapable de rien pordre et de rien acquérir. Le pos

dite; ancune langue ne peut avoir un terme sacramentel pour la désigner, puisque co n'est pas une idée qui soit naturellement venue à l'esprit des inventeurs du langage;

sible est ce qui ne répugne pas, ce qui n'implique pas contradiction, ce qui n'emporte pas l'être et le non-être or, qu'y a-t-il de contradictoire à ce qu'un être qui existe par sa nature, ait par sa nature l'infinie perfection? Est-ce l'agrégation de toutes les perfections compatibles entre elles? On ne peut pas le prétendre, puisque leur compatibilité fait partie de la supposition. Est-ce le souverain degré, l'exaltation de toutes ces perfections jusqu'à l'infini, qu'on voudrait mettre en contradiction avec l'existence nécessaire? Il n'y a entre ces deux idées aucune opposition: l'aséi é ne met pas, 'comme la contingence, une borne aux perfections. Nous concevons, dans l'Etre nécessaire, la perfection illimitée: elle est donc possible en lui.

Mais j'ajoute que, s'il peut la posséder, il la possède. L'Etre qui est nécessairement tout ce qu'il est, est aussi nécessairement tout ce qu'il peut être. Si, pouvant être infiniment parfait, il ne l'était pas, il y aurait une contradiction manifeste. Il pourrait l'être: cela est avoué par la supposition même qui est faite. It ne pourrait pas l'être, puisque ne l'étant pas, il serait dans l'impossibilité de le devenir; son immutabilité s'y opposerait. Acquérir quelque perfection ou quelque degré de perfection, serait subir un changement, serait devenir autre que ce qu'il est.

lu'ya dans l'Etre nécessaire rien qui ne lui soit essentiel; et ses perfections, et le degré de ses perfections, sont donc en lui essentiellement; elles sont donc au point qui n'est pas susceptible d'augmentation: elles sont donc infinies.

Si l'Etre nécessaire n'est pas infini en perfections il est donc borné. Mais d'où viendrait celte limitation? Serait-ce d'autrui? Quelle serait cette cause supérieure à lui qui aurait le pouvoir de lui prescrire des bornes? Puisqu'il a essentiellement tous ses attributs, on ne peut ni l'en priver ni les modifier. On ne peut ôter l'essence d'un être, à moins de l'anéantir. Serait-ce de l'Etre nécessaire lui-même que viendrait la limitation de ses perfections? Dans ce second cas, ce serait, ou sa volonté, ou sa nature qui poserait la borne. Dire que c'est volontairement qu'il se met des bornes, est avancer une absurdité palpable; et quand il le voudrait, il ne serait pas plus en son pouvoir qu'au pouvoir d'autrui de changer, de modifier son essence. Prétendre que c'est par sa propre nature que l'Etre nécessaire est restreint dans ses perfections, d'abord ce serait nier ce que nous venons de démontrer vrai, savoir, que l'infinie perfection est possible; ensuite ce serait avancer que le principe d'existence le plus parfait est un principe d'imperfection, car le défaut d'une perfection, ou sa limitation, sont des imperfections réelles. La nécessité d'exister ne répugue qu'à deux choses, au néant et à la contingence. Elle est compatible avec toute perfection, avec tout degré de perfection; elle ne peut donc pas être le principe de la limitation des perfections. Puisque l'Etre nécessaire ne peut être limité dans ses perfections ni par luimême, ni par autrui, il ne peut donc pas l'ètre ; il est donc illimité; il est donc infiniment parfait.

