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passer en nous, de manière que nous soyons autant de Christs par la grâce, comme nous sommes autant d'Adams par la nature. Ainsi devenus, autant qu'il est en nous, ses imitateurs et ses reproducteurs dans sa vie et dans sa mort, nous sanctifions les maux de la nature, nous les fécondons, nous en faisons des éléments de rédemption particulière pour chacun de nous, et nous arrivons par là à une réhabilitation supérieure et définitive dans le ciel, où se réaliseront toutes nos espérances, et qui sans cela nous eût été à jamais fermé.

«Voilà comment la croix de Jésus-Christ nous manifeste non-seulement la sainteté, la justice, l'amour de Dieu, mais encore, et à un égal degré, sa sagesse dans le plan du salut dont elle est l'exécution. Il nous reste à voir comment elle nous exprime sa puis

sance.

Dans la sainte Ecriture, l'histoire d'Ale xandre le Grand est ainsi tracée :

Après qu'Alexandre, fils de Philippe de Macédoine, qui le premier régna en Grèce, fut sorti de la terre de Céthim, et qu'il eut abattu Darius, roi des Perses et des Mèdes, il livra beaucoup de batailles, s'empara de toutes les places fories, et mit à mort les rois de la terre. Et il passa jusqu'aux extrémités du monde, enleva les dépouilles d'une multitude de nations, et la terre se tut devant lui. Il amassa une grande puissance, assembla une armée prodigieuse. Son cœur s'exalta et s'enfla; et il se rendit maître des peuples et des rois, et se les fit tributaires. Après cela, il tomba sur sa couche, et connut qu'il allait mourir. Et ilappela les grands de sa cour, et leur partagea son royaume, lui vivant. Alexandre régna ainsi douze ans, et il mourut. (I Mach. 1, 1-8.)

Quelle élévation ! quelle hauteur! mais quelle chute! quelle fin! Voilà l'homme : toutes ses grandeurs ne sont que les trophées de sa destruction.

« L'histoire de Jésus-Christ est la contrepartie de celle des hommes; et, de lui, on peut dire que ses abaissements sont les trophées de sa grandeur. Voici, en effet, son histoire:

Après que Jésus de Nazareth, fils de Marie, eut passé les trente premières années de sa vie dans la pauvreté et dans l'oubli de la condition de charpentier, il fut le jouet des hommes de son temps. Faisant sa soriété de quelques gens de mauvaise vie, et traînant à sa suite un ramas de publicains, de faibles femmes et de pauvres mariniers, il fut poursuivi et arrêté comme un malfaiteur. Promené de tribunaux en tribunaux, livré comme un fou à la dérision de la populace, fouetté comme un esclave, cloué sur une croix entre deux voleurs, il mourut..... Après cela.... il devint le Roi immortel de toute la terre et de tous les siècles.

« Parmi tous les modes que la Divinité pouvait choisir pour donner aux hommes une idée de sa puissance, s'en pouvait-il trouver un qui approchât de celui-ci faire qu'un homme de basse extraction, tombé plus bas encore par l'infamie de sa mort,

devienne malgré son abjection, que dis-je! par son abjection; malgré l'infanie de son supplice, ou plutôt par l'infamie et avec l'instrument même de son supplice, devienne rapidement le réformateur du genre humain, le Dieu de la terre, l'objet de l'adoration, de la crainte et de l'amour des hommes; que devant ce crucifié tombe le paganisme avec ses Jupiter et ses Vénus, se brise la hache des Césars, s'arrête le torrent des barbares, se dispersent les écoles de philosophie, se déracinent les institutions et les coutumes les plus invétérées, se transforment les préjugés et les affections de la nature; et que lui-même, le type de l'infamie et de la faiblesse, devienne désormais l'ornement des couronnes et la récompense de la valeur ; que non-seulement il triomphe de toutes les grandeurs et de toutes les forces réunies de l'humanité, mais qu'il en triomphe à travers les résistances les plus furieuses et par des moyens toujours con. formes à son état: humbles, faibles, pauvres, méprisés; et qu'il en triomphe partout, et qu'il en triomphe toujours, et que le temps, ce suprême et fatal écueil des choses humaines, perde pour lui seul sa nature, et fasse place à l'éternité ? Conçoit on une plus haute expression de la puissance de Dieu qu'un tel prodige...?»

