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répondait la fille. Et la toilette?- Je m'en passerai. Mais pourquoi donc ne veux-tu pas faire comme tant d'autres? - Ah! reprit la fille, avec une ingénuité charmante, c'est que je contristerais mon bon ange. » Philosophe! ta morale est pompeuse, peut-être; mais, je t'en prie, dis-moi donc ce que tu mettrais à la place du bon ange, pour moraliser le cœur de l'enfant.

Quant aux grandes personnes, avez-vous dit encore, ne leur en parlez pas, de grâce; car vous les feriez sourire de pitié.

Il y a bien de quoi! Faire sourire de pitié une vérité qui se trouve consignée presque à toutes les pages de la Bible, de ce livre le plus répandu, le plus respecté, sans comparaison, de tous les livres ; de ce livre qui est encore l'objet d'une vénération profonde pour les incrédules! une vérité rappelée plusieurs fois par Jésus-Christ luimême en termes excessivement touchants! Faire sourire de pitié! une vérité qui a été reconnue en tout temps et en tout lieu, dans les temps modernes encore plus communément que dans les temps anciens; en Europe, en France principalement, ce noble pays de la civilisation et des lumières, encore plus que partout ailleurs! une vérité qui a été proclamée hautement par les poëtes, les orateurs, les philosophes les plus célèbres qui aient jamais paru sur la terre! Faire sourire de pitié! Mais qui êtes-vous donc pour parler de la sorte? Avez-vous plus d'imagination que Lamartine, plus de philosophie que de Maistre, plus de génie que Bossuet?...

N'en parlez pas, de grâce, aux grandes personnes, dites-vous! Que vous êtes simple! Quelles sont donc ces grandes personnes à vos yeux? A quelle mesure reconnaissezvous leur grandeur? A leur taille ? Le corps n'est rien quand il s'agit d'intelligence. A leur âge? L'âge n'y fait rien non plus, cela est évident. A leur génie? Mais d'abord le génie est une chose bien rare; et puis, qu'est-ce que le génie devant Dieu, auprès de Dieu ?

Au seul son de sa voix la mer fuit, le ciel tremble, li voit comme un néant tout l'univers ensemble, Et les faibles mortels, vains jouets du trépas, Sont tous devant ses yeux comme s'ils n'étaient pas. Fussions-nous d'ailleurs quelque chose à ses yeux, nous distinguât-il des autres pour une raison quelconque, qui ne voit que plus nous nous rapprochons de lui, et plus nous avons besoin d'un introducteur pour paraître avec quelque confiance en sa divine présence? L'homme donc est toujours enfant aux yeux de Dieu, et même un peu aux yeux de ses semblables. Au commencement de sa carrière, c'est un petit enfant; au milieu de sa carrière, c'est un grand enfant; et, à la fin de sa carrière, c'est un vieil enfant. Un vieil enfant ! direz-vous. Il y a contradiction dans les termes! Mais non: enfant veut dire qui ne parle pas. C'est la signification propre du mot. Or, l'homme sait

jamais parler? Il dit des mots; mais des vérités, et surtout des vérités religieuses?

jamais, de lui-même du moins. Au commencement, c'est l'infirmité du jeune âge qui l'en empêche; au milieu de la vie, ce sont les passions; à la fin, c'est l'infirmité de la vieillesse. Donc, avons-nous dit avec raison, l'homme est toujours enfant, et a besoin, par cela même, d'après votre propre aveu, de l'assistance des anges.

Mais, en supposant que l'homme sortit réellement de l'état d'ignorance et d'infirmité dans lequel il nous apparaît toujours aurait-il moins besoin, pour cela, de l'assistance des anges? Nous ne le pensons pas. Pourquoi, en effet, cette assistance ? C'est, avons-nous dit, pour l'éclairer, lui communiquer la grâce céleste, centupler ses forces, et, j'ajouterai ici, lui procurer les consola tions dont il a besoin au milieu de toutes les souffrances de la terre. Or, qui ne comprend qu'il n'y a point d'âge où l'homme n'ait également besoin de ces différents secours ? -Devenu grand, dites-vous, l'homme est plus éclairé qu'étant enfant. C'est possible; mais il a beaucoup plus besoin de lumière, parce qu'il a beaucoup plus de choses à connaître et à faire connaître aux autres.

