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donation d'une terre enclavée dans les domaines du couvent, Guy finit une vie pleine de jours et de vertus (vers 1157). Sa science est louée par les écrivains de son ordre; on lui attribue même un Traité sur la mu– sique qui se trouve dans les œuvres de saint Bernard, et le Journal de Cîteaux lui donne le titre de saint (1). Lorsque ce prélat mourut, Cherlieu pouvait déjà compter sur la protection des papes. Innocent II et Eugène III avaient publié des bulles pour assurer à ce monastère la jouissance de ses biens spirituels et temporels (2).

On ignore si Luc monta immédiatement sur le siége abbatial. Une charte de 1160, par laquelle Geoffroy de Jussey cède certain droit de pâturage, ne nomme point le prélat qui l'occupait alors (3). Il en est de même d'une donation de Girard, seigneur de Fouvent. En vertu de ce titre, les propriétés dont l'abbaye jouissait à Conflans, à Purgerot et à Cray (4), s'acerùrent de quelques nouveaux biens. Girard reconnut aussi qu'il avait porté de graves dommages à la communauté. Mais il lui voua une affection désormais inviolable et lui en donna un gage, en désignant dix ôtages parmi ses vassaux. Si quelqu'un troublait la paix jurée, quinze jours lui étaient accordés pour obtenir le pardon de sa faute; à défaut de réparation, il encourait une amende de cent livres (5).

(1) Tome Ier, p. 57.

(2) Ces bulles sont mentionnées dans le Cartulaire de Cherlieu, mais sans dates certaines. Celle d'Innocent II a été donnée à Latran, la seconde à Viterbe.

(3) Geoffroy de Jussey devait sans doute ce droit à son titre de sousgardien de Faverney.

(4) La ferme de Crais, territoire actuel de Jussey, plutôt que le moulin de la Craye, dépendance de Vauvillers.

(5) Piéces justificatives, N. III.

Le premier acte qui fait mention de Luc, abbé de Cherlieu, est une libéralité de Guillaume de Soye au profit de Lieucroissant; notre prélat y figure comme témoin (1). Vers 1162, il s'emploie avec Bernard, abbé de Bellevaux, et Mainard, prévôt de Saint-Paul, à régler un litige qui s'était élevé entre les églises de Lieucroissant et de Lanthenans (2). Mais c'est surtout par la fondation de l'abbaye de Beaulieu en Bassigny (1166) que son nom se recommande aux souvenirs de l'histoire. Les chanoines de Langres ayant construit ce monastère à leurs frais, demandèrent à Cherlieu une colonie de Bernardins pour l'occuper. Guy, disciple aimé de l'abbé du même nom, fut placé à la tête de cette communauté. Il eut d'abord une lutte à soutenir contre les religieux de Morimond qui, voisins de Beaulieu, firent des difficultés aux nouveaux venus sur la délimitation de leurs propriétés respectives. Mais Luc prit la cause en main et transigea avec Morimond dans l'intérêt de la maison naissante (3).

Ce même abbé Luc obtint du comte Etienne, qui partait pour la Terre-Sainte, la cession de ses droits de pêche à Jussey avec le don d'une terre à Purgerot (1169); il signa, comme témoin, une charte d'Eberard, archevêque de Besançon, en faveur de l'abbaye de Belchamp (4), et reçut

(1) Cette charte a pour objet des dîmes à Etrapes et à Geney; elle est écrite à Recologne. Guillaume de Soye, l'un des fils de Paganus, vivait de 1133 à 1160.

(2) Tit. de Lanthenans, aux archiv. de Saint-Paul, cot. 111. (3) V. Gallia christ. Nouv. édit. t. IV, 181 et 182.

(4) C'est l'église de Voujaucourt, dont l'archevêque Eberard renouvelle la donation au monastère de Belchamp. L'acte est du 5 des ides de février 1173; les témoins, outre l'abbé de Cherlieu, sont Thierry de

de Gérard de Vienne, comte de Mâcon, l'autorisation de passer, de vendre et d'acheter dans ses domaines, sans impôt ni péage (1173) (1). Il mourut peu de temps après, avec la réputation d'un prélat pieux et éclairé. Sa naissance n'était pas sans éclat, puisqu'il appartenait à la maison de Soye, fils de Paganus, qui fut l'un des premiers bienfaiteurs de Lieucroissant, frère de Thierry, prévôt de Mathay, de Guillaume de Soye et d'Albéric, tige des sires de Fallon (2). On le louera davantage, en disant qu'un titre écrit de son temps le nomme parmi les membres les plus distingués de la grande famille de saint Bernard: Sancti Bernardi genus illustre (3).

