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rer, des effets et des succès de l'intelligence ou de la pratique de toutes les vertus que Dieu a mises au cœur de l'honnête homme.

«L'Université, la France, l'Europe, ont proclamé depuis longtemps le nom du savant. et illustre défunt, et je ne saurais rien dire qui puisse ajouter à la gloire de celui qui a tant donné à son pays. Bientôt et de tous 10tés, à des regrets universels on mêlera l'éloge des travaux qui ont enrichi la science et l'industrie, et la reconnaissance publique aura, dans ce devoir pieux, les organes les plus accrédités et les plus éminents. Permettez-moi, Messieurs, de rappeler surtout au conseil impérial l'homme si dévoué à l'instruction de la jeunesse, si heureux de ses progrès, si ferme et si bienveillant pour tous ceux qui se dévouaient au labeur ingrat mais honorable du professorat. Dans sa vieillesse vigoureuse et respectée, M. Thénard était comme la chaîne des traditions universitaires, et il nous dominait tous, autant par sa bonté affectueuse que par son expérience profonde. Esprit vaste et sûr, cœur excellent, il a partagé sa vie entre l'étude et les bienfaits. Aussi je ne sais pas de plus haute, de plus pure, de plus impérissable renommée. Nous lui devons notre tribut, Messieurs, et j'ai l'honneur de proposer au conseil impérial d'exprimer ses plus vifs regrets de la perte du baron Thénard. »

Tandis que la science témoignait ainsi ses regrets de la perte du savant Thénard, la religion ne le regrettait pas moins, tant à cause de son inépuisable charité qu'à cause du bon exemple qu'il donnait aux fidèles. Ecoutez plutôt la touchante allocution prononcée par M. le curé de Saint-Sulpice, aux obsèques de l'illustre défunt, immédiatement après le saint sacrifice, offert par lui à son intention:

« Permettez-moi, Messieurs, d'interrompre un instant cette lugubre solennité par quelques paroles que mon cœur ne peut retenir captives. D'autres diront la belle intelligence et les nobles travaux de l'illustre défunt: pour moi, la religion et ma reconnaissance m'obligent à dire qu'il y avait dans le baron Thénard quelque chose de meilleur encore que le grand esprit et les vastes connaissances qui honorent une académie savante il y avait un cœur profondément chrétien, dans lequel ne pouvaient trouver entrée ni cette insouciance de Dieu et de l'éternité, une des plus grandes plaies de notre époque, ni cette réligiosité vague, qui est une chimère, ni cette séduction de la gloire qui avait pu l'abuser autrefois, disait-il, mais dont il était depuis plusieurs années pleinement détrompé, parce qu'il en sentait tout le vide.

« Le baron Thénard avait une foi intelligente qui lui montrait au ciel un Dieu à honorer, en lui-même une âme immortelle à sauver; il avait une foi éclairée qui lui faisait voir dans la divine autorité de l'Eglise la règle sûre et toute faile de ses croyances et de ses mœurs; mais, par-dessus tout, il avait une foi pratique, qui ne lui permettait pas d'être inconséquent avec lui-même, de croire d'une manière et de vivre d'une autre.

Comprenant que jamais l'homme n'est plus raisonnable que quand il laisse diriger sa faible raison par la raison divine, dont l'enseignement de l'Eglise est l'expression authentique, que jamais il n'est plus grand que quand il s'abaisse devant Dieu, il soumettait son esprit à tous les dogmes comme sa volonté à tous les préceptes; chaque dimanche il venait, confondu avec le simple peuple, assister à nos saints Offices, les yeux et le cœur fixés sur le livre de la prière, et, à nos grandes fêtes, il communiait. Il n'était pas de ceux qui disent: Je me confesserai à la mort. Il avait trop d'esprit pour livrer ainsi à l'aventure ses destinées éternelles; il avait trop de cœur pour se faire de la santé et de la vie, ces deux grands bienfaits du ciel, une raison de fouler provisoirement sous les pieds les commandements de Dieu et de l'Eglise; et certes, bien lui a pris s'il eût raisonné comme le monde, combien grande eût été sa déception! Car la mort est venue le frapper tout à coup, sans qu'il ait pu articuler une seule parole au prêtre accouru près de sa couche. Mais, grâce à sa prudence chrétienne, il était prêt: quelques jours seulement avant le coup fatal, il avait de nouveau, en pleine santé, purifié sa conscience au tribunal sacré, avec la simplicité du plus hum-ble pénitent.

