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qu'ii justifie pleinement la religion des maux qu'on lui attribue; qu'il démontre l'inutilité et les faux principes du nouveau plan d'éduration tracé dans l'Emile. Il allie le christianisme avec la politique; enfin il réfute d'une manière victorieuse l'Apologie de Rousseau contre le Mandement de Mgr l'archevêque de Paris, etc. Cet ouvrage fut bientôt suivi d'un autre. La Certitude des preuves du christianisme parut en 1767. L'auteur l'opposa à l'Examen critique des apologistes de la religion chrétienne, ouvrage insidieux, longtemps connu en manuscrit, et qui avait fourni des matériaux à un grand nombre de livres impies. L'abbé Bergier dévoile la passion et la mauvaise foi de l'auteur de ce livre, et, sans s'étonner de cette foule de raisonnements spécieux, il les attaque en détail, fait voir l'illusion de chacun en particulier, et renverse ainsi l'élifice entier. Ces ouvrages avaient fait une profonde scusation. Plusieurs églises cherchèrent à s'attacher un homme aussi distingué que Bergier. L'évêque d'Arras lui fit expédier les provisions d'un canonicat. Presque en même temps M. de Beaumont lui en fit parve ir d'autres pour Paris. Bergier accepta de préférence le canonicat de Paris, non pas à cause de la splendeur de l'Eglise à laquelle il serait attaché, mais parce qu'il pensa pouvoir y être plus utile.

En arrivant dans la capitale, il mit au jour son Apologie de la religion chrétienne, ouvrage plein de précision, de clarté et de modération. Il profita des grands moyens scientifiques mis à sa disposition pour compiéter cet écrit. La suite de cette Apologie, ou Réfutation des principaux articles du Dictionnaire philosophique, présente une précision, une énergie, un laconisme admirable. L'abbé Bergier, en revenant plusieurs fois sur les mêmes objets auxquels ses adversaires, qui se répètent sans cesse, le rappellent, parait toujours armé de nouvelles aisons et de nouvelles autorités, et, quoiqu'il satisfasse toujours, il ne s'épuise jamais et oppose à la monotonie des philosophes une fecondíté et une variété qui forment un contraste peu avantageux à leur cause. Le Système de la nature faisait beaucoup de ravages Bergier lui opposa, en 1771, son Examen du matérialisme. C'est dans cet ouvrage que le célèbre apologiste de la religion. fait l'anatomie de la monstrueuse production qu'il réfute avec une exactitude qui tient du scrupule, et le met à l'abri du reproche que quelques philosophes avaient osé faire à d'autres, d'avoir passé sous silence des objections essentielles. Dans le

mier volume, il détruit le matérialisme, et dans le second, il justifie la religion et traite de la Divinité, des preuves de son existence, de ses attributs, de la manière dont elle influe sur le bonheur des hommes. En ouvrier infatigable, Bergier travaillait alors à un écrit beaucoup plus considérable que ceux qu'il avait publiés. Il voulait réfuter toutes les objections faites contre la religion. il mit au jour son fameux Traité de la Reli

gion, ouvrage qu'il écrivit de sa main jusqu'à trois fois, quoiqu'il fût de douze volumes. Ily traite de tout ce qui a rapport à la religion: histoire, physique, géographie, politique, morale, philosophie, erudition sacrée, tout se réunit sous sa plume pour justifier la religion indignement attaquée.

« Quelques personnes, dit M. de SainteCroix, crièrent contre un si grand nombre de volumes; mais quiconque fera les réflexions suivantes n'en sera point étonné. 1° L'auteur a rassemblé les principes épars des impies de tous les siècles, pour former de leur doctrine une espèce de corps; il a discuté les reproches qu'ils faisaient à la religion, ce qui exigeait les plus grandes recherches. 2° Il a montré la filiation des diverses erreurs des ennemis du christianisme; il a prouvé que les incrédules modernes n'étaient que les copistes de leurs devanciers; que les incrédules d'Angleterre avaient donné naissance à ceux de France; que les uns et les autres n'avaient fait que ressasser les objections surannées de Celse, de Porphyre, de Jul en l'Apostat, quoique mille fois réfutées d'une manière victorieuse; qu'ils avaient puisé chez les anciens hérétiques leurs difficultés contre quelques dogmes du christianisme. L'ouvrage de l'abbé Bergier contient donc la réfutation de toutes les objections formées contre la religion chrétienne dans tous les siècles. Que l'on juge d'après cela si l'auteur a outrepassé les bornes dans le nombre des volumes.

