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Symbole sur la croix, sur cette croix, signe de notre rédemption, abrégé de la doctrine chrétienne, source inépuisable de toutes les grâces. Son introduction encore, c'est la récitation préliminaire d'une fois Notre Père, et de trois fois Je vous salue, Marie, en l'honneur du mystère de la sainte Trinité, c'està-dire des trois personnes divines, réellement distinctes dans l'unité de leur substance. Remarquez, en cela, la sagesse de l'Eglise. Elle pouvait craindre que les fidèles, en récitant le chapelet en l'honneur de Marie, ne vinssent à perdre de vue que cette divine Mère n'est pour nous que médiatrice auprès de Dieu et non distributrice de ses grâces. Aussi a-t-elle bien soin de commencer par leur rappeler que la Divinité seule est la source de toutes les grâces, et que ces grâces ne nous sont données que par les mérites de Jésus-Christ, qui a souffert pour nous sur la croix.

Les chapitres de ce livre, si je puis m'exprimer de la sorte, ce sont les cinq dizaines, précédées chacune de Notre Père et suivies de ja doxologie en l'honneur de la Trinité, qui se chante ou se dit ordinairement après les psaumes. Que d'idées grandes, touchantes, instructives. dans ses chapitres! La paternité divine, la fraternité humaine, la haute protection de Marie à tous les moments de notre existence, et principalement à l'heure décisive de notre mort... tout est là. Vous allez me dire peut-être que c'est toujours la même chose. Nous répondrons plus tard à cela. Contentons-nous de dire ici qu'une seule de ces pensées sorties du cœur de Dieu et mise sur nos lèvres par l'Eglise, notre mère, sous une forme toujours la même, vaut mieux que mille sorties du cœur des hommes, et prétencieusement arrangées sous une forme toujours différente. C'est ainsi qu'un seul jour silencieusement et uniformé ment passé dans la maison du Seigneur vaut mieux que mille sous les tentes des pécheurs, malgré la bruyante variété de leurs joies.

Ce livre a son objet, avons-nous dit aussi. Cel objet, c'est la glorification de Marie. Il a également son but; c'est notre sanctification et notre éternel bonheur, au moyen des grâces que nous obtient de Dieu cette divine Mère, vers laquelle ne cesse de s'élever le cri de notre détresse et de notre amour. Quel objet donc, quel but important pour nous! Ah! nous ne saurions le perdre de vue, et nous devons faire tous nos efforts pour l'atteindre.

Voilà le chapelet, en quelques mols; non pas tel qu'il apparaît aux yeux de l'homme ignorant des choses de la foi; mais tel qu'il est réellement pour celui qui sait le comprendre. Demanderez-vous actuellement ce qu'il signifie?

Il n'y a rien de plus monotone, avez-vous dit.

Voyons ce reproche que vous avez déjà commencé à nous adresser. En quoi donc le chapelet vous paraît-il monotone? -Parce que c'est toujours la même chose, répondezvous. Adnicltons; mais, dites-moi, le cri

de la détresse n'est-il pas toujours le même celui de l'amour n'est-il pas également toujours le même? Sous cette forme, l'un et l'autre ont-ils jamais paru déraisonnables ou fastidieux à ceux de la bouche de qui ils sortent, à ceux à qui ils s'adressent ou à ceux qui les entendent? Voyez l'enfant, par exemple. Quand, à la vue d'un grand danger, il s'est précipité dans les bras de sa mère, que lui dit-il?« Mère, sauvez-moi!» Et il ne cesse de lui répéter la même chose, jusqu'à ce qu'il soit bien convaincu que le danger n'est plus, ou que du moins il a cessé de le craindre. Voyez-le encore témoignant à sa mère son amour filial. Que lui dit-il?«< Mère, que je vous aime! » Et il ne cesse de lui répéter à peu près les mêmes paroles, parce qu'il ne peut puiser ailleurs que dans son cœur, en pareil cas, et que dans ce cœur il n'y a pas autre chose. Cette répétition d'idées, je vous le demande, peut-elle paraître déraisonnable ou fastidieuse, en l'un ou l'autre cas? Non. A qui donc paraîtrait-elle ainsi, par hasard? Serait-ce à l'enfant ? Mais c'est tout ce qu'il sait dire en ce moment, Seraitce à la mère? Mais il ne peut y avoir rien de plus touchant pour son cœur. Serait-ce aux étrangers? Mais non, encore; parce qu'ils comprennent que c'est là la voix de la nature. Si quelqu'un en faisait la réflexion, vous seriez peut-être le premier à lui répondre: « Et ne voyez-vous pas que l'enfant ne doit ni ne peut dire autre chose ! » Or telle est précisément la double position du Chrétien, quand il dit le chapelet. Il fait entendre, tout à la fois, un cri de détresse et d'amour. Un cri de détresse, pour échapper aux dangers qui le menacent, un cri d'amour vers cette Mère céleste entre les bras de laquelle il désire se jeter. Il n'est donc point étonnant que son cri soit toujours le même; et, quand vous me dites que c'est de la monotonie, je suis en droit de vous répondre aussi : « Mais c'est la voix de la nature, et la religion qui ne peut qu'approuver et diriger ce qu'il y a de bien dans la nature, n'a pas dû mettre autre chose dans son cœur et sur ses lèvres. »

