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Cependant les princes se succédaient les uns aux autres dans les deux branches de Bourgogne, sans que Cherlieu cessât d'être un seul instant l'objet de leur affection et de leurs aumônes. Etienne II, si magnifique à son égard, mourut le 16 mars 1241. On l'inhuma à l'abbaye de La Charité où il avait passé une partie de sa vieillesse, et Jean de Châlons y choisit, à côté de son père, un tombeau pour lui-même (1). La pensée de sa dernière heure préoccupait déjà ce prince à qui l'âge déjà mûr n'avait rien ôté ni de sa vigueur ni de sa puissance. Après avoir désigné le lieu de sa sépulture, il pourvut d'avance au repos de son âme en fondant sur des bienfaits le doux et légitime espoir des prières des vivants. Cherlieu reçut de lui, à charge d'un anniversaire, une rente de cent soudées de sel sur son puits de Salins (1243) (2).

Les sires de Fouvent, connus dès le XIe siècle et également distingués par leurs faits d'armes, par leurs richesses et par leurs alliances (3) n'avaient laissé qu'une fille pour recueillir l'héritage de leur nom. Devenue l'épouse de Guillaume de Vergy, seigneur d'Autrey, Clémence de Fouvent continua les relations tout à la fois bienveillantes et profitables que ses ancêtres entretenaient avec Cherlieu. Les deux maisons se prêtèrent un mutuel

gen, comme donation de la maison d'Habsbourg, puis, en vertu d'un achat, à la famille de Imhof, à Lucerne. (Not. de M. Duvernoy.) (1) M. Ed. Clerc, I, p. 426.

(2) Hist. des sires de Salins, t. I.

(3) Dans le XIe siècle florissait Gerardus de Fouvent, clarissimus consul, selon l'expression d'une charte. (Preuv. de l'hist. de Vergy, par Duchêne.) Un autre, Girard, l'un de ses descendants, alla mourir dans la terre sainte en 1170. Il avait épousé Ciémence, fille de Richard II, sire de Montfaucon. (Note de M. Duvernoy).

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secours pour accommoder le litige qui s'était élevé entre les moines de Saint-Benigne de Dijon et Jacques, seigneur de la Risie. Celui-ci attaquait ces religieux, parce qu'ils avaient reçu dans une communauté de leur dépendance sa fille au nombre des nonnes. Il cessa ses plaintes, moyennant une somme de 15 fr. un boisseau de froment et un boisseau d'avoine qui lui furent remis en présence de Guillaume, abbé de Cherlieu, et de Clémence, dame de Mirebel et d'Autrey (1242) (1). Cette bonne intelligence s'altéra plus tard lorsqu'Henri de Vergy, ayant oublié peut-être les sentiments de sa famille envers les fils de saint Bernard, leur suscita sur plusieurs points respectés jusqu'alors, une sérieuse contestation. Le droit d'usage dans certains bois, l'ouverture d'un étang à Corcelle, la bâtisse d'un four à Lavigney furent de part et d'autre l'objet d'une dispute animée. Clémence, plus sage que son fils, le détermina par ses conseils à abandonner ses prétentions fort douteuses et à ratifier, par une charte du mois de novembre 1254, les libéralités de ses aïeux (2). Cette pièce, munie du sceau de l'abbé et des armes de Vergy, fut longtemps conservée dans les archives de Cherlieu.

La mort de l'abbé Guillaume I arriva en 1256. Outre l'accroissement des domaines du cloître par suite des aumônes de tant de bienfaiteurs, ce prélat avait fait lui-même quelques acquisitions. Tel fut entre autres l'achat des pâturages de Combeaufontaine et de Contréglise, conclu en 1237 avec le chevalier Renaud, dit

(1) Hist. de la maison de Vergy, t. 1o.-Id. Pérard, Rec. de pièc. 450. (2) Hist. de la maison de Vergy, II, p. 194-195.

Malechar, de Champey, en présence d'Amédée, abbé de La Charité et d'Arnould, doyen de Traves, pour 12 liv. estev. (1).

