se brise; son unité se fractionne en es

pèces, se disjoint en individus; et ces membres épars finissent par entrer en guerre les uns contre les autres.

L'homme, emporté de plus en plus par les passions animales, après s'être attaché à leur remorque, se met à leur service. Il crée à leurs instincts de guerre des instrumens de destruction et de défense; il dévoue à la rage dévorante qui se déploie dans certaines races, d'autres races en pâture; il leur aiguise des serres pour saisir leur proie, des becs tranchans pour les déchirer, des dents aiguës pour les dévorer, et ce privilége sanglant est accordé à celles qui sont plus rapides à réfléchir sa fureur.

Cependant tous ces êtres, qu'il déchaîne ainsi les uns contre les autres, lui de

viennent bientôt à lui-même redoutables. Au milieu de ces créations menaçantes qui cessent d'entendre sa parole, s'insurgent contre sa volonté, et dont la forme monstrueuse qu'il leur a donnée dans son vertige commence à frapper son regard dévoilé, l'homme est saisi de stupeur, il se sent nu, se voit sans défense; il est épouvanté de son œuvre, mais il ne peut plus reculer; il lui faut désormais fortifier son être contre l'irruption des élémens, emprunter à la matière une protection contre la matière elle-même. Et dans une suprême évocation, rassemblant ce qui lui reste du feu créateur, il se pétrit une enveloppe d'argile (14); et sa vie qu'il devait communiquer à l'animal en l'élevant jusqu'à lui, revêt la forme de l'animal avec lequel il a contracté une alliance adultère. L'ange de la terre, qui avait conservé des ailes pour se rallumer dans l'in

fini, est foudroyé par le feu céleste, pour avoir voulu, comme l'ange du ciel, le ravir à Dieu, s'en faire la source indépendante, unique. La terre qu'il devait étreindre dans ses féconds embrassemens, se refroidit, s'obscurcit, s'éteint, s'enveloppe d'un corps de granit, comme l'homme d'un corps de chair; et le repoussant de son centre incandescent, elle le rejette à sa circonférence, elle enchaîne le Titan à sa surface pétrifiée.

Et le frisson d'agonie qui parcourt tous les membres de la planète, le soupir funèbre qui s'élève du sein de tous les êtres vivans, la malédiction de toutes ces créatures, la mort qui le menace, et le remords qui lui en fait déjà connaître les affreux mystères, tous ces vautours vengeurs dévorent sans relâche ses entrailles renaissantes à la douleur, jusqu'à ce qu'elle lui fasse recon

naître dans le craquement du monde la voix irritée du Tout-Puissant, et pousser vers le ciel dans cette universelle clameur de désespoir, un cri de repentir (15).

HOMME CHARNEL.

La liberté! sublime et redoutable puissance de la créature! Puissance sublime qui la fait entrer en partage avec l'activité du Créateur; redoutable puissance, entre les mains de l'être qui n'est pas, comme Dieu, principe de son être, qui n'a pas en soi la vie, qui ne possède pas l'indépendance pour empêcher ses déviations!

Mais si cette auguste prérogative peut devenir un écueil, combien la miséricorde divine est prompte à se rendre à l'appel du repentir! Et si Dieu ne peut effacer les