« Quand l'ouvrage dont nous parlons fut devenu public, quelques personnes parurent disputer à l'abbé Bergier le mérite de l'invention de son plan. Voici à quelle occasion. M. de Beaumont, archevêque de Paris, avait engagé quelqu'un à composer un ouvrage que ce prélat aurait adopté, et qui aurait été distribué par parties, et en forme d'instruction pastorale, pour prémunir les fidèles contre les dangers de l'incrédulité. Le travail fini, l'auteur le remit à M. de Beaumont, sans lui avoir donné cependant la forme d'instruction pastorale. Le prélat pria l'abbé Bergier de le lire, et de lui dire ce qu'il en pensait. L'abbé Bergier le lut, en rendit le témoignage le plus avantageux, et le remit à M. l'archevêque. M. de Beaumont fut instruit du reproche de plagiat qu'on faisait à l'abbé Bergier: il voulut savoir à quoi il devait s'en tenir. Il pria l'abbé Chevreuil, chanoine et chancelier de l'église de Paris, vicaire général du diocèse, ancien professeur de Sorbonne, homme bien connu par ses vertus et ses talents, de lire les deux plans avec attention, et de lui dire jusqu'à quel point le reproche en question pouvait etre fonde. La réponse de l'abbé Chevreuil fut qu'on avait inculpé à tort l'abbé Bergier; que les deux plaus étaient différents; que l'un 'n'était point calqué sur l'autre; que les deux auteurs ayant eu les mêmes matières à traiter, ils devaient se ressembler sous ce rapport; mais que chacun les avait traitées à sa manière; que d'ailleurs l'abbé Bergier avait fait ses preuves, et qu'il n'était point fait pour être

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plagiaire. Ce détail vient de quelqu'un bien instruit du fond de cette affaire, et il l'aurail supprimé, s'il ne connaissait des personnes encore imbues de la prévention dont il s'agit contre l'abbé Bergier. »>

La cour désira s'attacher notre illustre apologiste: elle le choisit pour confesseur de Monsieur et de Mesdames tantes du roi. Ses nouvelles fonctions l'obligeaient à rester à Versailles; il y porta l'esprit de modestie el de désintéressement qui avaient toujours marqué son caractère. Il voulut se démettre de son canonicat: il ne le conserva que sur la vive instance du chapitre. Il refusa un bénéfice qui lui avait été offert. S'il accepta une pension du clergé de France, elle lui fut accordée sans qu'il l'eût sollicitée.

Il allait fréquemment à Paris pour assister au chœur, afin de remplir, autant qu'il était en lui, ses fonctions de chanoine. Il refusa toujours les distributions manuelles lorsqu'il n'était point présent. Sa place lui donnait cependant le droit de les recevoir. C'était une privation, non pour lui-même, mais parce qu'il ne pouvait faire assez de ben; car il employait ses revenus en aumones. « Quoique je sois à la veille de faire une perte considérable, écrivait-il le 9 novembre 1789, tant sur mes revenus que sur ce qui m'est dû, je n'ai de regret qu'autant que je ne pourrai plus assister les malheu reux. De semblables paroles peignent toute la richesse du cœur de l'homme.

On se proposait de revoir l'Encyclopédie et de la publier sous une nouvelle forme. On s'adressa à Bergier pour reviser et compléter le dogme. On sait, par l'avertissement qu'il mit à la tête de son ouvrage et que nous rapportons nous-même, le travail immense que lui causa le Dictionnaire que nous actualisons.

On y trouve en général la vaste érudition, la logique rigoureuse, le style coulant, rapide, aisé de ses autres productions; mais çà et là, ainsi que dans l'ouvrage précédent, un peu trop d'indulgence ou de complaisance envers les gens d'une secte qui ne dédaignait point ses talents; une espèce d'égard pour des erreurs accréditées, et de composition avec quelques préjugés dominants. Je crois quelquefois, a dit un critique, entendre la religion qu'il a si savamment défendue, lui dire avec un ton de tendresse et de plainte: Tu quoque, Brute! Des hommes respectables ont témoigné leurs regrets sur son association à une tourbe d'écrivains que le chef lui-même appelait une race détestable de travailleurs, qui, ne sachant rien, et qui, se piquant de savoir tout, cherchèrent à se distinguer par une universalité désespérante, se jetèrent sur tout, gâtèrent tout, mettant leur énorme faucille dans la moisson des autres. Il est certain que cette association a infiniment contribué à répandre un ouvrage pernicieux, vaste magasin d'erreurs de tous les genres, dont les lecteurs chrétiens avaient la plus grande aversion, et qui, depuis qu'il fut décoré du nom d'un auteur si sage et si religieux, trouva place dans les bibliothè