Mais la croix ne nous éclaire pas seulement en nous faisant connaître l'homme et Dieu, elle nous fait remplir tous nos devoirs.

« Si la morale évangélique avait été formulée en un code de préceptes détachés de la doctrine, »dit l'auteur que nous citions tout à l'heure, et qu'elle eût été ainsi jetée dans le monde païen, jamais certainement elle n'eût été portée à l'application, je ne dis pas chez la généralité des hommes, mais même chez les plus parfaits. C'eût été comme une armure de géant, hors de toute proportion avec les forces de la conscience dégénérée de l'humanité. On en sera convaincu si on se rappelle que la morale des stoïciens, moins sévère, n'avait pu faire, au dire d'Epictète, un seul stoïcien commencé. Pour expliquer donc comment cette morale évangélique est devenue la morale universelle du genre humain, comment elle a été portée par un si grand nombre d'âmes aux dernières limites de l'application, on est obligé d'admettre qu'avec cette morale extaordinaire un agent extraordinaire correspondant a été apporté, une nouvelle conscience a été donnée, à la hauteur et à la dimension de cette morale, dans toutes les directions des affections humaines; qu'il a fallu enfin pour une morale surbumaine une doctrine surhumaine aussi. Or, c'est à cette fonction qu'a été adaptée la doctrine de la Rédemption. La morale évangélique est mesurée, pour ainsi parler, sur I'Home-Dieu, lequel ne déploie tout le caractère divin que sur la croix; de sorte que c'est par la croix que ce caractère divin passe et se reproduit en nous, et, par notre conformité avec lui, devient la morale évan

gélique qui se résume dans l'imitation de Jésus-Christ.

« Pour peu qu'on observe le cœur humain, on sera convaincu qu'entre prescrire une chose et la faire soi-même le premier pour en donner l'exemple, il y a une différence d'impression, sur ceux qu'on veutentraîner, immense. Rien n'est contagieux et persuasif comme l'exemple. Tous les traités de patriotisme imaginables n'auraient pas fait sur le peuple romain ce qu'a fait l'exemple de Régulus; et il n'y a pas de harangue qui vaille l'action du grand Condé jetant son bâton de commandement dans les retranchements de l'ennemi, et s'élançant le premier pour aller le reprendre. L'exemple est d'autant plus persuasif qu'il vient de plus haut; il est d'autant plus nécessaire, que le précepte est plus rigoureux et qu'il s'adresse une plus grande généralité d'hommes. La morale évangélique, si rebutante pour la nature corrompue de l'homme, s'adressant à tous indistinctement, devait se présenter armée d'un grand exemple, et résumée en une simple et éloquente action qui frappåt tous les regards et parlât à tous les instincts. La vie et surtout la mort de Jésus-Christ renferment cet exemple le plus parfait, le plus décisif, le plus entraînant. La morale évangélique n'est pas tant dans les livres et. dans les discours; elle est pour tous et an plus haut degré dans la croix de Jésus-Christ, livre ouvert à tous les yeux, chaire éloquente qui parle d'elle-même, et où ressortent vivement l'ensemble et les plus petits détails de la loi évangélique; modèle parfait, intelligible à tous, simple et inépuisable, pouvant être saisi d'un seul regard, et éternellement digne de fixer à jamais tous. les regards. Qui peut nier la hauteur de l'exemple? C'est un Dieu. Qui peut y trouver à redire? C'est la perfection la plus inépuisable. Qui peut en suspecter le désintéressement? Celui qui le donne en était, par sa nature, affranchi. Qui peut enfin ne pas le comprendre? il est palpitant d'expression. Le législateur se fait lui-même victime de la loi, pour en exprimer plus vivement la nécessité; le médecin éprouve le premier le remède en sa personne, ou plutôt se fait remède; la parole se fait action; le Verbe, en un mot, se fait chair pour s'imprimer davantage dans la charnelle humanité. Qu'il fallait connaître l'homme, et qu'il fallait l'aimer pour user d'un pareil moyen, si extrême en apparence et si insensé! Et y a-t-il un autre que l'Auteur même de l'homme qui ait pu avoir la sagesse de le concevoir, la bonié de l'entreprendre, la puissance de le faire triompher...?

