Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

--

mièrement vous réconcilier avec votre frère, et alors seulement vous pourrez venir achever votre oblation. Vous savez qu'il a été dit, QEil pour æilet dent pour dent; et moi je vous dis Ne résistez pas à la malveillance, mais si quelqu'un vous frappe la joue droite, présentez-lui encore l'autre; à celui qui veut entrer en procès avec vous et vous enlever votre tunique, láchez-lui aussi votre manteau, et si quelqu'un veut vous forcer à faire mille pas de chemin, allez avec lui encore un second mille. (Matth. v, 21-41.)

« Il ne bornait même pas là le devoir; après avoir désarmé l'égoïsme jusque dans le fond du cœur, il voulait plus : le transformer en charité; et il faisait entendre ces étonnantes paroles:

« Vous avez appris qu'il a été dit : Vous aimerez votre prochain et vous hairez votre ennemi; et moi je vous dis : Chérissez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous veulent du mal, et priez pour vos calomniateurs et vos persécuteurs, afin que vous soyez les enfants de votre Père qui est dans les cieux, et qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et tomber sa pluie sur le champ du juste et du pécheur. (Ibid., 43-45.)

« Et quelqu'un lui demandant : Combien de fois pardonnerai-je à mon prochain, lorsqu'il aura péché contre moi? Sera-ce jusqu'à sept fois? Il répondit: Je ne vous dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à septante fois sept fois (Matth. XVIII, 21, 22), c'est-à-dire sans tin.

« Et quelqu'un lui demandant encore : Quel est mon prochain? Il répondit par cette parabole si touchante et si instructive du Samaritain (Luc. x, 29-37), faisant voir que le prochain n'était pas seulement le compatriote et le coreligionnaire, mais l'hérétique lui-même et l'étranger.

« Ramenant tous ces préceptes de charité en une phrase ardente elle-même de charité, il disait, en allant donner sa vie pour ses amis Je vous fais un commandement nouveau, qui est que vous vous aimiez les uns les autres, et que vous vous entr'aimiez de même que moi je vous ai aimés. C'est à cela que tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres. (Joan. xIII, 34, 35.)

« Entin, il épuisait toute mesure en proposant au cœur de l'homme le cœur de Dieu lui-même pour mesure : Soyez pleins de miséricorde, comme votre Père céleste est plein de miséricorde. (Luc. vi, 36.) Soyez parfaits, de même que votre Père céleste est parfait. (Matth. v, 48.)

«Quelle morale! quelle doctrine! quelle lumière d'en haut! quelle sainteté et quel ennoblissement pour l'espèce humaine!... Mais quelle révolution dans toutes les idées reçues ! quel renversement dans toutes les conceptions de l'esprit humain ! quelle subversion de la nature terrestre!... Quoi! tous égaux, tous frères ! Quoi ! l'esclave avant le maître l'enfant avant le philosophe! le publicain avant le pharisien! Quoi! bienheureux les pauvres! bienheureux ceux qui pleurent! bienheureux ceux qui sont persécutés! Quoi! pardonner les offenses et les

pardonner toujours! chérir ses ennemis et les aimer autant que soi-même! Quoil s'humilier, se renoncer, porter une croix, mourir à tout pour avoir la vie, se perdre pour se sauver, tout quitter pour tout avoir ... Quand la Sagesse éternelle fit éclore l'univers du sein du chaos, que tous les éléments confondus se divisèrent et coururent se ranger à la place qui leur était prescrite: la lumière dans le firmament, les eaux dans le gouffre des mers, les airs dans l'espace, et que la terre desséchée sortit toute radieuse de jeunesse et de virginité, se balançant sur son double pôle, cette Sagesse, éternelle ne se manifesta pas plus vivement que lorsque, descendant elle-même parmi nous, elle fit ainsi jaillir le monde moral du chaos de l'esprit humain, et, renversant, dispersant toutes nos fausses conceptions, mettant au ciel ce que nous avions mis en terre, et précipitant dans l'abîme ce que nous avions déifié, appelant bonheur les maux et malheur les biens, elle éclata ainsi jusqu'à paraître à la terre une folie. »

Demanderez-vous, après cela, si la morale. chrétienne est aussi extraordinaire qu'on le dit?

On peut bien la pratiquer sans religion, avez-vous ajouté.

