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dans de telles circonstances, le déshonneur peut et doit donc l'atteindre également, quand il l'a mérité.

Ce n'est pas lui que vous punissez, avezvous dit encore, c'est sa famille.

Je vous l'ai dit, c'est lui-même; lui avant tout, lui directement, et les autres après et indirectement seulement.

Mais, répondez-vous, il ne sent point la peine, puisqu'il est mort.

sans aucun doute, puisqu'elle frappe dans de telles circonstances; mais, après tout, loi juste, loi salutaire, et, pour tout dire en un mot, loi, lien sacré, qui enchaîne la conscience, et que nul ne peut briser sans se rendre coupable. Demandez donc aux juges qui condamnent aux derniers supplices celui qui s'en est rendu digne, aux gendarmes qui le conduisent à l'échafaud, au bourreau qui laisse tomber sur sa tête le fer tranchant, s'ils gardent de la rancune jusqu'à la mort? Non, non, vous répondront-ils unanimement, non, nous n'avons contre lui aucun sentiment de haine! bien loin de là, son sort nous touche, et même profondément. Nous sommes aussi affectés, plus affectés que vous peut-être, à cause des devoirs que nous avons à remplir; mais enfin la loi commande, et il faut lui obéir, quelque pénible qu'elle paraisse Dura lex, sed lex.

Quoi! punir un cadavre! vous écriez

vous.

Vous vous trompez, ce n'est point le cadavre qui est puni, c'est le mort. Il est puni dans son corps, mais n'est-ce pas presque toujours ainsi que nous frappe la loi humaine? Ce corps est actuellement sans vie, c'est un cadavre, comme vous dites; mais ce cadavre, est-ce donc tout ce qui reste du défunt, même sur la terre? N'a-t-il pas sa mémoire, sa vie au delà du tombeau, à l'honneur de laquelle nous tenons encore plus, pour la plupart, qu'à celle qui la précède? Singulière préoccupation! celui qui ne croit point peut-être à l'immortalité du ciel n'en croit pas moins à l'immortalité de la terre, etil affrontera mille morts, s'il le faut, pour épargner la moindre dégradation à ce que Vous appelez avec mépris son cadavre.

Ce n'est point d'ailleurs pour celui qui est puni seulement que les peines extérieures sont infligées, c'est autant et plus encore peut-être pour la société. Qui ne le remarque d'après tout ce qui frappe à chaque instant nos regards! Le refus de sépulture ne peut rien faire au mort, pensez-vous. Je vous l'accorde, si vous le voulez. Mais ne fait-il rien à ceux qui lui survivent? Ne leur inspire-t-il pas la crainte de vivre et surtout de mourir dans l'éloignement de la religion? Bien des personnes ont demandé et demandent chaque jour encore le prêtre au lit de mort, qui ne l'eussent pas fait sans la crainte d'un refus de sépulture. Ce n'est que de la crainte, direz-vous. Soit, mais c'est toujours le bon exemple; et puis, qui sait si ce n'est pas pour eux une occasion de se réconcilier sincèrement avec Dieu ?

Mais pourquoi tant de raisonnements à l'appui d'une vérité qu'établit suffisamment le fait le plus général, le plus constant, le plus visible peut-être qui fut jamais? Ne rendon pas chaque jour et en tout lieu, n'a-t-on pas rendu, partout et toujours, des honneurs et quelquefois même les plus grands honneurs aux dépouilles mortelles de celui qui n'est plus? Puisque, du consentement de tous, l'honneur lui est rendu, avec raison,

Il l'a ressentie ou il a pu la ressentir du moins avant sa mort, puisqu'il la prévoyait ou devait la prévoir. N'est-ce pas presque toujours ainsi que l'homme ressent les grandes peines qui lui sont infligées ? Ce n'est pas au moment même, car il y est devenu bien souvent insensible, mais c'est auparavant.

Il ne sent point la peine!.. Qu'en savezvous? Les païens eux-mêmes pensaient le contraire.

Il ne sent point la peine !.. Mais si l'honneur n'est pas chose vaine à l'égard d'un mort, pourquoi le déshonneur le serait-il davantage?