Mais le dogme de la Rédeinption agit encore sur le cœur de l'homme par une autre puissance. Cette puissance, la plus utile pour le bien comme elle est la plus redoutable pour le mal, c'est le sentiment de l'amour. L'amour, c'est tout le cœur, qui est lui-même tout l'homme. Celui qui a su exciter l'amour est maître; il peut tout commander. Toutes les passions ne sont que

des transformations de celle-là. Il n'y a pas d'homme qui n'en soit capable, même celui qui n'aime rien, car celui-là ne fait que s'almer lui-même par-dessus tout. Tous les désordres de l'humanité ne sont que les détournements de cette flamme de son foyer natal, qui est Dieu, vers nous-mêmes et les autres créatures, qu'elle consume et qu'elle dévaste. Point de régénération pour l'espèce humaine donc, si on ne parvient à s'emparer de cet élément terrible de notre être moral, et si on ne ramène toute son activité vers son principe. Et cependant, chose étrange et digne de remarque! aucune philosophie, aucun système de morale, aucune religion humaine, n'ont imaginé d'inspirer l'amour et de porter les hommes au bien par ce sentiment, qui est toujours le premier obstacle à la vertu, quand il n'en est pas le premier mobile. C'est qu'aucune religion, aucun système de morale, ne se sont jamais proposé la régénération radicale de l'homme. ls le laissent tous avec ses affections désordonnées; souvent ils les développent, et ne leur opposent dans tous les cas que de vaines théories et de froides règles de vertu, qui ne peuvent avoir de prise sur son cœur. Le christianisme, se proposant la grande entreprise d'arracher l'homme au déréglement de ses passions, devait donc offrir à son cœur un sujet d'amour immense, le prendre par son faible, et en faire son fort. Cette condi. tion était voulue par la nature à l'amour seul il appartient de dompter l'amour, et ce n'est qu'au cœur que répond le cœur.

« La manifestation de la bonté de Dieu répandue sur toute la nature, la douce voix de la conscience, étaient impuissantes à percer le tumulte que les objets sensibles font autour du cœur de l'homme; leurs sommations n'étaient pas assez énergiques pour en repousser les assauts de la concupiscence el l'occuper exclusivement. Pour faire cesser ce grand divorce causé par le péché entre Dieu et l'âme, Dieu lui-même devait faire les avances; et voulant l'amour et les sacrifices du cœur humain, il devait les conquérir à force d'amour et de sacrifices. L'amour appelle l'amour, et il y a au fond de l'âme humaine un instinct généreux qui repousse l'ingratitude et répond au sacrifice. C'est à cet instinct que s'adresse le dogme de la Rédemption, et c'est par lui qu'il a saisi le cœur de l'homme pour le ramener à l'amour de Dieu. Et combien ce dogme est-il adapté à cette grande fin! Nous l'avons vu, et il convient de le voir encore, quel amour peut être mis en comparaison avec celui qui sy trouve exprimé? Dieu semble avoir voulu y faire assaut d'amour avec toutes les crea tures, et remporter le prix de notre cœur. Cherchez, parmi tous les grands dévouements que peuvent avoir inspirés les diverses affections de la nature, quelque chose qui approche du sacrifice de la croix. Le prodige en est tel, qu'il semble favoriser l'incrédulité, en se présentant comme une fo lie; mais la folie de la croix, c'est la folie de l'amour, folie qui est sagesse en Dieu : car

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telle doit être la manifestation de l'amour infini, qu'il nous paraisse extravagant, c'est à-dire excessif, si nous le comparons au nôtre. Parcourons-en les caractères: -Quel désintéressement! Un Dieu, la félicité même, qu'avait-il besoin du cœur de l'homme? Quelle générosité! Lui, la sainteté et la jusice mêmes, il fait les avances, il vient audevant de sa créature coupable, chargée d'intidélités, toute souillée, toute enlaidie par le péché. Quel dévouement! Il dépose les délices de la vie éternelle pour se revêtir de cette nature souillée et souffrante; il se déguise, pour ainsi dire, en homme, afin d'arriver jusqu'à l'homme, afin de faire comme homme une impression qu'il ne peut plus faire comme Dieu, afin de séduire, en quelque sorte, le coeur de l'homme par des attraits humains. Quel amour enfin! En cet état, il se charge de tous nos crimes, et se soumet comme homme à tous les châtiments qu'il aurait le droit de nous infliger comme Dieu; il accepte le rôle de coupable, il ne laisse rien à la créature infidèle de ses torts, il les prend tous sur lui, et ne les fait sentir qu'en les expiant. Et quelle expiation! comme elle nous donne la mesure de notre infidélité et de son amour.....!