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-

Devenu grand, l'homme doit recevoir plus de grâces de la part de Dieu.. - Oui; mais ce même Dieu lui commande aussi des choses plus importantes et plas difficiles. Devenu grand, l'homme a beaucoup plus de force en lui-même.- Oui; mais il a un fardeau beaucoup plus lourd à porter. Devenu grand, l'homme trouve en sa propre raison de grandes consolations. Oui; mais il a aussi des chagrins cuisants, des peines profondes, dont l'enfant ne saurait se faire une idée. L'homme a donc également besoin, à tout âge, de l'assistance céleste, ou, ce qui est la même chose, de l'assistance des saints anges. De là ces beaux vers que nous avons cités plus hant:

Tout mortel a le sien; cet ange protecteur,
Cet invisible ami veille autour de son cœur,
L'inspire, le conduit, le relève s'il tombe,
Le reçoit au berceau, le conduit à la tombe.

Entendez-vous bien, à la tombe! Et pourquoi donc le quitterait-il auparavant? N'estce pas à ce moment surtout que l'homme a besoin de consolation et de force?

Il est parmi les hommes une classe qui a particulièrement besoin de consolation, c'est la classe indigente et souffrante, c'est le pauvre peuple condamné à manger son pain à la sueur de son front, soit qu'il ait la peine de le gagner par un rude labeur, ou la peine plus grande encore de l'aller mendier. Aht gardez-vous bien de lui ôter la foi en son ange gardien. Ne voyez-vous pas qu'il est presque toujours seul sur la terre, presque partout délaissé, par ceux mêmes qui sont aussi malheureux que lui, et qui aimeront mieux aller s'asseoir à la porte du riche que d'entrer dans sa cabane? Vous, peut-être, vous avez vos amis de la terre, vivants ou morts, avec lesquels vous échangez vos pensées. Ces amis-là ne vous dispensent point sans doute d'en avoir dans le ciel, et pourtant ils font nombre. Quant au malheureux,

je viens de vous le dire, il est presque toujours seul, presque partout abandonné à sa faiblesse et à ses misères. Laissez-lui donc du moins ces invisibles amis du ciel que Dieu lui-même a placés auprès de lui pour le conduire, le fortifier, le défendre, éloigner de lui ou diminuer du moins le danger, essuyer ses larmes, et l'introduire en

fin, s'il les suit, au séjour des éternelles consolations, où il n'aura plus besoin de l'assistance de ces esprits créés et finis, puisqu'il sera alors, comme eux, en possession de l'esprit infini, créateur, conservateur, rémunérateur de tous les êtres, et principalement de ceux qui auront souffert, en son nom, avec résignation et courage.

ANGELUS.

Objections.- Convenez que c'est bien un peu enfant de sonner trois petits coups, trois fois de suite, et, après, à grande volée, comme on dit communément. - Vous dites que c'est le signal de la prière; mais faut-il prier si souvent? - Tout cela est bon pour le peuple.

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Réponse. Tout le monde sait qu'il est d'usage, dans tous les pays catholiques, mais particulièrement en France, de sonner trois fois par jour le matin, à midi et le soir, pour inviter les fidèles à réciter la prière communément appelée Angelus, parce qu'elle commence ainsi. Cette prière est composée de trois versets tirés des saintes Ecritures, et relatifs au mystère de l'Incarnation, chacun desquels est suivi d'un Ave Maria; après quoi vient une oraison, pour demander au Seigneur l'effusion de ses grâces et le salut éternel par les mérites de Jésus-Christ. De là le mode de sonnerie contre lequel vous vous élevez bien injuste

ment.

Convenez, dites-vous, que c'est un peu enfant de sonner trois petits coups, trois fois de suite, et, après, à grande volée, comme on dit communément.

