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Peut voyager en pays si lointain.

Point de quartier; mes plaintes sont fondées.
D'autres feront provisions d'idées;

Dieu soit loué! dans ce noble métier,

Je n'ai besoin que d'encre et de papier.

LE PUBLIC.

C'est fort bien dit. Mais, crois-moi, fais encore
Provision de beaucoup d'ellébore.

Tu ris? Bientôt, je t'en veux avertir,

Tu pleureras, si tu ne peux rougir.

« Je hais l'attaque, et j'aime la défense 1;

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"

"

«

"

Mais épouser la commune vengeance;

Mais écraser un reptile odieux,

Un vil serpent, qui, fuyant tous les yeux,

Mélange affreux de rage et de faiblesse

Sous les buissons se glisse avec souplesse,

Sifflant sans cesse et sans cesse irrité,

<«<Lance au hasard un venin détesté;

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"

Mais à plaisir, sur la terre infectée,

Fouler aux pieds sa tête ensanglantée :

C'est au courage allier un bon cœur;

· C'est du public être le bienfaiteur. »

Déjà certains de ma reconnaissance,
Tes vrais amis vont rompre le silence;
Tu peux compter qu'un immortel affront
Sera gravé sur l'airain de ton front;

C'est pour ton bien; et dans peu, je te jure,

On guérira ta cervelle très-dure;

Et tu diras, mon enfant, mais trop tard:

« Quand on veut nuire, etc. etc.

1. Ces douze vers figurent en tête du dialogue, sous la forme d'épigraphe.

LE MINISTRE

ET

L'HOMME DE LETTRES.

SATIRE.

1788.

A.

COMMENT! c'est vous? Tant mieux. Soyez le bien-venu.

Au ministère, enfin, me voici parvenu,

Tout prêt à m'occuper du bonheur de la France.
Si je n'écoute point une vaine espérance,
Comme ils vont, me chargeant de lauriers immortels,
En vers alexandrins encenser mes autels!

Il se peut qu'en effet...

B.

A.

Mais un beau jour, vous-même,

Voulez-vous point sur moi rimer quelque poëme?
Me chanter, m'applaudir?

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De ces gens, toutefois, qu'on aime avec tendresse...

A.

Ah!...

B.

Pour leur cuisinier, ou bien pour leur maîtresse. Certes! vous aviez là deux meubles excellens, Qui tiennent lieu d'esprit, de savoir, de talens. Gardez-les bien.

A.

Tenez, je permets que l'on rie; Mais trêve, en ce moment, à la plaisanterie. Mille gens aujourd'hui, que j'aime et que je croi, M'ont dit que dès long-temps on a les yeux sur moi, Que partout dans le monde on vante mes lumières.

B.

Ces discours sont bien doux; ils vous semblent sincères.
Telle est l'humaine espèce; et jamais un flatteur
N'eut à nos yeux déçus les traits d'un imposteur.
Moi, qu'aucune raison n'engage à vous séduire,
De ce qu'on dit de vous je veux bien vous instruire.
Vos amis, je le crois, ont pu mieux vous juger;
Très-souvent le public est injuste et léger:
Marmontel s'en plaignit quand naguère au théâtre
Le sifflet se souvint encor de Cléopâtre 1.

1. Cléopâtre, tragédie de M. Marmontel, fut jouée et sifflée pour la première fois en 1750. L'auteur l'a fait remettre au théâtre en 1784; et le public l'a encore sifflée.

Mais, enfin, ce public veut être respecté;

Il condamne, il absout, de pleine autorité;
C'est à lui qu'il faut plaire; et ce juge suprême
Peut seul casser l'arrêt qu'il a porté lui-même.
Vous ne sauriez pourtant l'accuser de rigueur:
Il vous peint jusqu'ici comme un homme d'honneur,
Sans esprit, mais bon homme, et c'est bien quelque chose;
Faible, et dont, par malheur, une Phryné dispose;
Et, s'il faut librement vous parler jusqu'au bout,
Aucuns ont prétendu que vous lui devez tout;
Qu'au fond de son boudoir, puissante protectrice,
Elle a de vos grandeurs élevé l'édifice.

A.

Fi donc! fi! Mais comment croyez-vous à cela?
Comment prenez-vous garde à ces sottises-là?
Autant vaut écouter sur un point de musique
Les discours de Suard', et ce fin politique
Qui tient le sort des rois en ses bourgeoises mains,
Rapatrie à son gré Bataves et Germains,

Ou, brouillant, sans raison, la France et l'Angleterre,
Tous les soirs au Caveau fait la paix ou la guerre.
Au poste où me voici, non, j'ose m'en flatter,
Le beau sexe tout seul ne m'a pas fait monter;

1. M. Suard, de l'Académie française, se mêle quelquefois de donner des conseils sur la musique, quoiqu'il ne connaisse pas même la gamme. Il prétend que ses oreilles académiques doivent juger de tout. (Note de Chénier.)

Et, dût-on me taxer d'un orgueil imbécile,

Peut-être un meilleur choix n'eût pas été facile.

B.

Ce n'est pas ce qu'on dit. Aurait-on si grand tort? Raisonnons un moment : le voulez-vous?

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On pourrait, tout au moins, vous taxer d'ignorance.
Pour être un bon ministre, il suffit donc, en France,
D'avoir une maîtresse et de puissans amis?
Tandis qu'en vos bureaux d'impertinens commis,
Suivant pour toutes lois une obscure routine,
Régiront de l'État l'importante machine,
Paris, édifié, chaque soir vous verra
Gouverner en sultan les chœurs de l'Opéra!

A.

Oui. L'Opéra, les chœurs : c'est dans mon ministère.

B.

Ne renferme-t-il pas plus d'un devoir austère?
L'Opéra, je le sais, peut compter sur vos soins;
Mais la prison du pauvre, où siégent les besoins;
Celle où veillent souvent l'innocence et le crime;
L'hospice où chaque instant dévore sa victime;
L'infirme à soulager, l'indigent à couvrir;
Ces routes, ces canaux, que vous devez ouvrir;
Ces champs long-temps ingrats qu'il faut rendre fertiles;
Le commerce, les arts, charme et soutien des villes:

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