Comment cela se ferait-il, puisque c'est la religion qui nous la fait connaître... Comment cela se ferait-il, puisque c'est la religion qui nous la rappelle sans cesse, lorsque tout contribue à nous la faire oublier?... Comment cela se ferait-il, puisque c'est la religion qui propose à notre imitation ces beaux exemples de morale chrétienne dont nous n'avons pas moins besoin que des préceptes?... Comment cela se ferait-il, puisque c'est la religion qui nous apprend à vaincre le démon, le monde, nos passions, ces continuels ennemis de la morale chrétienne?... Comment cela se ferait-il, puisque c'est la religion qui met continuellement sous nos yeux l'indispensable sanction de la morale chrétienne, cette sanction qui consiste dans les châtiments de l'enfer et les récompenses du ciel?...

Développons un peu quelques-unes de ces idées que nous venons de jeter ici, en quelque sorte, l'une sur l'autre, en réponse à une assertion d'une si évidente fausseté.

La morale est une conséquence nécessaire du dogme. Pourquoi l'humilité profonde du fervent Chrétien dont l'âme est dans les cieux? C'est qu'en présence de celui qui est tout, et de qui nous avons reçu ce que nous possédons, il ne reconnaît en lui-même que misère et néant. Pourquoi le voyons-nous pousser la charité jusqu'à aimer ses enuemis, jusqu'à se sacrifier pour leur bonheur? C'est qu'il croit en Jésus-Christ, qui nous & enseigné cette héroïque vertu et l'a si bien pratiquée lui-même. Pourquoi cette perfec tion qui le porte à cacher ses bonnes œuvres sous le voile de la modestie, à observer la loi en secret avec la même exactitude qu'en public, à régler ses paroles, ses pensées, le moindre mouvement de son cœur? C'est

qu'il voit Dieu partout, c'est qu'à l'exemple du grand Apôtre il se sent agir, exister dans son sein. La morale suit donc le dogme nécessairement elle en est la conséquence rigoureuse, avons-nous dit déjà avec raison. Nécessaire à la stabilité du dogme, l'enseignement de la religion se trouve donc, par cela même, nécessaire à la stabilité de la morale, qu'il affermit ainsi dans sa base.

Ce salutaire enseignement n'est pas moins indispensable à l'homme pour l'aider à tirer les conséquences souvent éloignées du prineipe de la foi qu'il pose et maintient dans les ames. Il est même évident que pour cela, je veux dire pour l'application de la morale, la nécessité s'en fait beaucoup plus fréquemment sentir. Le symbole chrétien se compose d'un très-petit nombre d'articles rigoureusement obligatoires. Mais il n'en est point ainsi de ces vérités pratiques qui s'incarnent, si je puis m'exprimer de la sorte, dans nos actions de chaque jour. Qui que nous soyons, à quelque âge, dans quelque position que nous nous trouvions, nous avons tous de nombreux devoirs à remplir, et ces devoirs sont de toutes les heures, de tous les instants. Est-ce que nous pouvons faire un seul pas sur la terre sans que la conscience nous rappelle mille obligations diverses? Nous avons un Dieu à servir, une âme à sanctifier, des frères à consoler dans ce lieu d'exil, à entraîner avec nous à la conquête du ciel. Sous le toit domestique, nous sommes continuellement en relation avec les membres de notre famille; dans la cité, avec nos concitoyens; dans l'Eglise, avec tous les hommes (108).

Quand le corps cesse d'agir, il y a en nous quelque chose qui agit encore: c'est l'âme, essentiellement active. Cette substance immatérielle, la plus noble partie de notre être, ordonne et dirige nos actions extérieures. Elle donne tour à tour, en souveraine, aux organes destinés à la servir, quelquefois même à plusieurs en même temps, l'impulsion que chacun attend; et, pendant que ses ordres sont exécutés, elle se livre à des opérations d'un ordre supérieur. Les organes, ses serviteurs, entrent bientôt en repos, fatigués du travail qui leur a été imposé, mais elle, infatigable, ne cesse pas d'agir. Ses méditations sont même devenues plus profondes que jamais. Participant en quelque sorte, à la toute-puissance de celui qui l'a créée à son image, elle se rappelle le passé, perdu pour la terre, mais fidèlement gravé dans le ciel au livre de vie. De l'abîme du passé, elles'élance dans les profondeurs de l'avenir, qui lui cause de si terribles inquiétudes. L'état présent dans lequel elle se trouve devient aussi l'objet de ses grandes sollicitudes. Elle approuve ou condamne; elle s'abandonne à la joie ou à la tristesse... De là de nouveaux devoirs à remplir pour que les

