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qu'il n'a pas prétendu faire un cours complet de théologie. « On doit comprendre, ditil (loc. cit.), qu'un Dictionnaire théologique, quelque exact qu'il puisse être, ne pourra jamais tenir lieu d'un cours de théologie complet..... où l'on fait voir la liaison que nos dogmes ont entre eux, de manière que l'un éclaircit et confirme l'autre. » Pour nous, nous ne voyons pas pourquoi un Dictionnaire ne pourrait tenir lieu d'un cours de théologie complet, si toutes les questions importantes s'y trouvaient traitées avec clarté et solidité, quoique avec peu d'étendue. Quant à la liaison des dogmes, loin d'être incompatible avec la forme d'un Dictionnaire, elle s'impose d'elle-même à la tête de tous les articles, qui, selon leurs divers degrés de généralité, doivent être rattachés ou à des rameaux, ou à des branches, ou au tronc même de l'arbre théologique. L'enchainement des vérités est tellement nécessaire dans un Dictionnaire de théologie, que chaque article y forme un petit tout, une petite synthèse plus ou moins générale, ou développée dans toutes ses parties et mise sous la dépendance d'un chef plus étendu, ou fractionnée en un certain nombre de sub divisions.

II. Travaux à faire sur la partie scientifque. Notre auteur paraît avoir possédé toutes les connaissances de son temps, soit en bistoire et en géographie, soit en physique et en histoire naturelle; il parle même de chimie et de géologie, sciences qui étaient encore au berceau. Il suit et combat avec succès ses adversaires sur ces divers terrains scientifiques. Mais il suffit d'avoir une idée des prodigieux progrès qu'ont faits, depuis le commencement de ce siècle, toutes les sciences d'observation, pour être convaincu que tous les raisonnements auxquels elles ont servi d'appui dans le dernier siècle ne peuvent pas avoir aujourd'hui une bien haute portée. Il y a donc beaucoup à actualiser sous ces rapports dans le Dictionnaire de théologie. Nous ne rectifierons pas les inexactitudes scientifiques au fur et à mesure que nous les rencontrerons, nous nous contenterons le plus souvent de les signaler, avec ou sans exposition de motifs : le lecteur profite peu de notions scientifiques isolées, éparses çà et là, et comme perdues dans un vaste ouvrage; aussi, réunironsnous, autant que possible, dans de grands articles, les documents que nous aurons à donner sur telle ou telle science, pour éclaircir tel ou tel point de controverse religieuse. Au besoin nous renverrons à ces articles substantiels, dont la lecture laissera dans l'esprit des notions d'autant plus durables qu'elles seront précises et solides. On a voulu tourner contre la religion, au commencement de ce siècle, plusieurs sciences de nouvelle création: nous démêlerons ce qu'elles

alors nous aurons soin de les indiquer par ce signe : i. Les articles nouveaux seront marqués d'un asteri-que et imprimés en caractères plus petits que ceux du texte.

ont d'incontestable d'avec ce qui est encore à l'état d'hypothèse, et nous montrerons qu'elles confirment nos dogmes au lieu de les infirmer.

III. Observations sur les principales éditions du Dictionnaire théologique de Bergier. Le Dictionnaire de Bergier a eu un grand nombre d'éditions. La première est celle de 1788, qui parut dans l'Encyclopédie méthodique. Elle contient le texte de l'auteur sans aucune addition. On y remarque beaucoup de fautes typographiques. La seconde édition est celle de Liége. Dès 178) la société typographique de Liége réimprimait le Dictionnaire de Bergier; elle en conserva scrupuleusement le texte elle ajouta seulement certains articles tirés du Dictionnaire de jurisprudence de l'Encyclopédie méthodique. Ces articles sont désignés sous le signe Quelques auteurs ont cru que ces articles sont de Bergier, parce que notre auteur y renvoie quelquefois. Ils ne sont pas de la plume de notre habile controversiste. 1° Ks sont signés des lettres initiales de plusieurs auteurs, qui ne sont pas celles de Bergier. 2° « Ils sont souvent écrits dans un mauvais esprit, ainsi que l'a remarqué, avant nous, l'auteur du Cours alphabétique et méthodique de droit canon (T. Il, col. 1209 et 1231), et dans des principes tout opposés à ceux de Bergier. » 3° Notre savant critique blâme plus d'une fois les articles religieux de ce Dictionnaire de jurisprudence, par exemple, dans ses articles B GAMIE et CÉLIBAT.