« Voilà, Messieurs, des faits que j'aime à dire bien haut, parce qu'ils sont à la fois une gloire pour celui qui n'est plus, une leçon pour ceux qui lui survivent, et une garantie de son bonheur éternel pour ceux qui l'ai

ment.

« A ces paroles que la religion m'inspire, la reconnaissance m'oblige à ajouter une autre louange c'est que jamais je n'ai fait appel à sa belle âme en faveur du malheureux qu'il ne se soit empressé d'y répondre; c'est que, le plus souvent même, il n'a pas attendu mon appel, il a été délicat jusqu'à le prévenir; c'est que jamais la sœur de SaintVincent de Paul, la dame de Charité n'a frappé à la porte de son cœur sans en rapporter une généreuse aumône, c'est que bien souvent j'ai découvert des pauvres obscurs qu'il secourait dans le secret, content que Dieu seul connût le bienfait, parce que de Dieu seul i en attendait la récompense. J'aime donc à le proclamer bien haut en perdant le baron Thénard, je perds un des meilleurs soutiens de nos pauvres; et dans la douleur que cette perte me cause, ce m'est une consolation de dire ma reconnaissance aussi bien que la louange de ce vrai Chrétien, de cet homme éminemment bon que j'ai toujours trouvé secourable au malheur. J'avais besoin, Messieurs, d'épancher mon cœur devant vous, après l'avoir épanché devant Dieu dans ce saint sacrifice; et vos cœurs, j'en suis sûr, me pardonneront cet épanchement. »

Il n'en est point ainsi de tous, je dois en convenir. J'entends quelques-uns m'objecter ici celui qui fut longtemps le plus intrépide défenseur de notre religion, et qui, après avoir fait concevoir l'espérance qu'il serait

mis un jour au rang des Pères de l'Eglise, n'est même pas mort en bon fidèle. Mais c'est là une bien rare exception; et puis d'ailleurs est-il bien sûr qu'il eût perdu la foi? Je ne saurais le croire. Un nuage, le plus épais de tous, le nuage de l'orgueil, dérobait à ses yeux ce divin flambeau qui l'enveloppa si longtemps de ses plus éclatantes lumières; mais, au fond, il croyait; et j'en ai pour garant ces paroles qu'il adressait à 'ses nombreux lecteurs à une époque où il s'était déjà séparé de l'Eglise :

« Vous êtes nés Chrétiens,» disait-il, «bénissez-en Dieu. Ou il n'est point de vraie religion, de lien qui unisse les hommes entre eux et avec l'auteur éternel des choses, ou le Christianisme, religion de l'amour, de la fraternité, de l'égalité, d'où dérive le devoir comme le droit, est la vraie religion. Comparez aux autres nations les nations chrétiennes, et voyez ce que lui doit l'humanité: la progressive abolition de l'esclavage et du servage, le développement du sens moral et l'influence de ce développement sur les mœurs et les lois, de plus en plus empreintes d'un esprit de douceur et d'équité inconnu auparavant; les merveilleuses conquêtes de l'homme sur la nature, fruit de la science et des applications de la science; l'accroissement du bien-être public et individuel; en un mot, l'ensemble des biens qui élèvent notre civilisation si fort au-dessus de la civilisation antique et de celle des peuples que l'Evangile n'a point éclairés. » (Le Livre du peuple.)

Je sais bien qu'il parle, après cela, de ce rajeunissement du christianisme, mis en avant par je ne sais quels rêveurs dont il sembla partager les espérances; mais il connaissait trop bien la religion, qu'il défendit si longtemps et avec tant de succès, pour ne pas comprendre qu'il n'y avait là réellement qu'un rêve.

Ne nous demandez donc point ce que nous avons à opposer aux savants et aux gens d'esprit incrédules; car il est évident, aux yeux de tous, que nous en avons beaucoup plus qu'il n'en faut pour contre-balancer leur autorité.

Ce que nous pouvons leur opposer? demandez-vous. Mais eux-mêmes; oui! euxmêmes; et j'ajouterai, de plus, que leur témoignage en faveur de la religion a beaucoup plus de valeur que quand il est

contre.

Tout le monde connaît la belle et victorieuse réponse de cette femme injustement condamnée par Philippe, roi de Macédoine, après son repas:-J'en appelle! s'écria-t-elle. - Et devant qui? reprit Philippe. - Devant Philippe à jeun.