Cette répétition d'idées se retrouve également, et pour les mêmes raisons, dans nos litanies, dans les prières d'une éloquence profondément passionnée, dans les psaumes surtout. Mais aussi quels cris de détresse dans ces psaumes! Quel ardent amour! « Le Psalmiste se répète, » dit Laharpe, a mais c'est toujours Dieu qu'il chante, c'est toujours à Dieu ou de Dieu qu'il parle, et le cœur ne peut parler à Dieu ou de Dieu qu'a vec amour; et qu'est-ce donc qui caracté rise l'amour, si ce n'est le plaisir et le besoin de dire sans cesse la même chose? Sans doute, l'amour, en s'adressant au Créateur, s'épure, s'ennoblit et s'élève; mais il ne change pas son caractère essentiel ; et comme celui qui aime ne s'occupe uniquement que de satisfaire et de répandre son âme devant ce qu'il aime, et d'exprimer ce qu'il sen, sans songer à varier ce qu'il dit; comme c'est cela même qui imprime le cachet de la

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vérité à ses discours et à ses écrits, et qui persuade le mieux la personne aimée; croiton que l'amour de Dieu doive être moins affectueux et moins surabondant?

On raconte d'un saint que sa prière n'était autre chose qu'une méditation habituelle sur les miséricordes divines, dont il ne sortait que pour prononcer toujours les mêmes paroles: O bonté! ô bonté! 6 bonté infinie! et il pleurait...

Voyez dans l'Evangile la Chananéenne suivre obstinément Jésus-Christ, pour en obtenir la guérison de sa fille. Songe-t-elle à varier son discours? Que dit-elle? Rien que ces mots qu'elle va répétant à chaque pas: Jésus, fils de David, ayez pitié de moi : ma fille est tourmentée par le démon. (Matth. xv, 22.) Les disciples eux-mêmes en sont impatientés (car ils n'avaient pas encore reçu l'Esprit); ils prient leur Maitre d'éloigner cette femme importune. Mais le Maître qui ne voulait que montrer aux Juifs un exemple de patience et de foi dans une femme idolâtre, finit par l'exaucer, et donne une leçon à ses disciples, en leur disant qu'il n'a pas encore trouvé tant de foi dans Israël. » (Ibid., 28.) Psautier français: Discours préliminaire.

Ajoutons ici que cette répétition des mêmes idées doit paraître moins fastidieuse, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer,à cause de leur excellence. On rapporte que saint Jean, devenu vieux, se faisait néanmoins transporter dans l'assemblée des fidèles, et que là, ne pouvant plus faire de discours, il se contentait de dire: Mes chers enfants, aimez-vous les uns les autres. Comme on lui demandait pourquoi il répétait toujours la même chose: Parce que, répondait-il, c'est leprécepte du Seigneur, el que, si on l'observe, cela suffit. Celui qui dit son chapelet peut répondre à peu près la même chose à celui qui lui reprocherait de répéter toujours les mêmes prières. Ces prières adressées au Seigneur et à sa sainte Mère sont les prières par excellence, peut-il dire également, et, si on les répète bien, cela suffit. »