Mgr Gousset, aujourd'hui archevêque de Reims, a préparé une édition du Dictionnaire de Bergier, qui parut à Besançon en 1826; elle est enrichie d'extraits des meilleurs auteurs. Nous lui croyons un très-grand défaut; c'est d'avoir pour but principal de pro pager la doctrine du sens commun et le funeste système de M. de Lamennais. Il y a un grand nombre de notes de cette édition qui demandent à être lues avec précaution. Mgr Gousset a donné dans sa Théologie dogmatique une sorte de rétractation de ce qu'il avait écrit en faveur des doctrines lamenésiennes. Voici comment il s'exprime : « L'au«teur de l'Essai sur l'indifférence en matière « de religion, après avoir admirablement « établi la nécessité de la foi dans le pre<«<mier volume, entreprit, dans le second, « de fixer le critérium de la certitude en << toutes choses sur le sens commun, dont « il poussait trop loin l'application; et il « plaça dans le genre humain, en dehors de a l'Eglise et des traditions apostoliques, l'au«torité qui doit servir de règle aux croyan«< ces du chrétien. Ce système a été con« damné par l'encyclique Singulari, de Gré« goire XVI, du 25 juin 1834. « Il est déplo«rable, dit ce pape, de voir jusqu'à quel ex« cès se précipitent les délires de la raison <«< humaine, quand quelqu'un se jette dans « les nouveautés; quand il veut, contre « l'avis de l'Apôtre, être plus sage qu'il ne « faut l'être, et prétend, par une extrême <«< présomption, chercher la vérité hors de << l'Eglise catholique, dans laquelle clie se

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a trouve sans le plus léger mélange d'erreur, « et qui pour cela est appelé en effet la coalonne et le fondement de la vérité. Vous comprenez bien, vénérables frères, qu'ici nous parlons de ce système trompeur de philosophie introduit récemment et tout « à fait blåmable, dans lequel, par un désir « effréné de nouveautés, on ne cherche pas « la vérité là où elle se trouve certainement, et, négligeant les traditions saintes et apostoliques, on admet d'autres doctrines vaines, futiles, incertaines, et non approuvées « par l'Eglise, doctrines que les hommes légers croient faussement propres à soute«nir et à appuyer la vérité. » Les évêques de France ont souscrit à l'eneyclique de Grégoire XVI; nous avons été nous-même heureux de la publier, comme vicaire caapitulaire de Besançon, conjointement avec «<les autres administrateurs du diocèse. Par acet acte, nous rétractions tout ce que nous « aurions pu dire ou écrire dans le sens du système philosophique de l'Essai. Ce sys«tème n'avait point été compris de ceux qui a l'avaient embrassé; ils ne se le présen<«taient pas tel qu'il est ce qui explique la «facilité avec laquelle ils l'ont abandonné.»

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Mgr Doney, évêque de Montauban, a reproduit l'édition de Mgr Gousset. Il y a ajouté un bon nombre d'excellents articles. Il a retranché un certain nombre d'articles qui contenaient trop évidemment les doctrines de M. de Lamennais sur la certitude. Cette édition est loin d'avoir rejeté toutes les notes condamnables. Nous croyons donc que cette édition, pas plus que celle de Mgr Gousset, ne peut sans danger être mise entre les mains de jeunes gens qui pourraient facilement se laisser entraîner à l'esprit de système. Nous ne laisserons passer aucune note, soit de l'édition de Mgr Gousset, soit de celle de Mgr Doney, sans signaler le danger qu'elle pourrait renfermer.