ques les plus scrupuleusement composées. » Ce reproche est formulé un peu sévèrement. Est-ce un si grand crime de mettre le contrepoison à côté du poison? Nous ne voyons pas que Bergier ait pactisé avec l'erreur dans son savant écrit. Il fait, il est vrai, concessions de certaines opinions qui n'appartiennent pas au dogme catholique; mais il est sage de ne pas confondre les vérités de foi avec les opinions qu'on peut rejeter sans blesser la conscience.

Bergier termina sa sainte et laborieuse carrière le 9 avril 1790.

Ce qui distingue particulièrement l'abbé Bergier, ce qui fait le caractère exclusif de ses ouvrages parmi les apologies de la religion, c'est, dit Feller, à qui nous avons beaucoup emprunté pour cette notice, une logique d'une précision et d'une vigueur étonnantes, qui se montre, dans une seule et même malière, sous des formes absolument différentes; attaque le sophisme en tant de manières à la fois, le frappe si rudement dans les endroits où sa résistance paraissait le mieux assurée, que la victoire se décide toujours par cette lumière pleine et brillante qui ne laisse subsister aucun nuage de l'erreur. Je ne sais s'il est possible d'avoir plus de connaissances en tant de genres divers, mais particulièrement dans l'histoire, la théologie, la critique, et surtout dans cette immensité de brochures et de compilations de toutes les espèces que les Encelades de ce siècle ont entassées comme des monts pour abattre, si ce triste exploit pouvait être l'ouvrage des mortels, le trône de l'Eternel. Personne ne connaît et ne confond mieux les ruses et les détours de ces esprits faux et tortueux, ces petits artifices que le mensonge emploie avec un art qui lui est honteusement propre, ces fruits odieux de la mauvaise foi, ces tours de malice noire, celle impiété maligne, comme parle l'Ecriture, qui dirige les attaques de l'ennemi contre le lieu saint. Quanta malignatus est inimicus in sancto! Tout cela s'évanouit comme une fumée de vant les regards de l'éternelle et invincible vérité présentée avec ses traits naturels par cet homme de génie. Ad nihilum deductus est in conspectu ejus malignus. C'est surtout dans le genre d'argument qu'on appelle rétorsion que M. Bergier excelle; c'est par lui ordinairement qu'il consomme son triomphe. A peine a-t-il repoussé les attaques des adversaires du christianisme, qu'il les attaque lui-même avec leurs propres armes, tournées contre eux avec une célérité et une adresse qui étonnent le lecteur, et qui, mettant pour ainsi dire la religion hors de l'arène, y placent le philosophisme et l'accablent de mille traits. »>

Voici la liste des ouvrages de l'abbé Bergier 1 Discours couronné, en 1763, à l'académie de Besançon, sur celle question: Combien les mœurs donnent de lustre aux

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tude des preures du christianisme, ou Réfu-
totion, etc. L'Examen critique des apologis-
tes de la religion chrétienne, 1767, in-12.
Plusieurs fois réimprimé. 5 Réponse aux
Conseils raisonnables, relativement à l'ou-
vrage précédent, in-12. On l'a jointe aux
nouvelles éditions de la Certitude. -6° Rẻ-
ponse a la Lettre insérée dans le Recueil
philosophique, au sujet du livre intitulé:
La Certitude des preuves du christianisme,
in-127 Le Déisme réfuté par lui-même,
ou Examen des principes d'incrédulité ré-
pon tus dans les ouvrages de J.-J.-Rousseau,
1766, in-12. Il y avait eu cinq éditions avant
1772. — 8 L'Origine des dieux du paganisme
et le sens des fables, par une explication sui-
vie des poésies d'Héxiode, 1767, 2 vol. in 12.
Il y a eu une seconde édition en 177. — 9°
Apologie de la religion chrétienne contre l'au
teur du Christianisme dévoilé et contre
quelques autres critiques, 1769, 2 vol. in-12.
Il y a eu une seconde édition en 1770. — 10'
Examen du matérialisme, ou Réfutation du
Système de la nature, 1771, 2 vol. in-12.
11 Traité historique et dogmatique de la vraie
religion, avec la Réfutation des erreurs qui
lui ont été opposées dans les différents si cles,
1780, 12 vol. in-12. 12 Dictionnaire
théologique, faisant partie de l'Encyclopédie,
1788 et suiv., 3 vol. in-4°. -13° De la Source
de l'autorité, imprimée sans nom d'auteur,