Mais, non, je ne conviens point de cela. du tout je trouve, au contraire, que c'est quelque chose de sérieux, et même de trèssérieux. C'est le signal de la pensée. Or, qu'y a-t-il de plus sérieux que la pensée qui nous détache de tous les objets matériels pour nous mettre en rapport avec les esprits. C'est le signal de la prière. Or, qu'y a-t-il, que peut-il y avoir de plus sérieux que la prière qui nous élève au-dessus de toutes les créatures pour nous mettre en rapport avec le Créateur. Que dis-je? mais c'est plus que le signal de la pensée, plus que le signal de la prière; c'est un recueil de pensées, c'est une prière véritable. Ne le comprenezvous pas ? La cloche est la voix de l'église. Chaque sonnerie est un langage, et a, pour ceux qui l'entendent, sa signification propre. C'est donc l'Angelus qui sonne en ce moment, je suppose. Ces trois coups lents, répétés à trois fois différentes, c'est la récitation grave des trois versets exprimant le mystère si profond de l'Incarnation, suivis chacun d'un Ave Maria. Cette méditation, cette prière achevée, la cloche s'ébranle, elle s'anime en quelque sorte, et monte à grande volée, comme on dit en effet, jusqu'au ciel, pour en faire descendre les grå-. ces du Seigneur, qu'elle est allée demander,

pour tous les fidèles, au nom et par les mérites du Rédempteur.

Je vous le demande actuellement, cela vous paraît-il un peu enfant? Si vous en jugez ainsi, c'est que vous vous arrêtez à la surface des choses sans pénétrer à l'intérieur. Mais ne voyez-vous pas qu'il en serait de même de tout signe dont vous ne chercheriez pas à pénétrer la signification. Qu'estce que le signe de la croix, sans les mystères qu'il nous rappelle? N'y a-t-il pas là aussi quelque chose d'un peu enfant, pour me servir de votre expression? Qu'est-ce qu'un geste, sans la pensée qui s'y trouve attachée naturellement ou par convention? Mettez un sauvage en face de Bossuet, prononçant l'oraison funèbre de Condé, ou bien en face de Cicéron, prononçant sa Harangue contre Catilina, ou bien encore en face de Démosthènes, prononçant son Discours pour la Couronne; il rira aux éclats, ou sera tenté de le faire du moins, sans se douter, en aucune manière, que ce sont là de véritables chefs-d'œuvre de l'esprit humain. Mettez-le seulement en face d'un télégraphe aérien; et, quand il verra ces longs bras s'étendre, s'élever, former les figures les plus bizarres, il Fira encore aux éclats, sans pouvoir s'imaginer qu'il a sous les yeux l'une des inventions les plus ingénieuses de l'intelligence humaine. Je le répète donc, indépendamment de sa signification, tout signe n'est rien. C'est même souvent quelque chose de puéril et de ridicule. Voilà pourquoi l'Angelus vous a paru ainsi, ne considérant pas les pensées qui s'y trouvent attachées. Avec ces pensées, c'est toute autre chose, comme je viens de vous le montrer.

Vous allez me demander peut-être pourquoi précisément ces trois coups répétés à

trois fois différentes.

Je pourrais vous répondre simplement que je n'en sais rien, sans que vous eussiez à en tirer aucune conséquence défavorable au sujet que je traite. C'est un signal donné par l'Eglise à ses enfants, vous ai-je dit tout à l'heure, c'est le signal de la pensée et de la prière. Le signal est-il suffisamment compris? Oui.- Eh bien! n'en demandez pas davantage. Il faut bien s'arrêter à un nombre quelconque. Si on donnait deux ou quatre coups à deux ou quatre fois différentes, vous demanderiez peut-être pourquoi pas trois. On sonne trois coups précisément, et à trois fois différentes, et vous demandez pourquoi ce nombre. Je vous le répète, je pourrais vous répondre que je n'en sais rien, sans que vous cussiez à en tirer aucune

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conséquence défavorable au sujet qui nous occupe. Mais non, je puis parfaitement vous satisfaire ici. Ne savez-vous pas que le nomabre trois est un nombre sacré, et j'ajouterai è même un nombre chrétien? C'est le nombre qui plait à la Divinité et qui doit plaire 1 aussi aux hommes, puisqu'il rappelle l'auguste mystère de la sainte Trinité, fondement de tous les autres mystères. Quoi! vous vous étonnez de voir ce nombre dans les cérémonies religieuses. Mais ne savez-vous pas qu'il se retrouve dans toutes les parties de la nature où le Créateur semble avoir 1. voulu ainsi graver son nom? Ne savez-vous pas qu'il joue un rôle dans les occupations les plus graves comme les plus frivoles de l'humanité ? « Soldats,» dit le général à son armée, « au troisième coup, vous monterez à l'assaut.- Amis, » dit l'enfant à ceux de son Age, quand j'aurai frappé trois coups, vous : vous élancerez vers le but. » Et vous êtes surpris que la religion nous dise: « Enfants, le matin, à midi et le soir, quand vous entendrez la cloche sonner trois coups, que votre âme s'élève au-dessus de la terre et aille se jeter, un instant, dans le sein de la Vierge, votre Mère céleste, et dans celui de votre Créateur lui-même. » Ah! je le répète, c'est ne rien entendre ni à la religion ni à la nature.