M. Lefort, imprimeur à Lille, a rendu d'éminents services à la cause catholique par ses nombreuses publications. Il a aussidonné une édition du Dictionnaire de Bergier. Il a purgé les éditions de Besançon des dangereuses doctrines de M. de Lamennais. Ce qui fait le principal mérite de l'édition de Lefort, ce sont des notes nombreuses et très-savantes, et des articles entièrement neufs; quelques-uns peut-être ont-ils trop peu d'utilité. Dans notre temps de mercantilisme, il faut attirer les lecteurs et les acheteurs par quelque chose de nouveau. Quoique bien plus complète que celle de Besançon, et surtout qu'on puisse la lire sans danger, cette édition est loin de satisfaire entièrement le lecteur. Il y manque beaucoup d'articles nouveaux. Il y a bon nombre d'articles de Bergier qui ont besoin d'additions, d'explication et même de correctif. Nous ne voyons pas même un mot dans cette édition pour les indiquer.

Nous avons fait connaître dans les premiers paragraphes de cet Avertissement ce que nous nous proposons de faire pour rendre cette édition complète. Nous devons observer ici qu'il n'y a pas une seule note des éditions précédentes qui n'ait trouvé sa place dans notre Dictionnaire, ou que nous n'ayons appréciée, soit pour l'adopter, soit pour la condamner. Nous avons fait précéder les articles principaux de l'exposition du dogme catholique. A la fin de chaque volume nous plaçons une table où se trouve l'indication des principales questions traitées dans les articles. Cette table facilitera infiuiment les recherches.

Quelques

IV. Observations critiques. auteurs ont reproché à Bergier une tendance à allégoriser certains faits rapportés dans l'Ecriture sainte : nous nous sommes aperçu de cette imperfection, et nous en avons prévenu le lecteur dès l'article ADAM, au sujet de l'arbre de la science du bien et du mal, et de la tentation d'Eve. Mais nous devons ajouter que souvent, comme il le fait déjà dans le second de ces cas, après avoir penché pour l'allégorie, il démontre que le sens li!téral n'entraîne aucune absurdité. 2° M. Bonnelly, directeur des Annales de philosophie chrétienne et de l'Université catholique, fait peser sur notre savant controversiste, comme sur bien d'autres, l'inculpation de cartésianisme « Malheureusement, dit-il (Annal., août 1843, p. 158), le déisme rationnel et cartésien est le point commun d'où ils parlent pour arriver les uns à l'Evangile, et les autres pour le combattre. Il y a ici du vrai et de l'exagéré Bergier est cartésien, il fait quelquefois (Voy. art. ADAM, fin) abstraction des traditions primitives; mais aussi, souvent il y renvoie, et M. Bonnetty luimême reconnaît en lui un de ceux qui ont commencé à faire sentit l'importance qu'il y avait à faire remonter la Révélation jusqu'à Adam, et le christianisme jusqu'à l'origine de l'homme » (loc. cit.). Enfin, nous observerons que les adversaires des cartésiens ne sont point encore plus avancés qu'eux en fait de motifs de crédibilité.

L'œuvre de Bergier, malgré ses imperfections, n'est pas moins un monument remarquable, élevé en faveur de la religion. Avec quelques améliorations, il peut devenir le manuel du controversiste, et l'un des plus solides appuis de la religion dans notre siècle d'incrédulité.

Nous n'avons pas besoin de rappeler ici qu'un grand nombre d'articles du Dictionnaire de Bergier ont déjà été traités plus ou moins longuement dans les divers Dictionnaires qui composent l'Encyclopédie théologique. A cet égard, nous croyons utile de renvoyer nos lecteurs à l'Avis que nous avons mis en tête du tome II des Religions (vol. XXV de l'Encyclop.).

AU DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE

DOGMATIQUE.

DESSEIN DE LA Providence dans L'ÉTABLISSEMENT DE LA RELIGION, origine et progrès de l'incrédulité.

1. Dien, disent les Pères de l'Eglise, donne au genre humain des leçons convenables à ses différents âges (1); comme un père tendre, il a égard au degré de capacité de son élève; il fait marcher l'ouvrage de la grâce da même pas que celui de la nature, pour démontrer qu'il est l'auteur de l'un et de l'autre. Tel est le principe duquel il faut partir, pour concevoir le plan que la sagesse éternelle a suivi, en prescrivant aux hommes la religion.