Vous punissez du moins la famille, autant et plus que lui peut-être, ajoutez-vous.

C'est vrai; mais il ne peut en être autrement. Quand un jeune fou est atteint par les grandes rigueurs de la loi, croyez-vous que ses parents, s'ils sont honnêtes surtout, ne sont pas beaucoup plus punis que luimême?

C'est vrai; mais cela doit être. La famille n'est-elle pour rien dans la faute qui a été commise? N'y a-t-il pas eu négligence de sa part, plus que cela peut-être ? N'a-t-elle pas besoin d'être avertié et sévèrement avertie? Ne doit-elle pas servir d'avertissement aux autres? Quand l'intérêt général parlerait seul en pareil cas, ne faut-il pas y sacrifier tout intérêt particulier?

J'ai vu une mère, pleine de douleur, demander, les larmes aux yeux, que les honneurs de la sépulture chrétienne fussent rendus aux restes ensanglantés du jeune et malheureux fils qui venait de mourir sur le terrain même, dans une de ces rencontres dont on rit quelquefois, et qui n'en sont pas moins des crimes de lèse-nation puisqu'elles lui enlèvent tant de braves et généreux serviteurs; et je me suis rappelé le vieux Priam attendrissant le bouillant Achille, pour pouvoir rendre les derniers devoirs aux dépouil les de son cher Hector, et je me suis demandé si, en pareil cas, il n'était pas bon de laisser dormir la loi; mais je me suis rap pelé que peut-être cette tendre mère avait bien des reproches à se faire dans la direction donnée à son fils, je me suis rappelé l'inté rêt général de la société devant lequel tout autre s'effaçait nécessairement, et je me suis dit, quoique pleurant aussi avec elle: faut pourtant laisser passer la justice de Dieu!

Vous dites, vous-même, ajoutez-vous enfin, que, par un acte secret, il a pu se réconcilier avec Dieu, au dernier moment.

Sans doute, et c'est là pour l'homme un

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des bienfaits de notre sainte religion, de pouvoir lui donner encore de grandes consolations à l'heure où elle lui inflige les peines les plus sensibles. Oui, rien n'est plus vrai, celui-là même à qui le prêtre est obligé par les règles de l'Eglise de refuser la sépulture religieuse, a pu, à la rigueur, se réconcilier avec Dieu, au dernier moment; mais, après tout, il n'en a pas moins encouru cette peine: elle doit donc lui être infligée. Voyez le malheureux que la justice humaine a condamné à la peine de mort pour quelque grand crime. Il n'a pas tardé à se repentir de ce crime, je suppose. Il est actuellement dans les meilleures dispositions. Il a reçu son Dieu, et ce Dieu, parlant lui-même à son cœur, lui a dit, comme autrefois au bon larron: Aujourd'hui, vous serez avec moi dans mon paradis : « Hodie mecum eris in paradiso. (Luc. XXIII, 43.) Mais il n'en doit pas moins être attaché à sa croix et y périr.

Je ne sais pourquoi on a tani blåmé de nos jours quelques refus de sépulture de la part de l'Eglise, dans des circonstances pourtant où les faits parlaient d'eux-mêmes et assez haut. L'antiquité n'a-t-elle pas eu aussi ses refus de sépulture. Qui ne sait, par exemple, que l'Egypte, si renommée par sa sagesse, faisait subir à ses rois eux-mêmes, après leur mort, un jugement solennel, où chacun pouvait apporter ses accusations, et à la suite duquel, quand il avait été défavorable, la sépulture ordinaire ne leur était point accordée. Quelle différence cependant entre cet usage où une multitude aveugle et courroucée devait souvent donner l'impulsion, et celui de l'Eglise, où les choses se passeraient toujours avec calme et impartialité, si la folie ne se croyait en droit alors de venir donner des leçons à la sagesse!