VII. La matière n'est pas l'Etre nécessaire. Ne perdons pas de vue qu'il s'agit ici non d'une nécessite bypothétique, mais d'une nécessité d'exister absolue, essentielle, et telle qu'il y ait répugnance et contradiction dans l'idée de la non-existence. Ainsi pour soutenir l'aséité de la matière, il faut prélendre qu'il est impossible de la concevoir nou existante; impossible même de concevoir un seul atome non existant. Or, je demande quelle contradiction il y aurait à ce que la matière n'existât pas, ou à ce

mais ny a t-il pas d'autre moyen de l'exprimer? Si nous en croyons Beausobre, les auteurs sacrés, qui disent que Dieu a tout fait de rien, qu'il a tiré

qu'elle fût moins étendue qu'elle n'est, ou enfin à ce qu'il y eût dans le monde quelques particules de matière de moins. Je conçois la non-existence soit de la totalité, soit de quelques parties de la matière; sa non-existence serait donc possible: son existence n'est donc pas nécessaire.

Reprenons les propriétés que nous avons vu découler essentiellement de la nécessité d'exister, et nous nous convaincrons aisément qu'elles ne peuvent être appliquées à la matière.

Nous avons vu que l'Etre nécessaire est nécessairement ce qu'il est; qu'il y aurait contradiction entre son existence nécessaire et sa manière d'ètre contingente; qu'en conséquence toutes ses propriétés lui sont essentielles. Prenez toutes les propriétés de la matière, vous n'en trouverez aucune qui ne Soit contingente. L'étendue de chaque corps pourrait être plus ou moins grande, sa forme pourrait être changée, sa situation déplacée, sa pesanteur allégée on aggravée. De toutes les manières d'être de la matière, il n'y en a aucune qui ne soit susceptible de changement, aucune qui ne soit nécessaire. Ainsi la matière existe d'une manière contingente: elle n'existe donc pas nécessairement.

La matière a ses propriétés, d'où elle a son existence, ou par soi-même ou par autrui. Elle ne peut pas tenir son existence de sa nature, et recevoir ses propriétés d'une volonté étrangère. Comme un être ne peut pas exister sans propriétés, le principe soit interne, soit externe de son existence, l'est aussi de ses propriétés. Si donc la matière ne possède pas nécessairement ses propriétés, elle ne possède pas non plus nécessairement son existence; mais l'une et les autres lai viennent d'une cause étrangère. Si vous voulez que la matière ait nécessairement ses propriétés, vous devez prétendre que chaque corps a nécessairement telles propriétés, telle grandeur, telle figure, telle situation: ce qui est à chaque instant démenti par l'expérience. Nous voyons tous les corps sujets à des variations, à des vicissitudes continuelles. Ce n'est done point de leur nature que les corps tirent leurs propriétés. Ce n'est donc point non plus de leur nature qu'ils tiennent leur existence. C'est d'une volonté étrangère qu'ils ont reçu tout ce qu'ils out.

Une autre propriété de l'Etre nécessaire, c'est son infinie perfection. Elle est telle qu'elle ne pent ni augmenter ni diminuer. Il ne peut rien acquérir ni rien perdre. Mais peut-on dire que la mat ère soit infiniment parfaite? Toute matière n'est-elle pas limitée, ce qui est certainement une imperfection? Reste-t-elle toujours au même degré de perfection? Ne voyons-nous pas, au contraire, tous les corps ète dans une succession continuelle d'accroissement et de décroissement, se former, s'améliorer, se détériorer, se dissoudre? Dira-t-on que, dans ces vicissitudes, ils n'acquièrent ni ne perdent des perfections? Je suppose avec nos adversaires, sans le leur accorder, que l'homme ne soit qu'un amas de matière. Dans cette hypothèse, qui est la leur, prétendront-ils que Newton n'était pas un être plus parfait, lorsqu'il révélait à l'univers les lois physiques qui le régissent, que lorsqu'il était dans le sein de sa mère un foetus encore informe, ou dans le tembeau un cadavre rongé des vers? Un superbe edifice n'est-il pas plus parlait que le tas de pierres dont il fut construit, et que le monceau de ruines dans lequel il se confondra? Le tableau de Raphaël n'a-t-il pas plus de perfection que n'en avaient les couleurs mises pêle-mêle sur sa palette, ou que n'en aura la pouss ère dans laquelle il finira par se résoudre ? Les perfections dont la matière est suscep