« La beauté idéale, l'amour imaginaire, qu'adorait Platon, se sont incarnés et réalisés sur le Calvaire; plus parfaits et plus adorables qu'ils ne parurent jamais dans les rêves des philosophes, ils sont devenus en même temps visibles et accessibles à la généralité des hommes, et se sont fait entendre aux plus grossiers. De là est résulté un sentiment nouveau sur la terre l'amour de Dieu, qui non-seulement chasse du cœur de l'homme tous les amours corrompus qui le dégradent, mais qui, trop à l'étroit dans ce même cœur, le dilate immensément, jusqu'à lui donner la capacité même du cœur de Dieu, et lui en faire opérer les prodiges. Avec lui l'esprit du sacrifice est descendu du haut de la croix la croix! type sublime du sacritice de l'individu à la généralité; fondement du devoir, de l'ordre, de l'unité, de la paix, du vrai bonheur; fondement perdu, fondement retrouvé du monde moral, qui fait de chaque Chrétien un homme de sacrifice, un Homme-Dieu crucifié, mais crucifié par l'amour qui adoucit tous les sacrifices, ou plutôt qui les fait aimer parce qu'il s'en

nourrit.

Animée par ce sentiment, ne craignez

(118) Jésus-Christ ne promet à ses disciples que des maux présents et sensibles, des peines, des tourments, des croix... C'est ainsi qu'il les appelle à leur ministère, et cependant il les persuade par tout ce qui pouvait les dégoûter. La doctrine des souffrances a des charmes dans sa bouche; il commande le genre de vie le plus dur à l'humanité, et il est obéi. Jamais prince, jamais législateur, jamais philosophe a-t-il tenu ce langage, et s'est-il fait suivre en le tenant ? Jésus-Christ parlait au cœur, dont ceux-là ne connaissaient pas la route. (D'AGUESSEAU, Réflexions diverses sur Jésus-Christ.) Cette belle réflexion de d'Aguesseau rappelle celle que Napoléon, captif à Sainte-Hélène, faisait à ses

pas que la morale evangélique paraisse trop rude. Toutes ses aspérités et toutes ses horreurs vont se changer en suavités et en délices, et l'homme, si pesant pour le bien, va courir dans les chemins de la plus haute perfection (118): Ma vie, s'écrie Paul, c'est le Christ. Je vis, non plus moi, mais Jésus-Christ en moi. (Galat. 11, 20.) Qui me séparera de la charité de Jésus-Christ? La tribulation? l'angoisse? la faim? la nudité? le péril? la persécution? le glaive...? Non, rien ne pourra me séparer de la charité de Dieu, qui est dans le Christ Jésus Notre-Seigneur. (Rom. vin, 35, 39.)

« La mort et la passion de Notre-Seigneur, dit le bon et naïf saint François de Sales, est le motif le plus doux et le plus violent qui puisse animer nos cœurs. Le mont Calvaire est le mont des amants. Tout amour qui ne prend pas son origine dans la Passion du Sauveur est fragile et périlleux. Ou aimer. ou mourir; mourir el aimer. Mourir à tout autre amour, pour vivre à celui de Jésus. Les enfants de la croix se glorifient et se réjouissent en leur admirable problème, que le monde n'entend pas. (Traité de l'amour de Dieu.) - Le monde, en effet, c'est-à-dire ceux qui sont restés en dehors des inspirations de la foi chrétienne, ne comprend pas cet amour; mais il ne peut nier son existence dans le cœur de tous les vrais Chré- · tiens, car les effets en sont manifestes. C'est à ce foyer divin que s'allume la charité, qui n'est que l'amour de Dieu tourné vers Jes hommes. C'est de lui qu'ont brûlé les cœurs de tant de héros, de tant d'apôtres, de tant de saints, qui sont restés comme le plus beau patrimoine de l'humanité, les Paul, les Augustin, les Borromée, les François de Sales, les Vincent de Paul, les Fénelon, les Belzunce, les Cheverus. C'est lui seul qui emporte sur les plages les plus lointaines tant de nos concitoyens, qui s'arrachent à toutes les douceurs de la civilisation pour en aller porter le flambeau, avec celui de la foi, au sein des peuplades les plus sauvages, sans autre intérêt que de gagner des ames, comme ils disent, à Jésus-Christ, et sans autre perspective que les privations, les persécutions, les tortures souvent, et la mort.