Mais pourquoi aller chercher si loin de nous un hommage à la sagesse de l'Eglise? La société présente n'est-elle pas toute disposée à la reconnaître, dans les lieux mêmes

où elle a été le plus travaillée par le protestantisme et la philosophie, les deux plus redoutables ennemis que le catholicisme ait peut-être jamais rencontrés? Nous lisions tout récemment dans la Presse, journal assez peu favorable, comme chacun sait, à la religion catholique:

« Les derniers journaux de New-York annoncent que le sénateur Rusk, du Texas, s'est suicidé, sur son habitation, en se tirant un coup de carabine dans la tête. On ne connaissait pas les motifs qui avaient pu porter à cette extrémité un homme sexagénaire, riche, entouré de la considération générale, et qui était en position de devenir ministre, ambassadeur ou président de l'Union. Mais ces mystères de la mort se présentent à chaque instant dans la vie américaine.

« L'esprit public s'est ému de ces scènes de meurtre, qui sont devenues les chroniques quotidiennes de la famille. La presse a soumis ce sujet à son analyse, et a cherché à découvrir un remède à cette espèce de maladie sociale. Un journal d'Albany et un autre de New-York se sont rencontrés dans la pensée commune de faire revivre contre les cadavres des suicidés la réprobation civile et l'anathème religieux dont les frappaient certains peuples de l'antiquité. Ils ont proposé que le corps du suicidé fût déclaré indigne de sépulture, et qu'il demeurât, de par la loi, exposé à l'abandon et à l'infamie.»

Il ne s'agit ici, il est vrai, que du suicide. Mais, n'importe, le principe est reconnu, et c'est tout ce que nous pouvions attendre de nos adversaires. D'ailleurs, on nous renvoie à l'antiquité. Or tout le monde sait que l'antiquité ne refusait pas la sépulture seulement aux suicidés, mais à tous ceux qu'elle en jugeait indignes. C'est donc le plus éclatant hommage rendu par des ennemis à la justice et à la sagesse de l'Eglise, sur un point même où elle fut longtemps en butte à leurs plus violentes attaques.

RELIGIEUX.

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Réponse. Oui saus doute nous sommes tous religieux, ou nous devons tous l'être du moins, parce que nous sommes tous, ou parce que du moins nous devons tous être rattachés à Dieu, comme des serviteurs à leur maître, comme des enfants à leur père, coume des sujets à leur roi, et, pour tout dire en un mot, comme des créatures à leur créateur. De là ce mot si énergiquement expressif de religieux ou reliés, rattachés, c'est-à-dire rattachés à notre Dieu par la foi, l'espérance, la charité et les autres vertus qui découlent de ces vertus premières; rattachés également aux autres hommes, nos frères, par les

liens qui résultent de la position de chacun.

Mais, outre les devoirs rigoureusement obligatoires, qui forment ce que j'appellerai volontiers le corps de la religion, il y a les conseils qui en forment la perfection. C'est la même chose dans l'état et dans la famille, où il y a non-seulement le bon sujet, le bon serviteur et le bon fils, mais encore l'excellent sujet, l'excellent serviteur et l'excellent fils, c'est-à-dire le sujet, le serviteur et le fils qui font beaucoup plus encore que ce qu'ils sont obligés de faire. En religion donc, outre le religieux ordinaire, c'est-à-dire celui qui fait profession d'accomplir les devoirs du christianisme, il y a le religieux par excellence, c'est-à-dire celui qui s'est engagé par état à accomplir les conseils mêmes du christianisme, lesquels se résument dans les vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. C'est là le religieux par excellence, avonsnous dit, ou simplement le religieux; les autres n'étant qu'attachés ou liés à Dieu et

aux hommes, par les liens ordinaires, lui s'étant rattaché ou relié par des liens plus nombreux et plus forts.

Vous devez voir actuellement, si réellement vous en doutiez, pourquoi il y en a qui prennent plus particulièrement le nom de religieux.

C'est une orgueilleuse prétention, avezvous dit.

