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nistres de la religion engagés dans les ordres majeurs? où et jusqu'à quel point ce précepte a-t-il souffert des exceptions? ces questions ne sont point de notre sujet. Nous n'avions qu'à répondre à toutes les déclamations qu'on a faites et qu'on fait encore chaque jour contre le célibat, et surtout contre le célibat ecclésiastique. Nous l'avons fait victorieusement, en montrant que bien loin d'être contre la nature ou aucun précepte divin, ce célibat est au contraire très-favorable à la pratique de toutes les vertus chrétiennes, et principalement des vertus sacerdotales.

Ajoutons ici quelques réflexions pleines de verve dues à la plume d'un écrivain dont la profonde raison se cache souvent sous des expressions un peu extraordinaires.

La conscience universelle a dit à tous les peuples que les ministres du Très-Haut doivent être, comme lui, célibataires. On veut bien les appeler du doux nom de Pères, leur accorder les droits attachés à ce titre auguste; mais c'est à condition qu'ils n'engendreront qu'à la manière du Père céleste, en esprit el par la seule puissance de la parole.

Interrogez l'univers; vous n'entendrez qu'une voix, depuis les plus beaux génies de l'Europe jusqu'à cet Indien sauvage qui répondait naguère à un officier américain qui l'exhortait à recevoir dans sa tribu des ministres du culte réformé: Le grand Esprit n'a pas de femme; ses prêtres doivent faire de meme: puisque les vôtres sont mariés, cous n'en voulons point; ils nous ressemblent, et ne nous serviraient de rien.

«C'est la femme qui gouverne le monde; pour commander au monde, il faut donc être supérieur à la femme; et comment l'est-on ? - En lui disant à la face de Dieu et des hommes: Femme, vous trouverez toujours en moi un cœur de père, mais rien de plus.

Quand un homme a vaincu, par esprit religieux, la plus terrible des passions, on le croit aisément victorieux des autres. Dès lors ce n'est plus un homme comme un autre, l'opinion publique l'investit forcément d'une considération, d'une puissance morale extraordinaire. Qu'il attaque les vices si haut placés qu'ils soient, qu'il demande à pénéirer au fond des consciences pour en extirper les germes secrets du mal, tout lui est permis. Son regard, sa parole consolent, Soutiennent, enflamment la vertu, terrassent le crime et l'obligent à chercher un refuge contre le remords dans les bras de la charité. Les passions en fureur peuvent bien haïr cet homme, le calomnier, l'égorger; le mépriser,

jamais.

Or, voilà quel doit être le ministre de Dieu, pour répondre à sa destination et aux besoins de la société.

S'il ne s'agissait que de satisfaire par de belles cérémonies l'instinct religieux inhérent au cœur humain, je conçois qu'un père de famille pourrait s'en acquitter tout aussi bien qu'un autre. Mais il n'en est pas ainsi.

(7) Il s'agit ds Grecs schismatiques.

Le prêtre est un magistrat à part qui doit obtenir, par la seule force morale, ce que toutes les forces humaines ne sauraient faire; il doit discipliner les esprits et les cœurs, réprimer tous les vices, inspirer toutes les vertus, briser l'orgueil des grands, et l'orgueil encore plus terrible des petits, effacer ce qu'il y a de trop heurtant dans la distinction des classes, et promener sans cesse le niveau de la charité sur l'inégalité des fortunes et des conditions.

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« J'ai lu la plupart des apologistes modernes du mariage des prêtres (j'entends ceux qu'un honnête homme peut lire); mais de toutes les raisons spécieuses dont ils peuvent s'étayer, une seule m'a paru bien plausible, et c'est précisément la seule qu'ils n'osent pas avouer, je veux dire le grand désir que ces gens-là auraient d'humaniser les prêtres. Ils s'imaginent, et avec raison, que ces prêtres à la parole si baute et si austère deviendraient les meilleures gens du monde, si on pouvait leur donner une femme et des enfants. Occupés un peu plus de leurs affaires, ils s'occuperaient moins de celles des autres. L'Eglise serait une jolie salle de spectacle, où l'on irait aux grandes fêtes entendre de la musique, assister à de majestueuses cérémonies, admirer quelques phrases innocentes, que l'on écouterait de ses deux oreilles, sans le moindre danger pour le cœur.