(108) La philosophie païenne avait reconnu cette vérité, comme le prouve ce passage si remarquable de Cicéron :

Nulla enim vitæ pars, neque publicis, neque privasis, neque forensibus, neque domesticis in rebus, ne

pensées de notre âme se trouvent en conformité avec les pensées de Dieu. Et qu'on ne dise pas Peu importe ces pensées qu'aucun œil n'aperçoit!» Car des pensées mauvaises sont déjà un grand désordre en ellesmêmes; et quand elles se sont enracinées dans notre âme, elles ne tardent guère à passer dans nos actions, et à produire des fruits abondants d'iniquités. Le Maître l'a dit: C'est du cœur que partent les mauvaises pensées, les homicides, les adultères, les fornications, les vols, les faux témoignages, les blasphèmes. (Matth. xv, 19.)

Or, je le demande, qui nous enseignera,. avec exactitude, ces devoirs nombreux que nous avons à remplir dès notre entrée dans la vie? Qui guidera, d'une main sûre, le faible enfant, l'homme du peuple, dont l'enfance se prolonge quelquefois jusqu'à la mort, le savant lui-même, si souvent plongé dans les ténèbres des passions, de l'orgueil' particulièrement? Qui nous remettra à tous le fil nécessaire pour nous diriger dans ce labyrinthe immense au milieu duquel nous nous trouvons placés, et pour nous en faire sortir heureusement? La religion, et il nous sera bien permis d'ajouter ici: la religion catholique. Elle seule a jusqu'à la fin les yeux ouverts sur nous, comme une mère véritable sur ceux qu'elle a portés dans son sein et nourris de son lait. Toutes les autres disent, comme des marâtres, à ceux qui, en réalité, ne sont point leurs enfants : « Vous êtes en âge, agissez. »

Remarquons encore que l'accomplissement de nos devoirs présente presque toujours quelque chose de difficile et même de pénible. Vertu est, en latin, synonyme de force, de courage; et il en faut beaucoup réellement, pour faire à chaque instant le sacrifice de sa volonté propre. De même que le dogme est la règle de l'intelligence, la morale est la règle de la volonté ; et, comme la volonté se dirige ordinairement d'après l'impulsion du cœur, il suit de là que la morale est en définitive la règle, le frein du cœur. Or savezvous ce qu'est le cœur ? C'est un double abîme au fond duquel le Seigneur semble avoir déposé les trésors de sa miséricorde et de sa justice, l'une et l'autre infinies. C'est par le cœur que l'homme est grand ou petit, sublime ou rampant, bon ou pervers. Quel est ce généreux soldat qui vole avec empressement où l'appellent les intérêts et la gloire de son pays? La mort est certaine au poste d'honneur qu'il vient occuper. Il l'attend de sang-froid, il l'affronte même. Il tombe percé de mille coups; et, tournant son regard vers sa chère patrie, il semble expirer sans douleur. C'est son cœur courageux et dévoué qui l'a porté à cet acte d'héroïsme. J'en aperçois un autre placé au même poste. Le malheureux ! il fuit devant l'ennemi, et, sur son visage trop peu consterné, on peut voir qu'il a vendu sa patrie que si tecum agas quid,neque si cum altero contrahas. vacare officio potest: in eoque colendo sita vitæ est honestas omnis, et in negligendo turpitudo. › (De officiis.)