Nullement, car le religieux prend ce beau nom à cause de son état et non à cause de sa personne. Il est vrai qu'il espère réaliser en lui les vertus de son état; mais c'est avec l'aide de Dieu, et non par son propre mérite. S'il peut ce que d'autres ne peuvent, il reconnaît comme saint Paul, que c'est en celui qui le fortifie: Omnia possum in eo qui me confortat. (Philipp. iv, 13.) Dans la sainte famille à laquelle il appartient, il ne se regarde, à l'exemple de ce même Paul, au sein du collége apostolique, que comme un avorton, le dernier des siens, n'étant pas digne du beau nom qu'il porte, ne s'estimant quelque chose que par la grâce de Dieu: Gratia autem Dei sum id quod sum. (I Cor. xv, 10.)

Vous voyez donc bien que ce n'est point une orgueilleuse prétention à lui de prendre, d'une manière particulière, le nom de religieux. Est-ce que c'en est une à vous de porter Te beau nom de Chrétien, qui veut dire, un disciple, un enfant de Jésus-Christ, et même un autre christ? - Vivit vero in me Christus. (Gal. 11, 20.)-Non c'est seulement une obligation plus grande que vous avez contractée, et que vous devez vous efforcer de remplir. Il en est de même du religieux. La noblesse ne devait point être une source d'orgueil, d'après sa primitive institution, mais une obligation plus rigoureuse. De là le mot si connu : Noblesse oblige. Il en est de même de ces grandes familles religieuses, noblesses spirituelles qui tirent leur splendeur de la royauté même de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Ce ne sont pas toujours ceux qui font profession de religion qui en ont réellement le plus, avez-vous objecté encore.

La grande vérité que vous proclamez là! C'est comme si vous disiez Ce ne sont pas toujours les professeurs qui ont le plus de science ni même le plus d'aptitude à enseigner. Non, sans doute, vous répondrait-on, car il y en a parmi eux qui sont ignorants et même très-ignorants; et, en dehors du corps enseignant, il y a de véritables savants, très-aptes à remplir les difficiles fonctions du professorat. Mais, comme ils sont choisis pour cela, comme ils se préparent longtemps à leurs fonctions, et qu'ils s'en occupent

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ensuite d'une manière spéciale, il est clair qu'ils doivent y exceller, pour la plupart, et se distinguer des autres sous ce rapport. Il en est absolument de même des religieux.

Ce ne sont pas toujours les religieux d'état qui le sont le plus en réalité, avez-vous dit.

C'est vrai, car il y en a qui sont indignes et même très-indignes du saint état qu'ils ont embrassé, et il y a partout dans le monde de simples fidèles qui en sont infiniment plus dignes; cependant, comme cet état est réellement saint, comme nul n'y entre sans marquer de vocation, sans épreuves sérieuses, et sans un noviciat de longue durée quelquefois, comme cet état n'est qu'une pratique continuelle de toutes les vertus du christianisme, il suit de là, quoi que vous puissiez dire, que les religieux sont aussi, généralement parlant, ceux qui ont le plus de religion.

Voltaire lui-même (Essai sur les mœurs) a dit ceci : « On ne pent nier qu'il n'y ait en dans le cloître de très-grandes vertus; il n'est guère encore de monastères qui ne renferment des âmes admirables qui font honneur à la nature humaine. » Trop d'écri vains (et Voltaire a été aussi de la partie) se sont fait un plaisir de rechercher les désor dres et les viees dont furent souillés quel quefois ces asiles de la piété. « Il est certain, ajoute-t-il ici, que la vie séculière a toujours été plus vicieuse, et que les plus grands crimes n'ont pas été commis dans les monastères; mais ils ont été plus remarqués par leur contraste avec la règle. Nul état n'a toujours été pur. »>

En poursuivant son apologie des ordres religieux, Voltaire a laissé encore tomber de sa plume, si souvent irréligieuse, ces remar quables paroles « Les instituts consacrés au soulagement des pauvres et au service des malades n'ont pas été les moins respec tables. Peut-être n'est-il rien de plus grand sur la terre, que le sacrifice que fait un sexe délicat, de la beauté et de la jeunesse, souvent de la haute naissance, pour soulager, dans les hôpitaux, ce ramas de toutes les misères humaines, dont la vue est si humi liante pour l'esprit humain et si révoltante pour notre délicatesse. »

Or, si tel a été le jugement d'un de ceux qui ont montré le plus d'acharnement contre notre sainte religion, d'un écrivain qui osa se présenter comme un ennemi person nel de Notre-Seigneur, et qu'on a regarde comme une espèce de démon incarné, juge par là de l'excellence de notre cause.