La religion est cette femme injustement condamnée, dans l'enivrement des passions, par Voltaire, par Rousseau, par la plupart des savants et gens d'esprit incrédules. Ce n'est point à elle à se défendre; car, comme Dieu, dont elle est l'ouvrage, elle est audessus de toutes les attaques des créatures; Inais nous, chargés de sa défense, sinon pour

elle-même, du moins pour nous et pour nos frères, nous élevons la voix, en disant: - J'en appelle! - Devant qui done? deman dez-vous. Devant qui? Nous voilà bien embarrassés. N'eussions-nous pas d'autres tribunaux d'appel (ce qui n'est pas assurément), celui qui nous a condamnés nous suffit de Voltaire, de Rousseau, de tous ces savants et gens d'esprit incrédules, enivrés par la passion; j'en appelle à ces mêmes incrédules, dans leur bon sens.

Tout le monde sait, en effet, que les plus célèbres incrédules ont rendu, en certaines circonstances, le plus éclatant hommage à h religion. Tantôt, comme chez celui dont nous venons de parler, c'est la première par tie de leur carrière qui réfute la seconde; tantôt, au contraire, comme chez Laharpe, c'est la seconde qui réfute éloquemment première. La plupart du temps, c'est un mélange d'affirmations et de négations qui se combattent réciproquement. C'est ce qu se voit chez le poëte Lamartine, qu'un homme d'esprit définissait, il y a quelque temps, une girouette harmonieuse. C'est bien cela: une girouette, car il tourne à tout vent; mais une girouette harmonieuse, car de quelque côté que le vent le porte, il rend des sons enchanteurs, et conime on en a rarement entendu. C'est ce qui se voit encore dans Rousseau, qui, après nous avoir représenté l'Evangile comme un livre divan, ajoute qu'il renferme cependant des obser rités et des contradictions, ou qui, apre avoir assuré que le Catholicisme est une religion fanatique et sanguinaire, affirme néanmoins qu'elle est pure et sainte. C'esi ce qui se voit également dans Voltaire. C'est un incrédule assurément, il est même géné ralement regardé comme le patriarche de l'incrédulité; et pourtant on trouve aussi chez lui le chrétien, le croisé même, et quel croisé Ecoutons-le lui-même. Nous savons cela peut-être par cœur; mais il n'en faut pas moins remettre le morceau sous les yeux, pour en tirer nos conséquences. C'est le touchant et éloquent plaidoyer de Lusignan à sa fille, pour la rappeler à la foi de ses pères :

Mon Dieu, j'ai combattu soixante ans pour ta gloire,
J'ai vu tomber ton temple, et périr ta mémoire;
Dans un cachot affreux abandonné vingt ans,
Mes larmes t'imploraient pour mes tristes enfants;
Et lorsque ma famille est par toi réunie,
Quand je trouve ma fille, elle est ton ennemie!
Je suis bien malheureux.... C'est ton père, c'est moi,
C'est ma seule prison qui t'a ravi ta foi.
Ma fille, tendre objet de mes dernières peines,
Songe, au moins, songe au sang qui coule dans les veines.
C'est le sang de vingt rois, tous Chrétiens comme moi,
C'est le sang des héros, défenseurs de ma loi,
C'est le sang des martyrs.... O fille encor trop chère
Connais-tu ton destin? sais-tu quelle est ta mère?
Sais-tu bien qu'à l'instant que son flanc mit au jour
Ce triste et dernier fruit d'un malheureux amour,
Je la vis massacrer par la main forcenée,
Par la main des brigands à qui tu t'es donnée!
Tes frères, ces martyrs égorgés à mes yeux,
T'ouvrent leurs bras sanglants tendus du haut des ceas.
Ton Dieu que tu trahis, ton Dieu que tu blasphèmes,
Pour toi, pour l'univers, est mort en ces lieux mèmies,
En ces lieux où mon bras le servit tant de fois,
En ces lieux où son sang te parle par ma voix.
Yois ces murs, vois ce temple envahi par tes maltres,

nnonce le Dieu qu'ont vengé tes ancêtres. les yeux, sa tombe est près de ce palais; i la montagne où, lavant nos forfaits, it expirer sous les coups de l'impie; que de sa tombe il rappela sa vie. saurais matcher dans cet auguste lieu, peux faire un pas sans y trouver ton Dieu; 'y peux rester sans y renier ton père, neur qui te parle et ton Dieu qui t'éclaire. ois dans mes bras et pleurer et frémir, front pâlissant Dieu met le repentir. la vérité dans ton cœur descendue, uve ma fille après l'avoir perdue, prends ma gloire et ma félicité bant mon sang à l'infidélité.