« L'enfer, le terrible enfer rendrait les 999 millièmes de ses victimes, et ne conserverait plus que les abominables scélérats que le jury lui-même envoie sans façon au bourreau. A la voix de l'honnête pasteur, les portes du ciel, que l'Evangile fait si étroites, se dilateraient assez, pour absorber le troupeau en masse agneaux, brebis, béliers, taureaux, chèvres, boucs, même les loups, tous y passeraient sans difficulté. Le confessionnal serait un trône, où, aux approches de Pâques, grands et petits ne feraient nulle difficulté d'aller souhaiter les bonnes fêtes à Monsieur le pasteur. Avant d'aborder le mari, vous iriez offrir vos hommages à Madame.

L'histoire du clergé non catholique est là pour prouver que je mets tout au mieux. Je ne parlerai pas du clergé protestant, dont tout le ministère se borne à lire la Bible et à vous servir de temps à autre, sur une table de marbre, du pain et du vin. A quoi lui servirait la confiance publique? Mais je vous citerai les popes grecs (7) et russes qui disent la messe, prêchent, baptisent, confessent, enterrent et font tout ce que font nos prêtres, mais qui sont mariés. Que sont-ils aux yeux de leurs ouailles? d'honnêtes manœuvres dont la profession est de chanter pour de l'argent, de faire force sigues de croix en bredouillant du mauvais grec, et d'aller de porte en porte recueillir des aumônes et vidanger les consciences.

« Je vous crois, lecteurs, trop au-dessus des plates folies du dernier siècle, pour ré

futer devant vous le reproche fait au célibat religieux de dépeupler les Etats. Il suffit d'observer que cette honteuse sottise ne fut mise en avant que par de vieux célibataires gangrenés de vices, usés de débauches, et dont les sales romans ont fermé l'entrée de la vie à un bien plus grand nombre d'hommes que leurs théories politiques n'en ont fait égorger sur les champs de bataille.

« Oui, vraiment, c'est bien quand un excès toujours croissant de population nous fait voir près d'un tiers de Français condamnés à un célibat forcé, qu'il nous convient de prêcher le mariage aux prêtres.

« Je ne m'arrêterai pas davantage aux terribles dangers pour la morale publique, que les libertins précités trouvaient dans le céiibat du clergé. A ces craintes hypocrites je n'opposerai qu'une réflexion.

« Quand découvrit-on chez nous que le célibat ecclésiastique était une source de corruption? Quand le poursuivit-on comme un crime? C'est lorsqu'une tourbe d'abominables brigands, qui se disaient la France, décernaient des pensions sur le trésor aux filles publiques, et nous sommaient, la pique à la main, d'adorer une prostituée !

« On nous cite quelques misérables (trois au plus) qui, depuis le commencement du siècle, ont oublié leur dignité de prêtre et même d'hommes. Mais montrez-moi un corps composé de plus de soixante mille individus, qui, dans le même espace de temps, n'ait donné que trois noms aux annales du crime. D'où vient que ces misérables, dont on nous jette toujours les noms à la tête, parce qu'on n'en trouve pas d'autres, d'où vient qu'ils ont acquis une monstrueuse célébrité, sinon parce qu'ils étaient les seuls de leur orire, et que leurs méfaits grandissaient de toute la régularité de leurs collègues.

« Plusieurs se souviendront aussi bien que moi des épouvantables vociférations de notre populace voltairienne, quand un jour l'exécuteur des hautes-œuvres stigmatisait publiquement le front d'un prêtre, et d'un prêtre étranger à la France (8). Pourquoi ce bis effroyable poussé par mille bouches altérées du sang de prêtre ? C'est que ces tigres en guenilles, en blouse, et même en habit fin, voyaient pour la première fois un prêtre dans la main du bourreau, et qu'ils désespéraient d'en voir de longtemps un autre.

