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Fier encor de ce jour où la terre étonnée
Contemplait son triomphe, à sa suite enchaînée;
Et César, méditant ses immenses destins;
Et Brutus, héritier du vengeur des Romains,
Divisés d'intérêts, de soins, de politique,
Unis dans ces momens par la cause publique.

Peuple envié du monde et protégé des cieux,
Un spectacle aussi grand se présente à vos yeux.
Osez en concevoir la plus digne espérance.
O Français il s'agit du bonheur de la France:
Voyez se rassembler ses enfans, ses soutiens;
Roi, pontifes, guerriers, magistrats, citoyens,
Zélés pour le bien seul, sans orgueil et sans crainte,
Attestant la justice et la vérité sainte,

Jurant de réparer les fautes de vingt rois,
D'abolir tous les maux consacrés par des lois.
La France au milieu d'eux se plaît à les entendre;
Et, fixant sur eux tous un regard noble et tendre:

« Citoyens! qu'aujourd'hui rien ne soit oublié;

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Ajoutez, leur dit-elle, et tranchez sans pitié.

Qu'en vos heureuses mains l'État se renouvelle;

<< Hâtez-vous d'affermir sa force qui chancelle.

« Cette masse imposante, et dont l'œil est surpris, «< N'étalerait bientôt que de honteux débris; « Édifice du tems, c'est le tems qui l'outrage. <<< Plus d'un cruel abus s'appelle encore usage.

<«< Les momens sont venus: joignez tous vos efforts. « J'ai vu les protestans, bannis loin de mes bords, « De cités en cités cherchant une patrie,

<< Y porter des trésors, enfans de l'industrie. « Les arts et le travail accompagnaient leurs pas; Errans, désespérés, ils me tendaient les bras.

<< Durant un siècle entier j'ai pleuré leur absence 1: Roi, sèche, il en est tems, les larmes de la France.

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Vengeur de l'Amérique et protecteur des mers, << Laisse adorer ton Dieu sous des cultes divers. « L'État ne doit venger que la commune injure. <«< Dieu veut-il un hommage imposteur ou parjure? << Sans prévenir, du moins, le jugement des cieux, <«< Rends aux fils les climats qu'habitaient leurs aïeux. « D'excellens citoyens fréquentaient peu nos temples; <«< Et sans aller bien loin te chercher des exemples, « De ton prédécesseur Maurice fut l'appui : (< On peut servir son roi sans penser comme lui.

L'ignorance a long-temps peuplé les monastères. <«< Humbles, pauvres d'abord, de saints célibataires, <«< Sous le dais tout-à-coup cherchant des protecteurs,

1. On sait que l'édit de Nantes fut révoqué en 1685. 2. Le maréchal de Saxe était de la religion protestante. M. de Turenne, depuis converti par Bossuet, était aussi protestant quand il sauva la France, du tems de nos guerres civiles.

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Honorés, agrandis, souvent usurpateurs,

<< Stérilement dévots, traînaient dans le silence
« Des jours longs et pesans, filés par l'indolence.
« Enfin l'homme stupide, à l'oubli consacré,
<«< Eut contre le travail un refuge assuré;

<«< De citoyens vivans ces tombeaux se remplirent;
« A l'envi de Pepin vingt rois les enrichirent.
« Entends-tu maintenant les sanglots, les regrets?
«< O d'un zèle insensé trop funestes effets!

<«< Vois-tu tous ces enfans, les victimes d'un père, << Condamnés loin du monde à gémir sous la haire? << Leur bouche a prononcé le serment solennel; « Et, contraints de mentir aux pieds de l'Éternel, << Ils vont baigner de pleurs des marbres inflexibles; <«< Ils accusent le Dieu qui les rendit sensibles, << L'inexorable autel qui les tient opprimés,

<< Et ces vœux sans retour qu'ils n'avaient point formés. Martyrs ou fainéans, laisse-les disparaître;

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Éteints, et non détruits, qu'ils meurent sans renaître :

L'État ne leur doit rien; ils n'ont rien fait pour lui;

« Et le fisc épuisé redemande aujourd'hui

<< Cet or long-tems oisif, conquis sur la faiblesse. «< Bientôt, juste héritier d'une injuste richesse, «< Tu pourras accueillir de bienfaisans regards « Les essais du travail, les prodiges des arts. << Des moissons vont couvrir les landes infertiles; « Les cités vont s'orner de monumens utiles; << D'innombrables vaisseaux, élancés de nos ports,

« Du Gange et de l'Indus vont chercher les trésors. « Je vois par cent canaux circuler l'abondance;

Cent hospices s'ouvrant aux maux de l'indigence. « Laisse penser, écrire; entends la vérité.

<< Permets que de Thémis la sage austérité

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Abjure enfin des lois que dicta le délire,

« Et que l'or sans pudeur n'ait plus le droit d'élire. « Détruis ce jeu royal ouvert aux citoyens, « Ces impôts du hasard qui dévorent leurs biens; « Crains le dédale obscur de tant de mains avides «< Où vont, loin de tes yeux, s'égarer les subsides; « Crains l'amas effronté de ces valets de rois,

<< Bien payés pour remplir d'inutiles emplois :

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Apprends que, tôt ou tard, cette pompe insultante « Amène des États la ruine éclatante.

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Toujours, pendant son règne, un monarque flatté

<«< Entend bénir son nom de la postérité;

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Mais, à ce tribunal dès qu'il vient de descendre,

Trop souvent le mépris accompagne sa cendre;

<«< Et, dans soixante rois de leur siècle adorés,

« Je cherche en vain dix noms par le tems consacrés. « Mais le plus beau laurier, immortelle conquête, << De ces rois-citoyens couronne encor la tête. <«< Obtiens par tes vertus ce laurier généreux. Que des prisons d'État les fondemens affreux, Démolis, écroulés, à des lois équitables

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<«< Réservent le pouvoir de punir les coupables;

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Que le Jura soit libre'; et que, loin de mes yeux, L'esclavage, étalant son aspect odieux,

« Coure au fond d'un sérail, à Delhi, dans Byzance, <«< D'un bourreau despotique exalter la clémence.

« La Liberté n'a pas un langage imposteur:

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Quand sa bouche a loué, l'éloge est dans son cœur, « Mais l'éloge pudique et mêlé de courage.

« Elle offre avec mesure un volontaire hommage; « Dans les cœurs attiédis elle enflamme l'honneur, « Produit les grands exploits, les vertus, le bonheur, <«<< Fait les rois plus puissans, les sujets plus fidèles. « Un père idolâtré n'a point d'enfans rebelles. >>

1. Les habitans du Mont-Jura étaient encore, à cette époque, asservis au droit de main-morte.

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