toutes choses du néant, qu'il a fait ce qui est de ce qui n'était point, n'ont pas enseigné la création assez clairement; parce que les anciens ont appelé rien, néant, ce qui n'était pas, la matière et les êtres qui n'avaient pas encore reçu leur forme. N'est-ce pas là se jouer des termes? Beausobre devait du moins nous dire de quelles expressions les écrivains. sacrés devaient se servir pour enseigner la création assez clairement. En raisonnant comme lui, on prouverait que lui-même n'admet pas assez clairement ce dogme, malgré la profession qu'il en fait. Dieu à dit, et tout a été fait; il dit que la lumière soit, d la lumière fut; ainsi parlent les auteurs sacrés : ce langage se trouve-t-il chez les profanes? Par la même prévention, Beausobre doute si saint Justin a vu la création de la matière dans les paroles de Moïse: parce que, dans sa première Apol., no 59, il pense que Platon a emprunté de Moïse ce qu'il a dit de la formation du monde : or, Platon suppose que Dieu l'a formé d'une nature préexistante. Mais pour savoir ce qu'a pensé Saint Justin, il ne fallait pas se conteuler d'un seul passage. Dans son Exhortation aux Grecs, no 22, il dit que « la difference qu'il y a entre le Créateur et l'ouvrier consiste en ce que le premier n'a besoin que de sa propre puissance pour produire des ères, au lieu que le second a besoin de matière pour faire son ouvrage; » n° 23, il prouve que si la matière était incréée, Dieu n'aurait point de pouvoir sur elle, et qu'il ne pourrait

tible peuvent s'acquérir ou se perdre, augmenter ou diminuer : ainsi, encore à ce titre, la matière n'est pas l'Etre nécessaire.

VIII. Le monde n'est pas l'Etre nécessaire. Le monde est la même chose que toutes ses parties; donc si le monde existe néces-airement et par lumême, toutes ses parties existent nécessairement et par elles-mêmes. Si les parties du monde existent nécessairement et par elles-mêmes, elles sont ce qu'elles sont nécessairement et par elles-mêmes; elles ne peuvent donc changer, parce que les natures des choses ne changent point.

Loin d'apercevoir dans toutes les parties de monde cette inaltérabilité, qui est l'apanage de Etre qui existe nécessairement et par lui-meme, nous ne voyons dans plusieurs qu'une continuele vicissitude. Combien de changements n'a pas éprou vés la terre par la suite des années! Les hommes, les animaux, les plantes naissent, croissent et mesrent, d'autres leur succèdent qui auront le même sort. Changements, vicissitudes, altérations qui nous démontrent que ces parties ne sont pas néces sairement; puisqu'elles n'ont pas cette immobilite d'état qui caractérise l'Etre nécessaire; changements, vicissitudes, altérations, qui, en détruisal la nécessité d'exister dans quelques-unes des par ties du monde, la détruisent également dans le

tout.

IX. La matière et le monde ont été créés. La matière et le monde existent: or, ils n'existent pas par eux-mêmes, ainsi qu'on vient de le prouver; donc ils ont reça l'existence d'un autre; done is sont créés, donc il y a un Etre créateur distingue du monde et de la matière : c'est ainsi que la raiso même, instruite par la révélation, démontre la crea tion qui est au-dessus de la raison qu'elle ne peu comprendre.›