Ce plan renferme trois grandes époques relatives aux divers états de l'humanité. Dans les siècles voisins de la création, le genre humain, dans une espèce d'enfance, n'avait encore d'antre société que celle des familles, d'autres lois que celles de la nature, d'autre gouvernement que celui des pères et des vieillards. Dieu révéla aux patriarches une religion domestique, peu de dogmes, un culte simple, une morale dont il avait gravé les principes au fond des cœurs. Le chef de famille était le pontife-né de cette religion primitive. Emanée de la bouche du Créateur, elle devait passer des pères aux enfants par les leçons de l'éducation. La tradition domestique, les pratiques du culte journalier, la marche régulière de l'univers et la voix de la conscience se réunissaient pour apprendre aux hommes à n'adorer qu'un seul Dieu. Ce premier lien de société, ajouté à ceux du sang, était assez puissant pour unir les diverses branches d'une même famille, et pour former insensiblement des associations plus étendues.

Cette idée de la religion primitive n'est pas de nous, elle est tirée des livres saints. L'Ecclésiastique, après avoir parlé de la créa tion de nos premiers parents, ajoute: Dieu les a remplis de la lumière de l'intelligence, leur a donné la science de l'esprit, a doué leur cœur de sentiments, leur a montré le bien et le mal: il a fait luire son œil sur leurs cœurs, afin qu'ils vissent la magnificence de ses ouvrages; qu'ils bénissent son saint nom, qu'ils le glorifassent de ses merveilles et de la grandeur de ses œuvres. Il leur a prescrit des règles de conduite, et les a rendus dépositaires de la loi de vie. Il a fait avec eux une alliance éternelle, leur a enseigné les préceptes de sa justice. Ils ont tul'éclat de sa gloire, ont été honorés des leçons de sa voix; il leur a dit : Fuyez toute

(1) Tertull., de Virgin. velandis, c. 1; S. Aug., de tera kelig., c. 26 cl 27, etc.; Theodoret, Hæret. Fab,, Lv, c. 17; de Provid., orat. 10, clc.

iniquité; il a ordonné à chacun d'eux de veiller sur son prochain (Eccli. xvII, 5 seqq.).

Mais la religion révélée de Dieu est un joug que l'homme consent difficilement à porter; s'il n'ose le secouer absolument, il cherche à le rendre moins incommode. La négligence des pères, l'indocilité des enfants, la jalousie, l'intérêt, la crainte, passions inquiètes et ombrageuses, firent interrompre peu à peu les pratiques du culte commun, et oublier la tradition domestique. L'homme se fit autant de divinités qu'il y a d'êtres dans la nature; il ne suivit que son caprice dans le culte qu'il leur rendit. Bientôt il y eut autant de religions que de peuplades; chacune vou. lut avoir ses dieux tutélaires. Cette division fatale est une des causes qui ont le plus retardé les progrès de la civilisation.

§ II. Après plusieurs siècles, un grand nombre d'hommes se réunirent, commencérent à suivre des lois et des usages communs, à former un peuple, une république, un royaume. Mais ces nations naissantes, toujours en défiance les unes à l'égard des autres, demeurèrent dans un état de guerre ; elles ne s'approchaient que pour se dépouiller et s'entre-détruire; tout étranger était censé un ennemi. Déjà plongées dans l'erreur, comment pouvaient-elles être corrigées? conment faire revivre la révélation donnée à nos premiers pères? Dieu donna aux Hébreux une religion nationale, incorporée aux lois et à la constitution de leur république, ou plutôt destinée à la fonder. Relative au climat, au génie de cette nation, aux dangers dont elle était environnée, elle était faite non pour un peuple déjà policé, mais qui allait le devenir, C'est donc relativement à l'intérêt politique, à l'utilité nationale qu'il faut l'envisager, pour en voir la sagesse, et pour estimér le temps de sa durée.

Telle est encore l'idée que nous en donne le même auteur sacré: Dieu, dit-il, a préposé un chef à chaque nation; mais il a réservé pour sa part les Israélites. Il a éclairé toutes leurs démarches, comme le soleil répand sa lumière sur toute la nature; ses yeux n'ont cessé de veiller sur leurs actions; leurs iniquités n'ont point effacé l'alliance qu'il avait faite avec eux (Ibid.).