a Telle est, en effet, la charité chrétienne, la charité qui retient le même nom dans la langue évangélique, soit qu'elle vienne de Dieu à l'homme, soit qu'elle retourne de l'homme à Dieu, soit qu'elle s'épanche de

derniers amis:Qui s'intéresse aujourd'hui à Alexandre et à César? disait-il. Ils ont remué le monde de leur temps, et ils ont laissé la postérité froide devant leur tombe. Et moi-même, ajouta-t-il, equi suis encore l'objet de votre fidélité; avec moi, avec vous, avec le dernier de mes braves tout au plus, s'éteindra cet enthousiasme que j'ai suscité sur mon passage: et l'empire de Jésus-Christ se soutient depuis dix-huit siècles dans les cœurs, des milliers de Inartyrs sont morts, mourraient et mourront à son seul nom. C'est que nous n'avons fondé notre puissance que sur la force et sur la crainte, et que la sienne repose sur la persuasion et sur l'amour, »

l'homme à l'homme; et cela, parce que, de même que tous les hommes ne font qu'un en Jésus-Christ, Jésus-Christ ne fait qu'un avec Dieu, et qu'ainsi la plus haute expression de l'unité, c'est la charité, qui trouve ellemême sa plus haute expression dans la croix de Jésus-Christ, centre commun du ciel et de la terre. »

Ne demandez donc point, après cela, à quoi sert la Rédemption, et surtout la Ré

demption par la croix. La Rédemption ! nous venons de vous le montrer surabondamment, elle éclaire l'esprit, touche le cœur, et régé nère ainsi l'âme complétement; la croix! ne l'avez-vous pas remarqué vous-même? c'est un levier divin, qui, appuyé sur le cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, a soulevé le monde moral et l'a élevé jusqu'au ciel.

RÉFORMES.

Objection.-Luther et Calvin ont eu raison de crier réforme, et nous ferions bien de les imiter. Que de réformes à faire encore dans l'Eglise !

Réponse. Et dans la société et dans la famille et chez vous-même, qui criez si haut.. Grand réformateur que vous êtes, n'est-ce pas le cas de vous appliquer le proverbe Médecin, guéris-toi toi-même : « Medice, cura teipsum!» (Luc. IV, 23.)

Luther et Calvin ont eu raison, dites-vous, de crier réforme.

Mais qui done leur avait donné cette mission? Etait-ce une mission extraordinaire, venue de Dieu immédiatement? En ce cas ils auraient dû en donner des preuves, comme ont fait tous les envoyés célestes. Etait-ce une mission ordinaire? Elle leur serait venue alors de ceux contre qui ils s'insurgeaient. Singulière mission, il faut en convenir, que celle qui consiste dans la révolte des subordonnés contre leurs chefs!

Ils ont eu raison, dites-vous.

En tout cas, leur réforme n'a pas produit des résultats bien avantageux; car on a vu sortir de là, comme il était facile de le prévoir, la plus effroyable anarchie. Il n'y avait pas bien longtemps que s'était établie leur prétendue réforme que déjà le grand Bossuet avait pu faire un ouvrage considérable de ses plus notables variations. Que serait-ce donc aujourd'hui ?... Hela- ! il n'y aurait peutêtre pas grand'chose à ajouter, car elle s'était placée sur une penie telle qu'elle a dû descendre rapidement au plus profond de l'abîme. On peut bien la regarder comme la réforme par excellence, car elle a atteint, dépassé même toutes les bornes. Ce fut plus qu'une réforme, ce fut un bouleversement complet dans l'Eglise, une révolution, pour appliquer ici le langage de la politique. Qui ne le comprend facilement, pour peu qu'il réfléchisse? Jésus-Christ avait dit à ses apotres: Qui vous écoute, m'écoute (Luc. x, 16); Luther et Calvin ont dit aux fidèles: Ne les écoutez point qu'autant que cela vous conviendra, et surtout qu'autant que cela nous conviendra à nous-mêmes. Jésus-Christ avait dit encore à ses apôtres Instruisez toutes les nations, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé (Matth. xxvIII, 13, 19); Luther et Calvin ont dit aux fidèles: Ne tenez compte de leur enseignement et de leurs prescriptions qu'autant que cela vous conviendra,' qu'autant que cela surtout