RELIGION.

Objections. Ne me parlez pas de religion. A quoi sert-elie? Elle est bonne pour le peuple. Elle est bonne pour les femmes, les enfants, les vieillards. Et encore met-elle souvent la désunion dans les familles. - Il suffit d'être honnête homme. J'ai peut-être plus de religion, et une religion mieux entendue que ceux qui en parlent tant: ma religion, à moi, c'est de

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Que fait-on à la campagne comme à la ville? Que fait-on dans les chaumières, dans les salons, dans les ateliers, dans les cercles, dans les cafés, dans les prisons, dans les académies, en repos comme pendant le travail ou en voyage? Presque toujours on parle de religion. Et vous voulez que personne ne vous en parle! Vous êtes donc un homme à part, n'ayant rien et ne voulant rien avoir de commun avec le reste du genre humain?

Que fait-on dans les journaux, quels qu'en soient le format et la couleur? Que fait-on dans les livres anciens ou modernes, quels qu'en soient l'idiome, le genre, la valeur? Que fait-on au moyen de la sculpture, de la peinture, de ces différents arts dont l'homme se sert pour manifester sa pensée? Presque toujours on parle de religion. Et vous ne voulez pas qu'on vous en parle! Vous ne voulez donc avoir de commerce ni avec les vivants ni avec les morts? Eh bien! retirezvous donc dans quelque solitude déserte, dans quelque centre ténébreux! Que dis-je ? Mais là encore, ou plutôt là plus promptement et plus vivement que partout ailleurs, la religion se présentera à votre pensée, et, si vous ne trouvez personne pour vous en parler, vous vous en parlerez, en quelque sorte, à vous-même.

Vous ne voulez pas qu'on vous parle de religion! Mais c'est le fond même de la nature humaine, le trait le plus caractéristique de son être. Qu'est-ce que l'homme, s'est-on demandé dans tous les temps? C'est un animal raisonnable, a-t-on répondu le plus communément.

Quoi! un animal raisonnable, l'homine! Mais combien ne le sont jamais? Et puis, que d'animaux le sont ou semblent l'être autant et plus que lui? Cette définition ne lui convient donc point, assurent un grand nombre de personnes. L'homine, disent les autres, c'est un animal religieux. Cette définition est-elle parfaitement juste? Je n'oserais l'assurer. Estelle plus juste que l'autre? Je le croirais volontiers. Elle convient plus généralement à l'homme, et elle ne convient qu'à lui. Quel autre animal que l'homme tourne vers le ciel des regards d'admiration, d'espérance et d'amour? Quel autre se prosterne devant Dieu et le prie? Quel autre a souci de la mort, et s'inquiète de la vie qui se trouve au delà du tombeau ? L'homme seul est donc réellement, ici-bas, un animal religieux; et, quand il demande qu'on ne lui parle pas de religion, il demande, par conséquent, qu'on ne lui parle pas de ce qui lui convient le mieux, j'ai presque dit de lui

mêine.

Vous ne voulez pas qu'on vous parle de religion! Mais cela n'est pas possible, la re

ligion tenant à tout, ou plutôt tout venant aboutir à ce centre universel. De quoi vous parlerait-on, en effet, qu'on ne soit naturelparler lement entraîné par une pente comme irrésistible à vous parler, un peu plus tôt ou un peu plus tard, de la religion? Est-ce de la pluie et du beau temps? de la conduite ordinaire des individus? de la politique? des faits surprenants qui arrivent quelquefois? des beaux-arts et des sciences?... Mais qui ne voit qu'au fond de tout cela se trouve Dieu, et avec Dieu la religion qu'il a donnéeaux hommes pour les rattacher au ciel? Non, vous dis-je, il n'est pas possible de ne point vous parler de religion, parce que, outre qu'on y arrive souvent sans y penser, c'est aussi quelquefois l'accomplissement d'un devoir impérieux. La foi, la raison, le sentiment, tout nous porte à nous occuper du bonheur de notre prochain. Il nous est donc impossible de vous voir aller rapidement à la mort dans une insouciance profonde, vous y précipiter quelquefois de vousmême sans vous crier: Prenez garde, mon frère ! commencez, du moins, par assurer votre éternelle destinée! Or, qu'est-ce que cela, si ce n'est vous parler de la religión?