D

Vous dites que c'est le signal de la prière, ajoutez-vous; mais faut-il prier si souvent? Oui, je vous l'ai dit, c'est le signal du recueillement, de la pensée et de la méditation, c'est le signal de la prière; c'est plus que cela, ai-je dit encore, c'est une méditation, une prière véritable; c'est un symbole, le symbole chrétien, puisque le mystère de la sainte Trinité, celui de l'Incarnation et mêine celui de la Rédemption trouvent là expressément rappelés.

Je vous entends me répéter: Faut-il donc méditer et prier si souvent?

Pourquoi non? et même pourquoi ne le ferions-nous pas plus souvent encore? Ce n'est point un ordre rigoureusement obligatoire que l'Eglise, votre mère, vous impose alors; c'est un conseil, c'est une invitation amicale et maternelle qu'elle vous adresse; mais, quand bien même ce serait un précepte formel, devriez-vous le trouver étonnant? Prier, c'est exprimer sa reconnaissance, et chacun sait que la reconnaissance doit toujours accompagner le bienfait. Or, le bienfait, de la part de Dieu, est de tous les instants. Nous devons donc penser à lui aussi et le prier à chaque instant. Prier, c'est solliciter celui dont nous avons besoin; or, nous avons besoin de Dieu à chaque instant. Nous devons donc le prier aussi à chaque instant. Prier, enfin, c'est s'unir à Dieu pour puiser au cœur de ce bon Père, au sein de l'Etre infini, les consolations, les lumières, la force, la vie même, tous ces biens qui sont en nous et que nous ne possédons, en quelque sorte, que d'emprunt. Or, cette union de l'âme à Dieu est toujours nécessaire pour trouver en lui les biens dont je viens de parler. Donc, aussi, nous devons

prier à chaque instant. Voilà pourquor Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui connaissait si bien la nature de Dieu et celle de l'homme, nous dit expressément qu'il faut toujours prier, et ne jamais cesser: Oportet semper orare et non deficere. (Luc. xvi, 1.) Entendez-vous bien, toujours? Non pas formellement et positivement, cela est absolument impossible; mais implicitement et virtuellement, c'est-à-dire, en élevant de temps en temps son esprit et son cœur vers Dieu, la-quelle élévation est censée persévérer ton-jours par l'intention que nous en avons eue, et n'a plus besoin que d'être renouvelée. C'est ainsi que le corps ne prend que de distance en distance la nourriture dont il a pourtant toujours besoin pour vivre. Ne donnez-vous pas à votre corps cette nourriture matérielle trois fois par jour environ? La prière est pour vous une nourriture spirituelle. Pourquoi donc trouvez-vous étonnant que l'Eglise vous invite à la donner aussi trois fois par jour à votre âme?

Vous allez me dire sans doute que vos occupations ne vous permettent ni de le faire, ni même d'en avoir la pensée.

Je ne puis répéter ici ce que je dis à l'article PRIÈRE ; je me contenterai seulement d'ajouter quelques réflexions concernant plus particulièrement l'Angélus.

Vous dites que vos occupations ne vous permettent ni de faire cette prière, ni même d'en avoir la pensée. Eh bien! ne la faites pas. Je vous l'ai dit moi-même, ce n'est point une obligation que l'Eglise vous impose, c'est une invitation qu'elle vous adresse, que vous pouvez bien ne pas suivre vous-même, mais que vous ne devez point mépriser, et dont vous devez bien vous garder de détourner les autres.