Reconnaissons toutefois que, quelque excellentes que ces prières soient en ellesmêmes, elles n'ont de valeur pour l'homme qu'autant qu'elles sont dites avec attention, et que cette attention ne se soutient pas facilement, surtout quand on les répète bien. des fois de suite. Or voici ce qui nous vient alors en aide. Il y a dans le chapelet cinq dizaines, avons-nous dit. Ces dizaines sont toutes les mêmes; mais nous pouvons dire chacune d'elles à une intention différente. Qui ne voit dès lors que, les mots restant les mêmes, les idées peuvent varier complétement? Expliquons cela par un exemple. Quoiqu'il nous soit recommandé de ne jamais perdre de vue la sainte Vierge, quand nous disons le chapelet, puisque c'est à elle que cette prière s'adresse d'une manière Spéciale, quoiqu'on nous indique, d'une manière générale, les intentions avec lesquelles nous devons le dire, tant dans son ensemble que dans ses parties, nous restons

libres pourtant de ces intentions. Voici donc. je suppose, les intentions que j'aurai en le disant. Par la première dizaine, je demande mon amélioration spirituelle; par la seconde, l'amélioration spirituelle de mes frères; par la troisième, l'extension de la foi; par la quatrième, le soulagement de ceux qui souffrent; par la cinquième, la délivrance des âmes du purgatoire. Qui ne voit dès lors la plus grande, la plus salutaire variété succéder à une fatigante uniformité dans la récitation du chapelet?

Pendant la récitation de la première dizaine, j'ai continuellement sous les yeux, de la manière la plus frappante, les besoins nombreux de mon âme. Je vois ses ignorances, sa faiblesse, ses passions, son peu de vertu, ses chutes honteuses après quelques jours d'efforts et de progrès... J'expose donc tout cela à Dieu, et je demande, avec instance, à ce bon Père des cieux, par l'intercession de Marie, ma mère, toutes les gråces qui me sont nécessaires, pour changer ou pour améliorer du moins ma position.

Pendant la seconde dizaine, sans perdre de vue mes propres besoins, je penserai à ceux de tous les Chrétiens, mes frères; je penserai particulièrement aux besoins de mes parents et de mes amis, qui me sont attachés par des liens plus intimes. Je me sens alors au sein de cette immense famille, composée d'une infinité d'autres, famille dont Dieu lui-même est le père, et dont la sainte Vierge est aussi la mère. J'ai sous les yeux une partie de ses innombrables besoins, son aveuglement, sa faiblesse pour le bien, en même temps que sa puissance pour le mal, si je puis m'exprimer de la sorte, les passions qui la déchirent, et les désordres affreux qui en sont la suite inévitable... J'expose encore à Dieu tout cela, et je lui demande également avec instance, par l'intercession de la sainte Vierge, toutes les grâces nécessaires pour changer ou améliorer du moins cet état de choses.

Pendant la troisième dizaine, sans perdre de vue les besoins de la famille chrétienne, je pense aux besoins plus grands encore de tant de peuples déshérités jusqu'ici des bienfaits de la foi. Je me rappelle ce que j'ai lu ou entendu raconter quelquefois de leur incroyable aveuglement et de leur corruption. plus grande encore peut-être. Je prie donc le Seigneur, par l'intercession de sa divine Mère, de faire luire enfin sur eux le flambeau de la foi, qui nous a appelés nous-mêmes précédemment des ténèbres de l'intidélité aux lumières de la vérité et de la justice; et je m'associe, en quelque sorte, par la pensée, à ces missionnaires qui sont allés, avec un courage et un zèle véritablement apostoliques, leur annoncer l'Evangile.

Pendant la quatrième dizaine, je passe à un ordre d'idées complétement différent. Je pense à ces infortunés à qui s'adressent ces paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ: Venez à moi, vous tous qui travaillez et qui fles chargés, et je vous soulagerai. (Matth. x1,28.) Donc, en présentant au ciel les besoins de la

terre, j'entends les gémissements, les soupirs, les cris pénétrants de la douleur. Je vois toutes les tortures de l'agonisant. L'affreuse mort elle-même m'apparaît avec son cortège de souffrances indicibles et de terreurs plus grandes encore sans aucun doute Notre Père, m'écrierai-je d'un cœur profondément pénétré, délivrez-nous du mal !... Sainte Marie, priez pour nous, maintenant et à l'heure de notre mort!