Vous ne voulez pas qu'on vous parle de religion! Pourquoi donc, s'il vous plaît? Est-ce que vous la trouveriez au-dessous de vous, par hasard? Est-ce que vous la jugeriez indigne d'occuper les méditations de votre intelligence, ou de fixer l'attachement de votre cœur? Ce serait un peu fort. Quoi ! Vous trouveriez au-dessous de vous la religion de Jésus-Christ, cette religion prêchée par les apôtres, scellée du sang des martyrs, répandue par toute la terre, et qui seule peut rattacher à Dieu l'humanité entière ! Quoi! vous regarderiez comme indigne d'occuper les méditations de votre intelligence, cette religion qui a formé et nourri le génie des Pères, d'un Bossuet, d'un Fénelon, d'un Bourdaloue, d'un Massillon, d'un Corneille, d'un Racine, d'un Pascal, d'un Turenne, d'un Condé ! Quoi! vous regarderiez comme indigne de fixer l'attachement de votre cœur cette religion toute pure, qui forme à son image les âmes qui se trempent en elle, la religion qui a formé un saint Vincent de Paul, un saint François Xavier, un saint Charles Borromée, un saint François de Sales, un saint Louis, un Bayard, un Louis XVI!

Vous voulez qu'on ne vous parle point de religion! Pourquoi donc, encore une fois? Est-ce parce qu'en cela il est impossible de distinguer le vrai du faux? Mais Dieu, qui nous a donné une âme intelligente, pour discerner le vrai du faux en toutes choses, ne peut avoir fait d'exception par rapport à la religion. S'il en était ainsi, d'ailleurs, on ne verrait pas la plupart des hommes, et surtout les plus distingués, faire de la religion l'objet principal de leurs études. Est-ce parce que le faux et le vrai sont indifférents en religion? Le contraire est également prouvé par la raison et par l'expérience par la raison qui nous dit que la

vérité et l'erreur étant opposées l'une à l'autre, en religion comme en toute autre chose, ne sauraient avoir les mêmes conséquences; par l'expérience qui nous montre, à chaque instant, que d'un faux principe en religion découlent les maux les plus funestes à l'humanité. Serait-ce parce que le peu que nous savons en religion est toujours suffisant? Mais qui ne sait que l'instruction religieuse de l'enfant est insuffisante à l'homme, qu'elle s'affaiblit de plus en plus, et finit même par se perdre, si elle n'est entretenue et développée ? Qui ne sait qu'une demiconnaissance en tout et principalement en religion est quelquefois plus funeste qu'utile, tandis qu'une connaissance parfaite, autant qu'elle peut l'être chez l'honime, est comme le grand jour pendant lequel nous marchons en pleine sécurité. Il importe donc souverainement d'étudier de plus en plus la religion, d'en parler aux autres, et, par conséquent, d'en entendre parler.

A quoi sert-elle? demandez-vous.

Il me semble que tout ce que je viens de dire est déjà une réponse bien suffisante à cette question.

Je vous ai montré que tout le monde parle de religion, qu'elle est le sujet principal de nos conversations et de nos travaux intellectuels, qu'elle fait comme le fonds de notre nature, que c'est toujours à elle qu'il faut en revenir définitivement, en toute circonstance, mais principalement au moment de la mort; qu'elle élève l'homme au-dessus de lui-même, et en fait un saint ou un héros, selon les circonstances; que tout nous porte à l'étudier et à l'approfondir de plus en plus. Or, rien de cela n'aurait lieu, si elle n'était véritablement utile. Donc elle est utile.

Entrons actuellement dans le fond même de la question, et tâchons d'y répondre d'une manière plus directe.

A quoi sert la religion? dites-vous. —— Attendez, je vais vous le montrer.

