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SAMEDI 3 JANVIER 1852,

L'AMI DE LA RELIGION.

(N° 5314.)

Il y a près de quarante années qu'à travers tous les bouleversements de notre malheureuse et chère patrie, vit et se perpétue la pensée toute chrétienne qui a fondé l'Ami de la Religion. Depuis lors, ce recueil uniquement dévoué aux intérêts de l'Eglise, n'a pas cessé de consacrer ses faibles mais persévérants efforts à la cause de Dieu et de la société.

Dans toutes les révolutions dont il a été le témoin, il a toujours adoré les desseins de la Providence qui, soit qu'elle élève, soit qu'elle humilie, soit qu'elle châtie, soit qu'elle récompense, soit qu'elle laisse triompher la force, soit qu'elle fasse régner la justice, donne aux nations de grands et salutaires enseignements et répand sur le monde d'inépuisables miséricordes.

Or, à ce redoutable spectacle, un sentiment profond et de plus en plus vif, saisit l'âme du chrétien; à savoir, la conscience du néant et de la misère des choses humaines, la conscience de la seule grandeur et du seul salut, la grandeur de Dieu et le salut qui vient d'en haut.

Depuis soixante années, en effet, quel pouvoir est demeuré debout? Quelles institutions ont duré l'espace d'une seule génération? Quelle forme de gouvernement a vécu âge d'homme?

Tour à tour exaltées et honnies, idolâtrées et foulées aux pieds, les constitutions, les chartes, les dynasties ont disparu emportées par les orages.

Quand donc un peu de paix, un peu de calme, un peu d'ordre seront-ils acquis à celte triste société, si cruellement remuée, éprouvée par tant de vicissitudes et si justement avide de concorde, d'union et de repos?

Mais en présence de cette lamentable instabilité, de cette révolution en permanence, avec quelle joie intime et quelle consolation profonde le regard se porte vers la seule puissance qui soit restée ferme et inébranlable, la seule qui ait vu passer devant elle, comme l'écume devant le rocher, les violences, les faiblesses, les hontes, les impuissances, les folies et les engouements de ce siècle! Cette puissance qui n'a jamais eu que des paroles de miséricorde et d'intercession pour tous les vaincus, de conseils et d'a loucissement pour tous les vainqueurs, elle a seule gardé en ces temps de révolte et d'abaissement, les traditions salutaires du respect et de la dignité, ces deux dernier asiles de la science et de la justice.

Seule, elle a efficacement travaillé à la guérison des plaies sociales que, seule, elle peut calmer et adoucir. Car il ne s'y faut pas L'Ami de la Religion. Tome CLV.

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tromper la force et même la loi sont impuissantes à réformer les idées et les mœurs, et toutes les effroyables scènes que nous avons vues avec horreur et épouvante, que sont-elles autre chose que lat mise en pratique des idées perverses et la suite de l'effroyable dépravation des mœurs?

Le glaive peut frapper et puuir : il est le ministre de la vengeance et du châtiment. Le glaive ne persuade pas, le glaive ne convertit pas. Or, c'est là ce qu'il faut avant tout: disons-le hautement, persuader les âmes, changer les esprits, convertir les cœurs! Les grands auxiliaires du socialisme, les grands apôtres du pillage et de la dévastation, ce sont les appétits violents et bas de la nature humaine, privée de l'enseignement de la foi, éloignée des préceptes de la religion, débarrassée de tout frein moral et de toute règle spirituelle. Les grands prédicans de l'insurrection et du brigandage, ce sont « les péchés capitaux, » pour parler le vrai langage. C'est l'orgueil, la luxure, l'envie, la colère, la paresse, la gourmandise, l'avarice. Ah! ceux-là, le canon ne peut pas les réduire. Les baïonnettes peuvent bien en refouler l'explosion par une peur salutaire, elles ne sauraient en combattre le principe et en retrancher les convoitises.

C'est la doctrine qui seule peut étouffer la doctrine. C'est l'idée qui seule peut tuer l'idée. C'est l'enseignement qui seul peut anéantir et paralyser l'enseignement. En un mot, le sabre n'atteint que le corps l'Eglise seule atteint les âmes, qui sont malades et malades mortellement.

Aussi, nous n'avons pas attendu aujourd'hui pour le dire et ç'a été la mission unique et infatigablement accomplie par nous, depuis que nous existons, la société ne peut être sauvée, guérie, régénérée que par la religion, par la foi, par l'Eglise.

On commence enfin à le reconnaître. Bien des esprits hautains s'abaissent devant la vérité qu'ils blasphémaient; bien des résistances, bien des haines sont désarmées; bien de mesquines colères et de puériles entreprises sont découragées et abandonnées. Cette religion, qu'on aurait voulu tour à tour asservir comme un instrument de règne, conspuer comme un agent d'ignorance et d'imbécillité, on la révère aujourd'hui, on lui demande de venir au secours de l'ordre social ébranlé, on la supplie de restaurer le respect de l'autorité, de relever le culte de la famille, de prendre sous sa garde la propriété, de bénir et de sanctifier le travail.