Albéric qui remplaça Guillaume, ne nous est connu que par une transaction du 26 mars 1256 (V. S.). Elle avait pour objet les prétentions respectives de l'abbaye et des sires de Beauffremont sur Trémoncourt, Tartécourt et Magny (2). Agnès de Ferrette, veuve de Pierre de Beauffremont, consentit à ce traité de concert avec Liébaud son fils. Le sceau de la noble dame y fut apposé avec ceux de Clémence de Fouvent et de Henri de Vergy, sénéchal de Bourgogne (3). Ce dernier mourut le 27 octobre 1258. On l'enterra à Cherlieu dans une chapelle affectée dès-lors aux sépultures de sa maison, et la rose de Vergy fut gravée sur les pilastres et sur les murailles de l'église. Mais c'est surtout à Theuley qu'on en retrouvait l'empreinte, avec la plupart des tombes qui avaient reçu les restes mortels de ces preux chevaliers. Un des frères de Clémence, Anselme de Fouvent, chanoine de Langres, passa, en juin 1263, un acte d'accommodement avec notre monastère. Les objets en litige étaient un droit de péage à Cornot, une rente en blé à Pressigny, l'établissement d'un escalier et celui d'un barrage sur la rivière de Vauconcourt. Anselme, après avoir abandonné toute prétention sur ces divers points, ratifia les bienfaits de son père et

(1) Inv. de Cherlieu: Combeaufontaine, cot. 2. (Note communiquée par M. Duvernoy.)

(2) Dunod, Hist. du Comté, II, p. 498. n 567.

(3) D. Plancher, Hist. de Bourg. II, p. 343.

Schoepflin, Als. dipl. I,

de ses frères, Girard et Henri (1). Dans la même année, au mois d'août, les abbés de Cherlieu et de Faverney apposèrent leurs sceaux à l'engagement de la moitié des château et ville de Port-sur-Saône fait, pour 2000 liv. estev., aux comtes palatins Hugues et Alix, par Philippe de Montaigu, sire d'Antigny, et Flora sa femme (2).

Nous avons déjà vu naître et grandir le relâchement dans Cherlieu. Ce cloître devait s'enrichir encore et par là devenir plus inaccessible à la réforme. Dès le commencement du XIV siècle, les occupations manuelles prescrites par la règle de Cîteaux tombent en désuétude. C'est assez dire l'état des mœurs. Cherlieu, en se déchargeant sur des serfs du soin pénible de la culture, ne sait point remplacer le travail du corps par celui de l'intelligence. Le souvenir de saint Bernard s'efface presque dans tous les cœurs ; notre histoire n'est plus désormais qu'une longue et lamentable décadence, mêlée aux pompes funèbres des princes de la terre. Devenus les gardiens des plus somptueux tombeaux, les religieux mènent le deuil des puissances du monde auxquelles ils accordent un asile, sans pleurer eux-mêmes sur leur propre grandeur qui décline et se perd au sein d'une oisive opulence.

(1) Hist. de la maison de Vergy, t. II, 190-191.

(2) Chambre des comptes, p. 193.-Jean de Vergy, sire de Fouvent, possédait l'autre moitié sous le fief du comte palatin. La maison forte de Port-sur-Saône, près du prieuré de ce nom, fut construite en 1289 par Hugues de Bourgogne, l'un des fils puinés de Hugues et Alix. (Note de M. Duvernoy.)

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CHAPITRE III.

Des sépultures dans les monastères. Hngues et Alix de Bourgogne sont inhumés à Cherlieu. Othon IV, son caractère et ses malheurs. Il livre le Comté à la France. Sa mort, son convoi funèbre, son tombeau.-Bulles des papes en faveur de notre monastère. Suite chronologique des abbés. Leurs principaux actes. Désastres du XIVe siècle.

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Un des plus nobles ornements des églises monastiques était assurément le pavé lui-même, à la fois historique, moral et religieux. On eût trouvé difficilement une mosaïque plus riche et plus intéressante. Chaque siècle à son tour était venu déposer au pied des autels des témoignages aussi variés que magnifiques du néant des grandeurs humaines. Des images d'abbés, d'évêques, de princes même, encadrées par divers ornements, rehaussées de parties colorées, mêlées quelquefois, mais trop rarement, à la pierre plus modeste d'un laboureur, formaient dans ce champ de la mort un tapis à mille pièces, tantôt fastueux et tantôt simple, toujours digne des yeux du voyageur et du respect des familles qui venaient s'y agenouiller. Ici un nom seul arrêtait la vue ; là elle se reposait sur des écus blasonnés et des épitaphes pompeuses, vaine accumulation de titres et de dignités qui faisait ressortir avec plus d'éclat encore l'inexorable impartialité de la tombe.

Cette gloire et ces leçons n'ont point manqué à

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