(VOLTAIRE, Zaire.)

lles pensées ! quels sentiments! Quand échit que cela est sorti du cœur de e, il est impossible de ne pas conclure

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que l'incrédulité ne l'avait point envahi entièrement.

C'est de la poésie! me direz-vous, c'est un peu de comédie, par conséquent!

C'est de la poésie et de la comédie ! ditesvous. Alors, pourquoi nous opposez-vous cet homme, si vous le trouvez sans valeur? C'est de la poésie! oui, mais il a écrit souvent en prose, dans le même sens et de la même manière.

C'est un peu de comédie! c'est possible; mais il a pensé de même dans d'autres circonstances où il devait se montrer tel qu'i} était, notamment à la mort, où toute comédie doit cesser, ou jamais, pour l'homme, qui entrevoit déjà les réalités de l'autre vie.

SCAPULAIRE.

tions.- Pourquoi ces deux morceaux que portent certains fidèles?- C'est etitesse. Il y en a qui disent que i les portent seront préservés de la ion éternelle; d'antres, de toute mort e. N'est-ce pas de la superstition?

nse. Lescapulaire laïque, le seul dont oulions parler ici, consiste en effet dans etits morceaux d'étoffe sur lesquels intes ou brodées certaines lettres ou destinées à nous rappeler la pensée ainte Vierge et tout ce qui se rattache, ous, à cette grande pensée. Il suffit , je ne dis pas porté, mais vu un sca, pour comprendre cela. Malheureu, il y en a qui ont des yeux avec less ne voient pas, ou font semblant de voir.

quoi ces deux morceaux d'étoffe que certains fidèles, Hous disent-ils ? quoi ? mais je viens de vous le dire.

nous rappeler la pensée de la ierge, et tout ce qui se rattache, pour cette grande pensée; à savoir qu'elle fère de Dieu, et qu'en cette qualité e plus grand crédit auprès de son di; qu'elle est, en même temps, la Mère mes, et qu'en cette seconde qualité te à tous les hommes, sans aucune on, le plus touchant intérêt; qu'elle donné l'exemple de toutes les vertus anes, pendant qu'elle était sur la terre; est notre modèle à tous, mais qu'elle › particulièrement le modèle des femes jeunes personnes, des enfants, des 3, de tout ce qui est faible ou souffrant onde, que, pour mieux l'imiter, ces i faibles naturellement, exposés d'ailune infinité de dangers, ont besoin ulement de la prière, mais de réunir, possible, leurs prières et leurs bonnes , afin que ce pieux concert fasse plus ession sur son cœur inaternel.... allez m'interrompre ici sans doute, e dire que nous savons tous cela par

⚫nt.

nous savons tous cela parfaitement, us aussi nous l'oublions; nous l'ou

blions même chaque jour, et voilà pourquoi il importe de ne négliger aucun des moyens qui semblent propres à nous le rappeler. Or, le scapulaire étant un de ces moyens, comme il est impossible d'en douter, en voyan! l'approbation qui lui a été donnée dans l'Eglise, et les heureux fruits qu'en retirent ceux qui en font usage, il n'est pas permis de n'en faire aucun cas, et surtout de le mépriser, comme vous venez de faire.

C'est de la petitesse, avez-vous dit.

Quoi! la prière, la vertu, de la petitesse! mais c'est tout ce qu'il y a de plus grand, de plus saint, au contraire, dans les actions des hommes.

Vous me répondrez peut-être que ce n'est point ce résultat que vous traitez de petitesse, mais le moyen employé ici pour l'obtenir, à savoir ces deux petits morceaux de drap, moyen dont la petitesse ressort d'autant plus à vos yeux que le résultat obtenu est lui-même plus élevé.

Et qu'importe la petitesse de l'instrument, si, comme vous ne pouvez vous empêcher d'en convenir, le produit est lui-même excellent? Ne savez-vous pas que Dieu choisit précisément les moyens les plus faibles selon le monde, pour obtenir les plus grands résultats: Infirma mundi elegit Deus. (1 Cor. 1, 27.)