« Et puis, croyez-vous que vous eussiez rangé ces indignes prêtres au devoir en leur donnant une femme? erreur! Il en est de cette passion comme de celle du vin au gosier sitibond il est plus aisé de s'abstenir que de boire sobrement. Le plus sûr moyen de préserver votre maison de l'incendie est de n'y souffler jamais de feu, pas même au foyer.

«Laissons aux évêques le libre exercice de leur juridiction: no prenons jamais la défense des prêtres qu'ils menacent de la hou

lette, et nos tribunaux n'auront jamais à s'occuper des prêtres .

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Laissons donc au prêtre sa virginité, si nous voulons qu'il nous sauve, et lui seul peut nous sauver, puisque nous n'expirons que faute de croyances et de vertus.

Et quelle est la vertu qui donne au prêtre tant de puissance?

« C'est la vertu vivifiante, qui dit au Lazare enseveli dans la fange du vice: Reviens à la vertu; et il revient.

« C'est la vertu pénétrante qui va surprendre au fond des consciences un fatal secret, et évente sans bruit la mine qui allait peutêtre faire sauter un royaume.

« C'est surtout la vertu des vertus du prêtre, celle qui le rend l'arbitre du cœur de Dieu et du cœur des hommes, la vertu qui recueil lant un jour l'héritage de ses aînées, la foi et l'espérance, doit leur survivre éternellement... C'est la charité !

« Oui! et cette charité ardente qui confond dans ses chastes étreintes le grand et le petit, le riche et le pauvre, l'homme civilisé et le barbare, c'est la virginité qui l'allume et l'entretient. Ce corps que la charité immole sans pitié au soulagement du prochain, la continence a dû auparavant le consacrer sans réserve au service de Dieu.

« Il sera humain, compatissant, mais jamais charitable dans toute la force de l'expression, charitable jusqu'au martyre, celui qui a dit à une femme : « Je te jure amour et « fidélité ! »

«Il pourra s'attendrir sur l'orphelin et le pauvre; mais il ne les chérira pas d'un cœur de mère, celui qui vit entouré d'enfants dont l'entretien, l'éducation, l'avenir absorbent ses affections et lui prescrivent de sévères économies.

Le morceau de pain que lui-même s'ôterait de la bouche pour sustenter le famélique qui pleure à sa porte, il n'osera l'arracher des mains de son enfant. Cette vie que, dans un fléau public, il voudrait sacrifier au salut du troupeau et à la gloire de son ministère, il la doit à sa famille.

<< Vainement il se débat contre la nature, ses plus généreuses résolutions expirent forcément devant les pleurs d'une épouse et le vagissement d'un berceau. Toujours prêtre quand il s'agit de percevoir le salaire de ses fonctions, il ne sera jamais qu'époux et père, quand il faudra le verser dans le sein des malheureux et y mêler son sang.

« Oui, les aveugles doivent le voir; le mariage serait le meurtre solennel du prêtre; le flambeau d'hyménée, sa torche funéraire; et la femme à qui il donnerait sa main, la tombe béante qui lui dirait : « Viens, mon « bien-aimé, tu es ce que je suis.... pous« sière. »

« Me demanderez-vous ce que j'ai entendu quelquefois demander: où sont, de nos jours, les martyrs de la charité, les prêtres au cœur

(8) C'était un Italien dont nous voudrions que chacun laissât, comme nous, le nom dans l'oubli, ainsi que tous les autres noms déshonorés.

héroïque qui, à l'exemple de leur divin chef, aiment à donner leur vie pour leurs frères?