en 1789, in-12.—14- Un Discours sur le mariage des protestants, 1757, in-8°. — 13° Observations sur le divorce. Cet écrit fut imprimé à Besançon, 1790. Il servait de reponse à un mémoire en faveur du divorce, répandu dans le sein de l'Assemblée constituante. — 16 Tableau de la misericorde divine. Il est presque entièrement compose de passags de l'Ecriture. Moins il y aura du nôtre, dit-il lui-même au premier chapitre, plus l'instruction sera solide. Dans tout ce qui vient de la main des hommes, l'erreur pout s'y étre glissée; et si nous donnions nos idées particulières, il y aurait lieu de s'en défier; mais lorsque nous nous bornons à exposer la conduite de Dieu envers tous les hommes et dans tous les temps... Cette doctrine ne peut étre suspecte. — 17° Eramen du système de Bayle sur l'origine du mal. Remarques sur cette question: Si la' foi est contraire à la raison. Dissertation sur le saint Suaire de Besançon. Pian de théologie. Ces divers ouvrages ont été imprimés à Besançon, 1831. M. Asseline, évêque de Boulogne, a été propriétaire d'un ouvrage de Bergier sur la rédemption nous ne savons ce qu'il est de

vena.

Les principes de métaphysique qui se trouvent dans le Cours d'études à l'usage de l'Ecole militaire sont attribués à Bergier par M. Barbier.

AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR,

QUI SE TROUVE DANS L'ÉDITION DE PARIS DE 1788.

Si la partie théologique de l'Encyclopédie a tardé à paraître, nous espérons que le public nous pardonnera ce retard, lorsqu'il sera instruit des difficultés que nous avons eues à vaincre, et de l'immensité du travail dont nous nous sommes trouvé chargé.

D'environ deux mille cinq cents articles dont cet ouvrage est composé, il y en a au moins un quart qui manquaient dans l'ancienne Encyclopédie, ou qui n'avaient été traités que comme des articles de grammaire; il a fallu les faire. Un nombre presque égal contenaient une doctrine fausse ou suspecte; ils avaient été copiés dans des écrivains hétérodoxes, ou faits par des littérateurs qui, par leurs principes, favorisaient l'incrédulité; il a fallu les corriger. Plusieurs renfermaient des discussions inutiles; nous les avons abrégés. D'autres étaient incomplets, nous y avons ajouté ce qui nous a paru nécessaire. Quelques-uns ont été retranchés comme superflus. Nous n'avons pas vu, par exemple, où était la nécessité de faire vingt articles de l'arianisme, parce que les partisans de cette hérésie ont porté autant de noms différents; de distinguer homoousios et consubstantiel, dont l'un est la traduction de l'autre; de parler du dimanche des Palmes et de celui des Rameaux; de changer une lettre pour placer corban et korban; chirotonie et keirotonie, au lieu de l'imposition des mains; purim et phurim, qui signifient les sorts; de mettre des mots grecs ou hébreux au heu des mots français qui y répondent. Ainsi, à presque tous les égards, notre travail doit paraître absoJument neuf.

Des trois parties qu'il embrasse, savoir, la théologie dogmatique, la critique sacrée et l'histoire ecclésiastique, la première est celle qui demande le plus d'attention, et qui renferme le plus de difficultés. Comme toute autre science, elle à son langage particulier, certaines expressions consacrées à exprimer les mystères, desquelles on ne peut se départir sans s'exposer à tomber dans l'erreur. On ne doit pas exiger d'un théologien qu'il emploie d'autres termes plus clairs tirés du langage ordinaire, ni qu'il fasse comprendre évidemment des vérités que Dieu a révélées pour être crues sur sa parole, quoique nous ne puissions pas

les concevoir.