Vos occupations ne vous permettent ni de la faire, ni même d'en avoir la pensée. Mais qui vous parle de laisser là vos occupations, de vous en déranger même un seul instant? Vous êtes à remuer la terre, je suppose. Tandis que votre corps, tout en sueur peut-être, se courbe péniblement vers la terre, pour en tirer l'aliment nécessaire à sa nourriture, pourquoi votre âme, affamée aussi d'un autre aliment, ne s'élèverait-elle pas vers Dieu, pour puiser au cœur de ce bon père le pain de la pensée et de l'amour, qu'il lui donnera en abondance, si elle a su s'en rendre digne? Ne voyez-vous pas que ce n'est point là une occupation nouvelle, une occupation gênante pour vos occupations corporelles, mais bien plutôt une consolation, un repos même, en quelque sorte, sans cesser pourtant de travailler. Car la pensée sainte, un pieux sentiment, la prière, en un mot, c'est un baume divin qui pénètre l'âme tout entière et se répand de là dans toutes les parties de notre corps. C'est ce que nous dit NotreSeigneur Jésus-Christ par ces remarquables paroles que nous ne saurions trop nous rappeler Venez à moi, vous tous qui travaillez et qui êtes chargés, et je vous donnerai une nouvelle vie : Venite ad me omnes qui laboratis et onerati estis, et ego reficiam vos.' ..

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alors, car c'est le Seigneur qui l'ordonne au travail sans te plaindre, car tu vas souffrir à l'exemple de Jésus-Christ; au travail sans te plaindre, car le temps coule rapide

(Matth. x1, 28.) Ne le comprenez-vous pas ? Vous qui portez péniblement le poids du jour et de la chaleur, quand, au milieu de vos fatigues, vous apercevez subitement un père, une mère ou quelque autre être ten-ment, et dans l'éternité, tu seras récomdrement aimé, quand leur pensée seulement se présente à votre esprit et que vous venez à vous dire « C'est pour eux que j'endure tout cela» est-ce que vous n'avez pas tout oublié au même moment? est-ce que le courage et la force qui allaient vous abandonner ne reviennent pas aussitôt? Mais si la vue, la pensée seulement de créatures tendrement aimées suffit pour produire un tel changement, que sera-ce d'un regard tourné avec amour vers Dieu lui-même et vers sa sainte Mère? Ne dites donc point : « Mes travaux ne me permettent pas de faire la prière que l'Eglise réclame. » Non, cette excuse ne vaut rien, puisque ces travaux sont, au contraire, un nouveau motif de la faire. Tout cela est bon pour le peuple, avez vous observé.

Je viens de vous le dire moi-même, tout rela est bon, excellent pour le peuple. Ne voyez-vous pas, en effet, que cette prière, quelque courte qu'elle soit, est pour l'homme une source inépuisable de lumières, de consolation et de force? D'où il suit que le peuple, et surtout le peuple qui travaille et qui souffre, ne saurait la réciter avec trop de régularité et de ferveur. Quand, au milieu même du jour, c'est-à-dire au plus fort de ses travaux, il se relève un instant et se dit: « Quelle heure est-il? et dans combien reverrai-je les miens? - Bientôt l'éternité, répond la cloche qui vient à sonner, je suppose; et alors ce ne sera pas seulement ta famille de la terre, mais celle du ciel aussi que tu reverras et que tu posséderas pour toujours. ». Comprenez-vous quel trait de Juniière, quelle consolation et quelle force il y a là pour lui? Ahl je vous l'ai dit déjà, tout est oublié aussitôt, et il reprend sa tâche avec un courage infatigable. Et ce n'est pas seulement au milieu du jour que la cloche qui sonne l'Angélus est pour l'homme de travail et de peine lumière, consolation, et force, c'est aussi le matin et le soir. Le matin, c'est elle qui le réveille : « Au travail sans te plaindre, semble-t-elle dire

pensé en raison même de ton travail. » Le
soir, c'est elle également qui l'invite au re-
pos« Assez, assez, semble-t-elle lui dire
alors, assez pour le corps. Reviens auprès des
tiens, va goûter cet instant de repos que
Dieu accorde ici-bas à ses enfants, en atten-**
dant le repos de l'éternité. Mais si tu veux
que ce repos du corps soit en même temps
profitable à ton âme, que nous ne devons ja-
mais perdre de vue, endors-toi dans la pen-
sée de Dieu et dans celle de Marie, sa Mère. »
Ainsi, cela est évident, la cloche qui sonne
l'Angélus est, pour le peuple qui travaille
et qui souffre, une horloge véritable, mais
une horloge sainte, qui règle son temps
conformément à la volonté du Seigneur, et
le rend profitable pour l'éternité. Vous avez
donc eu raison de le dire, tout cela est bon
et même excellent pour le peuple.