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pas en disposer. Cela est-il assez clair? Aussi Beausobre avoue que si ce Père a été constant dans ses principes, il faut qu'il ait cra la création de la matière (Hist. du Manich., 1. v, c. 5, § 5). Or, saint Justin n'a pas puisé ce sentiment dans Platon, puisqu'il le réfute; ni dans les autres philosophes, puisqu'aucun d'eux n'a enseigné la création. Ce Père déclare qu'il a renoncé à leur doctrine pour étudier les prophètes (Dial. cum Tryph., n°7 et 8); donc c'est dans les prophètes, ou dans les écrits de Moïse, qu'il a trouvé le dogme de la création. Au reste, Beausobre n'a point dissimulé son intention; il voulait juslifier les sociniens accusés de nier la création de la matière; pour les faire paraître moins coupables, il a trouvé bon de soutenir que ce dogme n'est pas assez clairement enseigné dans nos livres saints; qu'après tout, il n'est pas fort essentiel à la religion, puisqu'il ne conduit pas à l'athéisme; et quelques déistes : l'ontainsi affirmé sur sa parole. Suivant ce beau raisonnement, il faut excuser toutes les erreurs, dès qu'elles ne détruisent pas absolument toute religion. Mais ce critique, si charitable à l'égard de tous les hérétiques, si ingénieux à faire leur apologie, aurait dû être plus indulgent pour les Pères de l'Eglise et pour les théologiens catholiques ; quand il s'agit de justifier les premiers, la moindre expression susceptible d'un bon sens lui suffit pour ne pas leur imputer une erreur; dès qu'il est question des seconds, jamais ils ne se sont exprimés assez clairement à son gré; jamais ils n'ont raisonné assez exactement; il ne faut leur faire grâce sur rien.

Brucker, moins entêté, avoue que la prévention des anciens philosophes contre le dogne de la création, leur a fait embrasser le système absurde des énianations, qui a été la source de toutes les rêveries des gnostiques; et que saint Irénée l'a très-bien compris en écrivant contre ces bérétiques. Hist. Philos., VI, p. 539, note (o). Ce dogme n'est donc rien moins qu'indifférent, et jamais il n'a paru tel aux Pères de l'Eglise.

Le P. Baltus, dans sa Défense des saints Pères, accusés de platonisme, livre I, page 319 et suivantes, a fait voir que tous ont professé cette importante vérité, et ont réfuté Platon, qui supposait la matière éternelle. Voy. EMANATION.

CRECHE. Il est dit, dans saint Luc, que la sainte Vierge et saint Joseph, n'ayant pas trouvé place dans une hôtellerie de Bethlehem, furent obligés de se retirer dans une étable; que la sainte Vierge y mit au monde JésusChrist, l'enveloppa de langes, et le coucha dans une crèche. Les anciens Pères, qui parlent du lieu de la naissance du Sauveur, disent toujours qu'il naquit dans une caverne creusée dans le roc. Saint Justin, qui était de ce pays-là, Eusèbe qui y avait sa demeure, disent que ce lieu n'était pas dans la tille, mais dans la campagne près de la ville: saint Jérôme, qui vivait à Bethlehem, place cette caverne à l'extrémité de la ville, du côté du midi. - La crèche était donc placée dans le rocher; cell que l'on conserve à

home est de bois. Un auteur latin, cité par Baronius, sous le nom de saint Chrysostoine, dit que la crèche où Jésus-Christ fut mis était de terre, et qu'on l'avait remplacée par une crèche d'argent. Les peintres ont coutume de représenter auprès de la crèche du Sauveur, un bœuf et un âne; cet usage est fondé sur ce que dit Isaïe: Le bœuf a reconnu son maître, et l'ane la crèche de son Seigneur; et Habacuc: Vous serez connu au milieu de deux animaux. Plusieurs anciens auteurs en ont fait l'application à Jésus naissant; mais ce n'est point le sens litéral de ces deux passages.

CREDIBILITÉ. On appelle motifs de crédibilité les preuves qui nous convainquent qu'une religion a été révélée de Dieu, conséquement qu'elle est vraie, puisque Dieu, qui est la vérité même, ne peut rien révéler de faux. Dans l'article CHRISTIANISME, nous avons cité sommairement les motifs de crédibilité qui prouvent que c'est une religion divine ou révélée de Dieu.