pourquelques pièces de monnaie. Cœur lâche et méprisable! Vas cacher ta honte dans l'obscurité. La mort eût été ton bonheur et ta gloire; la vie ne sera pour toi qu'ignominie et souffrance. Pourquoi ce nouvel apôtre vole-t-il jusqu'aux extrémités de la terre, où l'appellent de pauvres sauvages, dont il connaît à peine le nom? Parce que le feu le plus pur de l'amour brûle au fond de son cœur. Pourquoi, au contraire, cet impie s'efforce-t-il de pervertir tout ce qui l'environne, par ses paroles d'une obscénité révoltante, et ses écrits non moins dégoutants? A cause de la corruption de son cœur. Quels sont ces cris déchirants qui ont tout à coup frappé nos oreilles? La foule émue accourt de toutes parts. On se presse, on entre dans l'appartement d'où sont partis les cris d'alarme. Grand Dieu! Quelle scène épouvantable! Un vieillard à cheveux blancs repousse d'une main faible les coups dirigés contre lui. Les cheveux hérissés, l'œil en feu, la bouche écumante, un monstre à figure humaine poursuit sa proie avec acharnement. Avant qu'on ait pu mettre fin à cette lutte inégale, le dernier coup a été porté : « Malheureux!» s'écrie le vieillard en tombant, « tu as tué ton père? » Et cette parole n'a point renversé l'assassin ; et on a va même avec épouvante un sourire infernal trahir sur son visage la satisfaction de son cœur dominé par les plus mauvaises passions. Détournons promptement nos regards de cet affreux spectacle. Vous voyez cette mère vénérable entourée de ses nombreux enfants. Je n'en connais aucun qui ne soit disposé à se sacrifier pour elle. Si une maladie dangereuse la retient longtemps sur un lit de douleur, ils veillent tour à tour, et quelquefois tous ensemble, à ses côtés. Ne leur dites pas que la maladie est contagieuse, ce serait les clouer plus fortement à son chevet. Si la mort se présentait sous un aspect plus terrible, si le fer d'un assassin menaçait ses jours, chacun Jui ferait un rempart de son corps, et le plus heureux serait celui qui aurait donné sa vie pour sauver la meilleure des mères. Qu'estce donc qui dispose à un tel dévouement des enfants si faibles encore? Leur cœur affectueux et reconnaissant.

Eb bien ! ce ressort de toutes nos actions, qui le mettra en jeu ? Ce cour humain, non moins redoutable dans ses fureurs qu'admirable dans son dévouement, qui pourra le diriger? Je l'ai déjà dit, la religion catholique, parlant avec une autorité souveraine, montrant d'une main le feu éternel, et, de l'autre, le séjour de l'immuable félicité. Si, comme sont obligés de le faire tous ceux qui croient qu'on peut séparer la morale de la religion, vous essayez d'autres moyens, vous échouerez infailliblement. Parlez à l'homme d'ordre moral, et c'est à peine si vous serez compris la plupart du temps. Dites-lui de suivre l'instinct de la nature, la voix de sa conscience, la lumière de sa raison, son intérêt bien entendu... et il n'écoutera que la voix de ses passions: «< Philosophe, tes lois morales sont fort belles; mais

montre-ni'en, de grâce, la sanction? » Ainsi parlait un philosophe à d'autres philosophes dont il connaissait mieux que personne la doctrine; et, pour ce qui le concerne lui-même, il s'est chargé de nous prouver, en révélant sa honte, que de belles paroles ne sont pas suffisantes pour produire de belles actions.

Vous voyez cet homme qui a passé une partie de sa vie dans l'étude des sciences. Plein de confiance en la supériorité de la raison et de mépris pour ce qu'il appelle les croyances vulgaires, il s'en va partout répétant que la loi naturelle suffit à l'homme pour le diriger. A l'entendre parler de la beauté de la vertu et du bonheur de ceux qui la pratiquent, vous seriez tenté de croire que cette loi suffit, en effet, sinon pour tous les hommes, du moins pour ceux que la science semble avoir élevés, comme lui, au-dessus de leurs semblables. Examinez de près sa conduite, et vous serez tout étonné de voir que, chez lui, la morale est beaucoup plus belle en théorie qu'en pratique. Il parle continuellement de philanthropie, d'abnégation, etil n'a pas d'autre mobile, la plupart du temps. que son intérêt personnel, d'autre guide que ses passions désordonnées. Entrez ensuite dans la pauvre cabane de ce campagnard religieux qui ne connaît point d'autre morale que l'Evangile. Chaque dimanche son pasteur lui en explique quelques passages d'une manière bien touchante; Dieu grave la parole sainte dans son cœur, et il la fait passer dans toutes ses actions de chaque jour. Aussi, combien sa conduite est admirable! Il porte continuellement le poids du travail et de la chaleur; et, cependant, jamais il ne se permet une parole de murmures ou de plainte; rarement même un nuage de tristesse vient obscurcir la douce sérénité de son visage. Le soir, après le travail, il partage avec tous les membres de sa nombreuse famille, et quelquefois avec l'étranger encore plus malheureux que lui-même, le dur morceau de pain noir qu'il vient de gagner à la sueur de son front : « Je suis un des heureux de ce monde, » se dit-il alors à lui-même, « puisque je puis partager avec mes frères le pain que Dieu me donne avec abondance, » Hélas la même abondance ne se trouve pas toujours dans sa demeure. Quelquefois est réduit au plus strict nécessaire ! quelquefois il souffre de la faim, il entend sa femme, ses petits enfants lui demander du pain, et il n'a rien à leur donner. Sollicitée depuis longtemps par les sophismes et les mauvais exemples des méchants, sa raison aux abois le pousse à de funestes déterminations. « Insensé,» lui dit-elle,« veux-tu mourir de faim au sein de l'abondance? Seras-tu le bourreau de ta femme et de tes enfants? Vas sans crainte sur le terrain d'autrui : quand le pauvre souffre, c'est au riche à le nourrir.. Tremblant, il se lève; et, d'un pas mal assuré, il va mettre à exécution ce conseil du désespoir, quand la religion se réveillant plus forte que toutes les privations, que la mort même: « Malheureux,» lui crie-t-elle, à son tour, «vas-tu perdre, en un instant, les