Il me semble que presque tous les apologistes de la religion, pour mieux faire sentir son importance, se sont tracé un cadre, plus ou moins étendu, plus ou moins exact, dans lequel ils ont essayé de mettre, en même temps, sous nos yeux, les bienfaits que nous en recevons. Les uns ont divisé leur sujet en trois parties, et ont considéré, dans la première, l'importance de la religion par rapport à l'homme; dans la seconde, son importance par rapport à la société; et, dans la troisième, son importance par rapport à Dieu. C'est un plan vaste, qui se prête, comme il est aisé de le voir, aux plus beaux développements. D'autres, prenant l'homme seul pour point de départ, et le considérant néanmoins dans ses rapports avec Dieu et les autres hommes, puisqu'il est impossible de ne pas le considérer ainsi, toutes les fois qu'on l'envisage comme être intelligent et religieux, ont montré, d'une part, l'influence de la religion sur l'intelligence, qu'elle éclaire des lumières de la foi, et, d'une autre part, son influence sur le cœur qu'elle sanctifie par la pratique des vertus. C'est un

plan plus simple, mais qui ne manque pas, non plus, de grandeur, et dans lequel peuvent s'enfermer aussi sinon tous, au moins les principaux bienfaits de la religion.

Quelques mots de saint Paul nous fournissent, selon moi, le cadre le plus simple, et en même temps le plus exact des bienfaits de la religion: Pietas ad omnia utilis est,« la religion bien entendue est utile à tout, hous dit-il, et, comme pour donner un certain développement à cette idée fondamentale, il ajoute Promissionem habens vitæ, quæ nune est, et futuræ: « Elle a les promesses de la vie présente, et de la vie future. »(I Tim. iv, 8.)

Ce n'est ni un discours ni un traité que je veux faire ici. Je vais seulement, comme à l'ordinaire, recueillir quelques pensées et présenter quelques tableaux. Je m'en tiens donc aux premiers mots: Pietas ad omnia utilis est. Oui, la religion est véritablement utile à tout en général; c'est-à-dire qu'elle sert à tout homme, et pour toute chose. J'apporte mes preuves, que je trouve naturelle ment dans la vie ordinaire du Chrétien.

Vous n'êtes pas né encore. La religion vous bénit, et prépare tout avec le plus grand soin pour votre heureuse entrée dans la vie.

Vous venez de naître. La religion fait couler sur vous l'onde régénératrice, elle mar que votre front du signe sacré, pour montrer que, quelle que soit votre position actuelle, vous n'en avez pas moins été créé roi, et que Jésus-Christ vous a rendu, par la vertu desa croix, votre royauté perdue par le péché. La couronne vous appartient dès ce moment; il ne s'agit que de la conserver et même de l'embellir: c'est par la religion et avec la religion que vous serez assez heureux pour le faire.

Vous êtes âgé de quelques années seulement. Voyez-vous comme la religion commence à ouvrir votre esprit aux douces lumières de la foi, et votre cœur aux tendres sentiments de la piété ! Voyez-vous comme elle prend soin de conduire déjà vos pas chancelants dans les droits sentiers de la vérité et de la justice! Père, mère, prêtres, anges du Seigneur, tous viennent, en son nom, se ranger autour de vous, pour vous préserver de tout égarement, de toute chute, pour vous porter plus sûrement au-dessus des difficultés de la vie.

Vous avez atteint l'âge de discernement. Les deux sentiers de la vérité et de l'erreur, de la vertu et du vice se présentent à vous d'une manière beaucoup plus tranchée. De peur que vous ne vous égariez à cette épo que où ce serait peut-être pour toujours, Celui qui est la Voje, la Vérité et la Vie, vient lui-même vous éloigner de plus en plus du mal et vous fortifier dans le bien. Il a pris, comme pour vous témoigner plus d'amour, une forme plus modeste encore, que quand il reposa, petit enfant, dans une crèche, et il s'unit à vous sous l'apparence d'un pain d'une blancheur éclatante, symbole de la vie pure qu'il doit établir en vous.

Veus voilà à l'âge des plus violentes pas sions. Votre chute serait rapide, et votre

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