L'homme s'était égaré en prenant pour des dieux les différentes parties de la nature; Dieu frappa de grands coups sur la nature, pour faire sentir aux hommes qu'il en était le maître. Il effraya les Egyptiens, les Chananéens, les Assyriens, les Hébreux, par des

prodiges de terreur. J'exercerai, dit-il, mes jugemen's sur les dieux de l'Egypte; il déclare qu'il fait des m racles, non pour les Hébreux seuls, mais pour apprendre à tous les peuples quil est le Seigneur. Il les fit en effet sous les yeux des nations qui jouaint le plus grand rôle dans le monde connu. Dieu ne révéla point de nouveaux dogmes, mais il annonça de nouveaux desseins. La croyance de Moïse et des Hébreux était la même que celle d'Adam et de Noé; le décalogue est le code de morale de la nature le culte ancien fut conservé ; mais Dieu le rendit plus étendu et plus pompeux dans une société policée, il fallait un sacerdoce; la tribu de Lévi en fut chargée à l'exclusion des autres. La tradition nationale était l'oracle que les Hébreux devaient consuller; toutes les fois qu'ils s'en écartèrent, ils tombèrent dans l'idolâtrie; dès qu'ils vouluront fraterniser avec leurs voisins, ils en contractèrent les vices et les erreurs.

Mais Deu ne laissa point ignorer ce qu'il avait résolu de faire dans les siècles suivants. Par la bouche de ses prophètes, il annonça la vocation future de toutes les nations à sa commaissance et à son culte. La religion juive i était qu'un preparatif à la révélation plus ample et plus generale, que Dieu voulait donner, lorsque le genre humain serait devenu capable de la recevoir.

§ III. Ce temps était arrivé, quand le Fils de Dieu vint annoncer, sous le nom d'Evangile ou de bonne nouvelle, une religion universelle. La révélation précédente avait eu pour but de former un royaume ou une république sur la terre; Jésus-Christ précha le royaume des cieux. Une grande monarchie avait engl uti toutes les autres; tous les peuples policés étaient devenus sujets du meine souverain. Les arts, les sciences, le commerce, les conquêtes, les communications établies, avaient enfin disposé les peuples à fraterniser et à se réunir dans une seule Eglise. Le Fils de Dieu envoie ses apôtres prêcher l'Evangile à toutes les nations. J'en ferai, dit-il, un seul troupeau sous un mêine pasteur (1). Si ce dessein n'avait pas été conçu dans le ciel, il serait le plus beau qui eût pu se former sur la terre; et si Jésus-Christ n'était pas Dicu, il serait encore le meilleur et le plus grand des hommes.

Ceux-ci étaient moins grossiers et moins stupides que dans les siècles précédents; aussi les signes de la mission du Sauveur n'ont point été des prodiges de terreur, mais des traits de bonté. Les moeurs étaient plus douces, mais plus voluptueuses; il fallait une morale austère pour les corriger. Une philosophie curieuse et téméraire n'avait laissé subsister aucune vérité; il fallait des mystères pour la confondre et pour réprimer ses allentats. Les usages de la vie civile avaient acquis plus de décence et de dignité; il fallait un culte noble et majestueux. Les connaissances circulaient d'une nation à une autre; la tradition universelle ou la catholicité était donc la base sur laquelle l'ensei

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gnement devait être fondé. Telle est en effet la constitution du christianisme.

Ce n'est pas le connaître que de l'envisager comme une religion nouvelle, isolée, qui ne tient à rien, qui n'a ni titres, ni ancêtres. Ce caractère est l'ignominie de ses rivales; ainsi elles portent sur leur front le signe de leur réprobation. Le christianisme est le dernier trait d'un dessein formé de toute éternité par la Providence, le couronnement d'un édifice commencé à la création; il s'est avancé avec les siècles, il n'a paru ce qu'il est qu'au moment où l'ouvrier y a mis la dernière main. Aussi les apôtres nous font remarquer que le Verbe éternel, qui est venu instruire et sanctifier les hommes, est celui-là même qui les a créés (Joan. 1, Hebr. 1). Saint Augustin, dans ses livres de la Cité de Dieu, envisage la vraie religion comme une ville sainte, dont la construction a commencé à la création, et ne doit être finic que quand ses habitants seront tous réunis dans le ciel.