mérites d'une vie entière employée dans la pratique des plus difficiles vertus? Meurs, s'il le faut, à la vie de ce monde, et tu vivras éternellement. » Ce drame intéressant, où la Divinité elle-même intervient d'une manière si heureuse, s'accomplit bien plus souvent que nous ne nous l'imaginons, sinon avec toutes les circonstances que nous venons de rapporter, du moins avec des circonstances semblables ou équivalentes.

Gardez-vous donc bien de croire que l'homme puisse pratiquer la morale chréLienne, celle qu'il est obligé de pratiquer pour être véritablement vertueux, sans le seCours de la religion.

Ne la retrouve-t-on pas à peu près tout entière chez les anciens? avez-vous dit encore. Oni, en germe; mais non développée, et telle qu'elle doit se trouver pour être facilement reconnue et pratiquée par les hommes.

Qui, avec toute sa beauté intrinsèque, mais souillée, défigurée, extérieurement du moins, par l'ignorance et les passions des hommes, comme la perle, que rien ne peut corrompre intérieurement, mais qui, ayant séjourné longtemps dans le fumier, a perdu tout son éclat extérieur, et ne peut plus être reconnue ni recherchée par le plus grand nombre.

Oui, mais il n'y avait point alors cette divine autorité de l'Eglise qui la met à la porlée de tous, la fait pratiquer aux ignorants et aux plus faibles avec une régularité et un courage qu'on ne trouve pas chez les plus savants et les plus forts d'entre les anciens. Si nous en voulons une preuve bien frappante, mettons ici en comparaison de faibles femmes, uniquement formées par la foi, avec Socrate lui-même, le plus sage de la Grèce. «La philosophie de Socrate consistait principalement dans la pratique de la vertu, »disons-nous dans les Bienfaits du catholicisme, d'où nous avons tiré la plupart des idées précédentes. « Sa doctrine paraît avoir été aussi pure que pouvait l'être celle d'un homme qui n'avait point été éclairé du céleste flambeau de la foi. Il combattit indirectement le polythéisme, ne parlant jamais des dieux, mais toujours de Dieu. Le plus acharné de ses ennemis, Mélitus l'attaqua devant les Athéniens, comme impie et comme corrupteur de la jeunesse : tant, dans l'esprit des peuples, l'idée de corruption se trouve intimement liée à l'apparence même de l'impiété. Bien loin d'avoir recours aux supplications, pour éviter la mort, Socrate demanda hautement à être nourri aux dépens de la république, comme ayant consacré toute sa vie à l'enseignement de la morale. Cette demande parut insolente de la part d'un accusé; et il fut condamné à mort. Pendant les trente jours qui précédèrent son exécution, il conserva le même calme, la même gaieté que pendant tout le cours de sa vie. Son dernier jour fut consacré à s'entretenir, avec ses amis, de l'immortalité, du bonheur de l'autre vie; et, tandis que tous fondaient en larmes autour de lui, l'inaltérable sérénité de son âme se reflétait sur son visage. Cependant, o fragili

té de la nature humaine ! au moment de baire la ciguë, qui devait lui donner la mort, comme s'il eût conçu tout à coup l'espoir de prolonger sa pénible existence, appuyant la main sur un de ces roseaux fragiles que luimême avait essayé de briser, il sacrifie à Esculape, dieu de la médecine.