« Il y a sans doute quelques prêtres indolents et mous, qui ne se livrent qu'avec dégoût aux fonctions laborieuses de leur ministère; mais derrière ces mouches paresseuses du sanctuaire, qui nous fatiguent de leur inutile bourdonnement, il est un essaim immense, laborieux, appliqué, qui répare incessamment les brèches de la ruche sociale, en consolide les fondements ébranlés, et y élabore en silence le miel parfumé des

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suprême, travail si invisible aux sens, que l'homme nie Dieu. C'est le travail de la nature, travail lent, mesuré, et pourtant d'une fecondité prodigieuse... »

Ainsi, que nous examinions la question au point de vue de la religion, du plus simple bon sens, ou de la philosophie, j'entends cette philosophie réellement philosophie, c'est-à-dire sagesse, nous arrivons toujours à la même conclusion, à savoir que, au lieu d'être contre la nature et le précepte divin, le célibat, bien pratiqué, rapproche l'homme de la Divinité, en le spiritualisant jusque dans son corps, et, l'ayant ainsi élevé audessus de ses semblables, le met en position de les détacher de plus en plus du vice et de la terre, et de les rapprocher des cieux, par la vertu.

CHANGEMENT DE RELIGION.

Objections. On ne doit point changer de religion. Vous en convenez vous-mêmes implicitement, quand vous jetez les épithètes d'apostat et de renégat à la face de ceux qui vous abandonnent. - Un honnête homme doit mourir dans la religion de ses pères.

-

Réponse. Oui, vous avez raison, on ne doit point changer de religion, quand on a la véritable; car, alors, on quitte la vérité pour l'erreur, la vertu pour le vice, on passe a l'ennemi, on sort de la voie qui conduit au ciel pour sa précipiter dans celle qui mène à l'enfer. On fait comme les mauvais anges, comme Cain, comme les idolâtres, comme les adorateurs du veau d'or, comme les Israélites retirés sur les hauts lieux, comme Judas, comme Julien sur la face duquel les catholiques, ses contemporains, ont appliqué Podieuse épithète d'apostat, que la postérité y a maintenue, comme ces lâches chrétiens qui ont renoncé à Jésus-Christ pour Mahomet, et auxquels on a appliqué l'épithète non moins odieuse de renégats.

Oui encore, on ne doit point changer de religion, même pour revenir à la véritable, quand on le fait sans conviction, par intérel, pour un motif mauvais, ou seulement hamain; car, alors, c'est trafiquer en quelque sorte des choses saintes, c'est mentir à Dieu.

Mais quitter une religion fausse pour revenir à la véritable, par conviction, parce que la lumière a frappé nos regards et que la grâce a touché notre coeur, pour obéir à la voix de notre raison, de notre conscience, à celle de Dieu, qui nous appelle à lui, Comme autrefois Paul sur le chemin de Damas, non-seulement ce n'est pas mal faire, tuais c'est faire au contraire tout ce qu'il y a de mieux, dans la position où l'on se trouve. Est-il bon, est-il permis de rester dans le vice? Non, me direz-vous. Pourquoi donc rester dans l'erreur, qui n'est pas autre chose, quand elle est connue, que le vice de la raiSon? Le changement de religion, alors, qu'estce autre chose qu'une véritable conversion,

qui cause au ciel plus de joie, d'après le témoignage même de Notre-Seigneur JésusChrist, que la persévérance de quatre-vingt dix-neufjustes, et qui met également la joie, sur la terre, dans le cœur du père de famille, et parmi tous les siens ? Saint Augustin n'a-t-il pas bien fait de se convertir? de renoncer aux erreurs qui égaraient son esprit, en même temps qu'aux plaisirs coupables qui égaraient son cœur? Saint Paul n'a-t-il pas bien fait également de se convertir? d'abandonner le judaïsme, en même temps qu'il cessait ses persécutions? Voyez-vous là une apostasie, c'est-à-dire un éloignement ? n'y voyez-vous pas plutôt un retour? retour honorable, pouvons-nous ajouter, retour heureux, non-seulement pour eux-mêmes, mais encore pour nous, car ils ont été les deux plus grandes lumières de l'Eglise, l'un parmi les apôtres, l'autre parmi les docteurs. Le monde entier n'a-t-il pas bien fait de se convertir, à la voix de JésusChrist et des siens ? Est-ce là une apostasie? N'est-ce pas plutôt un retour? retour heureux, ajouterons-nous encore; puisse-t-il toujours durer et même s'étendre de plus en plus, puisque c'est lui qui a éloigné de nous et éloigne encore chaque jour les ténèbres et les désordres de l'idolâtrie!

