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qu'ils cherchaient l'avantage d'autrui et non point une commode aisance. On en compte jusqu'à dix-sept : elles s'établirent en moins de cinquante ans (1). On est étonné en voyant le grand nombre d'hommes distingués qu'a fourni dans notre seule province cet ordre dont de prétendus sages avaient rendu l'ignorance proverbiale. Le P. Louis de Dole et le P. Gratien de Montfort étaient deux grands théologiens au 17° siècle. Le P. Julien de Rignosot a laissé la relation de son voyage à Constantinople, où il mourut de la peste en 1710. Le P. Romain Joly, de Saint-Claude, le P. Sixte de Vesoul le P. Tiburce de Jussey, le P. Chrysologue de Gy, le P. Dunand étaient de savants géographes, des orientalistes, des naturalistes, des astronomes, des historiens, etc. Théologiens plus instruits et prédicateurs des classes plus élevées, les Oratoriens n'eurent de couvents qu'à Poligny (1617), à Salins (1623) et à Besançon (1664). Mais le génie, la sainteté, l'onction pénétrante du P. Le Jeune ont suffi pour assurer leur influence dans la province et pour y perpétuer leur gloire.

Louons aussi les Jésuites sans affectation comme sans

(1) Les Capucins fondent des couvents à Salins (1583), à Dole (1587), à Gray (1588), à Besançon (1607), à Vesoul (1608), à Poligny (1614), à Pontarlier (1618), à Champlitte et à Lons-le-Saunier (1619), â Luxeuil (1620), à Faucogney, à Pesmes, à Jussey (1621), à Baume et á Lure (1624), à Saint-Amour (1628), à Saint-Claude (1639).

réserve; ils n'ont laissé en Franche-Comté que d'honorables souvenirs pour un historien sincère, ces souvenirs sont des lois. Dans la province, Dole posséda le premier et le plus célèbre de leurs colléges (1582). Besançon (1597), Vesoul (1610), Pontarlier (1613), Salins (1624), Gray (1653), doivent à cette illustre compagnie leurs écoles publiques. Elle a donné aux lettres les PP. Chifflet (1), Lambert, Voël, Clément, Mayre, professeurs pleins d'érudition et de goût; aux sciences et à l'histoire les PP. J. François, de Saint-Claude, mathématicien, Richard, d'Ornans, éditeur d'Apollonius de Perge, Dunod, l'auteur de la Découverte de la ville d'Antre, Panel, mort garde des médailles du cabinet du roi d'Espagne; à la chaire, le P. Oudeau, de Gray, auteur de plusieurs panégyriques, les PP. Guillemin, connu par des discours du même genre, Nicolas Patouillet, l'ami et le compagnon de Bourdaloue, Joseph de Menoux, prédicateur du roi Stanislas; aux missions, les PP. Parennin et Attiret qui ont exploré et évangélisé la Chine au nom de Jésus-Christ, Jacques Ranconnier dont les lettres sur le Paraguay ont fait couler les larmes de M.

(1) Cette famille illustre dans les lettres a donné deux membres à la Société de Jésus, Pierre François Chifflet, à qui l'on doit un grand nombre de savants ouvrages historiques, et Laurent Chifflet, auteur de plusieurs écrits ascétiques et dont le nom se trouve à la tête de la meilleure édition du Dictionnaire polyglote de Calepin.

de Châteaubriand, Sébastien Racle, mort en 1724, victime des Anglais et martyr de la foi chez les sauvages de l'Amérique. Tels sont les hommes que les Jésuites choisissaient dans notre patrie pour recruter leur société. D'autres, élevés par les mêmes maîtres, sont devenus l'honneur du sacerdoce, de la magistrature et du barreau. Supprimés dans le royaume en 1764, les disciples de saint Ignace ont emporté, en quittant la province, des regrets dont l'expression n'est pas suspecte. On disait à Dole : « la » ville a tout perdu depuis le départ du parlement et le » renvoi des Jésuites. » On écrivait à Gray « que ces insti» tuteurs de la jeunesse, si habiles et si dévoués, n'a» vaient pu trouver de dignes continuateurs, même dans » les rangs du clergé sans reproche (1), » et le conseil de ville, par une lettre publique, adressait à la compagnie les plus flatteurs remercîments. Enfin le parlement de Franche-Comté fut une des quatre cours souveraines qui, s'opposant à l'abolition de l'Ordre, refusèrent l'enregistrement des lettres patentes qui l'avaient décrété.

On préludait, par la destruction des Jésuites, à celle des autres ordres religieux. Avant ce dernier attentat, une ère de labeurs et de gloire s'accomplissait encore pour les bénédictins de la province. Les maisons de SaintVincent, de Faverney et de Luxeuil s'étaient régénérées

(1) Rech. hist. par M. Crestin, 233-235.

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en acceptant la réforme de Saint-Vannes, et depuis plus d'un siècle elles donnaient le jour à une foule d'hommes vertueux et savants que saint Benoît n'eût point désavoués. D. Coquelin, D. Payen, D. Couderet, D. Feron et surtout D. Berthod et D. Grappin parurent à la tête de cette troupe d'élite qui recueillit, classa et mit en œuvre presque toutes nos archives civiles et monastiques. On dirait aujourd'hui qu'ils ont écrit, copié, compulsé avec la prévision d'un prochain bouleversement, tant ils montrèrent de zèle à apporter le tribut de leur érudition dans tous les débats littéraires et historiques de cette époque. Ce travail était en effet le testament de leur ordre. Il fut à peine achevé que la révolution française éclata; l'histoire a dit le reste, mais elle ne l'a pas encore apprécié sainement.

Tout s'est renouvelé parmi nous, les institutions, les idées, les mœurs et les hommes la foi seule n'a pas changé. Pourquoi n'aurait-elle plus ses héros? Pourquoi cesserait-elle d'inspirer à quelques âmes de sublimes sacrifices et d'offrir aux victimes des passions ces demeures de la piété et du recueillement où nos pères reposaient leur tête? J'ignore quelle sera, en Franche-Comté la destinée future des ordres religieux. On peut cependant assurer que si une catastrophe a détruit leurs établissements et fait vendre leurs biens, elle n'a pas mis fin à leur histoire. Déjà nous les voyons renaître de leurs cen

dres: sans changer d'esprit, sages autant que dévoués, ils modifient leurs moyens d'action,selon les circonstances et les hommes. Quelques maisons d'éducation et de refuge, des hôpitaux, des ateliers de charité, un cloître inachevé au Val de Sainte-Marie, les ruines de Montigny, d'Acey et de La Grâce-Dieu, voilà tout ce que l'esprit monastique, encouragé par deux prélats, guidé par leurs conseils, animé par leurs bienfaits, a pu jusqu'ici conserver ou reconquérir dans nos contrées. Que Dieu protège les prémices de cette renaissance! ce n'est plus le temps de craindre pour les maisons religieuses l'amour de l'indépendance, des richesses et de l'oisiveté. Humbles, pauvres, soumises à l'autorité diocésaine, elles s'accroîtront et se multiplieront sans danger pour ellesmêmes. Les sympathies, les succès ne leur manqueront pas, et leur action sur la société, pour avoir moins d'éclat, ne sera ni moins certaine ni moins durable.

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