C'est une grande question entre les théologiens et les incrédules, de savoir comment l'on doit s'y prendre pour prouver la vérité d'une religion. Ces derniers prétendent qu'il faut examiner les dogmes qu'elle enseigne, voir s'ils sont vrais ou faux en eux-mêmes, alin de juger s'ils sont révélés ou non. Les premiers soutiennent que l'on doit commencer par examiner si le fait de la révélation est prouvé ou s'il ne l'est pas; que s'il l'est, on doit conclure que les dogmes sont vrais, sans se croire en état de les juger en eux-mêmes. Il s'agit de savoir lequel de ces deux procédés est le plus raisonnable, et conduit plus sûrement à la vérité; il nous paraît que c'est celui des théologiens.

1° La religion est faite pour les ignorants aussi bien que pour les savants; elle doit donc avoir des preuves qui soient à portée des premiers aussi bien que des seconds; cette conséquence est avouée et soutenue par les incrédules même. Or, un ignorant n'est pas en état de juger si les dogmes du christianisme, par exemple, sont vrais ou faux; si la morale qu'il enseigne est bonne ou mauvaise; si le culte qu'il prescrit est raisonnable ou superstitieux; si la discipline qu'il a rétablie est utile ou abusive. - Cette discussion est évidemment au-dessus de ses forces: donc ce serait de sa part une imprudence de vouloir y entrer. Autre conséquence de laquelle les incrédules conviennent. Mais un ignorant peut être convaincu, par des faits incontestables, que Dieu a révélé la religion chrétienne. Il peut avoir une certitude morale des miracles de Jésus-Christ et des apôtres, du témoignage des martyrs, de l'établissement miraculeux du christianisme, des effets qu'il a produits et qu'il opère encore chez les peuples qui le professent, de ceux qu'il ressentirait lui-même s'il en pratiquail constamment les devoirs, etc. Donc c'est par ces preuves extérieures, ou par ces motis de erédibilité, qu'il doit juger de la vérité du christianisme. Vainement les iucrédules s'imaginent que Dieu a établi, pour

les savants et les philosophes, une autre manière de juger que pour les ignorants. Les premiers peuvent avoir un plus grand nombre de preuves que les seconds; mais los preuves qui sont vraies et solides pour ceux-ci, ne peuvent pas être fausses et trompeuses pour ceux-là.

2. De ce qu'un dogme quelconque nous paraît vrai, il ne s'ensuit pas pour cela que Dieu l'ait révélé : donc de ce qu'il nous paraît faux, il ne s'ensuit pas non plus que Dieu ne l'ait pas révélé. Il est beaucoup plus aisé de nous tromper dans l'examen d'une doctrine obscure et abstraite, que dans l'examen d'un fait sensible et palpable. Par des raisonnements captieux, on peut facilement étourdir et égarer un homme qui n'est pas aguerri à la dispute; mais à quoi aboutissent les raisonnements, les conjectures, les soupçons contre des faits invinciblement prouvés? Il n'est pas une seule vérité spéculative contre Jaquelle on ne puisse faire des objections qui paraissent insolubles; mais toutes les objections possibles ne nous dissuaderont jamais d'un fait dont la certitude morale est poussée au plus haut degré de notoriété. Les sophismes des sceptiques, des pyrrhoniens, des acataleptiques, ont pu faire paraitre dou teux tous les dogmes philosophiques; mais ont-ils jamais empêché personne de se fier au témoignage des sens et à celui des autres hommes? Les philosophes, même les plus incrédules, sont forcés d'y déférer dans le commerce ordinaire de la vie.

3° Dieu est certainement en droit de nous révéler des mystères ou des vérités incompréhensibles, puisque nous en apprenons de semblables par le sentiment intérieur, par nos raisonnements, par le témoignage de nos sens, par la déposition des autres hommes; nous le ferons voir au mot MYSTÈRE. Il est même impossible de forger une religion exemple de mystères, aucun système de philosophie ou d'incrédulité qui n'en renferme un grand nombre. Or, quel examen pouvons-nous faire d'un dogme incompréhensible? C'est de voir si celui qui nous l'annonce est croyable ou s'il ne l'est pas, si son témoignage doit être admis ou rejeté, s'il a ou s'il n'a pas droit de nous subjuguer. Que dirait-on d'un aveugle-né, qui, avant d'ajouter foi à ceux qui lui parlent des couleurs, d'un miroir, d'une perspective, voudrait concevoir par lui-même ce qu'on lui en dit? Tel est précisément le cas dans lequel nous nous trouvons lorsque Dieu daigne nous parler.