Elle l'a toujours fait : elle le fera encore avec plus de zèle et d'ardeur que jamais.

Et pour cela, pour cet office tout divin et auquel seule elle peut suffire, il ne lui faut qu'une seule condition: sa liberté et sa dignité.

Que les pouvoirs de la terre lui laissent donc sa glorieuse et native indépendance. Fille du ciel, c'est de Dieu qu'elle tient ses droits.

C'est au nom de Dieu qu'elle agit, qu'elle prie, qu'elle console. C'est en vue de Dieu qu'elle passe sur cette terre répandant ses féconds et inépuisables bienfaits,

Que cette liberté soit respectée: que l'Eglise soit libre dans son chef et dans ses pasteurs, libre dans ses communications entre le Vicaire de Jésus-Christ et les Evêques ses frères;-- libre dans l'exercice de son culte, libre dans la diffusion de son enseignement; que l'Eglise soit libre dans ses ordres monastiques, dans ses associations religieuses; libre dans ses institutions de charité, soit pour l'amélioration de l'esprit, soit pour le soulagement des misères corporelles; libre enfin dans l'étendue de sa mission, libre dans le gouvernement des âmes.

Respect à sa liberté : respect aussi à sa dignité. La dignité est le bien le plus précieux de l'homme pour l'Eglise elle est un besoin impérieux. Quiconque a essayé d'y attenter s'y est brisé; ou bien quand par malheur ce dessein a momentanément réussi, une déception profonde en a été la suite: on n'avait fait qu'avilir les autres, sans se grandir et sans s'honorer soi-même. L'Eglise ne peut entrer dans aucun calcul humain : l'y contraindre, ce serait la dégrader et la paralyser. Dans les discordes civiles, l'Eglise n'est ni parmi les vainqueurs ni parmi les vaincus, elle prie pour tous, elle intercède pour la paix et, au besoin, comme l'illustre Archevêque de Paris, elle se jette entre les combattants et elle verse jusqu'à la dernière goutte de son sang pour éteindre des luttes fratricides!

D'ailleurs, et si nous descendons au gouvernement temporel, il faut bien le reconnaître la force ne peut suffire à tout. Ainsi que le disait avec une raison si élevée, Mgr l'Evêque de Fréjus : « Ce « glaive qui soutient et défend, est sans mission pour fonder. Il est « le bras qui seconde, il n'est pas la tête qui gouverne. Il faut, à « côté de lui, la sagesse qui fait les bonnes lois; il faut une liberté « tempérée par des vertus; il faut l'ordre dans les idées, la règle a dans les consciences, la confiance, la bienveillance, la paix ena tre les concitoyens; il faut surtout la religion, base fondamentale, abase essentielle, sans laquelle, disaient les païens eux-même, nulle a cité, nul empire ou république ni ne s'établit ni ne peut subsis<ter. »

Cette doctrine est la nôtre, et, autant qu'il nous le sera permis, nous la soutiendrons et nous la ferons prévaloir.

Aussi bien, république ou monarchie, empire, présidence, pouvoir constitutionnel ou autorité absolue, il n'y a pas un gouvernement au monde qui n'ait intérêt et qui ne soit tenu à respecter l'indépendance de l'Eglise et à lui procurer la liberté nécessaire à sa mission régénératrice!

Pour nous, c'est notre vie, c'est notre raison d'être, parce que là est à nos yeux le bien suprême de la société, le salut unique de la France.

Puisse notre patrie comprendre cette antique vérité : elle n'a vécu grande et glorieuse qu'à titre de fille aînée de l'Eglise. C'est là, c'est en recouvrant ce magnifique apanage, qu'elle pourra seulement se reposer dans les conditions de l'ordre moral, de la paix véritable et de la justice; de cette justice par qui commandent les princes, par qui les législateurs rendent les lois, et qui pèse dans les mêmes balances les œuvres de l'homme et les destinées des nations! HENRY DE RIANCEY.

Cérémonie du TE DEUM.

Voici le récit officiel du Moniteur :

« Aujourd'hui M. le Président de la République est sorti du palais de l'Elysée a onze heures et demie, pour assister à un Te Deum solennel en actions de grâces du vote qui vient de ratifier par 7,500,000 suffrages l'acte du 2 décembre.

Le cortége était ainsi composé un escadron du 1 régiment de lanciers ouvrait la marche. La garde républicaine à cheval suivait le 1" régiment de lanciers. Le prince Louis Napoléon était dans un coupé avec le ministre de la guerre seul.

Deux officiers d'ordonnance du prince étaient à cheval aux portières de la voiture du Président; le colonel Edgar Ney (1) à droite, le colonel Fleury à gauche. L'escadron de cuirassiers de service escortait la voiture du Président. Le cortége se terminait par un second escadron du 1er régiment de lanciers.

Malgré un temps froid et brumeux, la foule encombrait les quais par où le Prince devait se rendre à Notre Dame.