Ce plan sublime n'a pu éclore dans l'esprit d'un homme; il embrasse toute la durée des siècles; ceux mêmes qui, dans les premiers ages, ont concouru à son exécution, ne le connaissaient pas. C'est Jésus-Christ qui nous l'a révélé. Saint Jean, au commencement de son Evangile; saint Paul, dans sa leitre aux Galates, et dans le premier chapitre de l'Epitre aux Hébreux, l'ont clairement développe. Le christianisme est la religion du sage, de l'homme parvenu à l'âge viril et à la maturité parfaite (Ephes. iv, 13).

L'auteur de l'Ecclesiastique, qui a si bien présenté les deux premières époques de la révélation, ne pouvait peindre la troisième; il l'a précédée de plus de deux cents ans; mais il prie Dieu d'accomplir ses promesses et les prédictions des anciens prophètes, afin, dit-il, que l'on reconnaisse la fidélité de ceux qui ont parlé en votre nom, et pour apprendre à toutes les nations que tous les siècles sont présents àvos yeux (Eccli. xxxvi, 16). § IV. Un signe non équivoque de l'opération divine est la constance et l'unformité; ce caractère brille dans la nature, il n'éclate pas moins dans la religion. Dieu n'a point enseigné aux hommes dans un temps le contraire de ce qu'il leur avait dit dans un autre; mais à certaines époques il leur a révélé des vé.ités dont il ne les avait pas encore instruits auparavant. La croș ance des patriarches n'a point été changée par les leçons de Moïse; le symbole des chretiens, quoique plus étendu, n'est point opposé à celui des Hébreux. Le code de morale donné à Adam se retrouve dans le décalogue; celui-ci a été renouvelé, expliqué et confirmé par Jésus-Christ; mais la religion parfaite et immuable dès sa naissance, parce qu'elle est l'ouvrage de la sagesse divine, a souvent été défigurée par l'aveuglement et par les passions de l'homme. Dieu ne change point; Thomme varie continuellement. Plus it oublie et m connaît les leçons de son Créateur, plus il est nécessaire que ce père sage et bon les renouvelle,

les rende plus étendues et plus frappantes. Dans les égarements de l'homme, rien d'uniforme; la vérité est une, les erreurs changent à l'infini (1); un peuple nie ce que l'autre affirme, les opinions d'un siècle sont effacées par celles du siècle suivant. Tantôt les philosophes ont enseigné qu'il y a autant de dieux que d'êtres dans la nature; tantôt, qu'il n'y en a point du tout. Dans un temps, ils ont confondu la Divinité avec l'âme du monde; dans un autre, ils ont ern que Dieu était l'artisan du monde, mais qu'il ne se mélait point de le gouverner. Les uns nous ont accordé une âme, les autres nous l'ont refusée; ceux-là combattaient pour la liberté humaine, ceux-ci pour la fatalité; telle secte croyait à la vie future, telle autre n'y ajoutait point de foi. Les plus anciens enseignèrent une morale assez pure; leurs successeurs la corrompirent ou la sapèrent par les fondements. Dans tous les lieux du monde on raisonnait sur la religion; dans ancun l'on n'osait y toucher, de peur de la rendre pire. Le peuple suivait à l'aveugle les leçons de ses conducteurs et la tradition de ses ancêtres fables, contradictions, déréglements partout.