Mais pour les autres, vous demanderai-je
à mon tour, mais pour vous-même qui par-
lez, n'est-ce pas bon et excellent égale-
ment? Vous n'avez pas les mêmes peines
que
le peuple, peut-être, mais vous en avez
d'autres, et sans doute de plus grandes, vous
avez les peines de l'esprit et du cœur. Vous
n'êtes point assujetti aux mêmes travaux
que lui, mais à des travaux assurément plus
difficiles. Relevez-vous donc aussi, un ins-
tant, à la voix de l'Eglise votre Mère, quand
le double fardeau de ces travaux et de ces
peines vous a courbé vers la terre, et ap-
prenez d'elle le véritable chemin qui conduit
au bonheur et à la gloire. Vous vous enor-
gueillissez peut-être de la pensée qui est en
vous, de la parole humaine qui jette autour
de vous un certain éclat. Sachez donc que,
quand bien même nous posséderions en
nous, comme Marie, le Verbe fait chair,
nous devons nous humilier profondément,
à son exemple, devant le Seigneur, et pas-
ser aussi, ne fût-ce qu'en désir, par le Cal-
vaire et par la croix, pour arriver à la ré-· ·
surrection : Per passionem ejus et crucem ad
resurrectionem perducamur. (Fin de l'oraison
à l'Angélus.)

ANGLETERRE.

Objection. En voilà un pays! riche, puissant, tolérant, libéral... Aussi n'est-il point catholique, mais protestant.

Réponse. Il nous répugne, nous devons l'avouer, de venir ici contester la réputation beaucoup trop exagérée d'un peuple qui a donné l'hospitalité à nos pères, d'un peuple qui possède et a toujours possédé un grand nombre d'individus et même de familles ir réprochables, d'un peuple qui a bien, sous certains rapports, les qualités que nous vecons de rappeler. Nous voudrions pouvoir dire de lui ce que disait de Marlborough fun

de ses rivaux, quand on lui demanda ce qu'il pensait de son amour de l'argent : « Il est si grand, répondit-il, a que j'ai oublié ses défauts! » Mais, quand nous entendons vanter les qualités de ce peuple avare aussi et ambitieux,avec une incontestable exagération, quand surtout nous les entendons vanter au détriment de notre pays et de notre foi, notre indignation s'enflamme alors au double feu du patriotisme et de la foi, et nous brûlons de dire ce que nous en pensons, et ce que, selon nous, tous devraient 'en penser.

Voyons, vous-même, qui vantez si fort

les Anglais, voudriez-vous en être un? échangeriez-vous volontiers votre titre de Français pour celui-là, si rehaussé par vous?

Je vous entends me répondre aussitôt « Pour ça, non! Car si l'Anglais est grand, le Français l'est bien davantage. Il est plus brave, plus généreux, plus loyal...»

Je pourrais m'en tenir là, et vous dire : Puisque vous louez le protestantisme d'avoir fait l'Anglais ce qu'il est, vous devez louer, à plus forte raison, le catholicisme d'avoir fait le Français ce qu'il est. Car vous ne devez point ignorer que ce sont les évêques, comme le remarque Gibbon, qui ont fait ce beau royaume de France, le plus beau de tous, a dit Grotius, après le royaume des cieux, comme les abeilles font leur ruche. Mais laissons de côté toute comparaison, et, considérant la chose en elle-même, voyons si le peuple anglais est réellement ce que Vous avez dit, et si c'est au protestantisme qu'il faut l'attribuer.

C'est un peuple riche! avez-vous dit.

:

Nul ne s'avisera de vous le contester; il est riche, très-riche, il est énormément riche. La richesse n'est point une vertu, ni un bien en soi, mais c'est un moyen de pratiquer certaines vertus, de faire le bien, et, par conséquent, une chose utile. Or, à quoi devons-nous attribuer la richesse du peuple anglais?Au protestantisme? Non; et, d'ailleurs, il ne faudrait point l'en louer, puisque la religion véritable a pour but, au contraire, de détacher les coeurs des choses de la terre pour les élever au ciel. A quoi donc faut-il l'attribuer? A cet esprit mercantile qu'il porte partout, et partout au souverain degré. Ce peuple de marchands, comme l'appelait Napoléon I, vend tout, et tout avantageusement, jusqu'à ses Bibles. I en donne, me direz-vous. Qui, mais, à l'heure même qu'il les donne, je ne sais trop s'il ne compte pas faire encore un bon marché, parce que c'est un acheminement à vendre ses cotonnades et autres articles