Depuis près de dix-huit cents ans que la théologie chrétienne est formée, il ne s'est pas écoulé un seul siècle dans lequel elle n'ait é‹é combattue par quelque secte de mécréants; cette science est donc devenue très-contentieuse. Comme elle consiste à savoir non-seulement ce que Dieu a révélé, mais comment cette doctrine a é é attaquée, et comment elle a été défendue, il n'est presque pas un seul article qui ne soit un sujet de dispute: un théologien écrit donc toujours au milieu d'une foule d'ennemis, et jamais ils ne furent en plus grand nombre que dans notre siècle. On ne doit donc pas être étonné de nous voir continuellement aux prises avec les sociniens, avec les protestants, qui ont renouvelé presque toutes les anciennes erreurs; avec les déistes et les autres incrédules qui les ont copiés tous. Nos maîtres en théologie sont les fères de l'Eglise; nous nous croyons obligé de suivre leur exemple. Or, ces auteurs respectables ont écrit,

chacun dans son temps, contre les erreurs qui faisaient du bruit pour lors, et non contre celles dont le souvenir était à peu près effacé; il est de notre devoir de les imiter.

Nous ne sommes pas assez injuste pour accuser les protestants d'avoir voulu, de propos délibéré, favoriser les ennemis du christianisme; mais il n'est pas moins vrai que, sans le vouloir, ils leur ont fourni presque toutes leurs armes; c'est un événement que nous n'avons pas pu nous dispenser de faire remarquer une infinité de fo`s, parce que la chose est évidente. Si les protestants se fâchent de se trouver continuellement dans notre ouvrage associés aux incrédules, ce n'est pas à nous qu'ils doivent s'en prendre, mais à leurs docteurs. Chez les luthériens, Mosheim et Brucker; chez les calvinistes, Beausobre, Basnage, Le Clerc, Barbeyrac; chez les anglicans, Chillingworth et Bingham, sont ceux dont nous avons principalement consulté les livres, parce que ce sont les derniers qui ont écrit, et qui paraissent avoir le plus de ré utation. Ils ont cherché à donner une nouvelle tournure aux anciennes objections; ils ont eu l'art de défigurer la plu art des faits de l'histoire ecclésiastique; il n'est presque pas un seul des Pères de l'Eglise, contre lequel ils n'aient formé des accusations; ils ont donc imposé une nouvelle tâche aux théologiens catholiques, à laquelle nos meilleurs controversistes n'ont pas pu satisfaire : nous avons donc été obligé de nos en charger; et si nous n'avons pas répondu à tout, nous croyons du moins avoir fait le plus essentiel. En donnant une courte notice des ouvrages des Pères, nous avons tâché de faire leur apologie.

Il en est de même des personnages de l'Ancien Testament dont l'histoire sainte a loué les vertus, et que les incrédules, en marchint sur les traces des manichéens, se sont appliqués à noircir. Mais loin de chercher à multiplier les articles de critique sacrée, nous en avons supprimé un grand nombre. Il nous a semblé inutile de disserter sur des expressions que tout le monde entend, ou sur des termes qui n'ont rien d'extraordinaire, et de copier le Dictionnaire de la Bible. Il est plus nécessaire sans doute d'éclaircir les passages dont les hérétiques ou les incrédules out abusé, ou qui font un objet de dispute entre les théologiens.

On doit comprendre qu'un Dictionnaire théologique, quelque exact qu'il puisse être, ne pourra jamais tenir lieu d'un cours de théologie complet, dans lequel on rassemble sur chaque question toutes les preuves et les réponses aux objections; où l'on fait voir la liaison que nos dogmes ont entre eux, de manière que l'un éclaircit et confirme l'autre (1). Ce serait une erreur de croire qu'avec le secours d'un Dictionnaire aussi abrégé, l'on peut devenir grand théologien. Si celui-ci avait été destiné à paraître seul, il aurait nécessairement fallu le rendre plus étendu, y faire entrer plusieurs articles de métaphysique, de morale, d'hisLoire, de discipline, de jurisprudence canonique, que nous avons dû laisser à ceux auxquels ils appar

tiennent.