Au milieu de cette nuit profonde, un rayon de vérité brille dans un coin de l'univers, une religion pure y subsiste; elle descend en droite ligne du premier homme, par con séquent du Créateur; elle s'est perpétuée dans une seule branche de familles successives. Lorsqu'elle est prête à s'éteindre, Dieu parait de nouveau et se fait entendre: il parle en maitre souverain de la nature; les Hébreux étonnés tremblent, écoutent dans le silence. Il faut les séparer de toutes les nations livrées à l'erreur, les assujettir par une loi sévère. Vingt fois ils veulent en secouer le joug, autant de fois ils sont forcés de le reprendre. Lors même qu'ils y paraissent le plus soumis, ils en prennent les dogmes de travers, en corrompent la morale, altèrent le sens des promesses divines. Dieu cependant est fidèle à les accomplir; au moment qu'il a marqué d'avance, son Verbe incarné paraît parmi les hommes, revėlu de tous les caractères de la Divinité. Annoncé par les prophètes, attendu par les justes, précédé par des prodiges, né du sang le plas noble qu'il y eût dans l'univers, il reçoit le nom de Sauveur; admirable par sa doctrine, étonnant par ses miracles, respectable par ses vertus, aimable par ses bienfails, il prêche le royaume des cieux. Mais cette lumière luit dans les ténèbres: il est méconnu, rejeté, condamné par la nation même qu'il venait instruire et sauver. I meart, ressuscite, monte au ciel, ordonne et prédit la conversion du monde: elle s'accomplit; le christianisme est établi; il subsiste depuis dix-huit cents ans, malgré les efforts renaissants des incrédules de tous les siècles. Voilà le tableau de la religion. On ne peut y méconnaître la main de l'Iutelligence toute-paissante et éternelle, qui d'un

(1) Theod., de Prov., orat. 1, pag. 521,

coup d'œil embrasse tous les siècles (1), voit toutes les révolutions que doivent subir ses créatures, trace dès le premier instant le plan qu'elle suivra dans toute la durée des temps.

§ V. Pour en saisir l'ensemble, nous avons trois signes qu'il ne faut pas séparer. Dans l'histoire de la religion que nous présentent les écrivains sacrés, nous voyous :

1° Une chaîne de faits qui se succèdent, qui ne laissent aucun vide, où l'on ne peut rien déplacer. L'ordre des générations et des événements nous conduit d'Adam à Noé, de Noé à Abraham, de celui-ci à Moïse, de Moïse à Jésus-Christ. La création et la chute de l'homme, le déluge universel et la dispersion des peuples, la vocation d'Abraham et les prédictions qui regardent sa postérité, sont trois grandes époques auxquelles se rapportent les faits intermédiaires, et qui préparent de loin la révélation donnée par Moise. Celle-ci nous fait envisager la venue da Messie et la conversion des peuples, comme le terme auquel tous ces préparatifs doivent aboutir. Voilà un plan général, un dessein suivi, qui démontre que rien n'est arrivé par hasard, et que rien n'a été écrit sans raison; ce n'est point ainsi que sont tissues les annales mensongères des autres peuples, auxquelles les philosophes trouvent bon de donner la préférence.

2° Une chaîne de vérités prouvées par ces faits mêmes, toujours relatives aux besoins actuels et à la situation dans laquelle se trouve le genre humain. Sous la première époque, tout concourt à inculquer ce dogme capital, qu'il y a un seul Dieu créateur, dont la providence dirige tous les événe ments, et qu'il gouverne en maître absolu le monde qu'il a tiré du néant. Sous la seconde, tout se rapporte à démontrer que ce même Dieu est le fondateur de la société civile, l'arbitre souverain de la destinée des peuples, qu'il les place et les déplace, les élève ou les humilie, les éclaire ou les laisse dans l'aveuglement, comme il lui plaît. Sous la troisième, le but principal de la révélation est de nous convaincre que Dieu est encore l'auteur de la sanctification de l'homme, que le salut n'est point l'ouvrage de la volonté scule, mais de la grâce divine et des merites du Médiateur. Ainsi, depuis la notion du Créateur, et la première promesse faite à l'homme pécheur, l'étendue et la clarté de la révélation va toujours en augmentant, à mesure que l'homme devient capable de leçons plus amples et plus parfaites, jusqu'à la manifestation pleine et entière de la grâce et de la vérité par Jésus-Christ. Par la révélation primitive, la loi naturelle ne paraît connue qu'autant qu'il était nécessaire pour la prospérité des familles, et pour engager les hommes à se rapprocher. Dieu tolère, dans les patriarches, des abus qui devaient être retranchés dans la suite des temps, mais qu'il eût été dificile d'arrêter

(1) Tu es Deus conspector sæculorum. Eccl. XXAVI, 19.

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