Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

du Gard, nommé Eustache. Ce malheureux avait quitté le cloître pour s'emparer à main armée d'une ferme du monastère, où il se faisait protéger, au nom du roi de France, par le prévôt d'Amiens, indigne complice de tous ses désordres. Il fallait informer le monarque de l'audace du religieux et de l'abus de pouvoir commis par le prévôt. L'abbé de Cherlieu fut député à la cour, et il dut exécuter son voyage dans les quinze jours qui suivirent l'ordre de départ (1193) (1). En cette affaire Guy II justifia sans doute par le succès la confiance dont son ordre l'honorait.

En 1194, il fut envoyé avec l'abbé de Bellevaux au couvent de Lucelles en Haute-Alsace, pour décider s'il y avait lieu d'établir, sous le patronage de cette maison, une seconde communauté. Dans ce cas, les deux mandataires avaient reçu le pouvoir de la fonder, selon les rits de Citeaux (2). Ainsi naquit le prieuré de Lautenbach, aux environs de Mulhouse.

Après la mort de Guy, Goubaud ou Gombaud monta sur le siége de Cherlieu. Le cartulaire rapporte les donations qui signalèrent son gouvernement, à la fin du XIIe siècle. Celle de l'empereur Henri VI est la plus importante, sinon par la valeur du présent, du moins par la qualité de la personne qui l'offrait. Ce monarque étant à Besançon, par un diplôme de la veille des nones de juillet 1196, rappelle les dons que ses ancêtres ont prodigués à notre abbaye, les confirme et y ajoute l'octroi d'un cens annuel de deux salées que les religieux pourront prendre

(1) Stat. cap. gen. ord. Cist. ap. D. Marienne, t. IV, p. 1277. (2) Ibid., t. IV, p. 1281.

dans la saline de Marsante en Lorraine (1). Gombaud (2) conclut à la même époque un traité avec l'abbé de Clairefontaine, au sujet des limites respectives des deux maisons. Cherlieu jusqu'alors s'était plaint sans succès des empiétements de Clairefontaine : cet acte mit fin à toutes les difficultés.

Les donations que nous avons rappelées dans ce chapitre ont pu fournir une idée de la haute fortune à laquelle le monastère s'était élevé (3). Il est permis d'y ajouter encore par l'imagination, surtout quand on aborde, en commençant le XIIIe siècle, la description de la magnifique église de Cherlieu,

(1) Inv. de Cherlieu, cot. 42.

(2) Paradin (Ann. de Bourgogne) l'appelle Agobard.

(3) Un siécle après, c'est-à-dire en 1294, le revenu annuel de Cherlieu était évalué à sept mille livres, équivalant à près de 120,000 fr., monnaie actuelle.

CHAPITRE II.

[ocr errors]

Du style de transition entre l'architecture byzantine et l'architecture ogivale. Description de l'église de Cherlieu.-Succession des abbés jusqu'au milieu du XIIIe siècle. Les deux branches de Bourgogne protègent et enrichissent également le monastère - Décadence de la discipline.Dons multipliés des seigneurs. Les sires de Vergy se distinguent surtout par leur bienfaisance envers Cherlieu.-Réflexions sur les caractéres de cette époque et des âges suivants.

[ocr errors]

Du douzième au treizième siècle, d'importantes modifications s'introduisent dans l'architecture, et forment une sorte de transition entre le style byzantin qui dominait encore et le style ogival qui commençait à prendre faveur. Déjà les colonnes réunies en faisceau se détachent avec élégance de la muraille sur laquelle elles étaient appuyées. Tantôt garnis de feuillages fantastiques, leurs chapitaux se rapprochent de l'ordre corinthien; tantôt couverts de petites figures profondément ciselées, ils annoncent les caprices et la bizarrerie d'une école nouvelle. Les portes sont décorées d'une riche archivolte supportée par des cariatides aux formes tortueuses, et les ouvertures circulaires se transforment dans leur développement en ces roses magiques qui produisirent un si merveilleux effet, et par leur rayonnement et par leurs brillantes couleurs. C'était pour l'art une heureuse innovation, une véritable conquête. Partagées d'abord par quelques meneaux qui, partant du centre, rayonnaient vers la circonférence, et présentaient plus ou moins de rapport avec

les pièces d'une roue, les rosaces prennent dès ce moment leur place aux extrémités des transepts, au-dessus de la porte principale, et quelquefois au centre de l'abside ou du chevet. Mais la modification sans contredit la plus importante est l'introduction de l'arcade en ogive. Elle n'est pas immédiatement ni exclusivement substituée au plein cintre; pendant la période de transition elle se montre simultanément avec la forme ancienne. Ainsi, il n'est pas rare de rencontrer dans les édifices du douzième et du treizième siècle soit une ogive encadrée dans un plein cintre, soit des arcades alternativement circulaires et ogivales. Il faut ajouter que l'ogive n'a acquis jusqu'alors ni toute la pureté ni toute la grâce de ses formes : ou bien elle s'éloigne peu du cintre, ou bien encore elle est très aiguë et se montre parée des ornements et des moulures propres à la période romano-byzantine (1).

1

Ce style transitionnel qui, selon quelques antiquaires, caractérise les édifices du XIIe siècle, est précisément celui de l'église de Cherlieu. Je ferai cependant observer que ce monument magnifique peut bien n'appartenir qu'à la moitié du siècle suivant. Il faut admettre que les religieux, avant de l'entreprendre, ont employé de longues années à grossir leur épargne et à préparer leurs matériaux. En outre, on convient généralement que la Bourgogne a été toujours retardée dans les progrès de l'architecture et des autres arts. Au premier aspect, nos édi fices anciens paraissent d'un temps plus reculé que l'époque même à laquelle ils se rapportent véritablement. Leur figure est un peu plus vieille que leur date.

(1) V. Cours d'antiquités monumentales par M. de Caumont.

L'église de Cherlieu, dans son intégrité majestueuse, présentait l'image d'une croix latine à trois nefs. Ses dimensions colossales ont fait dire avec raison aux historiens et aux voyageurs qu'elle était la plus grande et l'une des plus belles de Franche-Comté. Sa longueur, depuis le portail servant d'entrée jusqu'à la chapelle de la Ste.-Trinité qui formait l'abside, était de 105 mètres; la largeur de la grande nef 12. 71, et celle des bascôtés pris ensemble, 13m. 54. Le transept avait 54TM. 25, et on évaluait à 22′′. la hauteur de la voûte. Par suite du prolongement contourné des nefs latérales, on circulait dans l'intérieur de la basilique sans troubler les cérémonies célébrées au maître-autel. Cette disposition laissait encore au peuple un abord facile auprès des chapelles secondaires, que l'on avait grouppées autour du sanctuaire principal comme autant de sanctuaires particuliers. Elles étaient au nombre de sept, par une allusion mystique à divers passages de l'Écriture-Sainte; et comme le plan de l'église représentait une croix, on pouvait voir aussi dans l'addition de ces chapelles une imitation ingénieuse de la couronne du Christ ou du nimbe qui entoure son front divin. Le maître-autel figurait la tête du Sauveur. Il était placé en avant de l'abside et recouvert d'un marbre de Gênes. La circonférence dont il formait le centre, était décrite par huit colonnes au fát élancé et au chapiteau d'une élégance presque corinthienne. Une boiserie en chêne, haute de quatre mètres et enrichie de sculptures symboliques, régnait autour de ces colonnes, et soixante-dix-huit stalles descendaient à double rang de chaque côté du chœur.

En parcourant les autres parties de l'édifice, on trou

4

« ZurückWeiter »