nous conviendra à nous-mêmes. Jésus-Christ avait dit à ses apôtres et particulièrement à Pierre qu'il avait établi chef de son Eglise: Et voilà que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles Ibid., 20); et le premier des réformateurs, Luther, dit de l'un des successeurs de Pierre (horresco referens): Il est si plein de diables qu'il en mouche, qu'il en crache, qu'il en... Je n'ose achever, ditici Bossuet.

Quel langage! et c'est celui des réformateurs de l'Eglise? Leur conduite vaut-elle mieux, du moins? Malheureusement, non. Ils ne cessent de vanter les bonnes mœurs, et ils laissent donner par d'autres, ils donnent eux-mêmes les scandales les plus déplorables; ils parlent de purger la terre, et ils comniencent par l'ensanglanter.

Cela, du reste, ne doit point nous surprendre; c'est l'inévitable résultat de toute réforme venue d'en bas. Lorsque des sujets se soulèvent contre leur roi, lorsque des enfants se révoltent contre leur père, des élè ves contre leur maître, qu'en résulte-t-il, el qu'en doit-il inévitablement résulter? L'anarchie, puis la ruine: Omne regnum in seipsum divisum desolabitur, et domus supra d mum cadet. (Luc. x1, 17.) Il ne peut en être autrement de toute association religieuse. La réforme n'est pas morte encore, il est vrai, mais elle est bien malade. Ce qui la soutient le plus peut-être aujourd'hui, c'est sa haine contre le catholicisme; mais tout s'use à la fin. et la haine comme le reste, quelque invétérée qu'elle soit. Aussi, jetez de toutes parts les yeux sur la réforme, et vous y ver rez les signes précurseurs d'une prochaine décadence.

Il y avait cependant alors, me direz-vous, bien des abus à réformer dans l'Eglise, et il y en a encore beaucoup !

Vous pourriez ajouter: et il y en aura mênia toujours; parce que, comme je viens de vous le faire remarquer, il y en a partout où sot

les hommes.

Il y avait et il y a encore bien des abus dan l'Eglise!

Je ne vous dis pas le contraire, mais à quoi cela tenait-il? à quoi cela tient-il er core? A l'Eglise ou à l'humanité ? Ce n'est point à l'Eglise, toujours assistée de l'Esp:11 de Dieu. C'est donc à l'humanité, qui, en effet, en produit partout; et si c'est à l'hu manité, pourquoi en accuser l'Eglise

Nous pourrions, comme eux, crier ré forme, avez-vous ajouté.

Oui, avec autant de vérité et de justice probablement, avec autant d'à-propos, et probablement aussi avec d'aussi heureux résultats. Et qui êtes-vous donc pour crier réforme dans l'Eglise? Avez-vous reçu mission pour cela? Avez-vous assez de lumières pour discerner ce qui est véritablement abus de ce qui ne l'est pas ? Avez-vous la puissance nécessaire pour opérer un heureux changement? Ne voyez-vous pas qu'agissant sans discernement et sans autorité, vous allez faire beaucoup plus de mal que de bien, lors même que vous agiriez de bonne foi, et que vous auriez quelquefois raison ? Que diriez-vous si, père de famille, vous entendiez les plus jeunes de vos enfants crier réforme dans la famille, ou si, chef d'administration, vous entendiez les derniers de vos administrés crier également réforme dans l'administration? Vous vous écrieriez, de votre côté Il faut les faire taire le plus tôt possible; car, si on les écoute, c'est le désordre, et tout est perdu. C'est pourtant ce que vous voudriez faire dans l'Eglise; et avec d'autant moins de raison que, toujours assistée de l'Esprit de Dieu, l'Eglise présente beaucoup moins d'abus, malgré la mauvaise semence jetée en elle par l'ennemi, que toute société purement humaine.