«La sagesse divine est venue en aide à la sagesse humaine, reconnue impuissante. La doctrine annoncée et pratiquée par le Fils de Marie se propage avec une rapidité étonnante dans toutes les parties de la terre. Les puissances de ce monde s'unissent aux puissances de l'enfer pour en arrêter le progrès. Mais en vain la persécution sévit de toutes parts; elle ne peut empêcher l'extension miraculeuse de ce feu divin que Jésus apporta du ciel et qui embrase toutes les âmes. Des enfants, des vieillards, des femmes timides, au milieu d'épouvantables supplices, montrent partout une force dont on croirait incapables les plus héroïques courages. Une pauvre esclave, nommée Blandine, lasse à Lyon la cruauté de ses bourreaux. L'esclavage dans lequel elle a vécu, la délicatesse de sa constitution ne font que mieux ressortir la grandeur de son courage Sacrifiezaux dieux, lui crie-t-on à chaque instant, et Vous serez sauvée! Ecoutez sa réponse : Je suis Chrétienne! A carthage, une noble dame, nommée Perpétue, se trouve dans la position la plus touchante qu'on puisse imaginer. D'un côté le désespoir d'un vieillard à cheveux blancs, et, d'un autre côté, les vagissements d'un tendre enfant la retiennent à la terre. Songez, lui dit le juge, à la, vieillesse de votre père, et au jeune âge de votre fils, et sacrifiez pour la prospérité des empereurs. Ecoutez encore sa réponse : Je suis Chrétienne! Bientôt sa mort heroïque montre à son vieux père le chemin qui conduit au ciel, et son sang de martyr est le lait divin qu'elle laisse à l'âme de son enfant bien-aimé. Félicité, compagne de Perpétue, volerait avec le même courage et la même gloire au martyre, si elle n'était retenue par le fardeau sacré que lui a confié la nature. Sa vie n'est point à elle seule en ce moment; elle est aussi à l'enfant qu'elle porte depuis huit mois dans son sein. Quoi donc tandis que les Chrétiens, persécutés avec elle, vont laisser sur la terre leurs dépouilles mortelles, est-ce qu'elle y restera enchaînée? Est-ce qu'elle demeurera enfermée dans sa prison ténébreuse, tandis qu'ils s'élèveront au ciel qu'illumine le Soleil éternel? Elle prie avec ferveur; et ses compagnes unissent avec empressement leurs prières aux siennes. Délivrée avant l'heure du dernier combat, elle montre la même intrépidité que si elle n'avait point été affaiblie par les douloureux travaux d'un enfantement prématuré; et, réunie bientôt à la Mère de Jésus, elle veille, du haut du ciel, sur le fils à qui elle est allée préparer une demeure dans la patrie.

« C'est partout le même héroïsme. Plutôt la mort mille fois que de se permettre ce qui aurait seulement l'apparence d'une faiblesse.

La hache ensanglantée tombe enfin de la main des persécuteurs. Que dis-je? ils se sont dépouillés de la cruauté du bourreau, pour prendre l'angélique douceur de ces Chrétiens qu'ils ont contemplés longtemps, avec admiration, au milieu des plus affreuses tortures; et, se jetant dans le sein de cette Eglise qu'ils ont attaquée avec tant d'acharnement, ils en deviennent les plus dévoués et les plus intrépides défenseurs. »

Mais qu'est-il besoin d'aller chercher si loin de nous des exemples de vertu, tandis qu'il s'en présente partout sous nos yeux? Un spectacle non moins intéressant que tout ce que nous venons de peindre, c'est celui que nous offrent de pauvres créatures en proie à toutes les souffrances, et luttant néanmoins, avec une patience inaltérable, sous le regard de Dieu seul, contre les maux qui les accablent. Telle était cette jeune fille dont l'histoire touchante nous est racontée en quelques lignes dans les Soirées de SaintPétersbourg:

« Je ne puis m'empêcher, en ce moment, »> dit l'auteur, « de songer à cette jeune fille devenue célèbre en cette grande ville parmi les personnes bienfaisantes qui se font un devoir de chercher le malheur pour le secourir. Elle a dix-huit ans. Il y en a cinq qu'elle est tourmentée par un horrible caneer qui lui ronge la tête. Déjà les yeux et le nez ont disparu, et le mal s'avance sur ses chairs virginales, comme un incendie qui dévore un palais. En proie aux souffrances les plus aiguës, une piété tendre et presque céleste la détache de la terre, et semble la rendre inaccessible ou indifférente à la douleur. Elle ne dit pas comme le fastueux stoïcien « O douleur! tu as beau faire, tu ne me feras jamais convenir que tu sois un mal. » Elle fait bien mieux, elle n'en parle pas. Ja mais il n'est parti de sa bouche que des pa