Pierre était en 1179 à la tête de Cherlieu. Ponce II, sire de la Roche-sur-l'Ognon, du consentement de sa femme et de ses enfants, accorda cette année même, aux religieux, le droit d'usage dans les forêts de sa terre (4). Miévillers et Preigney entrent dans les domaines de l'abbaye, gràce

Montfaucon, doyen de Saint-Etienne; Amédée, comte de Montbéliard, son frère aîné; Bernard, abbé de Bellevaux, et plusieurs autres. Eberard rappelle que la possession de l'église de Voujaucourt a été attribuée à Belchamp par Herbert, son prédécesseur, et il dit de ce prélat: Archiepiscopum bonæ memoriæ. (Arch. de Montbéliard.) Cette expression dément le récit de Geoffroy d'Hautecombe sur l'épiscopat et la mort tragique d'Herbert. Comment un évêque schismatique, haï de son clergé et insulté par le peuple jusque dans le tombeau, eût-il été loué par son successeur immédiat ? La réputation d'Herbert, en même temps lẻgat impérial en Bourgogne de 1163 à 1166, doit être l'objet d'un nouvel et plus impartial examen.

(1) Cart. de Cherlieu à la Bibl. royale; Histoire des sires de Salins, Į, p. 66.

(2) Note communiquée par M. Duvernoy.

(3) Hist. génér. de la maison de Vergy, aux pr. p. 493.

(4) Hist. des sires de Salins, I.

aux libéralités de Lambert de Cicon (1182) (1). Enfin Guichard, abbé de Faverney, renouvelle et confirme tout ce que ses prédécesseurs ont fait en faveur des Cisterciens (2). La remise des dîmes de Courcelotte près Anrosey, la donation de ses biens de Venisey et de plusieurs prés situés à Bougey et à Lambrey sont l'objet de la même charte. Guichard, il est vrai, n'avait point offert sans compensation des dons si abondants. L'abbé de Cherlieu promit en retour de ne rien accepter dans la suite des biens de Faverney, sans le consentement exprès de ce monastère : clause singulière provoquée sans doute par l'aliénation que Geoffroy de Jussey, sous-gardien de Faverney, avait faite des bénéfices attachés à son titre (V. p. 20). Enfin, les deux abbés conviennent que, pour entretenir l'union entre eux, on dira réciproquement dans leur monastère une messe et cinquante psaumes, au décès de chaque religieux (1184) (3).

L'an 1188 s'ouvrit à Cherlieu sous un autre chef. C'était Guy ou Widon qui, à s'en rapporter au texte d'une charte, n'était point étranger à l'administration politique ni à l'examen des affaires contentieuses dans la Bourgogne. Louis,comte de Sarwerden, gouvernait alors le Comté au nom de l'Empereur. Il vint tenir sa cour de justice à Bellevaux, pour connaître d'un litige qui s'était élevé entre ce monastère et les habitants de Quenoche. L'arrêt fut prononcé du consentement des hauts personnages qui formaient ce tribunal. Les plus remarquables étaient

(1) Histoire des sires de Salins, I.

(2) D. Grappin, Mêm. sur Faverney, p. 15.

(3) Idem, p. 16.

l'archevêque Thierry, Widon, abbé de Cherlieu, Widon, abbé de Rosières, Louis, comte de Ferrette, Amédée, comte de Montbéliard, Gislebert, vicomte de Vesoul (1).

On peut croire que si, dans la même année, cet archevêque accorda à notre monastère l'exemption de tout péage sur le pont et dans la cité de Besançon, l'entrevue de Bellevaux servit utilement à Guy II pour obtenir ce bienfait (2). Citons encore Gauthier de Châtillon (3), Hugues d'Aroz (4), Pierre de Mont-Saint-Léger, fils de Paganus de Jussey (1189) (5), parmi les gentilshommes dont Cherlieu s'honore d'avoir mérité les largesses. Les libéralités d'Aymon de Faucogney, vicomte de Vesoul, de Gérard d'Ouge, de Philippe et de Gérard d'Achey, père et fils, appartiennent aussi à cette époque (6).

L'exemption des droits de vente, d'achat et de péage accordée par Renaud III à toutes les abbayes de l'ordre de Cîteaux, fut renouvelée par le comte palatin Othon, son petit-fils, vers 1190 (7). Guy II vivait encore. Il fut même chargé plus tard de quelques missions qui font honneur à son habileté. Dans un chapitre général tenu à Cîteaux, on dénonça la conduite d'un moine de l'abbaye

(1) Perreciot, Etat civil des personnes, nouv. éd. t. III, p. 42, no 26. (2) Pièces justif. N. IV.

(3) Gauthier de Châtillon-sur-Saône, chevalier, donne à Cherlieu le droit de pâturage dans toute l'étendue de sa terre (Note de M. Duvernoy). (4) Hugues d'Aroz, fils de Renaud, confirme et renouvelle les donations faites par ses ancêtres et y joint, du consentement d'Eluis, son épouse, et de leurs enfants, l'abandon de ses terres de Preigney et de Romain, au profit du monastère. (Id.)

(5) Cart. de Cherlieu, fol. 46.

(6) Suppl. au cartul. Nos 89 et 90.

(7) Pièces justif. No V.

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