Il n'aurait pas été difficile non plus de le charger de citations; mais il suffit d'avertir, en général, que pour la Critique sacrée, les Prolégomènes de la Polyglotte d'Angleterre, la Philosophie sacrée de Glassius, les Dissertations et les Préfaces de la Bible d'Avignon, en 17 volumes in-4°, sont les principales sources où l'on a puisé. Pour l'Histoire ecclésiastique, Fleury, Cave, du Pin, Tillemont, dom Cellier, sont les auteurs qu'il aurait fallu citer continuellement. Nous n'avons pas hésité de copier plusieurs observations dans les protestants desquels nous venons de parler, surtout de Mosheim, lorsqu'elles nous ont paru vraies et dignes de l'attention du lecteur. Pour la théologie dogmatique, quand nous aurions mis à chaque article les noms de Petau, de Tournély, de Wittasse, de Lherminier, de Juénin, ou de quelques auteurs plus modernes, le lecteur n'en aurait pas été plus instruit; ces ouvrages sont connus de tous les théologiens, et les autres personnes ne sont pas tentées de les lire.

Nous n'avons pas la vanité de croire que ce Dictionnaire est tel qu'il devrait être; un seul homme, quelque laborieux qu'il soit, ne peut suffire à cette entreprise. Ceux qui viendront après nous pourront faire mieux; il est plus aisé de voir les défauts d'un ouvrage déjà fait, que de les éviter en le composant.

(1) Un Dictionnaire théologique a d'autres avantages que n'offre point un traité complet; il est d'un usage plus pén ral; on le consulte plus commodément, plus agréablement; il renferme d'ailleurs un grand nombre d'articles dout n'est point susceptible un cours de théologie.

AVERTISSEMENT

SUR CETTE NOUVELLE ÉDITION.

Le

1. Nécessité de compléter le dogme. Dictionnaire de Théologie de. Bergier a acquis une juste célébrité. Les matières y sont exposées avec clarté ; la controverse y est soutenue avec vigueur; les difficultés y sont abordées franchement et résolues avec autant de sagacité que d'érudition. L'auteur a fait comme la plupart des apologistes de la religion chrétienne: il a travaillé pour son époque, et il a parfaitement réussi. « On ne doit pas être étonné, dit-il (Avertissement sur l'édition de 1788), de nous voir continuellement aux prises avec les sociniens, avec les protestants, qui ont renouvelé presque toutes les anciennes erreurs ; avec les déistes et les autres incrédules, qui les ont copiés tous. Nos maitres en théologie sont les Pères de l'E

glise; nous nous croyons obligé de suivre leur exemple. Or, ces auteurs respectables ont écrit, chacun dans son temps, contre les erreurs qui faisaient du bruit pour lors, et non contre celles dont le souvenir était à peu près effacé; il est de notre devoir de les imiter. » Aussi s'est-il presque exclusivement attaché à réfuter les faussetés et les calomnies répandues tant dans les ouvrages philosophiques des incrédules de son temps, que dans ceux des protestants qui lui paraissaient avoir le plus de réputation, tels que, Mosheim, Brucker, Beausobre, Basnage, Daillé, Le Clerc, Barbeyrac, Spanheim, Chillingworth, Bingham et plusieurs autres. On conçoit facilement, d'après ce but franchement avoué, que les raisonnements de notre

auteur doivent être bien plus souvent des arguments ad hominem qué des preuves directes. C'est d'ailleurs ce dont on est parfaite ment assuré, après la lecture de quelques pages du Dictionnaire. L'habile controversiste part assez souvent de principes avoués par les adversaires qu'il a en vue; il en tire des conséquences rigoureuses et poursuit vigoureusement son ennemi jusque dans son dernier retranchement. L'avocat a toujours gagné son procès; mais quelquefois le Théologien n'a rien démontré. Qu'il paraisse dans l'arène un champion à qui l'on ne puisse opposer les mêmes armes, il demeurera bientôt maître du terrain. Quelquefois même, les traits lancés ne peuvent atteindre l'adversaire que l'on croit combattre : notre auteur, en effet, dans la persuasion intime où il est que les protestants de toutes les sectes, que les incrédules de tous les partis, s'accordent toujours pour batailler contre l'Eglise romaine, suppose trop facilement qu'ils doivent admettre les principes les uns des autres, et que tous approuvent les concessions faites par quelques-uns d'entre eux. Aussi, oppose-t-il souvent aux uns les principes et les aveux des autres : c'est là combattre dans le cabinet des ennemis imaginaires, mais ce n'est point vaincre tel ou tel adversaire sur le champ de bataille. Le travail de Bergier, cependant, il faut en convenir, a exercé une influence salutaire sur les idées et les préoccupations de son siècle; il a dissipé bien des préjugés et a fourni aux chrétiens zélés des armes très-puissantes tant contre le vieux protestantisme que contre l'incrédulité du xvin siècle. Mais de quelle utilité peut-il être, s'il est offert tel qu'il est à notre société moderne? Où sont les protestants qui ont aujourd'hui un système de doctrine déterminé ? L'indifférence n'a-t-elle même pas, du moins à Paris, pris la place de l'esprit de parti ? Où sont les philosophes incrédules qui raisonnent encore à la mode du XVIII siècle? Le voltairianisme n'estil pas descendu des sommités intellectuelles dans la fange populaire? Là on ne raisonne pas, on blasphème par corruption et par igno

rance.