4 C'est une absurdité de vouloir être convaincus de nos devoirs religieux autrement que nous ne le sommes de nos devoirs naturels et civils. Nous sommes instruits de ces derniers, non par un examen spéculatif de ce qui est bon, louable, utile, honnête, raisonnable en lui-même, mais par des preuves morales, desquelles il résulte que telle loi a été portée, que telle police et tels usages sont établis et observés dans la société. Sur co point, les objections et les raisonnements des philosophes ne servert à rien, on n'y fait

aucune attention, eux-mêmes u'oserai ut s'y conformer dans la pratique. De quel droit prétendent-ils décider, par leurs spéculations, de ce que Dieu peut ou ne peut pas nous enseigner, nous prescrire ou nous permettre?

5° Ce n'est point à nous de prouver aujourd'hui le christianisme d'une autre ma nière qu'il ne l'a été par ceux-même qui l'out fondé, qui ont converti les Juifs et les païens. Or, les apôtres ne sont point entrés en discussion de chaque dogme qu'ils annon çaient; ils ont prouvé par des faits la mis sion divine de Jésus-Christ et la leur. Saint Paul dit aux Corinthiens: Je n'ai point ap puyé mes discours ni ma prédication sur les raisonnements dont la sagesse humaine se sert pour persuader, mais sur les démonstrations d'un pouvoir divin et de l'esprit de Dieu (sur des miracles), afin que votre foi füt fondé, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu (I Cor. 11, 4). — En effet, la persuasion que nous avons d'une vérité, par le raisonnement, n'est pas la foi, j mais on ne s'est avisé d'appeler foi l'acquies cement à une vérité démontrée. Quel mérite peut-il y avoir à la croire? Mais Dieu veut que nous ajoutions foi à sa parole, c'est un hommage que nous devons à sa véracile souveraine. Le mérite de ceite foi consiste à résister aux doutes que peuvent nous sug gérer nos raisonnements et ceux des incrédules. Ceux qui voulurent raisonner contre les apôtres, furent les auteurs des premières hérésies, et l'on sait jusqu'à quels excès ils poussèrent l'absurdité de leurs opinions. Le même malheur doit arriver, jusqu'à la fin des siècles, à tous ceux qui s'obstineront à suivre cette méthode perfide.

6° Les conséquences énormes qui décou lent de la méthode des déistes, sont palpa bles. A force de soutenir que Dieu ne peut nous révéler des vérités incompréhensibles, qu'il nous est impossible de croire ce que nous ne concevons pas, ils en sont venusu point de prétendre que Dieu ne peut rien révéler du tout; que quand il le ferait, nous ne pourrions jamais être certains du fait de la révélation. Par conséquent un sauvage, un ignorant, incapable de découvrir aucune vérité par ses raisonnements, est encore dispensé d'écouter un prédicateur qui viendrait pour l'instruire de la part de Dieu; il doit même s'en défier et lui résister, vivre el mourir dans l'abrutissement dans lequel il est né. En vertu de l'examen spéculatif pres crit à tous les hommes par les déistes, il doit y avoir autant de religions dans le monde, qu'il y a de têtes bien ou mal faites.

doi

Ils objectent qu'en suivant notre méthode. un mahométan, un païen, un idolâtre, vent croire, avec autant de certitude qu'au chrétien, que leur religion est vraie; puisque tous doivent juger qu'elle leur a ele aunoncée par des hommes inspirés de Dieu. Mais où est la preuve de l'inspiration de Mahomet et de ceux qui ont enseigné le paganisme? Les miracles attribués au premier sont absurdes; et lui-même a déclaré, dans

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