Savez-vous ce que vous avez à faire en pareil cas? C'est d'éviter vous-même ces

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Si non, ce ne sont pas les refus de sépulture seulement que vous devez attaquer, c'est l'Eglise elle-même, comme aussi ce ne sont plus ces actes particuliers que nous avons à défendre, mais le grand fait de son existence. Nous le faisons ailleurs, et principalement aux articles qui concernent l'Eglise.

Si vous admettez l'autorité de l'Eglise, et je dois le supposer ici, (il est impossible, d'ailleurs, que vous ne l'admettiez pas, pour peu que vous vous rappeliez les preuves aussi décisives que nombreuses sur lesquelles elle repose,) ma réponse est facile. L'Eglise est une société justement et je dirai même divinement constituée. Donc elle a le pouvoir de faire des lois; donc, aussi, de les mettre à exécution Or tout refus de sépulture, de la part de l'autorité ecclésiasti

DICTIONN. DES OBJECT. POPUL.

abus, autant que vous le pouvez; c'est de prier Dieu pour qu'il les fasse disparaître de plus en plus, et d'attendre le reste de sa miséricorde.

Il y aura encore des abus, répondez

vous.

Je vous l'ai dit moi-même, il y en aura toujours cela tient au fond même de l'humanité, et à ce que l'ennemi vient continuellement mêler l'ivraie avec le bon grain dans le champ du père de famille. Savez-vous à qui vous ressemblez, quand, dans la position où vous êtes, vous criez si haut réforme? Evidemment à ces serviteurs impatients qui disaient au père de famille : Voulez-vous que nous arrachions tout cela : « Vis, imus, et colligimus ea? » (Matth. xIII, 28.) Vous connaissez sa réponse pleine de sens et de bonté : Non, de peur qu'en arrachant l'ivraie, vous n'arrachiez en même temps le bon grain: « Non; ne forte colligentes zizania, eradicetis simul cum eis et triticum. (Ibid., 29.)

Non, je vous le répète avec le père de famille, ce n'est point à vous à crier réfornie. C'est moins à vous encore à mettre pour cela la main à l'œuvre. Là n'est point votre rôle; et en voulant, malgré tout, le remplir, vous bouleversez toute chose, vous faites beaucoup plus de mal que de bien, et peut-être même faites-vous beaucoup de mal sans produire aucun bien.

SÉPULTURE.

que, n'est pas autre chose que l'exécution d'une de ces lois.

Vous me direz peut-être que cette loi est mise à exécution par l'autorité locale, toujours sujette à l'erreur.

Peut-il en être autrement? N'est-ce pas ce qui a lieu dans tout autre cas, non-seulement dans l'Eglise, mais dans la société civile, quelle que soit sa constitution?

Oui, vous avez raison, la loi est mise à exécution par l'autorité locale, mais vous avez votre recours à l'autorité supérieure, dont il vous est facile d'avoir promptement la décision, en pareil cas surtout.

Quoi qu'il en soit, n'ayez point d'inquiétude à ce sujet : si l'autorité locale n'exécute pas ponctuellement la loi, c'est plutôt en restant en deçà qu'en allant au delà de ses riqu'un n'écoute pas l'Eglise, qu'il soit pour gueurs. Ministre de celui qui a dit : Si quelvous comme un païen et un publicain (Matth. XVIII, 17), le prêtre ne peut s'empêcher de refuser les honneurs de la sépulture à ceux que les saints canous en déclarent indignes; mais représentant, en même temps, du bon Pasteur qui laisse volontiers les quatrevingt-dix-neuf brebis fidèles pour courir après la brebis égarée, il apporte nécessairement à l'exécution de la loi tous les adoucissements de la charité.

Vous gardez donc de la rancune jusqu'à la mort? ajoutez-vous. Quoi! punir un cadavre!

Ce n'est point de la rancune; c'est, je vous l'ai dit, l'exécution de la loi loi pénible, 39

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