Ainsi, changer la religion véritable pour une fausse, c'est une apostasie, parce que c'est un éloignement du bien; changer une religion fausse pour revenir à la religion véritable, c'est une conversion, parce que c'est un retour au bien.

Et pourtant, me direz-vous, celui qui agit ainsi s'éloigne de sa religion, et, en même temps, peut-être, de la religion de ses pères.

Oui, pour revenir à celle qu'il avait abandonnée ou que ses pères avaient abandonnée, à quelque époque que cela remonte. Donc, c'est toujours un retour, une conversion vé ritable, avons-nous dit avec raison.

De là cette parole, aussi frappante de vérité que d'à-propos, d'un catholique à un protestant qui venait de lui dire Je veux

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mourir dans la religion de mes pères. Et moi, répondit le catholique, dans la religion de mes grands-pères. » Lui rappelant par là que les premiers protestants n'étaient que des déserteurs de la religion catholique, de celle de leurs pères, par conséquent.

A ce compte-là, me dírez-vous, les catholiques en auraient fait autant.

Non, car ils ne faisaient que réparer le tort qu'avaient eu leurs ancètres en quittant la religion véritable donnée à nos premiers parents, dès le commencement du monde, par Dieu lui-même, notre premier père incontestablement.

Un honnête homme doit mourir dans la religion de ses pères! avez-vous dit. — Et si c'est le mahométisme et même l'idolâtrie? -C'est différent, répondez-vous. Pourquoi cela, si ce n'est à cause de leurs erreurs? Il est donc permis et même ordonné de quitter une religion fausse pour revenir à la véritable. Un honnête homme doit mourir dans la religion de ses pères !Saint Paul n'était donc point un honnête homme? Les idolâtres, nos pères, qui ont quitté leurs idoles pour la religion chré

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tienne, n'étaient donc point des honnêtes gens? et, pour en revenir à des faits plus rapprochés de nous, plus en rapport avec ceux qui peuvent se passer sous nos yeux, ce n'était point un honnête homme que ce Henri IV, l'une des plus belles figures de notre histoire, et qui aurait laissé parmi nous une mémoire plus irréprochable encore, s'il avait soumis plus rigoureusement son cœur aux sévères prescriptions de la religion qu'il avait embrassée? Ce n'était donc point un honnête homme encore que ce Turenne, ce héros d'autant de cœur que de génie, l'un des plus grands hommes, sous tous les rapports, du siècle si grand de Louis XIV? Vous ne sauriez le dire. Il n'est donc point d'un malhonnête homme de quitter la religion de ses pères, quand on l'a reconnue fausse, pour revenir à la religion véritable. J'ajouterai que c'est un acte de sincérité, de courage, que c'est obéir à la voix de sa raison, de sa conscience, à celle de Dieu, qui a fait notre âme pour la vérité, et surtout pour la vérité religieuse, source de toute vertu.

CHANOINES, PRÊTRES INOCCUPÉS.

Objection. Des prêtres occupés, passe; mais des prêtres inoccupés, comme les chanoines, par exemple, à quoi cela sert-il?

Réponse. Est-ce que vous voyez des prêtres inoccupés, par hasard? des prêtres sans aucune préoccupation de la grande affaire de leur salut propre et de celui de leurs frères? Si vous en rencontrez quelqu'un, vous pourrez bien dire qu'il est encore prêtre de droit, puisqu'on l'est pour l'éternité, suivant la promesse qu'en a faite le Seigneur lui-même: Juravit Dominus, el non pænitebit eum: Tu es sacerdos in æternum secundum ordinem Melchisedech (Psal. CIX, 4); mais qu'il a cessé de l'être de fait; qu'on ne le compte plus dans cette milice sainte dont Jésus-Christ est toujours l'âme, le chef, la vie même. Heureusement, cela doit être bien rare, dans notre France principalement, où la milice sacrée n'a pas moins de valeur, dans l'ordre de la grâce, que la milice ordinaire, dans l'ordre de la nature.