On ne peut donc aujourd'hui opposer avec succès à aucun ennemi de l'Eglise la plupart des arguments dont notre auteur s'est servi, à son époque, avec tant d'avantage. Devonsnous, à son exemple, diriger nos batteries contre le protestantisme et l'incrédulité modernes ? Nous ne le pensons pas. 1° Le protestantisme actuel est insaisissable, surtout en France, où l'on jouit de la liberté des cultes: nous connaissons à Paris quatre sectes principales de calvinistes qui s'accordent sur fort peu de points; en sorte que si l'on s'attache à en poursuivre une, on ne gagnera ras un pouce de terrain sur les trois autres. De plus, dans la même secte, un membre, et méine un ministre conteste ce qu'un autre accorde ou admet; c'est la suite necessaire da défaut de règle extérieure de foi. Nous pouvons en dire autant de nos incredules et de tous les philosophes qui aient l'existence

d'une révélation surnaturelle, en faveur d'une prétendue révélation naturelle faite par Dieu à la raison de chaque individu. Dans la même école, les premiers principes et à plus forte raison les conséquences varient avec les individus. Au reste, aucun incrédule, aucun philosophe ennemi de l'Eglise n'a de système arrêté dont on puisse faire l'objet d'une réfutation solide et utile. L'éclectique surtout trouve dans l'inconséquence de son système des moyens fort expéditifs de se débarrasser des argumentations les plus irrésistibles : il rejette sans balancer les conséquences dont il aurait à rougir, bien qu'elles découlent rigoureusement de ses principes. On conçoit qu'il n'est plus guère possible de continuer, mème en l'actualisant, le même genre de controverse. 2° Quand, par impossible, on parviendrait à réfuter victorieusement tous les ennemis actuels de l'Eglise, en les ¡renant en détail et en les attaquant les uns après les autres, quel avantage en résulterait-il, soit pour nos incrédules contemporains qui ne partagent pas les mêmes erreurs, soit pour ceux qui viendront après nous, lesquels pourraient éluder tous nos arguments, en niant, comme ont fait les modernes, tous les principes de leurs devanciers, ou en imaginant de nouvelles absurdités; soit surtout pour les fidèles de bonne foi qui tiennent à se rendre compte de leur croyance, independamment de tout système de protestantisme, d'incrédulité ou de philosophie, suivant la recommandation du prince des apôtres (1 Petr. u, 15) ?

Sur ces considérations, nous nous sommes décidé à donner dans ce Dictionnaire une démonstration complète et directe de la religion catholique, que l'on puisse opposer facilement à toutes les erreurs passées, présentes ou futures; qui soit independante de tous préjugés de secte, d'école ou d'éducation reçue dans une religion quelconque ; enfin, qui satisfasse tous les esprits raison-nables, et qui serve de flambeau à tous ceux qui cherchent la vérité de bonne foi. Quand donc nous ne pourrons, à l'aide de quelques notes, rendre les articles importants de Bergier demonstratifs par eux-mêmes, et indépendamment de tous autres principes que ceux qui seront établis dans l'ouvrage même, nous en ferons d'entièrement neufs, en évitant toutefois les redites autant que possible. Si parfois nous combattons des erreurs modernes, ce ne sera qu'accidenteilement et sous forme de conséquence, ou pour montrer que tous les systèmes d'incrédulité manquent de principes constitutifs rationnels, et ne reposent que sur des postulata de toutl point contestables.

On comprend facilement que la partie dogmatique du Dictionnaire devra être com pletee en un grand nombre de points, et enrichie de beaucoup d'articles entièrement neufs (1). L'auteur nous prévient lui-même

(1) Les additions que nous ferons au Dictionnaire de Bergier seront mises en notes au bas des pages. Quelquefois elles seront intercalées dans le texte, et

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