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Chacun fuit en nos jours sa présence importune.
La reine des humains, l'inconstante Fortune,
Parcourant l'univers un bandeau sur les yeux,
Verse de tous côtés ses dons capricieux.
Vois tous ces charlatans, empressés à lui plaire,
A la cour, chez Thémis, et dans le sanctuaire,
Employer tour à tour la fraude et les combats,
Lutter en l'invoquant, s'égorger sur ses pas.
A ses dons quelquefois si les sages prétendent,
C'est en sages du moins; et,
du moins; et, muets, ils attendent
Que son choix... vain espoir! inutile désir!
Ses regards sont voilés; pourrait-elle choisir?

Du moment où le ciel nous offre sa lumière,
Jusqu'au jour où le ciel ferme notre paupière,
Nous vivons entourés d'ingrats et de flatteurs,
Et d'une foule oisive, écho des imposteurs;
Mais, sous la faux du tems dès qu'un homme succombe,
La vérité s'avance, et s'assied sur sa tombe.
Aux yeux de l'avenir les vertus ont leur prix;
Et l'or n'a pas sauvé Mazarin du mépris.
Ce perfide étranger, grand dans l'art de séduire,
Qui gouverna la France, et faillit la détruire,
Lègue à ses héritiers des trésors criminels,
Grossis au pied du trône, à l'ombre des autels.
Phocion, qui des Grecs releva la puissance,
Puni de ses bienfaits, supportant l'indigence,
Condamné par les lois, mais non déshonoré,

Meurt, et de ses bourreaux est bientôt adoré.
Réponds-moi: qui des deux doit exciter l'envie?
Ah! d'un culte immortel si ma mort est suivie,
Je suis prêt, diras-tu: ministres du trépas,
Apportez la ciguë, et ne me plaignez pas.

Tes aïeux ont versé leur sang pour la patrie;
A de nombreux périls ta prudence aguerrie
Fit respecter Louis chez le Maure indompté,
Eť du peuple français soutint la majesté.
Mais l'abandon payait ton zèle et tes services,
Quand le sort à tes yeux récompensait les vices;
Tu cédais, ô mon père; et j'ai vu de tes jours
Un venin sombre et lent précipiter le cours.
Et maintenant le ciel, roi de nos destinées,
Va jusqu'à cent hivers prolonger tes années;
Le ciel, te prodiguant ses rayons généreux,
Perce de tes chagrins les voiles ténébreux.
Mais lorsque, terminant tes jours longs et prospères,
Il unira ton ombre aux ombres de nos pères,
Moi, si je te survis, pâle et couvert de deuil,
Je chanterai ton nom dans l'hymne du cercueil.
Ce nom chez les Français ne sera point sans gloire;
Tous les vrais citoyens chériront ta mémoire.
Leur estime t'est due; et tes fils à leur tour
Sauront, n'en doute pas, la conquérir un jour.
Que d'autres, enrichis des misères publiques,
Insultent l'indigent sous leurs toits magnifiques,

Et du peuple affamé calculent les malheurs :
Tes fils ne seront pas héritiers de ses pleurs.
De ma mère et de toi nous aurons en partage
Des biens plus précieux, un plus grand héritage:
Nous aurons les vertus, ces richesses du cœur;
Un souvenir sans tache, et des trésors d'honneur;
Une âme fière et pure, incapable de crainte;
Et l'amour de la gloire, et la liberté sainte,
Méprisant les faveurs qu'il faudrait mendier,
Et vers un ciel jaloux levant son œil altier.

ÉPITRE AU ROI.

1789.

MONARQUE des Français, chef d'un peuple fidèle,
Qui va des Nations devenir le modèle,
Lorsqu'au sein de Paris, séjour de tes aïeux,
Ton favorable aspect vient consoler nos yeux,
Permets qu'une voix libre, à l'équité soumise,
Au nom de tes sujets te parle avec franchise.
Prête à la vérité ton auguste soutien,
Et, las des courtisans, écoute un citoyen.

Des esclaves puissans qui conseillent les crimes
Tu n'as pas adopté les sanglantes maximes;
Le peuple, en tous les tems calomnié par eux,
Trouve son défenseur dans un roi généreux.
Des préjugés du trône écartant l'imposture,
LOUIS sait respecter les droits de la nature.
C'est au peuple en effet que tu dois ta splendeur;
Et sa grandeur peut seule affermir ta grandeur.
En vain les ennemis du Prince et de la France,
Étalant sans pudeur leur superbe ignorance,

Vont d'un adroit sophisme accuser mes discours :
Mentir avec adresse est le talent des cours.
Consulte la raison, immortelle science,
Et cette autre raison qu'on nomme expérience;
Exerce ton esprit, interroge ton cœur;
Et, des tems reculés sondant la profondeur,
Fais parler devant toi les fastes de l'histoire;
Examine quels noms, dévoués à la gloire,
De trente nations maintenant révérés,
Pour l'avenir entier sont devenus sacrés;
Et de quels noms affreux la mémoire flétrie
Recueille après cent ans l'horreur de la patrie.

Des ennemis du peuple on connaît les forfaits;
Les noms de ses amis rappellent des bienfaits.
Mais il est trop de rois, il est trop de ministres,
Qui, recourant toujours à des moyens sinistres,
Oubliant que du peuple ils tiennent leur pouvoir,
Regardent comme un droit ce qui n'est qu'un devoir.
Ainsi des Armagnacs l'oppresseur tyrannique',
Des biens des Templiers l'usurpateur inique;
Ainsi l'esclave-roi de l'orgueilleux Armand,
D'un ministre barbare imbécille instrument;

1. Louis XI.

2. Plessis-Richelieu (Armand-Jean du), cardinal et ministre, favori de Louis XIII.

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