On ne les emploie pas, me direz-vous.

C'est possible, mais ils s'emploient. N'eussent-ils pas d'autres titres, ils sont toujours prêtres, c'est-à-dire les ministres de Dieu, les envoyés de Jésus-Christ, ses représentants, son action, ceux à qui il a dit, de cette divine parole qui dure éternellement: Mais allez donc! instruisez toutes les nations! Euntes ergo, docete omnes gentes (Matth. XXVIII, 19).

Comment feraient-ils cela? demandezvous; ils ne quittent guère leur demeure. Croyez-vous qu'il y ait besoin d'aller bien loin pour accomplir, non pas totalement, nul ne le peut, mais en partie du moins, cette mission du Seigneur? Il n'y a

pas de population où l'on ne retrouve plus ou moins l'ignorance, les passions, toutes les misères que Jésus a ordonné aux siens d'aller combattre chez tous les peuples. Donc, quand le prêtre, sans bruit et sous les yeux de Dieu seul quelquefois, travaille à corriger tout cela, dans la modeste sphère où il se trouve placé, il travaille à l'œuvre du Seigneur, qui se multiplie à l'infini, pour subvenir aux besoins intinis de l'humanité. Ici, il dirige l'oeuvre qui a pour but de recueillir l'enfant abandonné à sa naissance; là celle qui se charge d'élever le pauvre orphelin; ailleurs, celle qui visite les malades; ailleurs encore, celle qui prend soin de la vieillesse... Ne me parlez donc point de prêtres inoccupés, car il me semble qu'il ne peut y en avoir de tels.

Vous citez les chanoines.

L'exemple est mal choisi; car tout le monde sait qu'il n'y a pas de chanoine qui ne soit attaché à une église, où doit s'écouler sa vie sacerdotale, suivant certaines règles plus ou moins nombreuses, plus ou moins sévères. De là, son nom de chanoine, d'un mot grec qui veut dire règle. Or, l'église est tout à la fois la maison de Dieu et celle des hommes. Le chanoine est donc particulièrement dévoué à la gloire de Dieu et au service de l'humanité. Voilà pourquoi, dès que l'Office est terminé, vous le voyez se rendre, soit au confessionnal, soit chez le pauvre ou le malade, soit dans son cabinet, où il se livrera à la culture des sciences et des arts, dans les intérêts de la religion et de l'humanité. Ajoutons à cela que, dans les églises cathédrales, les chanoines forment ce chapitre vénérable qui, comme le mot même le dit, est, sous la direction de l'évêque, la téte, caput, du clergé diocésain.

Là se trouvent ces vieillards de différents ages, blanchis physiquement ou moralement par l'exercice du saint ministère, par la vertu et par la science. Si on les considère dans leurs rapports avec la terre, c'est un sénat de la Rome chrétienne; si, dans leurs rapports avec le ciel, c'est cette assemblée de vieillards prosternés, ici-bas, en face du Dieu vivant, en attendant qu'ils le soient éternellement dans l'autre vie: Et viginti quatuor seniores ceciderunt in faciem suam: et adoraverunt viventem in sæcula sæculorum. (Apoc. v, 14.)

Il n'en est pas toujours ainsi, me direz

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des abus, quand je ne défends que la chose? Que n'a-t-on pas dit contre eux? objectez

Vous encore.

Mais que n'a-t-on pas dit également contre tout ce qu'il y a de plus irréprochable et de plus sacré ? Qui a dit cela, d'ailleurs? Des poëtes comme Boileau, c'est-à-dire des menteurs par imagination. Qui encore? Des philosophes, comme Voltaire, c'est-à-dire des menteurs par corruption d'esprit et de cœur. Or, de quelle valeur est une telle accusation? C'est bien le cas de le dire encore: Leur réprobation est une recommandation: Istorum reprobatio commendatio est.