Pendant la cinquième dizaine enfin, je passe encore à un autre ordre d'idées. Elevé de la terre jusqu'au ciel, je redescends à ce lieu de purification où souffrent les âmes qui n'ont point encore entièrement satisfait à la rigoureuse justice de Dieu. J'entends leurs supplications touchantes. Une voix bien connue surtout a frappé mes oreilles : Ayez pitié, ayez pitié de moi, vous du moins qui fûles mes amis, parce que la main du Seigneur m'a touché (Job xix, 21), s'écrie-telle comine Job, l'homme de la douleur. Mon cœur est de plus en plus attendri; et je prie la divine miséricorde, avec une nouvelle ferveur, en considération de celle qui fut conçue sans péché, d'abréger autant que possibie le temps de ces cruelles épreuves.

Quoique ces intentions soient celles avec lesquelles chacun de nous récite le plus communément son chapelet, on comprend cependant que nous pouvons et que nous devons même les changer à l'occasion : ce qui met encore une nouvelle variété d'idées dans l'uniformité matérielle de cette prière. Ainsi, d'une part, l'uniformité qu'on remarque dans la récitation du chapelet n'est pas aussi réelle qu'elle est apparente; d'une autre part, ce qu'il y a d'uniforme dans cette récitation se conçoit très-bien, et se trouve même basé sur la nature des choses. Vous avez donc tort de dire que rien n'est plus monotone. Contentez-vous, du moins, de le mettre entre les mains des ignorants, avez-vous dit

encore.

Et pourquoi donc le savant ne le prendrait-il pas aussi, s'il le désire, s'il trouve cela plus commode ou plus avantageux en certaines circonstances, comme nous allons le dire tout à l'heure? Mais n'anticipons point. Nous en sommes à ceux qui n'ont point reçu d'instruction. Nous conviendrons volontiers que c'est pour eux que fut instituée d'abord cette sorte de prière, et que c'est à eux encore que la pratique en est particulièrement recommandée.

On attribue généralement à saint Dominique l'institution du rosaire, comme nous le disons ailleurs. Mais on croit, généralement aussi, qu'il y avait auparavant quelque chose de semblable dans l'Eglise. Pierre l'Ermite faisait, dit-on, réciter aux croisés une sorte de chapelet. C'était pour eux comme un psautier laïque; c'était comme un refrain propre à exciter et à entretenir en eux l'ardeur tout à la fois religieuse et guerrière dont ils avaient besoin pour mener à bonne fin la grande et difficile entreprise à laquelle il les entraînait. On a trouvé dans le tombeau de saint Norbert, mort en 1134, et dans celui

de sainte Gertrude de Nivelles, décédée en 667, des grains enfilés, qui ne pouvaient guère être que des grains de chapelet. Il paraît même certain que cette manière de prier était en usage chez les solitaires de la Palestine, au milieu de leurs travaux manuels principalement. Quoi qu'il en soit de origine de cette prière, c'est au besoin qu'il faut l'attribuer. Or, le besoin s'en faisant surtout sentir pour ceux qui ont moins d'instruction que les autres, c'est donc pour eux, avons-nous dit avec raison, qu'elle fut d'abord établie. J'ai ajouté que c'est à eux encore que la pratique en est particulièrement recommandée.

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« Mon Dieu!» s'écrie le pauvre petit påtre, occupé chaque jour à garder son troupeau, « je voudrais bien rester toujours hounête, mais je sens que je le pourrai difficilement. Pourquoi donc, mon fils? lui dit son directeur, le représentant de Dieu à son égard, le seul ami peut-être qu'il ait sur la terre.-Pourquoi, mon père? Mais parce que l'idée me vient toujours, je ne sais d'où, d'aller dérober le bien d'autrui. C'est le démon qui t'inspire cela, mon enfant. Repousse donc cette mauvaise idée par la prière. - Je prie aussi; mais ma prière est bientôt faite. Si encore je savais lire. Oh! que je regrette de ne pas le savoir. Que ce serait une agréable et utile occupation pour moi pendant ces longs jours où je suis attaché à la garde de mon troupeau. Eh bien! mon enfant, il faut dire ton chapelet. Tu n'ignores pas que c'est le livre de prières de ceux qui n'en connaissent pas d'autres.»>

L'enfant suit le conseil qui lui a été donné. Il est quelque temps à se faire à cette sorte de prière. Mais il finit par y prendre goût, et il y trouve les consolations et la force dont il reconnaissait avoir si grand besoin.