Si on jugeait de tout comme vous voulez faire du scapulaire, en prenant la chose en soi, indépendamment de l'idée qui s'y rattache, et qui en fait souvent la valeur, où ne trouverait-on pas de la petitesse?

En religion, par exemple, que signifient ces ornements de toute forme et de toute couleur dont se sert le prêtre? En soi, co n'est rien, ou c'est du moins peu de chose; mais, si on considère les idées qu'ils suggèrent, les sentiments qu'ils inspirent au prêtre qui s'en sert, à l'assemblée des fidèles, dont ils frappent les regards, c'est quelque chose de réellement estimable.

Voulez-vous que nous sortions actuellement du cercle des idées religieuses? Voyez, dans l'armée, ces mille petits riens qui font partie de l'uniforme du soldat: les chers y tiennent avec une rigidité extraordinaire.

C'est de la petitesse, diront aussi, à cette occasion, les esprits superficiels. En soi, oui; mais, par l'effet, non; car c'est l'uniforme, avons-nous dit; c'est-à-dire que tout cela sert à donner à l'armée cette unité qui en fait toute la force.

Quel objet plus petit, en soi, qu'une épingle; et cependant, si elle a son utilité, il ne faut pas dire à ceux qui s'en servent, C'est de la petitesse. Citons, à ce propos, un exemple qui me paraît avoir beaucoup de ressemblance avec le sujet qui nous occupe. - Vous ne m'oublierez point, direz-vous, je suppose, à quelqu'un que vous avez chargé d'une commission pour vous. Restez tranquille, répond-il, je ne vous oublierai point. J'ai trop de raisons de penser à vous. - Votre intention est bien de penser à moi sans doute, ajoutez-vous, et cependant je crains toujours que vous ne m'oubliiez. L'homme est naturellement si distrait, vous avez tant de sollicitudes, tant d'occupations de toute sorte!... Eh bien! faites ce que je vais vous dire, ce sera un moyen bien simple mais presque infaillible de penser à moi. Attachez une épingle à la manche de votre habit. En voyant cette épingle, vous penserez à moi; et, si vous m'oubliez pendant le jour, vous ne le pourrez guère le soir, en vous déshabillant.--Soit, répond-il encore; et chacun de vous se retire, plein de confiance pour la réussite du moyen que vous avez vous-même proposé, moyen que, du reste, nous voyons employer tous les jours. Si quelqu'un venait vous dire que c'est là de la petitesse. « Et qu'importe, lui répondriez-vous, pourvu que nous obtenions ce que nous avons envie et besoin d'obtenir !» Or, c'est là précisément ce qui a lieu pour le scapulaire. N'oubliez point la sainte Vierge, votre Mère, dit l'Eglise aux fidèles. Nous ne l'oublierons point, répondent, en général, les Chrétiens; car nous avons trop de raisons de penser à elle.

-Votre intention n'est point sans doute de l'oublier, ajoute l'Eglise; et cependant cela pourra bien arriver. L'homme est naturellement si distrait; il a lant de sollicitudes et d'occupations sur la terre !... Croyez-moi, mettez sous vos vêtements cet objet bénit, où se trouve son image. Celte image sera là tout auprès de votre cœur, pour le conserver toujours pur. Vous ne pourrez du moins oublier cette bonne Mère; car, si vous le faisiez le jour, vous ne manqueriez pas de vous la rappeler le matin, en vous levant, et, le soir, en vous couchant, c'est-à-dire à ces deux instants de notre vie où nous avons le plus besoin de retremper notre âme dans les pensées de la fol. »

Ne dites donc plus que c'est de la petitesse. Non, ce n'est point de la petitesse; car c'est de la piété, puisque c'est un moyen trèspropre à nous rappeler la sainte Vierge, à nous la faire aimer, à nous porter à la pratique de ses vertus. Non, ce n'est point de la petitesse; car c'est la nature elle-même, puisque nous ne faisons là que ce qui se fait partout, que ce que vous faites vousmême en d'autres circonstances.

On nous fait une objection plus sérieuse relativement au scapulaire.

Il y en a qui disent que ceux qui le portent seront préservés de la damnation éternelle; d'autres, de toute mort violente. N'est-ce pas là de la superstition?