CHAPELET.

Objections. Que signifie le chapelet, franchement? Il n'y a rien de plus monotone. Contentez-vous, du moins, de le mettre entre les mains des ignorants? Quant à ceux qui savent lire, pourquoi le prendraient-ils, puisqu'ils ont mieux dans leurs livres ?

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Réponse. Nous entendons ici, par chapelet, n'est-ce pas ? cette fraction du rosaire composée de cinq dizaines de cette prière en l'honneur de la Vierge, communément appelée: Je vous salue, Marie, chacune desquelles est précédée du Notre Père. Ces prières à réciter sont indiquées par autant de grains d'une matière quelconque, rapprochés les uns des autres. En tête est la croix et quatre grains à savoir, la croix, pour indiquer la récitation du Symbole, et les quatre grains pour faire réciter une fois Notre Père et trois fois Je vous salue, Marie. Cela reconnu, je me hâte d'en venir à vos objections.

Franchement, avez-vous demandé, que si nilie le chapelet?

Franchement, puis-je vous répondre, le chapelet a la signification la plus touchante, la plus haute, la plus salutaire aux yeux de lous, sans exception. Ne le voyez-vous pas à son nom, à sa forme, et surtout à sa nature intime, si je puis m'exprimer de la

sorte?

Le chapelet est ainsi appelé d'un vieux mot français chapel, lequel vient du mot atin caput, et veut dire ornement de tête. De là son nom latin Corona. Le chapelet est, en effet, comme une couronne de pensées saintes et de pieux sentiments, une veritable couronne de prières, de fleurs spirituelles, par conséquent, que les fidèles qui le récitent sont censés déposer sur la ère de la divine Mère en l'honneur de laquelle il a été institué. Si actuellement nous le considérons dans la main de ceux qui le disent, ne voyez-vous pas que c'est Comme une chaîne spirituelle tendue par a puissante Reine des cieux à ses faibles enfants de la terre, afin de les soutenir 3u-dessus de toutes les misères, de tous les piéges et de toutes les difficultés de ce DICTIONN. DES OBJECT. POPUL.

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C'est un livre, on l'a dit mille fois avant nous. C'est le livre de ceux qui ne savent pas lire, dit-on communément; et nous ajoutons, nous, que, si c'est le livre de ceux qui ne savent pas lire, ceux qui le savent s'en servent aussi très-avantageusement. C'est un livre véritable. disonsnous; car, qu'est-ce qu'un livre ? Une suite de signes éveillant en nous une suite d'idées correspondantes. Or n'est-ce pas là le propre du chapeiet? Le livre ordinaire parle à nos yeux, il est vrai, et celui-ci parle à nos doigts; mais cette différence s'arrête à la forme et n'atteint pas le fond. Qui ne sait, d'ailleurs, qu'il y a des livres faits de manière à parler aux doigts, au lieu de parler aux yeux? Tels sont les livres des aveugles. Ceux-ci allongent leurs doigts, et, au toucher, l'idée s'éveille en eux, à peu près comme au regard, dans les autres livres. Et voilà précisément ce qui a lieu quand on dit le chapelet. C'est donc un livre véritable, le livre de l'aveugle aussi, c'està-dire de celui qui a des yeux sans y voir en face d'un livre ordinaire; livre dont se sert avec avantage celui qui sait lire, avonsnous ajouté, soit parce qu'il est dans l'obscurité ou en voyage, soit parce qu'il veut faire acte d'humilité, déclarant, en quelque sorte, ne rien savoir, en présence de celui qui sait tout. Mais n'anticipons point. Cela viendra plus tard. Nous n'avons ici qu'à établir une chose, à savoir que le chapelet est un livre véritable. Oui, le chapelet est un livre, avons-nous dit avec raison, puisqu'il éveille en nous une suite d'idées ; et, de plus, c'est un livre ayant son introducduction, ses chapitres, son objet et son but. Son introduction, c'est la récitation du

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