<< Mon Dieu!» s'écrie aussi l'infortunée mère de famille, « que la veillée est longue et pénible pendant les soirées d'hiver ! Mon malheureux mari les passe toutes au cabaret, et il me laisse seule avec les pauvres enfants qui crient et n'ont quelquefois rien à manger. J'ai bien envie de l'imiter, et d'aller aussi, de mon côté, chercher des distractions. Gardez-vous de le faire, lui dit un conseiller religieux: car vos enfants n'ont que vous, et, si vous les abandonnez, ils n'auront plus rien. Que faire done? demande la mère. Travailler et prier. Mais, quand j'ai fini de travailler, j'éteins ma chandelle par économie: et, d'ailleurs, je ne sais pas lire. Dites votre chapelet: c'est le livre de prières de la pauvre femme au coin de son feu. Si vous savez bien faire cette prière, Notre-Seigneur et sa divine Mère seront alors votre compagnie. I ne vous restera plus rien sans doute à désirer.»> Cette femme suit encore ce conseil, et elle s'en trouve également bien.

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« Comment donc voulez-vous que j'aille prier avec les autres Chrétiens,» dit de son côté celui qu'un accident a privé de la lumière du jour? Je ne puis suivre ni ce que dit le prêtre, ni ce que disent les assistants.

Si encore je voyais ce qui se fait. Ce serait pour moi comme un livre en action. Mais non, rien. Oh! qu'on est malheureux de se trouver dans une telle position. Tenez, au lieu d'aller prier, comme vous me le conseillez, je serais plutôt tenté d'aller me noyer. - Ce serait un bien triste expédient; car, pour vous épargner quelques heures d'ennui et de souffrances, vous vous précipiteriez dans l'abîme de tous les maux. Que faire donc ?-Mais prier, » vous dis-je. « Vous ne pouvez plus lire. Prenez votre chapelet: un tel livre se lit avec les doigts. »

L'aveugle le fait; et il trouve là encore un adoucissement à sa grande infortune.

Nous pourrions multiplier nos exemples à l'infini; mais le fond en serait toujours le même. Arrêtons-nous donc là, et concluons que, de même que le chapelet a été institué pour ceux qui en savent le moins, c'est à eux également que l'usage en est encore particulièrement recommandé dans l'Eglise. Est-ce à dire pour cela qu'il soit méprisable, ou qu'il doive être regardé comme un pisaller? Ah! bien au contraire, puisqu'il est une lumière pour l'aveugle, un trésor pour le pauvre, une consolation pour la classe la plus nombreuse et la plus intéressante de l'humanité. En quelle estime ne tenons-nous pas ces méthodes inventées par quelque génie bienfaisant, pour mettre plus complétement en rapport avec leurs semblables ceux qui en étaient séparés, jusqu'à un certain point, par une infirmité grave, comme l'aveugle ou le sourd-muet? Quoi donc! Voilà une pieuse méthode inventée aussi par un génie bienfaisant, pour mettre plus complétement en relation avec Dieu ceux qui n'ont pas, sous ce rapport, les mêmes ressources que les autres dans le développement de leurs facultés intellectuelles, et vous n'en feriez aucun cas? et ce serait même pour vous un objet de dérision? Quelle coupable inconséquence!

Quant à ceux qui savent lire, avez-vous ajouté, pourquoi le prendraient-ils, puisqu'ils ont mieux dans leurs livres.

Ils ont mieux dans leurs livres, dites-vous! Vous vous trompez : ils n'ont pas mieux, et ils ne sauraient avoir mieux. Les deux prières qui dominent et reviennent même con. tinuellement dans le chapelet, sont le Notre Père, et Je vous salue, Marie. La première s'adresse à Dieu lui-même, et a été composée par Notre-Seigneur Jésus-Christ. La seconde s'adresse à la sainte Vierge, et se trouve composée des paroles de l'ange, saluant Marie comme mère de Dieu, et de celles de l'Eglise, nous apprenant à l'invoquer comme telle. Or, rien que d'après cette courte explication, et sans entrer dans de plus longs détails que ne demande point le sujet que nous traitons, il vous est aisé de voir qu'il n'y a point, et qu'il ne saurait y avoir ailleurs de meilleures prières.