Sur la place du Parvis, avaient été disposées, des deux côtés du portail, dix bannières tricolores soutenues par des mâts, dont chacun portait un trophée de drapeaux et un bouclier décoré des lettres L.-N. dans une couronne de laurier. En outre, trois grandes bannières tricolores étaient suspendues à des mâts dressés en avant du portail.

L'entrée principale était précédée d'un grand velarium d'étoffe de couleur cramoisie parsemé d'étoiles d'or et du chiffre L.-N., également en or. Toute la façade de la vieille basilique, à tous ses étages et jusqu'aux tours, était décorée de drapeaux, de bannières, de flammes aux couleurs variées.

«Au milieu de la rosace qui surmonte le grand portail, se remarquait une large oriflamme sur laquelle était inscrit en gros caractères d'or le chiffre de 7,500,000.

Dès onze heures, les portes de Notre-Dame se sont refermées sur les 6,000 invités qui déjà remplissaient l'église. Des estrades disposées en amphithéâtre sur toute l'étendue de la nef, de chaque côté, et les galeries spacieuses qui règnent autour de l'édifice, étaient garnies sur tous les points. Les délégués des départements avaient des places désignées sur deux de ces estrades. Le milieu de la nef, qui n'a été occupé que plus tard, après l'entrée du Président, était particulièrement réservé aux autorités militaires.

Dans le transept s'élevait un riche dais en velours cramoisi à ciel d'or, dont les quatre branches correspondaient aux piliers principaux. Un prie-Dieu et un

(1) Au acre, le maréchal Ney était à la droite de la portière de la voiture de l'empercur.

siége d'honneur étaient établis pour le Chef de l'Etat, en face d'un autel doré, de forme gothique, dressé en avant du chœur, dans la partie centrale où se croisent la grande nef et la nef tranversale.

De vastes estrades en amphithéâtre étaient élevées à chacun des bras de la croix latine. Celle de droite a été occupée par le corps diplomatique, la cour de cassation, la cour d'appel et le tribunal de première instance, leurs présidents en tête; celle de gauche par la commission consultative conduite par M. Baroche, la commission municipale et départementale, le conseil de préfecture, les maires de Paris et des principales communes du département de la Seine, à la suite de M. le préfet de la Seine et de M. le préfet de police; l'Institut; le conseil supérieur de l'instruction publique et les quatre facultés, précédées de leurs

massiers.

Le premier rang des siéges disposés dans la nef avait été réservé aux grandscroix. Nous y avons distingué les maréchaux Reille, Excelmans, Levaillant, Harispe, l'amiral de Mackau, les généraux d'Hautpoul, Petit, et M. d'Argout. Le prince Murat, en costume de colonel de la garde nationale, occupait une des places les plus rapprochées du siége du Président.

Ce qui rehaussait l'éclat de cette imposante et solennelle cérémonie, c'est la variété et la richesse des costumes officiels dont tous les membres de chaque corps étaient revêtus.

Dans des tribunes donnant sur le transept, on remarquait les femmes de grands dignitaires de l'Etat et des ministres étrangers. L'une de ces tribunes, brillante et riche entre toutes, était occupée par la princesse Mathilde, la princesse Marie de Baden, marquise de Douglass, et d'autres dames parentes ou alliées de la famille du prince.

Un peu avant midi, Mgr l'Archevêque, assisté de ses vicaires généraux, MM. Buquet, Surat, Bautain, Eglée et des chanoines de la métropole, a pris siége sous un dais, à droite de l'autel; les chanoines étaient rangés à la droite du chœur et les curés de Paris à la gauche. Les autres membres du clergé étaient assis sur les stalles du chœur, derrière l'autel.

Peu de temps après, l'arrivée du prince a été annoncée par le bruit des tambours battant aux champs, auquel se sont mêlés les sons graves et majestueux du bourdon.

a Mgr l'Archevêque, entouré de son clergé, s'est dirigé processionnellement, croix en tête, vers le grand portail pour recevoir le neveu de l'empereur.

Les grandes portes se sont ouvertes, et le Président, en costume de lieutenant-général de l'armée de terre, a été introduit. Il était accompagné de ses aides de camp, officiers d'ordonnance et d'un brillant état-major. Le ministre de la guerre et le général commandant la garde nationale étaient auprès de lui. Tous les autres ministres se pressaient à ses côtés. Malgré la sainteté du lieu, des cris de Vive Napoléon! vive le Président! l'ont partout accompagné sur son passage.

Les ministres ont pris siége à la droite du Président, au-dessous de l'estrade de la commission consultative.

Mgr l'Archevêque a entonné le Te Deum. L'orchestre et les chanteurs, placés derrière l'autel, sous la direction de M. Girard, ont repris et développé harmonieusement l'hymne sacrée.

• Plusieurs des morceaux exécutés pendant cette solennité sont tirés du Te Deum composé par Lesuer pour le sacre de l'empereur. Le motet Urbs beata, du même compositeur, et le Sanctus de la dernière messe de Sainte-Cécile, de M. Ad. Adam, ont complété la partie musicale de la cérémonie. Les artistes,

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