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seule et avantageuse raison, que les uns et les autres sont dans une extrême clarté naturelle, qui convainc la raison plus puissamment que ne ferait le discours.

Car qu'y a-t-il de plus évident que cette vérité, qu'un nombre, tel qu'il soit, peut être augmenté; qu'on peut le doubler; que la promptitude d'un mouvement peut être doublée, et qu'un espace peut être doublé de même ? Et qui peut aussi douter qu'un nombre, tel qu'il soit, ne puisse être divisé par la moitié, et sa moitié encore par la moitié? Car cette moitié serait-elle un néant? Et comment ces deux moitiés, qui seraient deux zéro, feraientelles un nombre?

De même, un mouvement, quelque lent qu'il soit, ne peut-il pas être ralenti de moitié, en sorte qu'il parcoure le même espace dans le double du temps, et ce dernier mouvement encore? Car serait-ce un pur repos? Et comment se pourrait-il que ces deux moitiés de vitesse, qui seraient deux repos, fissent la première vitesse?

Enfin un espace, quelque petit qu'il soit, ne peut-il pas être divisé en deux, et ces moitiés encore? Et comment pourrait-il se faire que ces moitiés fussent indivisibles, sans aucune étendue elles qui, jointes ensemble, ont fait la première étendue?

Il n'y a point de connaissance naturelle dans l'homme qui précède celles-là, et qui les surpasse en clarté. Néanmoins, afin qu'il y ait exemple de tout, on trouve des esprits excellens en toutes

autres choses, que ces infinités choquent, et qui ne peuvent, en aucune sorte, y consentir.

Je n'ai jamais connu personne qui ait pensé qu'un espace ne puisse être augmenté. Mais j'en ai vu quelques uns, très habiles d'ailleurs, qui ont assuré qu'un espace pouvait être divisé en deux parties indivisibles, quelque absurdité qu'il s'y

rencontre.

Je me suis attaché à rechercher en eux quelle pouvait être la cause de cette obscurité, et j'ai trouvé qu'il n'y en avait qu'une principale, qui est qu'ils ne sauraient concevoir un continu divisible à l'infini; d'où ils concluent qu'il n'est pas ainsi divisible. C'est une maladie naturelle à l'homme, de croire qu'il possède la vérité directement, et de là vient qu'il est toujours disposé à nier tout ce qui lui est incompréhensible; au lieu qu'en effet il ne connaît naturellement que le mensonge et qu'il ne doit prendre pour véritables que les choses dont le contraire lui paraît faux.

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Et c'est pourquoi, toutes les fois qu'une proposition est inconcevable, il faut en suspendre le jugement et ne pas la nier à cette marque, mais en examiner le contraire; et si on le trouve manifestement faux, on peut hardiment affirmer la première, toute incompréhensible qu'elle est. Appliquons cette règle à notre sujet.

Il n'y a point de géomètre qui ne croie l'espace divisible à l'infini. On ne peut non plus l'ètre sans ce principe qu'être homme sans âme. Et

néanmoins il n'y en a point qui comprenne une division infinie; et l'on ne s'assure de cette vérité que par cette seule raison, mais qui est certainement suffisante, qu'on comprend parfaitement qu'il est faux, qu'en divisant un espace, on puisse arriver à une partie indivisible, c'est-à-dire, qui n'ait aucune étendue. Car qu'y a-t-il de plus absurde que de prétendre qu'en divisant toujours un espace, on arrive enfin à une division telle, qu'en la divisant en deux, chacune des moitiés reste indivisible et sans aucune étendue ? Je voudrais demander à ceux qui ont cette idée s'ils conçoivent nettement que deux indivisibles se touchent si c'est partout, ils ne sont qu'une même chose, et partant, les deux ensemble sont indivisibles; et si ce n'est pas partout, ce n'est donc qu'en une partie; donc ils ont des parties, donc ils ne sont pas indivisibles.

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Que s'ils confessent, comme en effet ils l'avouent quand on les en presse, que leur proposition est aussi inconcevable que l'autre; qu'ils reconnaissent que ce n'est pas par notre capacité à concevoir ces choses que nous devons juger de leur vérité, puisque, ces deux contraires étant tous deux inconcevables, il est néanmoins nécessairement certain que l'un des deux est véritable.

Mais qu'à ces difficultés chimériques, et qui n'ont de proportion qu'à notre faiblesse, ils opposent ces clartés naturelles et ces vérités solides : s'il était véritable que l'espace fût composé d'un certain nombre fini d'indivisibles, il s'ensuivrait que deux

espaces, dont chacun serait carré, c'est-à-dire, égal et pareil de tous côtés, étant doubles l'un de l'autre, l'un contiendrait un nombre de ces indivisibles double du nombre des indivisibles de l'autre. Qu'ils retiennent bien cette conséquence, et qu'ils s'exercent ensuite à ranger des points en carrés, jusqu'à ce qu'ils en aient rencontré deux dont l'un ait le double des points de l'autre ; et alors je leur ferai céder tout ce qu'il y a de géomètres au monde. Mais si la chose est naturellement impossible, c'est-à-dire, s'il y a impossibilité invincible à ranger des points en carrés, dont l'un en ait le double de l'autre, comme je le démontrerais en ce lieu-là même, si la chose méritait qu'on s'y arrêtât, qu'ils en tirent la conséquence.

Et pour les soulager dans les peines qu'ils auraient en de certaines rencontres, comme à concevoir qu'un espace ait une infinité d'indivisibles, vu qu'on les parcourt en si peu de temps, il faut les avertir qu'ils ne doivent pas comparer des choses aussi disproportionnées qu'est l'infinité des divisibles avec le peu de temps où ils sont parcourus: mais qu'ils comparent l'espace entier avec le temps entier, et les infinis divisibles de l'espace avec les infinis instans de ce temps; et ainsi ils trouveront que l'on parcourt une infinité de divisibles en une infinité d'instans, et un petit espace en un petit temps; en quoi il n'y a plus la disproportion qui les avait

étonnés.

Enfin, s'ils trouvent étrange qu'un petit espace ait autant de parties qu'un grand, qu'ils entendent

aussi qu'elles sont plus petites à mesure ; et qu'ils regardent le firmament au travers d'un petit verre, pour se familiariser avec cette connaissance, en voyant chaque partie du ciel et chaque partie du

verre.

Mais s'ils ne peuvent comprendre que des parties si petites, qu'elles nous sont imperceptibles, puissent être autant divisées que le firmament, il n'y a pas de meilleur remède que de les leur faire regarder avec des lunettes qui grossissent cette pointe délicate jusqu'à une prodigieuse masse ; d'où ils concevront aisément que, par le secours d'un autre verre encore plus artistement taillé, on pourrait les grossir jusqu'à égaler ce firmament dont ils admirent l'étendue. Et ainsi, ces objets leur paraissant maintenant très facilement divisibles, qu'ils se souviennent que la nature peut infiniment plus que l'art.

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Car enfin, qui les a assurés que ces verres auront changé la grandeur naturelle de ces objets, ou s'ils auront, au contraire, rétabli la véritable, que la figure de notre œil avait changée et raccourcie, comme font les lunettes qui amoindrissent? Il est fâcheux de s'arrêter à ces bagatelles ; mais il y a des temps de niaiser.

Il suffit de dire à des esprits clairs en cette matière que deux néans d'étendue ne peuvent pas faire une étendue. Mais parce qu'il y en a qui prétendent s'échapper à cette lumière par cette merveilleuse réponse, que deux néans d'étendue peuvent aussi bien faire une étendue que deux unités, dont aucune

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