Mais, sans avoir mieux que ces deux priè res, ceux qui savent lire en ont d'autres du moins dans leurs livres, et ces autres prières, il leur est bien permis, il leur est même

instamment recommandé de les dire. C'est une nouvelle source de pensées saintes et de pieux sentiments, c'est un nouveau ressort qui frappe l'âme aussi et la fait monter vers les cieux où l'appelle avant tout la voix du Seigneur. Est-ce à dire pour cela qu'ils ne puissent pas prendre quelquefois le chapelet, ni qu'on ne doive le leur recommander? Non, assurément. Et pourquoi ne prendraient-ils pas le chapelet, s'ils le désirent, s'ils sentent que cela va faire un peu de bien à leur âme fatiguée par la lecture? Vous dites vous-même qu'il faut de la variété à nos prières, que c'est le moyen de leur conserver ce feu sacré dont elles ont besoin pour monter vers le ciel. Eh bien le chapelet sera aussi un moyen de leur donner cette variété désirable. Voyez le prêtre, par exemple. Il a passé la plus grande partie de la journée à l'église ou dans son cabinet, occupé à de saintes méditations ou à de pieuses lectures. Il en est tout épuisé. Vers le coucher du soleil, il prend son chapelet, et, soit en se promenant dans son jardin, soit en allant visiter ses malades, il prie avec une émotion dont il croyait lui-même alors son cœur incapable.

Vous savez lire, dites-vous ! Pourquoi prendre un chapelet? Mais c'est pendant ja nuit, et je ne puis trouver le sommeil. J'ai essayé de méditer quelque grande vérité: hélas ! mon âme est épuisée aussi bien que mon corps. Que faire done? Ah! de grâce, laissez-moi prendre mon chapelet, et bégayer à Marie la prière accoutumée, comme le plus petit de ses enfants.

Vous savez lire, dites-vous ! Pourquoi prendre un chapelet? prendre un chapelet? - Mais ne voyez-vous pas que je suis en voyage; que ma course est longue et fatigante, comme celle, je suppose, du missionnaire au milieu des déserts, courant après le pauvre idolâtre, pour le faire entrer dans le bercail de Jésus-Christ. Je ne puis lire, ni même réfléchir trop sérieusement. La marche, la préoccupation, la crainte, tout contribue à distraire mes yeux et mon esprit. Eh bien ! donc, encore, laissezmoi prendre mon chapelet. Marie m'écoutera cependant, car je suis son fils bien-aimé, dans l'union de son divin Fils; et j'ai l'espoir que de son cœur maternel va tomber dans mon cœur épuisé la douce rosée de son amour une nouvelle qui me donnera comme

vie.

Vous savez lire, dites-vous! - Sans doute, je sais lire, et c'est précisément, en lisant les saints livres, que j'ai appris que, quand plusieurs se sont réunis au nom de Jésus-Christ, ce bon Maître aime à se trouver au milieu d'eux. Donc, plus l'union des fidèles sera grande, et plus ils pourront compter aussi sur la présence de Jésus-Christ, et par conséquent, sur sa divine assistance. Or, quelle union plus grande que celle qui a lieu par la récitation du chapelet? De ce divin banquet de prières, nul évidemment n'est exclu, ni le pauvre, ni l'ignorant, ni le petit enfant. Tous répètent absolument les mêmes

paroles, tous ont à peu près alors les mêmes pensées et les mêmes sentiments.

Vous savez lire, dites-vous! - Oui, je sais lire; et c'est précisément en lisant les saintes Ecritures que j'ai appris que l'homme plaît, toujours à Dieu par l'humilité, et jamais par l'orgueil. Laissez-moi donc faire acte d'humilité, en récitant avec le pauvre, l'ignorant et le petit enfant, la prière du pauvre, de l'ignorant et du petit enfant. Laissezmoi dire ainsi, en quelque sorte, avec le prophète Jerémie : A, a, a, Seigneur Dieu, vous voyez que je ne sais point parler; car je suis un enfant : « Et dixi: A, a, a, Domine Deus; ecce nescio loqui, quia puer ego sum. » (Jerem. 1, 6.) Je ne puis que bégayer les paroles que vous m'avez vous-même enseignées, ou que l'Eglise m'a répétées de votre part. La prière est devant Dieu comme l'homme qui la lui adresse. Celle qui s'élève est abaissée, mais celle qui s'abaisse est élevée. Elle monte donc au plus haut des cieux, d'où elle fait descendre sur nous les bénédictions les plus abondantes du Seigneur.