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Europe! Ce n'est donc point le protestantisme qui est la source de sa puissance, c'est l'argent. Si, un jour, l'ébranlement est donné aux colonnes d'or sur lesquelles elle est appuyée partout, on la verra chanceler, et s'écrouler peut-être aux applaudissements des autres peuples. Ne remarquez-vous pas déjà des signes d'affaiblissement dans cette puissance (3)? Son côté infirme, peu honorable, ne se montre-t-il pas de plus en plus, chaque jour? Représentez-vous ce grand duel de peuples qui vient d'avoir lieu, en Crimée. Dans ce camp formé pour attaquer les Russes derrière leur remparts, où est la vraie puissance? Le combat terminé, le Français relève l'ennemi à moitié tombé, et lui rendant sa forte épée, il lui serre loyalement ia main. Toutes les conditions ne sont pas bien remplies; » observent, quelques témoins. « Bagatelles que cela» répond le Français; et voilà le héros. Est-ce la même chose du côté de l'Anglais? Que de tracasseries, au contraire ! Et même pendant la lutte, quelle différence encore! Vous savez ce qu'on a dit de ceux qui combattaient sous les étendards de l'Angleterre : « Ce sont des lions, s'est-on écrié, en les voyant à l'action, mais des lions conduits par des ânes!». Je ne sais ce qu'il y a de vrai dans cette idée, tombée de haut, dit-on, et répétée par bien des bouches, malgré la forme un peu triviale de l'expression; mais ce que je sais, c'est que beaucoup de ces lions, si lions il y avait, étaient sortis de la pauvre et catholique Irlande, et que ces ânes, si ânes il y avait également, venaient tous ou presque tous de la riche et protestante Angleterre. C'est un peuple tolérant!

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Oui, en certains cas, mais dans d'autres, et surtout quand il agit sous la domination de ses idées religieuses, c'est un des plus intolérants, si ce n'est même le plus intolérant des peuples. Ecoutez ce qu'en disait tout récemment un écrivain anglais et protestant. Il démasque et flétrit cette fausse tolérance beaucoup plus énergiquement que ne pourrait le faire aucun écrivain français et catholique:

1

moins avantageux. Voyez ce qui se passe en Chine: Le Français y vient, une croix de bois à la main, et sans autre ambition que de communiquer à ce peuple in- « Faut-il donc,» s'écrie-t-il. «< que nous fortuné, au détriment de sa propre fortune, ne tenions aucun compte des citoyens qui de son bonheur, de sa santé, de sa vie, la forment à peu près le tiers de la population foi qui régénère et fait vivre éternellement. des Iles Britanniques, parce qu'ils ne penL'Anglais, de son côté, y vient également, sent pas comme nous sur quelques points mais c'est avec de bons canons, et l'inten- de théologie? Ou faut-il que nous allions tion bien arrêtée de mitrailler ce pauvre encore plus loin, et que nous nous efforpeuple, s'il repousse son opium, qui dé-cions de les exterminer? Nos pères l'ont esgrade, et ne tarde guère à donner la mort. Hest puissant!

Sans doute, puisque l'argent donne la puissance. Avec de l'argent, il achète les vaisseaux qui établissent sa puissance sur mer; avec de l'argent, il achète des armées, qui font sa puissance sur terre; avec de l'argent, il achète des portions de royaume, et quelquefois des royaumes entiers. Voyez ce qui se passe dans ies Indes, et même en

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sayé et ils ont échoué. Depuis l'a vénement de Guillaume et de Marie jusqu'au milieu du règne de Georges III, les lois les plus cruelles et les plus sanguinaires que les hommes ou les démons aient jamais conçues, furent appliquées aux Catholiques de ce royaume, et cela en violation du traité solennel conclu lors de la capitulation de Limerick en 1691, traité qui fut signé par le, général anglais, et qui garantissait aux

(3) Ceci était écrit avant la vaste insurrection qui vient d'éclater dans les Indes, et dont il est impossible de prévoir en ce moment l'issue.

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