[ocr errors]

roles d'amour, de soumission et de reconnaissance. L'inaltérable résignation de cette fille est devenue une espèce de spectacle; et, comme dans les premiers siècles da christianisme, on se rendait au cirque, par simple curiosité, pour y voir Blandine, Agathe, Perpétue, livrées aux lions et aux taureaux sauvages, et que plus d'un spectateur s'en retournait tout surpris d'être Chrétien, des curieux viennent aussi dans cette bruyante cité contempler la jeune martyre livrée au cancer. Comme elle a perdu la vue, ils peuvent s'approcher d'elle sans la troubler, et plusieurs en ont rapporté de meilleures pensées. Un jour qu'on lui témoignait une compassion particulière sur ses longues et cruelles insomnies: « Je ne suis pas, dit-elle, <«< aussi malheureuse que vous le croyez; Dieu me fait la grâce de ne penser qu'à lui. ■ Et lorsqu'un homme de bien lui dit un jour: « Quelle est la première grâce que vous demanderez à Dieu, ma chère enfant, lorsque Vous serez devant lui?» elle répondit avec une naïveté angélique : « Je lui demanderai pour mes bienfaiteurs la grâce de l'aimer autant que je l'aime. »

Un pareil trait est remarquable assurément; el cependant le récit qui en a été fait est, je ne dirai pas plus remarquable ni même aussi remarquable, mais beaucoup plus rare que le trait lui-même: car il n'y a pas de ville, pas de village, ni même de ha meau, où de pareils traits ne se rencontrent, et quelquefois assez fréquemment. Ce qui leur manque, pour avoir la même célébrité que celui dont nous venons de parler, c'est une plume qui les immortalise; ou plutôt, rien ne leur manque, car ils sont assurés de l'immortalité qui aille seule à leur nature, étant écrits au livre de vie, et devant recevoir de Dieu lui-même les récompenses éternelles.

MYSTÈRE.

Objections.-Je ne puis croire que ce que je comprends; et, en effet, il faut que ce que des raisons pour croire. La religion doit avoir pour but d'éclairer l'homme sur la terre. Pourquoi donc ne lui parle-t-elle que de mystères? La religion catholique est précisément celle qui en a le plus. A quoi servent ces mystères impénétrables, qui semblent même, généralement parlant, contraires à la raison? Les enseigner aux hommes, aux enfants surtout, c'est leur parler grec ou hébreu.

Réponse. La religion a ses preuves sur Jesquelles elle repose, preuves nombreuses, incontestables, comme nous le montrons ailleurs; mais elle a aussi ses mystères, qu'elle dit elle-même être impénétrables; et cela doit être :

La colonne qui luit en ce désert affreux
Tourne aussi quelquefois son côté ténébreux.

(RACINE, Poëme de la relig., ch. 1or, 25, 26.)

ferme les yeux à la lumière, pour ne voir que le côté ténébreux. De là ses attaques, auxquelles, du reste, il n'est pas difficile de répondre.

Je ne puis croire que ce que je comprends, nous dit-il; et, en effet, il faut des raisons pour croire.

Je ne puis croire que ce que je comprends! dites-vous.« Alors, répond l'abbé de Ségur (Réponses), « vous ne croyez donc rien, rien au monde, pas même que vous vivez, que Vous voyez, que vous parlez, que vous entendez, etc., etc.; car je vous défie de comprendre aucun de ces phénomènes.

Qu'est-ce, en effet, que la vie? Qu'est-ce que la parole? Qu'est-ce que le son? Qu'estce que le bruit, la couleur, l'odeur, etc.?

« Qu'est-ce que le vent? où commencet-il? où et pourquoi et comment cesse-l-il? Qu'est-ce que le froid, le chaud?

« Qu'est-ce que dormir? Comment se faitil que, pendant le sommeil, mes oreilles demeurant ouvertes absolument comme Que fait l'homme de mauvaise foi? I lorsque je veille, je n'entende plus rien?

« ZurückWeiter »