Croire cela serait en effet de la superstition. puisque ce serait attribuer à un objet bénit des effets prodigieux qu'il ne produit ni ne saurait produire ordinairement. Pour ce qui est de la damnation éternelle, il n'y a qu'un moyen de s'en préserver, c'est de mourir en état de grâce. Le scapulaire peut nous aider à cela, en nous portant à l'accomplissement de nos devoirs; quant à produire cet effet merveilleux, de lui-même, et infailliblement, cela n'est ni ne saurait être : la foi, la raison, l'expérience, tout s'accorde à prouver le contraire. Pour ce qui est de la mort violente, il est certain que Dieu peut en préserver et en préserve réellement quelquefois certaines personnes revêtues du scapulaire, à cause de leur dévotion personnelle à la sainte Vierge, ou même de leur consécration à cette divine mère. Quant à produire ce merveilleux effet, de soi et nécessairement, c'est une faveur que Dieu n'a accordée ni au scapulaire, ni à aucun autre objet, quel qu'il soit. La foi, la raison, l'expérience, tout s'accorde encore pour prouver le contraire. Qui donc a émis les idées que vous venez de rapporter, et que vous avez traitées avec raison de superstition! L'Eglise? — Jamais. Quelques personnes, faisant autorité dans l'Eglise? Non, encore. — Qui donc, je le répète ? Quelque bonne femme, peut-être, qui aura rêvé cela, et aura voulu donner ses rêves pour une révélation à ses enfants et à ses petits-enfants; quelque religieux, peut-être encore, qui ayant plus de dévotion envers la sainte Vierge que de solidité dans la doctrine, aura voulu étendre cette dévotion salutaire per fas et nefas, comme on dit communément. Aveugles, en effet, qui ne comprenaient pas que rien ne saurait être plus funeste à la vérité que l'erreur. Mais depuis quand l'Eglise doit-elle être responsable des erreurs de quelquesuns de ses enfants, qu'elle est elle-même is première à réprouver, et à arrêter? Il ne manque donc qu'une chose à votre objection, pour avoir ici quelque valeur, c'est d'avoir un objet, une base, c'est d'atteindre quelqu'un ou quelque chose. Dès lors qu'elle frappe l'air, elle ne fait de mal à rien, et il n'y a point à s'en préoccuper.

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Je le répète ici, ce que l'Eglise enseigne par rapport au scapulaire, c'est que nous avons là un moyen très-propre à nous faire penser à la sainte Vierge, à nous la faire prier, à nous porter à l'imitation de toutes les vertus, et à attirer sur nous, précisément à cause de cela, toutes les faveurs célestes, en cette vie et en l'autre. Qu'y a-t-il à qui ne soit conforme à la foi, à la raison, à l'expérience de chaque jour ? Contentonsnous de citer, à ce sujet, un fait bien extraordinaire rapporté par l'un des hommes les plus savants et les plus saints des temps

modernes, qui eut aussi une dévotion toute particulière pour la sainte Vierge sa pa

tronne.

Un prêtre, mon compagnon, dit saint Alphonse-Marie de Liguori,était dans une église à entendre les confessions. Il voit entrer un jeune homme. Quoique celui-ci n'eût donné en entrant aucun signe de piété, son air annonçait qu'il se livrait en son âme un combat dont le missionnaire crut avoir deviné le principe. Aussi, quittant le saint tribunal et s'approchant de lui: « Mon ami, » lui dit-il, « voulez-vous vous confesser?» Celui-ci répondit que oui, mais que, sa confession devant être Tongue, il le priait de l'entendre en un lieu à l'écart. Lorsqu'ils furent seuls, le jeune homme lui parla en ces termes : « Mon père, je suis étranger et gentilhomme; mais je ne puis me persuader que je devienne jamais l'objet des miséricordes d'un Dieu que j'ai tant offensé par une vie aussi criminelle que fut la mienne. Sans vous parler des meurtres et des infamies de tout genre dont je suis coupable, je vous dirai que, désespérant tout à fait de mon salut, je, me livrais au crime, moins pour contenter mes passions que pour outrager Dieu et assouvir la haine que je lui portais. J'avais sur moi un crucifix, et je l'ai rejeté par mépris. Ce matin même, j'ai horreur de le dire, je suis allé à la sainte table pour commettre un sacrilége. Mon intention était de fouler aux pieds la sainte hostie, et j'allais en effet exécuter cet horrible dessein. La présence seule des personnes qui m'environnaient m'a retenu. >> Et dans le moment même il remit à son confesseur la sainte hostie qu'il avait conservée dans un papier. «En passant devant cette église,» ajouta-t-il, « je me suis senti pressé d'entrer, au point que je n'ai pu résister à ce mouvement intérieur; et aussitôt de violents remords de conscience se sont élevés dans mon âme, avec la pensée, quoique bien vague encore, de me confesser. J'approchais cependant du confessionnal, mais la confusion que j'éprouvais, et ma défiance de la miséricorde de Dieu étaient si grandes que j'ai été sur le point de sortir; et je l'aurais fait, si je ue m'étais senti retenu par je ne sais quelle main invisible. Là-dessus, mon père, vous vous êtes avancé vers moi. Je