« Parmi les pratiques pieuses autorisées et recommandées par l'Eglise en l'honneur de la très-sainte Vierge, lisons-nous dans l'Ami des familles, il en est peu dont l'efficacité ait été constatée plus souvent par l'expérience que la récitation du chapelet. Nous pourrions citer des faits nombreux; en voici un dont nous osons garantir la certitude:

« Une dame chrétienne avait un mari, honnête homme selon le monde, professant même un certain respect pour la religion, mais ne remplissant jamais aucun devoir religieux. Elle l'avait souvent exhorté à revenir aux pratiques dont elle lui donnait l'exemple; elle l'avait mis en rapport avec des personnes pieuses, espérant que leurs conseils le détermineraient à secouer le joug du respect humain; elle avait tenté, en un mot, tous les moyens que peuvent suggérer la foi, l'amitié, le dévouement: mais il demeurait toujours inflexible. Sa femme en gémissait amèrement; toutefois, loin de se décourager, elle

espérait encore et redoublait d'efforts dans ses prières, convaincue qu'elle obtiendrait enfin la grâce qu'elle sollicitait avec tant de ferveur.

« Un jour que ce désir la préoccupait plus vivement que de coutume, elle eut la pensée de recourir à la puissante intercession de celle que l'on n'invoque jamais en vain, et promit de réciter à cette intention le chapelet chaque jour pendant un mois. Elle tint cette promesse fidèlement, et, comme à la fin du mois devait se célébrer une fête de la très-sainte Vierge, elle ne manqua point d'aller, la veille de cette fête, se confesser, selon sa pieuse habitude. Au retour, son mari l'aborda, le sourire sur les lèvres, et lui demanda d'où elle venait. - Je viens, répondit-elle, d'un lieu où je voudrais bien te conduire toi-même. - Comment donc ? Et oui, je viens de l'église. - Eh bien! est-ce que, moi aussi, je n'y vais pas quelquefois entendre la Messe? Oui, mais moi j'y vais aussi pour autre chose... tu sais bien! J'entends... cela, ma chère, est bon pour de petites dévotes comme toi. - Cela, mon ami, est bon aussi pour les hommes, et surtout pour les pères de famille qui ont du cœur et de la foi. Au fait, tu as raison, je ferai peut-être bien d'imiter ton exemple... qu'en penses-tu?

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Alors l'heureuse épouse se précipitant au cou de son mari, l'embrasse avec tendresse et s'écrie: Oh! quel bonheur, si vraiment tu voulais redevenir Chrétien! mon ami, je ne désire que cela, je l'ai démandé tous les jours à la très-sainte Vierge durant ce mois, en récitant pour toi mon chapelet. Oh! j'ai la confiance que Marie m'a exaucée. Oui, mon enfant, tu as été exaucée, car ce soir même je veux que tu me conduises vers l'homme de Dieu qui te conseille et te dirige si bien. C'est à lui que j'ai résolu de me confesser.

« Une heure après, il était agenouillé au tribunal de la pénitence, et son heureuse épouse pleurait de joie au pied de l'autel de la très-sainte Vierge. »

CHARITÉ.

Objections. La charité n'est point une vertu catholique, comme vous le prétendez: elle est le propre de l'humanité. Que de dureté, au contraire, dans le prêtre luimême!

Réponse.Qu'entendez-vous donc quand vous dites que la charité n'est point une vertu catholique, mais le propre de l'humanité? Que cette vertu est en germe dans le cœur de tous les hommes en général?

Sans doute, puisque l'homme a été créé à l'image de Dieu, qui est toute charité: Deus charitas est. (I Joan. iv, 16.)

Que ce germe s'est développé en plusieurs, avant la venue de Jésus-Christ?

Il le fallait bien: autrement, nul n'aurait été sauvé.

Prétendez-vous autre chose? voulez-vous

dire que cette belle vertu de charité, qui a changé la face de la terre, est sortie telle qu'elle est des entrailles de l'humanité, et ne doit point son extension et sa force à l'heureuse influence de notre sainte religion? Ce serait aller contre les faits les plus éclatants de l'histoire. Voyez le monde avant l'établissement du christianisme! Les sentiments qu'on trouve partout sont précisément ceux de l'égoïsme, qui ne songe qu'à soi, et de l'ambition, qui cherche l'asservissement des autres, c'est-à-dire les deux plus mortels ennemis de la charité, qui n'est que le dévouement de l'amour. Mais, à peine Jésus-Christ s'est-il immolé sur le Calvaire pour le salut du monde, de son cœur extérieurement percé par la lance d'un soldat, intérieurement par l'amour, sort aussitôt ce beau fleuve de la charité, qui se répand d'a

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