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suis à vos genoux; je me confesse; je ne reviens pas vraiment de tout ceci. » Son confesseur se mit alors à lui demander s'il avait fait quelque bonne ceuvre depuis peu, ou recouru à quelque pratique de piété qui lui eût obtenu tant de grâces.- « Peut-être, » lui dit-il, «que vous avez fait quelque sacrifice à la sainte Vierge, ou imploré son assistance; car de telles conversions ne sont pour l'ordinaire que les effets de la puissance de cette bonne mère. - Moi, des sacrifices et des pratiques de piété !» lui répliqua vive ment le jeune homme; «ô mon père, combien vous vous trompez, je me croyais déjà dans l'enfer. Réfléchissez un peu,» lui repartit le confesseur. « Hélas! mon père. » Puis, portant sa main sur sa poitrine qu'il découvre «Tenez, voilà tout ce que j'ai conservé;» et il lui montra son scapulaire.— « Ah! mon fils,» s'écria le prêtre attendri, «mon cher fils, ne le voyez-vous pas ? C'est la très-sainte Vierge qui vous a obtenu cette grâce. Sachez, de plus, que cette église, dans laquelle vous n'êtes entré que par un mouvement intérieur, est consacrée à cette bonne mère.. » A ces mots, le jeune homme fond en larmes, il pousse de longs soupirs. Ce fut le coup de la grâce. Il entre dans le détail de sa vie criminelle, et sa douleur allant toujours croissant, il tombe évanoui aux pieds du confesseur. Mais enfin revenu à lui-même, il achève son accusation, et reçoit l'absolution de ses crimes, grâce à Marie, le refuge des pécheurs. Avant de retourner dans son pays, il pria le missionnaire de publier partout la grande miséricorde dont Marie avait usé à son égard.

Nous aurions pu citer encore beaucoup. d'autres traits à peu près semblables. Tous n'ont pas la même valeur, il est vrai; mais il y en a tant qui nous sont donnés comme certains par des personnes graves que, bien loin de les révoquer tous en doute, nous devons reconnaître hautement qu'il y a en réalité de grandes grâces attachées aux pratiques de dévotion envers Marie, et particnlièrement au scapulaire, appelé encore assez communément le petit habit de la Vierge, parce que ceux qui le portent font profession d'appartenir, d'une manière spéciale, à la sainte famille de cette divine mère.

SÉMINAIRE.

Objections. A quoi servent ces écoles. secondaires ecclésiastiques, vulgairement appelées petits séminaires? - Beaucoup y entrent qui ne sont point prêtres, et qui profitent ainsi d'aumônes et de sacrifices qui n'étaient point pour eux.

Réponse. C'est très-vrai, ce que vous dites. Vous pourriez même ajouter que Bon-seulement ils ne se font point prêtres, mais qu'ils se tournent encore quelquefois contre l'Eglise qui les a nourris, contre le clergé auquel ils ont appartenu, contre ceux mée qui les ont élevés; qu'ils en devienLent les plus implacables, les plus dange

reux ennemis, comme on l'a vu principalement à toutes nos époques de trouble. Qu'est-ce que cela prouve? l'ingratitude des hommes, la vôtre peut-être. Car je ne voudrais pas assurer que vous n'êtes pas un élève de nos séminaires, vous qui déclamez si fort contre la religion en général, contre les séminaires en particulier. Que si vous avez moins reçu de l'Eglise, vous lui êtes cependant bien redevable encore. N'êtes-vous pas né, n'avez-vous pas été élevé dans son sein? N'est-ce pas par elle qu'ont été formés vos parents et vos maîtres? N'avez-vous pas reçu d'elle, directement, sinon en totalité du moins en grande partie, les lumières que

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